Sabine Zlatin - Maison d`Izieu

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SABINE ZLATIN 1907 - 1996
exposition de documents
issus de ses archives personnelles
Sabine Zlatin,
directrice de la colonie d’Izieu de mai 1943 au 6 avril 1944 et présidente-fondatrice
du « Musée-mémorial des enfants d’Izieu », est décédée le 21 septembre 1996.
À l’occasion du dixième anniversaire de sa disparition, la Maison d’Izieu a présenté
des documents inédits issus de ses archives personnelles.
Cette exposition retrace son parcours en hommage à son action et à sa mémoire.
Née à Varsovie le 13 janvier 1907, Sabine Zlatin fuit la Pologne et arrive en France vers 1925. Elle étudie
l’histoire de l’art à l’Université de Nancy, où elle rencontre son époux, Miron Zlatin, ingénieur agronome.
Tous deux s’installent à Landas dans le Nord et exploitent un élevage avicole. Dès l’entrée en guerre, Sabine
Zlatin devient infirmière de la Croix-Rouge. Dans le cadre de son engagement auprès de la Croix-Rouge et
de l’OSE et dans le département de l’Hérault, Sabine Zlatin, accompagnée de Miron, vient installer à Izieu,
en mai 1943, sous le nom de « Colonie d’enfants réfugiés », un groupe d’enfants juifs sortis des camps d’internement du sud de la France.
Attachée à la mémoire des enfants et de son mari arrêtés à Izieu le 6 avril 1944, elle se bat dès juillet 1945
pour que des stèles soient apposées sur la maison et à Brégnier-Cordon. À partir de 1946, elle viendra
chaque année à Izieu pour commémorer la rafle de la colonie.
À l’issue du procès de Klaus Barbie, elle crée une association dont le but est de transformer la maison en un
lieu de mémoire vivant, ouvert à tous. Le 24 avril 1994, le Président de la République inaugure le « Muséemémorial des enfants d’Izieu ».
Sabine Zlatin a fait de l’association de la Maison d’Izieu son légataire universel et lui a légué tous ses biens
et ses archives.
Conception : Kathel Houzé, avec Marie-Ange Baron, Pierre-Jérôme Biscarat et Cécile Lefort
Traduction des documents polonais : Anne Patoir
Traduction des documents russes : Andrej Umansky
www.memorializieu.eu
Maison d’Izieu, mémorial des enfants juifs exterminés
70 route de Lambraz – 01300 Izieu
téléphone: 04 79 87 21 05 / fax: 04 79 87 59 27
1
Sabine Zlatin 1907 / 1996
13 janvier 1907
Milieu des
années 1920
Vers 1925
Sabine Zlatin
lors d’une commémoration
à la Maison d’Izieu en 1996
Elle arrive en France et rejoint la ville universitaire de Nancy.
Elle étudie l’histoire de l’art à l’Université de Nancy où elle rencontre
Miron Zlatin, étudiant en agronomie.
8 juillet 1927
Elle obtient un Diplôme Elémentaire de Langue Française de l’Alliance
Française de Nancy.
1928
Sabine et Miron voyagent en Pologne du 19 septembre 1928 au 16/17
octobre 1928. Ils se marient officiellement à Varsovie le 8 octobre 1928.
18 juillet 1929
Elle s’installe avec Miron à Landas (Nord), où ils exploitent une ferme
avicole.
26 juillet 1939
Début avril 1944
Elle se rend à Montpellier pour tenter de disperser la colonie et
trouver des hébergements pour les enfants. Elle y apprend la nouvelle
de la rafle.
Été 1944
Elle rejoint la Résistance à Paris sous le nom de Jeanne Verdavoire et
agit aurpès du service social du Mouvement de libération nationale.
Du 26 avril 1945
au19 septembre
1945
Elle est Hôtelière Chef au Centre d’accueil des déportés de l’Hôtel
Lutétia à Paris.
Lors la fermeture du Centre d'accueil, elle s’installe définitivement à
Paris et reprend ses activités de peintre.
