Think tank Living Things – « Objets connectés & Santé » 11/09/2014 1 Compte-rendu Atelier « Objets connectés & Santé » Dans le cadre de la 9ème plénière de TIC&Santé1 qui a eu lieu le 11 septembre dernier sur le site du Cancer Campus, le groupe de réflexion Linving Things a animé un atelier portant sur l’impact des objets connectés sur la relation médecin-patient. Cet atelier s’est déroulé en deux temps : des témoignages de porteurs de projets d’une part et d’autre part un débat permettant à des représentants de startup ou de grands groupes, comme à des praticiens d’échanger sur la place des objets connectés dans les dispositifs de santé. Le compte-rendu ci-dessous retrace les échanges de cet atelier. Témoignages : présentations de projets innovants à la croisée entre objets connectés et santé. Présentation de Kolibree, la brosse à dents connectée, par Thomas Serval Historique du projet L’idée est née d’un constat que fait chaque parent : tous les soirs, il faut vérifier le brossage des dents des enfants. Thomas Serval et Loïc Cessot ont donc créé Kolibree, une brosse à dents électrique qui dispose de différents capteurs et transmet les données de brossage via Bluetooth à une application mobile qui les analyse. La startup a lancé au printemps dernier une campagne de crowdfunding sur Kicksartrer qui leur a permis de récolter plus de 100 000 dollars et surtout de recueillir de nombreux retours sur leur projet. La brosse à dents est actuellement en cours de fabrication et son prix de commercialisation en France sera annoncé très prochainement (entre 150€ et 250 €) pour une mise en vente prévue fin octobre (en ligne et dans les magasins partenaires). 1 http://www.capdigital.com/evenements/pleniere-tic-sante-9/ Un événement organisé en partenariat avec Think tank Living Things – « Objets connectés & Santé » 11/09/2014 Les enjeux économiques et sociaux de la santé bucco-dentaire Le coût de la santé bucco-dentaire représente plus de 120 milliards de dollars aux Etats-Unis. En France, la sécurité sociale débourse environ 250 € par an et par personne. Il s’agit de coûts qui sont hors de contrôle. Pourtant, la plupart des maladies bucco-dentaires pourraient être éliminées par un brossage systématique et régulier. En effet, les deux maladies les plus répandues sont les caries (nées d’une absence de brossage sur une zone) et les gingivites. 2 Le problème va au delà du contrôle du brossage de dent, c’est également un problème social. Dans les maisons médicalisées, par exemple, l’absence de brossage entraine le plus souvent la perte des dents, puis la perte d’appétit et conduit à la fin de vie des patients. Description du produit : côté brosse à dent La brosse à dents Kolibree contient une centrale inertielle, capable d'analyser les mouvements de la brosse pour estimer son orientation, sa vitesse, sa position, etc. La pression est, quant à elle, capturée par analyse sonore. Aujourd’hui, les capteurs inclus dans la brosse à dents permettent de mesurer 9 axes distincts. Concernant le brossage, il s’effectue grâce à une technologie de vibrations soniques qui fournit jusqu’à 24 000 vibrations par minute et qui n’abime pas les gencives (la brosse s’arrête en cas de pression trop forte). La partie électronique est fabriquée en Asie mais les brossettes que l’on met dans la bouche sont fabriquées en France afin d’en assurer la traçabilité (pour respecter les normes américaines notamment). Description du produit : côté application Chaque type de brosse à dents nécessite un type de brossage spécifique, ce qui n’est pas connu du grand public. Pour répondre à cela, Kolibree est fournie avec une méthode de brosse optimisée pour la technologie de cette brosse à dents. La brosse à dents est destinée aux personnes âgées de 3 à 120 ans : l’appli propose donc des programmes adaptés aux différentes attentes et qui peuvent également être adaptés aux soins post opératoires. Pour les plus jeunes, des jeux sont également inclus dans l’application. La plateforme Kolibree permettra aux dentistes de suivre et coacher leurs patients, créant ainsi une version 2.0 de la relation entre dentistes et patients. La campagne kicktstarter ayant permis de mettre en avant l’aspect familial de cette question, une version familiale de l’application sera