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Cas clinique
Neuro-ophtalmologie et strabisme
Neurorétinite stellaire de Leber
Leber’s stellate optic neuropathy
B. Wolff, S. Bonnel, Y. Le Mer
(Service du Pr Sahel, Fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild, Paris)
M
Œdème papillaire • Étoile
maculaire • Maladie des griffes
du chat.
Papillary edema • Stellate
maculopathy • Cat scratch
disease.
r L., âgé de 18 ans, est adressé pour prise en charge d’un œdème papillaire de l’œil gauche évoluant depuis 3 jours. Il se plaint d’une baisse
d’acuité visuelle, indolore, apparue de façon brutale et ayant été précédée d’un
syndrome grippal deux semaines auparavant. Il ne présente pas d’antécédents
particuliers. À l’interrogatoire, le patient signale s’être fait griffer par son chat
il y a un mois.
Examen
▶▶ L’acuité visuelle est effondrée à 1/50e inférieure à Parinaud 14 à gauche ; 10/10e
Parinaud 2 à droite.
▶▶ L’examen des réflexes photomoteurs met en évidence un déficit pupillaire afférent
au niveau de l’œil gauche.
▶▶ L’examen du segment antérieur ne retrouve aucune anomalie.
▶▶ L’examen du fond d’œil gauche retrouve un œdème papillaire saillant et des exsu-
dats rétiniens périmaculaires disposés en étoile réalisant un tableau de neurorétinite
stellaire de Leber (figure 1). Le fond d’œil droit retrouve un aspect de périphlébite au
niveau supéro-maculaire (figure 2). Le vitré est clair des deux côtés.
▶▶ L’examen clinique général est sans particularité.
Examens complémentaires
▶▶ Le champ visuel de Goldmann retrouve un scotome cœco-central à l’œil gauche
(figure 3).
▶▶ L’angiographie à la fluorescéine montre à gauche une hyperfluorescence papillaire
avec dilatation des capillaires à la surface du disque optique (figure 4). À droite, on
retrouve une diffusion pariétale temporale supérieure en regard de la périphlébite
(figure 5).
▶▶ L’OCT retrouve un profil maculaire normal aux deux yeux (figure 6).
▶▶ Le bilan biologique met en évidence un syndrome inflammatoire (CRP = 34,3 ­mg/­l).
Parmi les sérologies pratiquées devant ce tableau clinique (leptospirose, maladie des
griffes du chat, toxoplasmose, toxocarose, maladie de Lyme, syphilis) seule la sérologie pour Bartonella henselae est positive avec un taux d’IgG à 256 et d’IgM à 48.
L’intradermoréaction à la tuberculine est négative.
▶▶ Le bilan radiologique comportant une IRM cérébrale et un scanner thoracique ne
retrouve aucune anomalie.
Évolution
Un traitement antibiotique par doxycycline 100 ­mg/­jour et rifampicine 600 ­mg/­jour est
débuté pour une durée de 1 mois.
Après deux mois d’évolution, l’acuité visuelle est remontée à 8/10e Parinaud 2. Le
fond d’œil gauche montre une résorption subcomplète des exsudats maculaires et
l’absence de tout œdème papillaire (figure 7). Le fond d’œil droit ne retrouve plus
d’engainement vasculaire (figure 7).
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Images en Ophtalmologie • Vol. III • n° 3 • juillet-août-septembre 2009
Légendes
Figure 1. Rétinophotographie couleur et
en lumière monochromatique bleue de l’œil
gauche retrouvant un œdème papillaire et
un aspect d’étoile maculaire.
Figure 2. Rétinophotographie couleur et
en lumière monochromatique bleue de l’œil
droit montrant un engainement vasculaire
temporal supérieur.
Figure 3. Champ visuel gauche retrouvant
un scotome cœco-central.
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Neuro-ophtalmologie et strabisme
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Cas clinique
Neuro-ophtalmologie et strabisme
Points forts
•• Initialement décrite par Leber en 1916 sous le terme de maculopathie stellaire,
la neurorétinite stellaire de Leber est un tableau syndromique associant une baisse
visuelle et un œdème papillaire précédant l’apparition d’une étoile maculaire. Cette
présentation clinique peut survenir à tout âge et nécessite la recherche d’une étiologie bactérienne (syphilis, B. henselae, maladie de Lyme, leptospirose, tuberculose),
parasitaire (toxoplasmose et toxocarose) et virale (herpès, hépatite, rougeole). Selon
certains auteurs, une maladie des griffes du chat serait incriminée dans deux tiers
des cas. À l’inverse, ce tableau clinique n’est jamais retrouvé dans un contexte de
pathologie démyélinisante.
•• Chronologiquement, le début de la maladie est marqué par un œdème papillaire qui s’associe à un décollement exsudatif, riche en protéines et lipides, pouvant
englober la macula. Lors de la résorption de l’œdème, les exsudats lipidiques précipitent dans les cellules de la microglie qui se situent dans la couche plexiforme
externe, et réalisent l’aspect d’étoile maculaire. Le mécanisme physiopathologique
reste cependant sujet à controverse.
•• Ce tableau clinique ne doit pas être confondu avec une neuropathie optique inflam-
matoire antérieure (papillite), une maculopathie unilatérale aiguë ou une neurorétinite diffuse unilatéral subaiguë. Chez les sujets de plus de 50 ans, il faudra éliminer
une rétinopathie hypertensive, une rétinopathie diabétique ou une oblitération de la
veine centrale de la rétine.
•• Le pronostic fonctionnel est bon avec une amélioration pouvant se faire lentement
(parfois sur un an).
•• Il n’existe pas de consensus thérapeutique concernant l’antibiothérapie,
ce d’­autant que l’évolution est spontanément bonne sans traitement. L’utilisation de
la corticothérapie n’a pas prouvé son efficacité à ce jour. II
Références bibliographiques
1. Bar S, Segal M, Shapira R et al. Neuro­retinitis associated with cat scratch disease. Am J Ophthalmol
1990;110:703-5.
2. Suhler EB, Lauer AK, Rosenbaum JT. Prevalence of serologic evidence of cat scratch disease in
patients with neuroretinitis. Ophthalmology 2000;107:871-6.
3. Reed JB, Scales DK, Wong MT et al. Bartonella henselae neuroretinitis in cat scratch disease.
Diagnosis, management and sequelea. Ophthalmology 1998;105:459-66.
4. Vignal-Clermont C. Neuropathie optique inflammatoire. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris). Ophthalmologic, 21-485-A-15, 1998, 7p.
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Légendes
Figure 4. Angiographie à la fluorescéine
de l’œil gauche retrouvant une hyperfluorescence papillaire avec dilatation des
capillaires à la surface du disque optique.
Figure 5. Angiographie à la fluorescéine de
l’œil droit retrouvant une diffusion pariétale
temporale supérieure.
Figure 6. OCT en coupe horizontal de la
macula de l’œil gauche retrouvant un profil
maculaire normal.
Figure 7. Rétinophotographies couleurs
bilatérales un mois après l’arrêt du traitement. Le fond d’œil droit ne retrouve plus
d’engainement vasculaire. Le fond d’œil
gauche montre une résorption subcomplète
des exsudats maculaires.
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