24 juillet 1945
Elle écrit au préfet de l’Ain pour demander la pose, sur la maison, d’une
plaque en souvenir des enfants et adultes arrêtés à Izieu.
Fuyant un milieu familial étouffant et l’antisémitisme des Polonais, elle
quitte la Pologne seule et sans bagage.
1926 / 1927
Printemps 1938
et 1939
© Maison d’Izieu / Eric Ressort
Sabine Zlatin naît à Varsovie.
Mars 1946
7 avril 1946
Elle participe avec Miron au Salon agricole de la Porte de Versailles à
Paris.
Elle et Miron sont naturalisés français.
3 septembre 1939
Déclaration de guerre de la France à l’Allemagne. Elle décide de suivre
les cours d’infirmière militaire de la Croix-Rouge à Lille.
Du 18 octobre
1939 au 1er mai
1940
Elle s’engage auprès de la Société française de secours aux blessés
militaires de la Croix-Rouge de Lille.
7 juillet 1946
3 mars 1947
Mi-mai 1940
Du 21 juillet 1940
au 10 février 1941
oct. /nov. 1940
Fin mai 1941
Elle obtient sa carte officielle d’infirmière de la Croix-Rouge.
Devant l’avancée des troupes allemandes et anglaises, elle quitte Landas
pour Paris où Miron la rejoint. Sur ordre de la Croix-Rouge, elle se
rend à l’hôpital d’Argentan. Miron et elle décident, quelques jours plus
tard, de rejoindre Montpellier.
Elle est infirmière à l’Hôpital militaire de Lauwe (Montpellier) d’où elle
est congédiée à cause des lois antisémites du gouvernement de Vichy.
Elle est licenciée de la Croix-Rouge pour les mêmes raisons.
Elle propose ses services à la préfecture de l’Hérault pour travailler
dans les camps d’internement. Elle devient alors assistante sociale de
l’Oeuvre de Secours aux Enfants et aide à libérer des enfants des camps
d’Agde et de Rivesaltes.
Printemps 1942
Elle prend la direction d’une maison d’enfants juifs à Palavas-les-Flots.
Avril / mai 1943
Elle rejoint la zone d’occupation italienne avec Miron, 17 enfants juifs et
le personnel d’une maison d’enfant pour installer à Izieu la « Colonie
d'enfants réfugiés ».
Première commémoration de la rafle de la colonie à Izieu et BrégnierCordon. Pose de la plaque sur la maison et érection d’un monument à
Brégnier-Cordon.
Inauguration de la rue Miron Zlatin à Landas (Nord).
Elle est auditionnée à nouveau pour le procès de Lucien Bourdon.
1948
Elle achète en viager une maison de campagne à Ceyzérieu, près d’Izieu.
Elle en prend possession en 1960 et vient y passer ses vacances.
Juillet 1951
Elle achète une librairie spécialisée dans les arts du spectacle, rue
Jacques Callot à Paris. Elle poursuivra cette activité à partir des années
1960 au sein de son atelier de peintre, rue Madame.
Du 11 mai au
4 juillet 1987
Procès de Klaus Barbie à Lyon. Elle se constitue partie civile et choisit
pour avocat maître Roland Rappaport. Elle témoigne le 27 mai 1987.
8 mars 1988
Elle fonde, avec Pierre-Marcel Wiltzer, l’Association pour la création et
la gestion du Musée-mémorial d’Izieu.
23 mars 1989
Elle reçoit la croix de chevalier de la Légion d’Honneur des mains de
François Mitterrand, président de la République.
2 juillet 1990
Grâce à une souscription nationale, l’Association achète la Maison
d’Izieu en vue de l’ouverture du mémorial.
1993 / 1994
Elle fait don de ses archives relatives à la colonie d’Izieu, notamment les
lettres et dessins des enfants, à la Bibliothèque nationale de France qui
les conserve au Cabinet des Estampes.
