Physique stellaire et planètes extrasolaires : les succès de la mission spatiale CoRoT CoRoT est un satellite d’Astrophysique de taille moyenne et de coût modeste, financé en grande partie par la France (CNES) avec une contribution européenne et brésilienne. En orbite à 896 km d’altitude, il s’attache à obtenir des observations de très longue durée quasiment continues. Il conduit deux missions scientifiques différentes mais qui font appel aux mêmes techniques : la détection des vibrations des étoiles pour en comprendre la structure à l’aide de la sismologie et la recherche de planètes de petite taille autour d’autres étoiles que le Soleil. La mission spatiale Objectifs et exigences L a mission CoRoT poursuit deux objectifs principaux : la recherche de transits d’exoplanètes, par la mesure de la très faible diminution du flux lumineux d’une étoile lorsqu’une planète en orbite autour d’elle intercepte la ligne de visée, et l’astérosismologie, c’est-à-dire la mesure des oscillations de très faible amplitude des étoiles, qui nous renseignent sur leur structure interne. CoRoT est une mission spatiale de photométrie d’ultra-haute précision. En effet, une excellente précision photométrique est nécessaire pour détecter les oscillations stellaires, dont l’amplitude ne dépasse pas quelques millionièmes pour les étoiles de type solaire, ainsi que pour mesurer les transits de planètes telluriques, la profondeur du transit d’une planète de deux fois le rayon terrestre étant de quatre dix-millièmes seulement. CoRoT doit en outre observer de façon quasi-continue les mêmes étoiles, c’est-à-dire pouvoir rester pointé sur le même champ jusqu’à 5 à 6 mois d’affilée. Ces diverses exigences obligent à travailler dans l’espace. L’instrument CoRoT est constitué d’un télescope d’une surface collectrice de 590 cm2 suivi d’un objectif dioptrique qui forme l’image du champ observé dans le plan focal, constitué de quatre CCD à transfert de trame, technique qui permet de minimiser les temps morts dans le comptage des photons (figure 1). Le télescope est protégé de la lumière diffusée de la Terre par un baffle extrêmement performant qui ne laisse pas passer plus d’un photon sur mille milliards qui en franchissent l’entrée. Le champ total est de 7 degrés carrés. La moitié est optimisée pour l’étude des oscillations stellaires. On y observe 10 étoiles (5 par CCD) relativement brillantes (5,4 < mV < 9,5) avec un échantillonnage de une seconde. L’autre moitié est optimisée pour la recherche de transits planétaires. On y observe simultanément jusqu’à Article proposé par : Claire Moutou, [email protected] Laboratoire d’Astronomie de Marseille (LAM), UMR 6110 de l’Observatoire Astronomique de Marseille-Provence, CNRS / OAMP / Univ. Aix Marseille 1, Marseille Michel Auvergne, [email protected] Annie Baglin, [email protected] Claude Catala, [email protected] Éric Michel, [email protected] Laboratoire d’Études Spatiales et d’Instrumentation pour l’Astrophysique (LESIA), UMR 8109, CNRS / Obs. de Paris / Univ. Paris 7 / UPMC, Meudon La mission spatiale CoRoT, lancée le 27 décembre 2006 a été développée et ses opérations sont assurées par le CNES avec la participation de l’Agence Spatiale Européenne (RSSD et ESA Science programme) de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Belgique, du Brésil et de l’Espagne. 73 Astrophysique Figure 1 – À gauche, schéma du télescope, tel qu’il a été conçu en 2001 ; à droite, le télescope en fin de montage dans les salles blanches d’Intespace (Toulouse) en septembre 2005. 12 000 étoiles faibles (10 < mV < 16), avec un échantillonnage de 512 s (32 s pour 1 000 d’entre-elles). Ces observations, bien que moins précises que celles obtenues sur les étoiles brillantes, permettent, outre la détection de transits planétaires, la détection d’oscillations stellaires et constituent une véritable mine d’or pour les études statistiques. Le satellite L’instrument CoRoT est installé sur une « plateforme » qui lui fournit l’énergie dont il a besoin pour fonctionner, qui le maintient en orbite et qui assure les communications avec les antennes au sol qui sont gérées par le centre d’opérations au CNES à Toulouse. Cette plateforme fait partie de la série PROTEUS, développée par le CNES et construite par Thales Alenia Space. La masse totale du satellite est de 600 kg. Il a été lancé par une fusée Soyuz II-b, le premier modèle de la série qui va équiper le Centre Spatial de Kourou. L’orbite et le profil de mission Grâce