Café nile Philippe Rollandin – 27 mai 2015
exagéré, c’est pour montrer la réalité de l’évolution sociale vers laquelle nous tendons, car
lorsqu’il s’agit de sa survie, l’homme et les sociétés sont prêts à tout.
Sylvie Delassus, Centre de Recherche Interdisciplinaire : Quelles pistes de solutions proposez-
vous ?
Philippe Rollandin : Le livre que je publie n’apporte pas de solutions concrètes, mais nous avons
décidé de réfléchir à l’avenir du monde de la santé avec Olivier Mariotte en créant un think tank
qui apportera des réponses aux questions sociales, politiques, géopolitiques et éthiques soulevées
par la révolution provoquée par cette médecine génétique et prédictive. Les évolutions que je
décris vont se produire et la question à laquelle nous essaierons de répondre est de savoir
comment l’intégrer tout en conservant des valeurs humanistes.
Olivier Mariotte : Le champ de réflexion ne sera pas réduit uniquement à la médecine ou au
médicament, mais sera multifactoriel et inclura l’ensemble des problématiques relatives à la
santé, avec une vision territoriale forte.
Jean-Louis Touraine, député du Rhône : Dans l’Histoire, toutes les prédictions voisines de celles
que vous décrivez n’ont jamais totalement été accomplies. Pensez-vous qu’en 2065, on ne puisse
pas vous contredire sur ce que vous dîtes aujourd’hui ? Au début des années soixante-dix, Richard
Nixon avait déjà annoncé l’éradication du cancer, pour 2015. En médecine, la programmation
ciblée est en effet toujours sujette à caution : seuls 2 % du génome sont véritablement décryptés.
Par ailleurs, des effets bénéfiques existent également à l’évolution de la médecine génétique.
L’augmentation de l’espérance de vie permettra également une augmentation de la longévité et
un recul de la vieillesse. La thérapie génique devra aussi permettre des améliorations.
Philippe Rollandin : L’horizon 2065, à cinquante ans, est une échéance à échelle humaine, et nous
pouvons supposer que notre cadre de vie n’aura pas changé d’ici là. Les scénarios évoqués dans
l’ouvrage que je publie peuvent être caricaturaux, mais sont basés sur des données réelles.
L’objectif est de s’interroger sur les conséquences économiques, sociales et sociétales des progrès
de la médecine génétique et d’anticiper une éventuelle utilisation délétère des technologies
issues de ces progrès.
Olivier Mariotte : L’intérêt d’une telle démarche n’est pas la prévision de l’avenir, mais d’apporter
des pistes de réflexion à un sujet parfois aride. Une réflexion sur les enjeux est plus utile qu’une
réflexion sur les conséquences.
Laurence Curty : À l’heure actuelle, il est impossible de faire décrypter son génome par un
laboratoire qui ne soit pas américain. La réflexion éthique que vous évoquez n’est pas possible
sans des moyens technologiques et économiques.
Philippe Rollandin : Il n’est en effet pas possible de faire décrypter son génome en Europe. De
toute évidence, les moyens techniques, technologiques et économiques sont une condition
nécessaire à la réflexion éthique. Si ces moyens ne sont pas donnés à l’Europe, le modèle éthique
américain très permissif deviendra universel. Les évolutions positives offertes par la génétique
médicale sont nombreuses, mais il faut prendre en considération la possibilité d’une utilisation
pouvant aller à l’encontre de nos valeurs morales.