24 mars 1940
Elle est auditionnée pour le procès de Lucien Bourdon.
24 avril 1994
21 septembre
1996
Le président de la République, François Mitterrand,
inaugure le « Musée-mémorial des enfants d’Izieu ».
Elle décède à Paris. Elle est inhumée au cimetière du Montparnasse.
1907 / 1925 Les années polonaises
Sabine Chwast naît le
13 janvier 1907 à
Varsovie en Pologne dans
une famille juive. Elle est
la dernière d’une lignée
de 12 enfants.
Le père n’aime pas le
prénom donné à sa fille,
et décide de l’appeler
Yanka. Ce sera le nom
choisi par ses amis et ses
proches ainsi que son
nom de peintre.
Ne supportant plus un
milieu familial étouffant et
l’antisémitisme, elle
décide au milieu des
années 20 de quitter la
Pologne, seule et sans
bagage.
Traduction et extrait de l’acte de mariage (rédigé en russe puis traduit en polonais) des parents de Sabine Zlatin, Gerch Chwast et Ryfka Mirabel.
Ils se marient le 5 janvier 1909. Douze enfants sont déjà nés de cette union. Trois sont décédés et dans cet acte ils reconnaissent leurs neuf enfants
encore en vie.
© Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin
Varsovie - Cinquième arrondissement de Povonzkovska, bureau de
l’officier d'état civil de confession non-chrétienne, le 5 janvier 1909 à 11
heures du matin.
En présence de :
Szlisma-David Kagan, religieux, demeurant 30, rue Dzika.
Gerch Chwast - futur époux, célibataire, commerçant, âgé de 48 ans,
originaire de Varsovie, demeurant 7, rue Ceglana, fils de Wolf Ber et Chaia
(Khaia) née Valszpiner.
Ryfka Mirabel - future épouse, célibataire, âgée de 45 ans, originaire de
Varsovie, demeurant 71, rue Stawki, fille de Berka et Sura de Masrov.
Sabine-Yanka Chwast,
sans doute en Pologne dans les années 1920
© Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin
Mordka Zygband, élève n°1059, et Nukhim Garfinkel, commerçant,
témoins majeurs, demeurant 39, rue Smocza 5.
Szlisma-David Kagan, mentionné au début de cet acte a déclaré que le 29
décembre de l'année précédente Izek Rosmarin, religieux, a uni par des
règles religieuses Gerch Chwast et Ryfka Mirabel. Ce mariage a eu lieu
avec le consentement mutuel des époux et a été précédé par trois
publications de bans les 13, 20 et 27 décembre.
Un contrat avant-mariage avait été établi chez maître Michail Markevitch
à Varsovie le 23 février 1881, enregistré sous le n°409. Ils ont également
déclaré reconnaître comme leurs propres enfants, conformément à
l'article 291 du code civil, les enfants nés à Varsovie, avant cet acte de
mariage (les filles : Hinda-Necha, née le 2 janvier 1882, Shanoïla, née le 11
août 1883, Khava, née le 8 novembre 1884 ; les fils : Pinkus-Masr, né le 12
janvier 1886, Levek, né le 16 janvier 1888 ; la fille : Dvoïra, née le 5 août
1892 ; les fils : Moisei-Nisson, né le 31 juillet 1895, Feliks, le 14 août 1898,
et la fille : Sabina, née le 31 décembre 1906) et leur garantissent le statut
et les droits des enfants légitimes.
Lu et approuvé. Tch.G.S.N.I. Conseiller collégien Kollegienrat Szreter,
Ch.D. Kagan, Gerch Chwast, Ryfka Mirabel, N. Garfinkel, M.Zygband.
Annexe : Par décision du huitième bureau du cinquième arrondissement du tribunal de
Varsovie en date du 29 février 1909, le nom de jeune fille de la mère de la future épouse
(Ryfka Mirabel) a été modifié sur le présent document de « Sura de Masrov » en « Sura
Gerstein ». Décision rendue exécutoire par l’acte n°111052 du 6 avril.