à son orbite polaire à 896 km d’altitude, CoRoT peut observer la même région du ciel en tournant le dos au Soleil pendant près de six mois, puis la direction opposée pendant les six mois suivants après une manœuvre de retournement. La position précise du plan de cette orbite est contrainte par le programme de recherche d’exoplanètes. En effet, la probabilité géométrique d’observer un transit (c’est-à-dire la probabilité que la ligne de visée se trouve dans le plan orbital de la planète) étant relativement faible (0,5 % environ pour une planète orbitant à une unité astronomique d’une étoile de un rayon solaire), la mission doit maximiser le nombre total d’étoiles observées, donc viser des directions proches de la Voie Lactée (figure 2). 74 La chasse aux planètes On connaît à ce jour près de 500 planètes extrasolaires, qui tournent autour d’étoiles autres que le Soleil. La plupart d’entre elles ont été découvertes de façon indirecte par spectroscopie. Une centaine ont été détectées par la méthode des « transits ». Ces planètes, dont l’orbite est vue par la tranche, produisent des micro-occultations pendant leur passage devant le disque stellaire. Ce « transit » a une forme carrée bien reconnaissable (voir encadré 1), dure quelques heures et se produit une fois par période orbitale de la planète. Son amplitude est proportionnelle au rapport entre la surface des disques planétaire et stellaire. En observant des centaines de milliers d’étoiles, CoRoT détecte des centaines d’événements candidats, dont certains s’avèrent effectivement être des transits planétaires. Les transits découverts par CoRoT (tableau 1) ont une amplitude comprise entre 2 10-4 et quelques pour cents, correspondant à des planètes de taille très différente, entre 1,5 et 20 fois le rayon terrestre. Elles ont également une fourchette très large de période orbitale, s’étalant de 20 h à 95 jours ! Les données mesurées sur un transit photométrique sont principalement la profondeur relative DF et la durée d du signal, donnés par : DF = Foff − Fon Foff = (r / R )2 4 1/3 d = R P 1/3 (m + M )–1/3 (1+ r / R )2 − b2 πG où Fon et Foff sont les flux de l’étoile respectivement pendant le transit et hors transit, r et R (m et M) sont les rayons (masses) de la planète et de l’étoile ; b indique la hauteur à laquelle se produit le transit sur le disque stellaire (b = 0 correspond à un transit équatorial et b = 1 à Physique stellaire et planètes extrasolaires : les succès de la mission spatiale CoRoT un transit rasant) et P est la période orbitale. Dans le cas d’une orbite excentrique, la durée du transit dépend aussi de la valeur de l’excentricité et de l’angle entre le périastre et la ligne de visée. Ainsi, sans pouvoir observer directement ces planètes, on mesure leur masse et leur rayon donc leur densité et on peut commencer à comprendre leurs caractéristiques (figure 3). La densité des 13 planètes et des 2 naines brunes découvertes par CoRoT s’étend de 0,3 à 46 g/cm3, un domaine considérable qui explore des objets très divers (voir tableau 1). Ces résultats vont permettre répondre à des questions telles que : de –– y a-t-il des planètes telluriques dans les régions internes des systèmes extrasolaires, et quelles sont les caractéristiques de ces planètes ? La découverte de CoRoT-7b, une planète terrestre chauffée à l’extrême par son étoile, a pu démontrer pour la première fois l’existence d’une planète rocheuse hors de notre système solaire. Cependant sa surface est probablement un océan de lave ! –– quelle est la structure interne des planètes géantes ? Dépend-elle de l’environnement dans lequel évolue la planète ? La moisson des résultats de CoRoT a énormément contribué à élargir cette connaissance, en découvrant des systèmes aux caractéristiques différentes. En parti­culier, CoRoT-9b est la seule planète géante connue, en transit (donc bien caractérisée), qui reste relativement éloignée de son étoile tout au long de son orbite ; la surface de la planète reste alors tiède, à une température constante et probablement comprise entre – 40 et + 140 °C, à ­comparer aux planètes en transit les plus courantes, dont la température dépasse 1 000 et parfois 2 000 °C, avec une physico-chimie exotique. L’énergie reçue de l’étoile par ces planètes chaudes contribue à empêcher leur contraction, et elles se caractérisent par un volume gigantesque, contrairement à CoRoT-9b. –– Quelles sont les étoiles qui abritent des planètes ? À la différence de la plupart des