Des OMD aux ODD, une avancée décisive pour une économie plus

Des OMD aux ODD, une avancée
décisive pour une économie plus
durable.
Octobre 2016
Le lundi 10 octobre, au siège des Nations Unies, plusieurs ministres,
investisseurs, entrepreneurs et fondations ont participé à la
conférence « Financial solutions for the Sustainable Development
Goals » (quelles solutions financières pour soutenir les objectifs de
développement durable ?), organisée par la Rockefeller Foundation,
membre du Pacte mondial des NU.
Les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) adoptés en septembre 2015 succèdent aux
Objectifs du Millénaire pour le veloppement (ou OMD). Ces nouveaux objectifs fixent le cap des
politiques à mener pour les 15 prochaines années. De 2000 à 2015, les Objectifs du Millénaire pour le
Développement des Nations Unies ont été linstrument dun recul remarquable de la pauvreté. Dans
ces conditions, les ODD répondent-ils à une réelle nécessité ? La réponse est oui. En élargissant le
rayon daction à lensemble des pays, les ODD marquent en effet un changement de taille par rapport
aux OMD, qui étaient essentiellement axés sur la réduction de la pauvreté.
Alors que la COP22 débute à peine, penser que nous avons un avenir en commun fait plus que
jamais sens. Intéressons-nous aux inégalités. Les marchés développés ont vu leur dette bondir
principalement à cause dune répartition inégale des revenus. Même si certains pays, grâce au
rempart de leur système de protection sociale, sont parvenus à atténuer les effets de la
mondialisation, il est clair que les retombées de cette mondialisation nont pas profité à tous de la
même manière.
Dans les pays développés, la consommation pèse lourd dans le PIB. Ces 20 dernières années, libre-
échange et chasse au coût se sont finalement soldés par de grandes désillusions. Dun côté, la
numérisation progressive de larges pans de léconomie a certes profité à quelques acteurs qui
dégagent des profits colossaux, mais est-il raisonnable de laisser les gagnants tout remporter ? De
lautre, lorsque le salaire moyen stagne, le seul moyen de « faire consommer » est douvrir le robinet
du crédit et doffrir des produits toujours plus « bon marché ». Mais, peut-on réellement continuer de
fermer les yeux sur ce que cache une paire de jeans vendue à un prix dérisoire, et nier les liens de
cause à effet avec la catastrophe du Rana Plaza ? Dans ces conditions, les pays de lOCDE devront,
outre maintenir leurs efforts pour aider les marchés émergents à se velopper, réformer leur propre
marché domestique, en encourageant plus particulièrement :
linclusion économique, ainsi que
des modèles de consommation et de production durables.
Les écarts entre les très pauvres et les très riches se creusent et se généralisent, une situation
intenable qui, si elle senlise, ne fera quaggraver la grogne sociale et la migration, ce qui naugure
rien de bon…..
En tant que fonds de retraite, lERAFP a une vision à très long terme. Le fonds est convaincu que la
recherche de profits immédiats et élevés nuit au rendement durable et quil serait bien imprudent de
croire que lenjeu crucial du moment, à savoir la transition vers une économie durable, et le retard pris
dans les actions à mener dans ce domaine, nauraient aucun effet sur ses actifs.
LERAFP a rejoint lIIGCC il y a 3 ans, intimement persuadé que le changement climatique risque de
menacer sa capacité à tenir son engagement de verser des prestations de retraite à ses bénéficiaires.