Fait le 11 avril 1909. Szreter
Nota :
En 1909, le royaume polonais dépendait de l'Empire russe et la langue administrative était le russe.
Toutes les dates correspondent au calendrier julien, qui était le calendrier officiel en Russie jusqu'à la révolution de 1917. En 1909, le royaume polonais faisait partie de l'empire russe. L'écart avec le calendrier grégorien est de 12 jours jusqu’en 1900 puis de 13 jours. Exemple : date de naissance Sabine Zlatin : 31.12.1906
(cal. julien) - 13.01.1907 (cal. grégorien)
Dukhovny (russe) a été traduit par religieux. Il s’agit d’ un rabbin chargé des mariages, naissances, etc.
Toutes les rues nommées dans ce texte se trouvent dans le quartier juif de Varsovie. Elles seront, sauf la rue Dzika, à l'intérieur du ghetto quand celui-ci sera créé en
octobre 1940.
1925 / 1939 S’installer et s’intégrer en France
1925 / 1927
Etudier à Nancy
Sabine Chwast arrive en
France à Nancy vers 1925.
Grâce à l’aide d’un professeur
de l’Université de Nancy, elle
obtient une carte de séjour
et choisit de commencer des
études en histoire de l’art.
En juillet 1927, elle obtient
un Diplôme Elémentaire de
Langue Française de l’Alliance
Française.
L’Université de Nancy
accueille de nombreux
étudiants des pays de l’Est.
C’est là qu’elle fait la
connaissance de Miron Zlatin,
jeune étudiant juif de Russie.
Né à Orcha en 1904,
issu d’une famille aisée,
il termine ses études
d’ingénieur agronome.
Sabine et Miron se marient officiellement en Pologne à
Varsovie, le 8 octobre 1928.
Sabine-Yanka Chwast.
Elle adresse cette photo à Miron
avec en polonais au verso :
« À Miron
Yanka, Nancy
le 2 décembre 1926 »
© Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin
Sabine-Yanka Chwast et Miron Zlatin
Au verso, on peut lire de la main de Sabine, en polonais : « À mon bien aimé Miron, ta Yanka, Nancy le 22 janvier 1927 »
© Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin
Traduction et extrait d’une copie de l’acte de mariage polonais de Sabine et Miron Zlatin
© Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin
Cet acte a été établi dans une chancellerie du treizième commissariat de police d’État
de la ville de Varsovie le huit octobre mille neuf cent vingt-huit à 11 heures devant moi,
officier d’État Civil de confession non chrétienne, et le chef de ce commissariat.
CHAIM POZNER - rabbin du treizième arrondissement, juif, 48 ans, demeurant à
Varsovie, rue Chmielna n°41
MIRON ZLATIN célibataire, ingénieur, 24 ans, demeurant à Varsovie, rue Twarda n°11,
né à Orsza ; de père Mendel et de mère Gady née Herszman, épouse Zlatin
CHWAST SABINA demoiselle, 21 ans, demeurant à Varsovie, rue Marszalkowska n°62,
née à Varsovie, de père Hersz et de mère Rywka née Mirabel, épouse Chwast
et en présence des témoins :
PERLNUFTER DIDIE, clerc, 42 ans demeurant à Varsovie, Place Grzybowska n°14
ASZENMILA JACKOB, clerc, 66 ans demeurant à Varsovie, rue Krochmalna n°24
Le 8 octobre 1928, le rabbin a célébré le mariage de Miron Zlatin et Chwast Sabina.
Ce mariage religieux a été précédé par trois publications de bans (prescrit par la loi)
les 15, 22, et 29 septembre 1928 sans aucun empêchement. Les jeunes mariés ont
déclaré n’avoir signé aucun contrat de mariage. Cet acte a été lu devant les
personnes ici présentes, et accepté par les jeunes mariés et moi-même. Il a été signé
par Miron Zlatin, Sabina Chwast, D. Perlnufter, J. Aszenmila, le rabbin Pozner du XIIIe
arrondissement, l’officier d’État Civil de confession non chrétienne et le chef du XIIIe
commissariat de police d’État J. Kones.