programmes de recherche de planètes, CoRoT sélectionne très peu les étoiles observées. CoRoT a ainsi découvert des planètes autour d’étoiles très différentes, analogues au Soleil mais aussi plus chaudes, des étoiles jeunes, des étoiles en rotation rapide... Table 1. Caractéristiques des planètes extrasolaires découvertes par CoRoT et de leur étoile hôte N° Période (jour) Masse Mjupiter Rayon Rjupiter Densité g/cm3 Excentricité Distance UA Etoile 1 1,509 1,03 1,49 0,38 0 0,0254 type solaire 2 1,743 3,31 1,46 1,31 0 0,0281 froide, jeune 3 4,257 21,66 1,01 26,4 0 0,057 chaude 4 9,202 0,72 1,19 0,52 0 0,090 chaude 5 4,034 0,47 1,39 0,22 0 0,0495 type solaire 6 8,886 2,96 1,17 2,32 0 0,085 chaude 7 0,853 0,015 0,15 5,6 0 0,017 froide 8 6,212 0,22 0,57 1,6 0 0,063 froide 9 95,274 0,84 1,05 0,90 0,11 0,407 type solaire 10 13,241 2,75 0,97 3,70 0,53 0,106 froide 11 2,994 2,33 1,43 0,99 0 0,0436 chaude, rotation rapide 12 2,828 0,92 1,44 0,31 0 0,04 type solaire 13 4,035 1,31 0,88 2,34 0 0,051 type solaire 14 1,5 7,5 1,04 8,2 0 0,027 chaude 0,046 chaude, rotation rapide 15 3,060 64 1,22 46 0 Notes : 1, 5, 12 : planètes géantes gazeuses, anormalement volumineuses, de très courte période orbitale. 2 : planète géante gazeuse dilatée dans un système planétaire très jeune. 11 : planète géante gazeuse autour d’une étoile en rotation extrêmement rapide. 4, 6, 13, 14 : planètes géantes gazeuses de dimension similaire à Jupiter dites « Jupiters chauds ». 10 : planète géante gazeuse en orbite très excentrique. 8 : planète géante de glace, de densité similaire à Neptune. 3, 15 : naines brunes à courte période orbitale, 3 est la naine brune la moins massive connue (on parle de naine brune plutôt que de planète, lorsque la masse dépasse 12 MJupiter). 9 : première planète géante gazeuse tempérée : un « Jupiter » sur l’orbite de Mercure. 7 : première planète « super-Terre » en transit, probablement rocheuse, de période orbitale extrêmement courte (20 h). Figure 2 – Les étoiles observées par CoRoT sont proches du plan Galactique, à l’intérieur de deux cercles d’environ 10° diamétralement opposés, « les yeux de CoRoT » © L. Boisnard (CNES) 75 Astrophysique Encadré 1 Détecter des planètes avec CoRoT : une analyse minutieuse Depuis février 2007, CoRoT observe chaque année environ 30 000 étoiles. La variation de l’éclat d’une étoile au cours du temps, ou « courbe de lumière », est enregistrée sur une durée de 20 à 150 jours. On y recherche alors une série de micro-éclipses (ou transits) imputable au passage répété d’une planète devant son étoile. Pour assurer une grande fiabilité des résultats, plusieurs groupes travaillent en parallèle, analysent les données indépendamment, puis comparent leurs résultats. Chaque année, jusqu’à un millier de courbes de lumière présentant des transits sont isolées, parmi lesquels plus d’une centaine sont potentiellement le fait de planètes… Mais une fois ces « planètes potentielles » identifiées, la tâche est loin d’être terminée (voir encadré suivant). Figure E1 – De la courbe de lumière brute reçue du satellite (à gauche) jusqu’au transit reconstitué après repliement sur la période orbitale (à droite). Les transits planétaires sont détectés sur la courbe corrigée des effets instrumentaux (au milieu). © C. Cavarroc (IAS) Figure E2 – La première super-Terre en transit : Corot 7b. Courbe de lumière de l’étoile froide et active CoRot-7, hôte des planètes CoRot-7b et c. L’activité à la surface de l’étoile donne un signal plus de 50 fois plus important en amplitude que les transits de CoRoT-7b. Cette activité est soustraite, puis la courbe de droite est obtenue par repliement selon la période orbitale. © R. Alonso De la sismologie stellaire Les étoiles, sphères de gaz autogravitantes, sont sujettes à des vibrations périodiques caractéristiques de leur structure. Les méthodes de la sismologie, telles qu’elles sont utilisées par exemple pour la Terre, peuvent être appliquées à ces objets. Leurs modes propres (si elles sont peu déformées) sont les harmoniques sphériques, caractérisés par trois nombres d’onde, indiquant le nombre de nœuds suivant un rayon, et à la surface (figure 4). 