Enfin, il est également difficile d’évaluer les valeurs de la biodiversité, ce qui complique encore
son utilisation. À la lumière des connaissances disponibles, il est en effet délicat d’évaluer le
coût d’une perte de biodiversité locale, à la fois en termes de services écologiques et de fonc-
tionnement de l’écosystème, d’adaptabilité de l’écosystème et de capacité de réponse au chan-
gement, et de risque d’extinction des espèces.
Description de la biodiversité forestière
En dépit de l’intérêt croissant porté à la biodiversité depuis une quinzaine d’années, les connais-
sances disponibles en France pour en définir l’état, en forêt et hors forêt, restent limitées. Pour
la plupart des groupes taxinomiques, il n’existe pas de tableau de bord, de
checklist
, de cata-
logue des espèces que l’on peut rencontrer en forêt ou strictement forestières, des espèces
remarquables (rares, patrimoniales) ou communes et ordinaires. De nombreux segments de la
biodiversité, malgré leur rôle dans des services écologiques importants et dans le fonctionne-
ment des écosystèmes forestiers, sont très mal connus : microfaune du sol, nombreux groupes
d’Arthropodes, Champignons…
Le tableau I (p. 267) présente quelques chiffres synthétiques mais approximatifs du nombre
estimé d’espèces forestières dans différents groupes animaux et végétaux.
En complément, on manque de suivis d’espèces représentatifs de la situation française.
D’autre part, les outils de description de la forêt française n’ont pas été conçus pour décrire l’en-
vironnement de la biodiversité forestière. Ils sont souvent dérivés d’instruments de mesure de la
ressource économique en bois, à l’image des données sur le bois mort inscrites dans les indi-
cateurs de gestion durable de l’IFN (Hamza
et al
., 2007), et ont une utilité limitée pour décrire
les habitats de nombreuses espèces forestières. L’absence de cartographie des forêts anciennes,
au moins des forêts présentes au moment où la surface forestière a été minimale (14 % du terri-
toire national vers 1850), fait également défaut pour aider à définir les zones à enjeu. Sur ces
deux points, des progrès sont néanmoins à noter dans le cadre de projets de recherche natio-
naux récents.
La biodiversité forestière : quels enjeux ? Quelle vulnérabilité ?
Les principaux enjeux de biodiversité forestière portent sur des éléments (espèces, populations)
que l’on ne trouve qu’en forêt et qui sont particulièrement sensibles à la gestion, ou qui sont
menacés (Gosselin et Paillet, 2010). L’attention doit donc être orientée en priorité vers :
— les espèces qui dépendent de la forêt, typiquement forestières et sensibles aux interven-
tions sylvicoles : inféodées aux stades tronqués par la gestion (stades âgés et pionniers), peu
mobiles, sensibles au dérangement ou au tassement, ou d’intérieur forestier (fuyant les lisières) ;
— les groupes d’espèces dont la forêt dépend, c’est-à-dire les groupes fonctionnels impor-
tants comme les arbres, les pollinisateurs, les prédateurs, les décomposeurs ;
— les espèces menacées : pour certains groupes, comme les plantes vasculaires et les
oiseaux, les statuts de menace d’extinction des espèces forestières sont plutôt meilleurs que
ceux des espèces terrestres non forestières, alors que l’inverse était observé jusqu’à récemment
pour les Mammifères.
Les espèces associées au bois mort, dites saproxyliques, méritent une attention particulière à
plusieurs titres : elles dépendent majoritairement de la forêt, elles représentent le quart des
espèces forestières (10 000 espèces, en majorité des Champignons et des Coléoptères) et leurs
microhabitats sont perturbés par la gestion, au point que 20 à 50 % des espèces figurent sur
les listes rouges de certains voisins européens dont l’Allemagne.
266 Rev. For. Fr. LXIII - 2-2011
CHRISTOPHE BOUGET - FRÉDÉRIC GOSSELIN - MARION GOSSELIN