Je, soussigné, constate la conformité de cet extrait avec l’original.
Varsovie, le 27 mars 1933, Administrateur des archives d’Etat Civil de la ville de
Varsovie
Archives d’Etat Civil du Tribunal - district de Varsovie
1925 / 1939 S’installer et s’intégrer en France
1929 / 1939
S’installer à Landas
En 1929, Miron et Sabine
acquièrent une ferme
avicole à Landas, dans le
Nord. Après quelques
difficultés, l’exploitation
se révèle un succès.
Dans ses mémoires,
Sabine Zlatin relate qu’au
printemps 1939, lors de
l’exposition agricole de
la porte de Versailles à
Paris, le président de la
République, Albert
Lebrun, s’arrête devant
leur stand. Après leur
avoir demandé leur
origine, il leur propose de
devenir français.
Ils sont naturalisés le
26 juillet 1939.
Coupure de presse
de 1938 ou 1939,
évoquant le salon
agricole de la porte
de Versailles.
Au centre, Sabine
Zlatin devant « des
couveuses où
pullulent des
poussins picorant
leur grain. »
Sabine Zlatin près d’une
couveuse électrique
de l’élevage de Landas
© Maison d’Izieu /
Succession Sabine Zlatin
© Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin
Carte professionnelle de Miron Zlatin
© Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin
Étiquette d’une boîte pour poussins de l’élevage avicole de Landas
© Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin
1939 / 1945 S’engager au service des autres
1939 / 1941
Infirmière et assistante
sociale
En septembre 1939, la guerre
éclate. Immédiatement, Sabine
Zlatin décide de se rendre à
Lille pour suivre une formation
d’infirmière militaire à la CroixRouge. Elle s’engage dès
octobre 1939 et obtient,
le 24 mars 1940, sa carte
officielle d’infirmière de la
Croix-Rouge. Elle exerce à Lille
jusqu'au début de mai 1940.
Devant l’avancée des troupes
allemandes et anglaises, Sabine
et Miron quittent Landas mimai 1940, rejoignent Paris puis
gagnent Montpellier.
À partir du 21 juillet 1940,
Sabine Zlatin y est infirmière à
l’hôpital militaire de Lauwe.
Par suite des lois antisémites
du gouvernement de Vichy, elle
est congédiée le 10 février
1941. Souhaitant apporter
son aide dans les camps d’internement du sud de la
France, elle entre en contact,
sur les conseils de la Préfecture
de l’Hérault, avec l’Œuvre de
Secours aux Enfants (OSE).
Assistance sociale de l’OSE, elle
se rend dans les camps d’Agde
et de Rivesaltes vêtue de son
uniforme de la Croix-Rouge et
développe alors une importante
activité de sauvetage. Elle libère,
légalement et illégalement, de
nombreux enfants, qui sont placés ensuite dans différentes
maisons d’enfants.
Sabine Zlatin,
infirmière
de la Croix-Rouge
Carte d’infirmière militaire de la Croix-Rouge française de Sabine Zlatin, délivrée à Lille le 24 mars 1940 © Maison d’Izieu /
Succession Sabine Zlatin
Brouillon d’une lettre de Sabine Zlatin à Mme Lauric, datée de Montpellier le 21 mai 1941. Sabine Zlatin, alors infirmière à l’Hôpital de Lauwe, « {voudrait} quitter cet hôpital pour des raisons d’ordre moral et matériel ». Elle ajoute : « je sais que par exemple, dans les camps je pourrais faire plus, et être plus
utile. J’ai énormément de bonne volonté. Je voudrais servir les pauvres gens sans distinction de race, de nationalité... »
© Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin
© Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin
1939 / 1942 Garder les liens avec la famille à l’Est
Entre 1939 et 1942,
Sabine et Miron Zlatin
échangent plusieurs
courriers avec des
membres de leurs
familles restés dans les
pays de l’Est. La mère de
Miron, Goda Zlatin, est à
Vilnius en Lituanie. Son
père, Mendel Zlatin, et la
mère de Sabine, Ryfka
Chwast, résident dans le
quartier juif de Varsovie
en Pologne. À partir de
novembre 1940, ils sont
enfermés dans le ghetto.