76 Les fréquences caractérisent la structure de l’étoile : ses dimensions, sa forme, la manière dont son intérieur est stratifié, comment cet intérieur tourne. Elles permettent donc de « voir au cœur des étoiles ». Les amplitudes et les durées de vie des modes renseignent sur les aspects énergétiques : la façon dont l’oscillation perd de l’énergie dans certaines régions de l’étoile, ou en gagne dans d’autres, son interaction avec la convection… Lorsqu’une étoile pulse, sa luminosité varie périodiquement à la fréquence de cette oscillation. C’est en détectant ces variations très faibles que CoRoT peut étudier les Physique stellaire et planètes extrasolaires : les succès de la mission spatiale CoRoT Encadré 2 Le support nécessaire des télescopes terrestres Les planètes ne sont clairement identifiées que lorsque tous les autres scénarios qui pourraient simuler un transit planétaire ont été écartés. Entre la détection de transits par CoRoT et la confirmation qu’il s’agit bien d’une nouvelle planète, une longue série d’observations complémentaires à l’aide de télescopes au sol doit être réalisée. En général, près de deux ans sont nécessaires, car il faut prendre en compte à la fois la visibilité d’une étoile dans le ciel (chaque région du ciel n’est observable que quelques mois par an) et la disponibilité des grands télescopes. Une quinzaine de télescopes de par le monde est utilisée pour cette tâche. Il s’agit d’abord de confirmer la position de l’étoile présentant les transits, puis d’établir que le corps qui cause ces transits est bien une planète et non une autre étoile. Cette vérification se fait idéalement en mesurant la masse de ce corps. Des spectrographes de haute précision en vitesse radiale sont utilisés à cet effet. Si la masse ainsi estimée est supérieure à 0,08 Msoleil (limite d’allumage des réactions nucléaires), le transit est causé par une étoile. Si la masse est inférieure, l’objet qui provoque les transits est une naine brune (de quelques masses de Jupiter à 0,08 Msoleil) ou une planète (en dessous de quelques masses de Jupiter). La frontière entre naines brunes et planètes n’est pas parfaitement définie; elle fait intervenir les conditions de formation et d’évolution des systèmes. oscillations. Pour chacune des dix étoiles du champ dédié à la sismologie, CoRoT mesure chaque seconde la quantité de lumière reçue, avec une grande précision (dispersion par point de mesure comprise entre 4.10–4 et 2.10–3), et pendant des durées pouvant atteindre jusqu’à 6 mois. Pour cent vingt étoiles brillantes (et plus de cent mille étoiles faibles) CoRoT a délivré une grande diversité de courbes de lumière qui reflète la variété des étoiles observées (figure 5). Les résultats Figure 3 – Masse et rayon des planètes en transit connues, exprimés en masse et rayon de la Terre (MT ~ 6 1024 kg , RT = 6,38 106 m). En bleu les exoplanètes découvertes par CoRoT, en noir les autres planètes en transit. Ces « courbes de lumière » ont un niveau de bruit entre 100 et 1 000 fois plus faible que précédemment. CoRoT a ainsi découvert les oscillations stochastiques « de type solaire » dans diverses étoiles analogues au Soleil ou un peu plus chaudes (voir encadré 3). Dans les étoiles A pulsantes de type d Scuti, la mission a révélé des centaines de modes de faible amplitude qui se cachaient dans le bruit. Elle a détecté les oscillations dans des centaines d’étoiles évoluées dites « géantes rouges ». CoRoT a également découvert des comportements inattendus, comme des oscillations stochastiques dans des étoiles massives. L’interprétation de ces observations en terme de physique stellaire n’en est qu’à ses débuts, mais s’inscrit déjà parfaitement en regard des objectifs scientifiques que CoRoT s’était fixé. L’extension des cœurs mélangés Figure 4 – Illustration des perturbations (de température) au sein d’une étoile vibrant suivant un mode « non radial » de pulsation. Les couleurs jaunes et rouges représentent des zones plus chaudes ou plus froides, à la fois radialement mais aussi en surface. © Soren Frandsen Il s’agit d’un problème crucial de la physique stellaire. Toutes les étoiles plus massives que le soleil (≥ 1,1 Msoleil) ont un cœur convectif bouillonnant au début de leur vie, entouré d’une région plus calme. Ce cœur détermine la quantité d’hydrogène disponible pour les réactions nucléaires qui régissent l’évolution de cette phase représentant près de 90 % de la vie de l’étoile. Actuellement, l’incertitude sur la taille de ce noyau est telle que la durée de cette phase d’évolution et donc l’âge des étoiles sont 77 Astrophysique Figure 5 – Exemples montrant la diversité des courbes de lumière (variation relative d’intensité, ici sur deux jours) mesurées avec CoRoT. très mal connus. CoRoT a déjà contribué significati­ vement à l’avancement