proposée pour générer une émulation positive au sein de la famille. Kolibree fournit également des API ouvertes aux développeurs pour créer leurs propres applications. Un événement organisé en partenariat avec Think tank Living Things – « Objets connectés & Santé » 11/09/2014 Kolibree et Big Data : fournir des données pour la recherche Il n’y a pas de théorie scientifique sur ce qu’est un bon brossage, car il n’y a pas de données sur ce sujet. Kolibree pourra fournir aux dentistes et scientifiques des données pour leur permettre de mener des travaux de recherche. L’exploitation des données sur plusieurs années pourra par exemple expliquer les corrélations entre les caries constatées chez le dentiste et les méthodes de brossages. Néanmoins, Kolibree reste pour l’instant modeste sur la portée médicale de l’objet : il ne s’agit pas d’un dispositif médical mais de mesure et de motivation personnelle et familiale. La startup a tout de même réussi à convaincre l’Union française pour la santé buco dentaire (UFBC) qui est aujourd’hui partenaire du projet. Evolutions envisagées Pour les futures versions du produit, la stratégie de la start up consiste à l’améliorer en ajoutant de nouveaux capteurs permettant de faire remonter des données manquantes. Néanmoins, l’ajout de chaque capteur devra faire l’objet d’une analyse cout-bénéfice. Aujourd’hui, les capteurs permettent de mesurer 9 axes, ce qui est sans doute trop développé pour ce dont l’utilisateur a besoin. Il s’agira donc de repenser les capteurs pour rendre le produit plus compétitif et accessible. Un événement organisé en partenariat avec 3 Think tank Living Things – « Objets connectés & Santé » 11/09/2014 Présentation du projet PICADo d’Altran, par Olivier de la Boulaye Altran est un groupe généraliste dans le domaine de la R&D externalisée. Présentation générale du projet PICADo Le projet PICADo a pour objet la création d’une « plateforme de domomédecine en travaillant dans un environnement médico-social », destinée aux personnes souffrant de cancer ou de troubles cognitifs avec perte d’autonomie (ex : Alzheimer). Le projet part du constat que l’émergence de nouvelles technologies est à l’origine de transformations dans la médecine ambulatoire alors qu’il faudrait à l’inverse réfléchir aux besoins des patients et des personnels de santé pour développer de nouvelles solutions. PICADo a aujourd’hui 4 ans et est financé par le Fonds Unique Interministériel n°12. Le budget du projet s’élève à 5,7 M€. Voici le système PICADo aujourd’hui : Après 2 ans de construction du dispositif, 200 patients sont équipés du système PICADo. Un événement organisé en partenariat avec 4 Think tank Living Things – « Objets connectés & Santé » 11/09/2014 Présentation du consortium Altran est chef de fil du projet PICADo qui rassemble différents acteurs au sein d’un consortium : Des académiques : o L’Unité mixte de recherche « Rythmes Biologiques et Cancers » (RBC) de l’INSERM, qui travaille depuis près de 25 ans à la mise au point de nouveaux protocoles de prise en charge en chrono-chimiothérapie, qui dispose désormais d’une plateforme modernisée de domomédecine pour accompagner le patient ; o L’Université de Reims, en charge de la réflexion sur le modèle économique et notamment de comprendre les motivations des praticiens à travailler en domomédecine ; o L’UTT (Université des Technologies de Troyes), responsable de l’adaptation des usages et des technologies (logiciels, capteurs,….) à la domomédecine ; Des industriels : o Voluntis, un éditeur de logiciels médicaux, spécialisé dans la Gestion de la Relation Patient et dans l’élaboration de dispositifs médicaux logiciels, en charge de la solution medpassport ; o Bluelinea qui équipe notamment les patients d’un bracelet GPS/GPRS/GSM relié à un centre d’appel de veille ; o Thuasne Médical, leader dans le domaine du textile appliqué à la santé, en charge du développement d’un vêtement permettant le port d’un capteur d’activité/position/température ; o FSI, le spécialiste de la gestion informatisée des repas et de la diététique en milieu hospitalier, en charge notamment d’une étude d'intégration de capteurs spécifiques au suivi de pathologies nutridépendantes. Un spécialiste de l’ingénierie : o Altran, qui assure l’ingénierie système