Ils reçoivent et envoient
quelques lettres par
l’intermédiaire de la
Croix-Rouge.
En juillet 1942, les
déportations vers
Treblinka commencent.
Sabine et Miron n’ont
alors plus de nouvelles
de leurs familles.
Carte de correspondance de la Croix-Rouge Internationale échangée entre Sabine Zlatin, sa mère
et le père de Miron, qui se trouvaient tous deux dans le ghetto de Varsovie. Cette carte, rédigée
par Sabine le 14 septembre 1941, arrive à Varsovie le 10 décembre. Sabine reçoit leurs réponses
le 4 mars 1942.
Message de Sabine : « Ma chère aimée maman. Je vous présente mes vœux, je suis triste de passer cette fête
sans ma maman. Chez nous il n'y a pas de changement. Miron et moi, on travaille et on vit. Quoi de neuf chez
les parents de Miron ? Il est important que Beniek envoie l'adresse de Bronka. Bonjour à toute la famille, je
t'embrasse maman. 14.IX.41. Sabina »
Réponse de sa mère : « Mes chers enfants, je suis pleine de joie d'avoir de vos nouvelles. Je suis en bonne
santé. Je n'ai pas cette chaleur. Soyez en bonne santé. Mère. »
Réponse du père de Miron : « Je suis en bonne santé. Je vois la mère. Je n'ai pas de nouvelles de Wilno
(Vilnius). Que Miron écrive personnellement. Baisers, Père. »
© Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin
Carte postale de Goda Zlatin
adressée de Vilnius en octobre
1940 à son fils Miron.
« Cher Miron !
J'ai reçu avec un grand
bonheur ta carte postale du
16.09.1940 et j'étais heureuse
d'apprendre que vous êtes en
vie, en bonne santé et que vous
commencez à vous adapter.
Le père a aussi reçu ta carte
postale. Son adresse est la
même : Ogradowa 26a, N°18.
Je t'ai déjà répondu, mais je
t'écris encore une fois, peutêtre d'une façon ou d'une autre
la carte postale pourra passer.
La poste officielle en France ne
marche pas. Grâce à Dieu, je
suis en vie et de bonne santé.
Ecrivez-moi de quoi exactement vous avez le plus besoin
et comment je dois vous
l'envoyer. Je vais essayer de
faire tout mon possible pour
vous aider. Trouvez un moyen et
écrivez-moi dès que vous avez
reçu ceci. Est-ce que Sabina
continue à travailler à l'hôpital
et quelle est son adresse ? Je la
salue chaleureusement. Je vous
aime. Mère. G. Zlatina. »
© Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin
Boris et Mendel Zlatin, frère et père de Miron.
© Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin
Avril 1943 / 6 avril 1944
La « Colonie d'enfants réfugiés » à Izieu
Tandis que Miron organise
et dirige la colonie au
quotidien, Sabine Zlatin se
charge des contacts avec
l’extérieur. Elle effectue de
fréquents trajets entre Izieu
et Montpellier où elle
poursuit parallèlement ses
activités d’assistante sociale
et d’aide à plusieurs familles.
Apprenant la nouvelle de la
rafle à Montpellier par un
télégramme de la souspréfecture de Belley, elle
tente de sauver les enfants.
Elle se rend à Vichy puis à
Paris où elle contacte la
Croix-Rouge. En vain.
Tous les enfants et adultes
sont déportés par plusieurs
convois successifs vers
Auschwitz et Reval
(aujourd’hui Tallin).