Les investisseurs à long terme sont de plus en plus nombreux aujourdhui à prendre conscience du
risque quils détiennent des actifs déjà dévalués dits « épaves » (ou pire encore, quils continuent
dinvestir dans des actifs qui ne tarderont pas à devenir obsolètes). En Europe, bon nombre des plus
grands fonds de pension, ainsi que certains gestionnaires financiers, ont adhéré à lIIGCC, dont les
130 membres gèrent quelque 13 000 milliards deuros. Le principal enseignement de cette
conférence à NY est que le défi du changement climatique ne pourra être relevé, ni ne saurait lêtre,
sans une réflexion approfondie sur la manière dont la poursuite des ODD participera à notre réussite
ou précipitera notre échec. Nous savons aujourdhui que le changement climatique impacte
majoritairement les plus démunis, étant donné que ces populations sont la plupart du temps les plus
exposées géographiquement aux conséquences du dérèglement climatique et sont dans
limpossibilité de sassurer. Il faut également comprendre que la pauvreté ne laisse pas toujours le
choix. Les foyers habitant des zones non desservies par le seau électrique, sans accès à lénergie
solaire, sont contraints de cuisiner au feu de bois même si cette pratique accentue la désertification.
Lors dune allocution, M. Ban Ki Moon, Secrétaire général aux Nations Unies, a rappelé limportance
de mobiliser les capitaux privés. Tout le monde saccorde désormais à reconnaître que le vrai défi,
outre la nécessité de maintenir lafflux dinvestissements publics dans les projets des économies
émergentes, est de convertir ces milliards de milliards de fonds, cest-à-dire de capitaux
institutionnels. Or dans ce domaine, bien des obstacles restent à surmonter.
Le plus manifeste dentre eux est ce que le Président Obama a qualifié de plus grand échec du
marché de notre temps, à savoir labsence de prix du carbone. Consommateur, épargnant, parfois
entrepreneur, nous prenons tous des décisions. Pourquoi est-il donc si difficile davancer sur ce front ?
La Suède et la Colombie-Britannique confirment que le baromètre « prix » est un puissant moteur de
changement. Le cours du pétrole est bas. Le moment est donc idéal pour taxer les combustibles
fossiles et réinjecter cette recette dans léconomie.
Lincohérence des règlementations est un autre frein. Un des participants rappelait que lachat
dobligations souveraines auprès dun État très endetté nengendre aucune charge de capital,
linvestissement étant jugé sans risque. A contrario, investir dans un projet dinfrastructures est
considéré comme très risqué, ce qui justifie une charge en capital exorbitante. Comment peut-on
prétendre encourager linvestissement à long terme dun côté tout en maintenant une règlementation
qui le décourage de lautre ? Pour les investisseurs à très long terme comme les fonds de retraite, la
volatilité du cours des actifs ne constitue pas une bonne mesure du risque.
Une des conclusions de cette conférence a été que linnovation jouera un rôle déterminant dans la
transition.
Mme B. Blakrishnan a expliqué comment IFMR Rural Finance joue la carte des solutions innovantes
pour offrir des services financiers aux populations défavorisées potentiellement dans lInde tout
entière.
Ashish Gadnis, PDG de BanQu Inc., a développé une plateforme didentité économique basée sur la
technologie de stockage et de transmission dinformations « blockchain ». Cette solution, sécurisée et
infalsifiable, redéfinit linclusion financière en permettant aux personnes en situation dextrême
pauvreté daccéder à des opportunités économiques.
Ce ne sont là que 2 exemples de solutions que le Secrétaire général espère héberger sur la
plateforme pilotée par les Nations Unies. En encourageant le développement de produits financiers
innovants, la plateforme contribuera à mobiliser les investissements dans les ODD. Le secteur
financier et ses acteurs, publics comme privés, détermineront la réussite ou non de ce nouvel enjeu
capital. À cet égard, la Banque mondiale a prouvé quen sassociant à un gestionnaire financier
comme BNP AM, il était possible de proposer un produit pouvant à la fois répondre aux besoins
dapporter du « capital patient » pour financer des projets conformes aux ODD et garantir aux
investisseurs un rendement convenable.
Il est de notre devoir de faire en sorte que dici 5 ans ce mois de septembre 2016 aura véritablement
marqué un tournant. Pour ce faire, le prochain sommet de G20 devrait tenir compte des enjeux des
investisseurs à long terme et définir des principes de déclaration, de comptabilisation et de
surveillance prudentielle qui les encourageraient à investir sur le long cours.
Philippe Desfossés
Directeur de l'ERAFP
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