et la coordination globale du projet. Premier volet du programme de domomédecine : ambitions et défis Voici les ambitions affichées du programme : Proposer une médecine personnalisée : o Exemple : en partenariat avec le Dr Lévi, cancérologue spécialiste de la chronochimiothérapie, le consortium travaille sur la détection du meilleur moment pour le corps pour recevoir la chimiothérapie et ainsi échapper à une logique hôtelière. Les premiers résultats sont d’ailleurs très encourageants puisque cela conduit à limiter les effets secondaires de la chimiothérapie et à améliorer l’efficacité des traitements ; Mettre au point une offre de télémédecine fiable qu’il s’agisse de la télé-expertise ou de la télésurveillance ; Proposer une médecine de pointe portée par l’INSERM depuis plus de 25 ans ; Travailler sur une logique d’intégration : repenser les services autour des soins. Un événement organisé en partenariat avec 5 Think tank Living Things – « Objets connectés & Santé » 11/09/2014 Pour y parvenir le consortium est confronté aux défis suivants : Portabilité : comment faire remonter les données quand le patient quitte son domicile ? Automotisation Convivialité : comment faire accepter le dispositif aux patients ? Enjeux technologiques 6 Quel modèle économique pour PICADo ? On dénombre 30 affections de longue durée reconnues en France. Environ deux tiers des coûts de la sécurité sociales sont liées à ces maladies soient 120 milliards d’euros. L’enjeu du projet est donc de maintenir la qualité de prise en charge et réduire les coûts pour notre système de santé. À l’origine du projet, l’ambition était de créer une plateforme pluri-pathologique pour baisser les coûts de développement. Technologiquement, cela a du sens mais dans la réalité, ce n’est pas évident car il est complexe d’identifier les prescripteurs et les payeurs et ce d’autant plus que cela change en fonction des pathologies. L’enjeu n’est donc pas tellement technologique mais il réside plutôt dans le modèle économique. En France, les financeurs du régime obligatoire ont tout intérêt à réduire les coûts en favorisant la prévention tandis que les assureurs privés et les mutuelles n’étaient que peu impactés par les maladies longues durées, prises en charge à 100% par la sécurité sociale. Le récent accord national interprofessionnel généralisant l’assurance collective à tous les salariés pourrait faire basculer une partie des coûts supportés par le régime obligatoire vers le privé. Par ailleurs, cela entraine une augmentation de la concurrence sur le marché de l’assurance collective et pousse les assureurs privés à investir dans ce type de plateforme pour se différencier en proposant de nouveaux services en inclusion dans un premier temps et pour progressivement dépasser leur rôle traditionnel de liquidateur de droits pour devenir gestionnaire de risque et opérateur de services. Un événement organisé en partenariat avec Think tank Living Things – « Objets connectés & Santé » 11/09/2014 Présentation de Withings, par Alexis Normand Présentation de Withings Withings développe et commercialise des objets connectés depuis 6 ans, dans une approche qui se veut non médicalisée. En 2008, le pèse-personne de Withings voit le jour puis il est suivi par un tensiomètre, un bracelet, et dernièrement Aura, un système de suivi du sommeil. Ainsi, Withings construit et enrichit un écosystème de mesures. Il s’agit d’aider les utilisateurs à suivre leur santé et à changer de comportement. Ce sont donc des objets qui s’adressent au grand public et pas seulement au milieu médical. Leur vocation est toutefois de remplacer les objets du quotidien pour créer un suivi qui serait sinon uniquement disponible en milieu médical. Le postulat de Withings est le suivant : plus la mesure est simple, plus il y a de suivi et donc plus il y a d’amélioration du comportement. L’approche de cette jeune entreprise française est donc de proposer des mesures simples et ludiques. Withings propose également des dispositifs médicaux (son tensiomètre) qui peuvent être utilisés par les professionnels de santé dans le cadre de protocoles de télémédecine. Utilisation des données pour comprendre le comportement des utilisateurs Les données sont agrégées de manière anonyme afin de comprendre les usages, de