Quelques semaines après la
rafle, Sabine Zlatin prend le
risque de revenir à la maison
d’Izieu. Dans les pièces désertées, elle trouve les lettres et
les dessins des enfants, qu’elle
garde précieusement. Elle les
dépose, peu avant la création
du mémorial, au cabinet des
Estampes de la Bibliothèque
nationale de France, afin qu’ils
soient conservés dans les
meilleures conditions au sein
d’archives nationales.
Séance de pluche sur la terrasse de la colonie d’Izieu, été 1943.
À droite, il s’agit vraisemblablement de Sabine Zlatin. Debout à l’arrièreplan, à gauche : Sigmund Springer ; debout au premier plan à gauche :
Georgy Halpern.
© Maison d’Izieu / collection Samuel Pintel
Brouillon d’une lettre de remerciements de la part de Sabine Zlatin,
adressée à Pierre-Marcel Wiltzer, sous-préfet de Belley, fin 1943
Sabine Zlatin écrit :
« Grâce à vous, M. le Sous-Préfet, une colonie d’enfants réfugiés a
trouvé gîte dans votre arrondissement. Depuis notre venue à Izieu,
vous nous avez témoigné votre sympathie par une multitude
d’attentions auxquelles nous sommes expressément sensibles. (...)
Permettez-moi, au nom de nos enfants, et de toute la colonie, de
vous souhaiter une bonne et heureuse année 1944, et la réalisation
de tous vos voeux les plus chers. »
© Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin
1945 / 1946 L’immédiat après-guerre
26 avril 1945 /
19 septembre 1945
L’attente et le retour des
déportés à l’Hôtel Lutétia
Après la rafle, Sabine Zlatin
gagne Paris, où elle rejoint la
Résistance. Elle porte le nom
de Jeanne Verdavoire et agit
auprès du service social du
Mouvement de libération
nationale.
À la Libération, elle est
nommée chef du service
hôtellerie du centre Lutétia,
chargé d’organiser l’accueil
des déportés.
En juillet 1945, plus d’un an
après la rafle, elle apprend
que son mari ne reviendra
pas de déportation.
Fin 1945, à la mémoire des
enfants d’Izieu et de son mari,
elle donne, à travers la
France, une série de
conférences sur les
déportations.
Avis de recherche affichés au Lutétia par Sabine Zlatin,
concernant Théo Reis et Miron Zlatin, arrêtés à Izieu le
6 avril 1944.
© Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin
Note de service du centre d’accueil des déportés de l’hôtel Lutétia, datée du 19 mai 1945.
Sabine Zlatin, qui a le grade de capitaine, est chef du service hôtellerie.
© Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin
1945 / 1994
À la mémoire des enfants et des éducateurs de la colonie d’Izieu
Dès 1945,
entretenir la mémoire et
inscrire le souvenir dans
les lieux
Attachée à la mémoire des
enfants et de son mari
arrêtés à Izieu le 6 avril
1944, Sabine Zlatin se bat
dès juillet 1945 pour que le
souvenir de ce drame soit
inscrit dans les lieux où il
s’est déroulé.
Le 7 avril 1946, une importante cérémonie dévoile
une plaque apposée sur la
maison et un monument est
érigé à Brégnier-Cordon, en
bordure de la route qui
mène à Izieu. Sabine Zlatin
en dessine les bas-reliefs.
Elle choisit la phrase du
poète John Donne inscrite
au pied de ce monument :
« tout homme est un morceau de continent, une part
du tout (...) la mort de tout
homme me diminue parce
que je fais partie du genre
humain. »
Dès cette date, Sabine
Zlatin vient commémorer,
chaque année à Izieu la rafle
de la colonie avec les habitants des environs.
De l’Hôtel Lutétia, Sabine Zlatin écrit le 24 juillet 1945 au préfet de l’Ain. Dans cette lettre, elle exprime le souhait d’apposer sur la maison d’Izieu une plaque « qui témoignera de la
barbarie teutonne aux futures générations ».
© Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin
Bas-reliefs
du monument
de BrégnierCordon
dessinés par
Sabine Zlatin
© Maison d’Izieu /
Succession Sabine Zlatin
Première commémoration de la rafle, le 7 avril 1946.