mesurer l’impact du suivi et finalement d’améliorer le service et le produit. Withings a d’ailleurs déjà d’utilisateurs américains : relevé plusieurs corrélations en suivant des cohortes Grâce à son pèse-personne, Withings a relevé que la perte moyenne de poids chez les personnes souffrant d’obésité ou en surpoids augmente avec la fréquence de suivi ; Le nombre quotidien de pas augmente de plus de 1000 lorsque l’utilisateur partage ses résultats avec au moins une personne. Ainsi, Withings a mis en avant les bénéfices liés au suivi régulier d’une variable de santé et à l’émulation. Un événement organisé en partenariat avec 7 Think tank Living Things – « Objets connectés & Santé » 11/09/2014 Partage des données à différents niveaux Pour Withings, l’information prend de la valeur si elle est partagée. Le partage peut d’ailleurs s’effectuer à plusieurs niveaux : Avec les proches, via des jeux par exemple pour générer de l’émulation ; Avec le médecin, depuis l’application mobile ou en direct : 25% des utilisateurs français montrent leurs données à leur médecin. Les acteurs de santé se saisissent d’ailleurs euxmêmes des objets connectés ; Avec des prestataires de service, pour la gestion des alertes en cas de chute par exemple ; Avec la plateforme HealthKit d’Apple qui agrège les données de santé d’applications tierces et permet à l’utilisateur de consulter l’ensemble sur l’application Health ; Avec des solutions de dossiers médicaux électroniques qui seront interfacées avec l’HealthKit. Réconcilier le préventif et le curatif D’après Withings, la frontière entre le bien-être et la santé se brouille. En effet, l’utilisateur ne serait plus seulement intéressé par sa santé les jours de maladies : le préventif et le curatif seraient réconciliés ouvrant ainsi la voie à des acteurs qui ne sont pas dans le domaine de la médecine (ex : opérateur téléphonique). Ainsi, Aura pourrait devenir un outil d’auto-dépistage des troubles du sommeil. En effet, les objets connectés permettent aux patients de se construire une vue sur leur propre santé et d’en devenir ainsi acteur. Dans le cas d’Aura, cela est particulièrement pertinent pour ceux qui souffrent d’apnée du sommeil, une pathologie qui n’est encore que très rarement détectée : sur les 1,5 Millions de Français souffrant d’apnées du sommeil, 8 sur 10 ne sont pas diagnostiqués. C’est une nouvelle approche médecine que propose aujourd’hui Withings, avec des patients plus responsabilisés, et des professionnels de santé qui vont pouvoir leur déléguer plus de tâches et ainsi se concentrer davantage sur le diagnostic, et moins sur la mesure. Un événement organisé en partenariat avec 8 Think tank Living Things – « Objets connectés & Santé » 11/09/2014 Débat : Quels sont les impacts potentiels ou réels des objets connectés sur la relation médecin-patient ? Quels opportunités et freins ? Présentation des intervenants Jean-Marc Bourez est intervenu en qualité de président de la commission TIC & Santé Paris Région qui regroupe les 3 pôles de compétitivité Medicen, Capdigital et Systematic. Il est administrateur du CNR Santé et également en charge de la eSanté chez Sanofi France à la direction de la stratégie, développement, innovation et business excellence. François Lescure est co-fondateur et président de MédecinDirect une plateforme qui propose un accès à des médecins généralistes et spécialistes pour répondre à toutes les questions médicales des utilisateurs. Jérôme Leleu est dirigeant du Groupe Interaction qui conseille les entreprises et organismes publics sur leur stratégie de communication numérique. L’entité Interaction Healthcare est une agence de communication interactive dédiée au domaine de la santé. Jérome Leleu est également membre du think tank Renaissance numérique. Pr Philippe Decq est neurochirurgien à l'hôpital BEAUJON de Clichy. Il participe à un projet de téléconsultation à distance entré en phase pilote au 1er septembre 2013 dans le domaine du rugby, monté en partenariat avec les sites de l’USAP, de Narbonne, du Lycée Lakanal, et du CNR de Marcoussis, avec la collaboration de Microsoft, Hewlett Packard, Dynseo et avec l’appui scientifique des Arts et Métiers ainsi que de la Fondation du sport français. Les grands axes de réflexion et d’évolution des modèles Normes et pragmatisme François Lescure évoque en premier lieu les contraintes colossales qui pèsent sur les entreprises en matière de fiabilité, de normes, de protection des données, etc., ce qui limite la création et la diffusion d’outils qui répondent aux besoins du corps médical et des patients alors que des solutions existent. De ce fait, c’est le système D qui prévaut au quotidien et les données ne sont finalement pas protégées : il arrive fréquemment que les médecins et infirmières échangent les données par clés USB ou se passent leurs logins pour consulter le dossier des patients qu’ils suivent ensemble. Les professionnels ont souvent des problématiques très simples mais ils n’ont pas la capacité de disposer d’outils qui existent et souffrent d’isolement. Il y a à la fois un problème de normes qui limitent le développement des produits et un problème de diffusion des solutions qui du coup ne sont pas adoptées. Pour développer ou autoriser un service, le pragmatisme voudrait que l’on regarde à qui il sert : au patient. Le professeur P. Decq explique que les médecins sont d’ailleurs amenés à détourner les objets connectés grand public de leur usage s’ils ont les qualités nécessaires. Un événement organisé en partenariat avec 9 Think tank Living Things – « Objets connectés & Santé » 11/09/2014 Protection et interprétation des données de santé François Lescure rapporte ici le cas d’une application destinée aux infirmières qui décrit les pansements adaptés aux différentes plaies des diabétiques. Les infirmières souhaitaient partager les informations des patients qu’elles suivent à plusieurs. La CNIL a refusé. On est là encore dans ce manque de pragmatisme de la part des autorités. Pour Jean-Marc Bourez, les normes ne sont pas un problème, elles constituent les règles du jeu. Les entreprises doivent les respecter selon le type de marché auquel elles s’adressent. Ce qui est important c’est d’apporter la qualité attendue afin de créer la confiance auprès des usagers que ce soit pour le stockage des données et leurs usages, ou pour le type de capteurs. Une donnée de santé utilisée à des fins médicales doit respecter les règles de stockage de l’ASIP Santé, une donnée non utilisées à des fins médicales dépend de la CNIL… De même, un objet communicant ne subit par les mêmes circuits d’évaluation qu’un dispositif médical : cela conditionne le type de marché et l’accès au marché en matière d’évaluation et de régulation. Jérome Leleu souligne, quant à lui, que les utilisateurs doivent être sensibilisés à cette problématique : il doit y avoir une culture de vulgarisation de la protection des données. En effet, un objet connecté peut mesurer jusqu’à 80 paramètres. Or, si l’on imagine qu’une mutuelle peut récupérer une donnée qui n’est pas celle pour laquelle la personne utilise l’objet, comment l’empêcher dans ce cas d’augmenter le forfait de son client ? Le sujet de la confiance est un enjeu majeur qui doit être traité. François Lescure explique par ailleurs que l’enjeu est également celui de l’interprétation des données qui peut être très complexe : que fait-on des données ? Qui les interprète ? Le rôle du médecin est crucial à ce niveau. Jean-Marc Bourez remarque que cela pose la question de la responsabilité ou du rôle du médecin : s’il s’agit de prévention, un médecin dans une démarche de santé publique ou d’éducation peut accompagner son patient pour lui recommander les meilleures solutions, mais s’il s’agit d’une décision médicale sur la base des données disponibles, cela pose la question de la rémunération ou motivation des médecins qui assurent le suivi de ces données grâce aux objets connectés ou dispositifs médicaux, voire même la question de la responsabilité médico-légale. Objets connectés bien-être vs dispositif médical La question de la différence entre objets connectés dédiés au bien-être et dispositifs de santé est revenue tout au long de l’atelier. Pour Jean-Marc Bourez, il s’agit avant tout de modèles économiques différents. La question est de savoir qui paye. Le parti pris de Withings par exemple a évolué : l’entreprise est entrée par le marché du grand public pour aller vers des dispositifs médicaux certifiés (marquage CE). Ces outils intelligents, ergonomiques et certifiés peuvent apporter