Une foule importante assiste à cette cérémonie.
© Maison d’Izieu / Succession Sabine Zlatin
1945 / 1994
À la mémoire des enfants et des éducateurs de la colonie d’Izieu
1987 / 1994
Du procès de
Klaus Barbie
à la Maison d’Izieu
En juin 1987, Sabine Zlatin
témoigne au procès de Klaus
Barbie à Lyon. Elle s’est
constituée partie civile et a
choisi Roland Rappaport pour
avocat. À l’issue de ce procès,
elle crée, avec d'autres personnes liées à l'histoire de la
colonie d’Izieu, une association
dont le but est de transformer
la maison en un lieu de
mémoire vivant.
Le 23 mars 1989, le président
de la République, François
Mitterrand, la décore de la
croix de chevalier de la Légion
d’Honneur. Le 24 avril 1994, il
inaugure le « Musée-mémorial
des enfants d’Izieu ». La
République reconnaît ainsi
l'action de Sabine Zlatin.
Elle a souhaité que ce mémorial devienne un lieu qui symbolise “la dénonciation des
crimes contre l'humanité”,
un lieu “de vigilance et de
résistance aux idéologies
fanatiques”, un lieu “ouvert à
tous”.
Morte à Paris le 21 septembre
1996 à l’âge de 89 ans, Sabine
Zlatin est inhumée au cimetière du Montparnasse. Elle
avait fait de la Maison d'Izieu
son légataire universel.
Sabine Zlatin et le président François Mitterrand,
lors de l’inauguration du « Musée-mémorial des
enfants d’Izieu », le 24 avril 1994.
Parmi de nombreuses personnalités présentes,
Jacques Chirac, alors maire de Paris, et Pierre
Truche, procureur général au procès Barbie.
Sabine Zlatin rencontre régulièrement de jeunes élèves à la Maison d’Izieu.
© Maison d’Izieu / Eric Ressort
« Cette maison sera un lieu de vie,
comme une sorte de défi à ce qui
s’est passé dans ces lieux.
Elle accueillera des classes et des
groupes qui trouveront ici des
espaces de travail, d’activité et de
rencontre.
Des classes et des groupes
de toutes origines, tous horizons,
de toutes formations et
toutes religions.
Ce sera un lieu animé et vivant
tout au long de l’année ».
Extrait du discours
de François Mitterrand,
Président de la République,
le 24 avril 1994 à Izieu.
Peintre et libraire
À l’automne 1945, après la fermeture du
Centre d’accueil de l’Hôtel Lutétia, Sabine
Zlatin s’installe définitivement à Paris.
Elle se consacre à la peinture, activité
qu’elle avait pratiquée avant la guerre.
Signant ses toiles du nom de Yanka,
elle fréquente dès 1945 l’atelier de
Gromaire.
Elle expose et vend ses œuvres
notamment à l’étranger à Edimbourg,
Stockholm, au Danemark ou aux États-Unis.
En France, elle expose
régulièrement au Salon d’Automne et aux
Indépendants.
Elle exerce parallèlement le métier de
libraire spécialisé dans les arts du spectacle.
Elle tient de 1951 à 1956 une librairie rue
Jacques Callot dans le 7ème arrondissement
de Paris, puis poursuit cette activité dans
l’appartement qu’elle occupe de 1961 à sa
mort, au 46 rue Madame, dans le 6ème
arrondissement.
Sabine Zlatin 1907 / 1996
Exposition
de documents issus de ses archives personnelles
Conception :
Kathel Houzé,
avec
Marie-Ange Baron,
Pierre-Jérôme Biscarat
et Cécile Lefort
Accrochage :
Éric Ressort
Traduction
des documents polonais : Anne Patoir
Traduction
des documents russes : Andrej Umansky
Montage vidéo : Technique :
Cécile Lefort
et Jean-Pierre Uhry
André Tardy
Réalisation de l’affiche :
Médicis, Lyon
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