beaucoup au système de santé français, essentiellement en matière de santé publique et surtout modifier les comportements des patients. Un événement organisé en partenariat avec 10 Think tank Living Things – « Objets connectés & Santé » 11/09/2014 Jérome Leuleu constate qu’il y a de nombreuses discussions sur la séparation entre well-being et santé depuis quelques temps. Selon lui, ce débat est dépassé : si la prévention permet d’aller bien, alors cela relève de la santé. Quant au Pr Decq, il cite René Leriche : « La santé c’est la vie dans le silence des organes». Autrement dit, la santé on ne s’en occupe pas lorsque tout va bien. Le Quantified Self, ce n’est ni de la santé, ni du bien-être. Obsolescence des objets connectés Jean-Marc Bourez rappelle qu’une étude américaine montre qu’après 6 mois, les objets connectés ou capteurs sont le plus souvent abandonnés par leurs utilisateurs. Cela pose le problème de la motivation à les utiliser ou de la pertinence du type de capteurs, il faut donc s’interroger sur l’ergonomie, les usages, le type de feed-back qui motive et surtout la façon de partager la donnée produite. Ce qui replace le professionnel de santé dans un cercle vertueux pour stimuler l’usage dans le temps. Objets connectés ou dispositifs médicaux, ils n’échappent pas aux problématiques auxquelles nous sommes confrontés avec le médicament ! Cela pose le problème de l’observance des prescriptions. Qui doit s’assurer que le patient continuera à utiliser l’outil ? Le soignant doit-il agir pour augmenter l’observance ou la technologie doit-elle agir en ce sens ? D’après Jérome Leleu, les objets qui perdureront dans le temps sont ceux qui sauront se fondre dans le quotidien des utilisateurs : la collecte de l’information ne doit pas prendre de temps, il doit y avoir une remontée d’informations uniquement en cas d’alerte et ainsi permettre le « silence des organes ». L’objet connecté de demain est celui qu’on oublie complètement. Thomas Serval de Kolibree, quant à lui, explique l’obsolescence des objets par deux phénomènes : L’ennui : un phénomène de lassitude qui conduit à l’abandon du produit ; La fragilité des dispositifs. Certains bracelets connectés ont connu de graves disfonctionnements après quelques semaines et ont donc été relégués dans les tiroirs des utilisateurs. Il convient donc de rester modeste car l’on ne connait pas la durée de vie de ces produits (ex : durée de vie de la batterie) qui doivent encore être améliorés pour durer. Concernant l’évolution du marché, il rappelle que les objets connectés sont en ce moment au « peak du hype » et qu’il y aura nécessairement une restriction du nombre d’objets : ne resteront que ceux capables d’une connexion parfaite avec les smartphones ou ceux positionnés sur des marchés de niche. Pour Jean-Louis Fréchin, designer, il faut remettre en perspective les choses et ne pas penser uniquement en termes de modèle économique : il faut raisonner sur la manière de faire les choses. Les startups peuvent tirer leur épingle du jeu : en créant des produits parfois moins bien, elles proposent des prix plus attractifs et touchent donc plus de personnes ce qui leur permet de générer de la donnée qui aura de la valeur pour une assurance par exemple car elle sera source d’économie. Un événement organisé en partenariat avec 11 Think tank Living Things – « Objets connectés & Santé » 11/09/2014 Aujourd’hui, le distinguo entre santé et bien-être est lié aux normes et aux règles imposées par la CNIL mais finalement, les nouveaux usages générés par ces produits vont venir entourer les vieilles normes et les faire évoluer par l’extérieur et tant pis si ces objets n’ont qu’une durée de vie de une semaine pour l’instant. Un médecin de la salle explique qu’il faut distinguer le cas où les mesures de l’utilisateur sont normales de celles qui permettent de suivre l’évolution d’une pathologie. Dans le premier cas, si les mesures sont bonnes, il n’y a pas de changement de comportement à induire et donc l’automesure n’est pas intéressante. En cas de problème de santé, il y a plus d’incentive à changer et donc à suivre. Même si un objet connecté devient obsolète, il doit permettre de trouver des applications dans le domaine médical. Un événement organisé en partenariat avec 12