de cette problématique, à la fois pour les étoiles massives et les étoiles de type solaire, et indique une extension du cœur convectif plus élevée que prévu. Le transport convectif dans les zones proches de la surface On sait que ce processus, qui contrôle le gradient de température et la structure entre la surface observée et les régions internes, est mal décrit. CoRoT l’aborde sous plusieurs angles, en particulier : –– par la localisation de motifs structurels comme la base de la zone convective ou la zone d’ionisation partielle de l’hélium. Les espacements entre les fréquences du spectre d’oscillation peuvent être analysés finement pour indiquer la profondeur acoustique de ces régions, qui à son tour dépend du transport convectif sous la surface ; –– par les amplitudes et profils des modes d’oscillation excités stochastiquement par la convection, qui dépendent de la manière dont les oscillations interagissent avec la convection. Sur des étoiles un peu plus chaudes que le Soleil, CoRoT confirme que les amplitudes augmentent avec la température de surface des étoiles sur la séquence principale, mais montre qu’elles sont significativement inférieures aux prédictions. 78 Les indicateurs sismiques pour compléter les observables classiques et caractériser les étoiles Une application très importante des mesures d’oscillations stellaires réside dans la détermination d’indices sismiques susceptibles de compléter les observables classiques – température effective, gravité de surface ou parallaxe – pour caractériser une étoile ou une population d’étoiles. Ils ont un très grand avantage : la précision de leur mesure ne dépend pas de la distance, contrairement aux observables classiques. L’étude des géantes rouges avec CoRoT illustre bien ce potentiel. Alors que les indicateurs classiques ne permettent pas de déterminer la masse et le stade évolutif, les indices sismiques tels que la grande séparation Δν (voir encadré 3 ) et νmax la fréquence associée au maximum d’amplitude des oscillations, permettent de caractériser ces étoiles en masse et rayon. En comparant ces indices sismiques pour l’échantillon d’étoiles observé (800 étoiles) et pour un échantillon issu d’un modèle de synthèse de population stellaire, on peut déjà conclure à l’absence d’épisode récent de formation stellaire dans le voisinage solaire. De la physique stellaire Les courbes de lumière de CoRoT permettent d’accéder à d’autres grandeurs, essentiellement la période de rotation, les phénomènes d’activité magnétique, l’étude Physique stellaire et planètes extrasolaires : les succès de la mission spatiale CoRoT Encadré 3 La régularité du spectre des oscillations de type solaire Dans ce type d’étoiles les modes de haute fréquence, dits « de pression » parce que leur force de rappel est essentiellement due à la pression, sont quasiment régulièrement espacés et permettent de définir deux grandeurs : la grande et la petite séparation. Alors que la grande séparation est sensible aux paramètres globaux, en particulier la densité, la petite séparation est plus sensible au cœur. La régularité associée à la grande séparation Dn se distingue aisément sur le spectre de puissance (figure E3). La petite séparation n’apparaît pas du fait du lissage. Figure E3 – Spectre de puissance montrant les oscillations de l’étoile HD49385. Le motif régulier « en peigne » des oscillations de type solaire est clairement visible, avec ici une grande séparation Dn de 56 mHz. La courbe bleue correspond à la moyenne du spectre sur 0,4 mHz, et la courbe verte au bruit de photons et à la granulation stellaire (voir paragraphe « la granulation »). des systèmes multiples et l’éventuelle interaction entre les corps… La rotation La plupart des étoiles présentent des irrégularités à leur surface. Bien connues sur le Soleil, où elles sont appelées « taches », ce sont des régions plus froides et moins brillantes, associées à l’activité magnétique. Le passage de ces taches sur le disque stellaire observé module la courbe de lumière. On peut ainsi mesurer directement la période de rotation de l’objet, contrairement à la méthode spectroscopique qui permet seulement d’accéder à la vitesse de rotation projetée sur l’axe de visée. L’excellente qualité des données CoRoT à basse fréquence permet de faire cette mesure avec précision sur un grand nombre d’étoiles. Ainsi, en étudiant un échantillon d’étoiles de masse voisine de celle du Soleil, préalablement sélectionnées et caractérisées au sol, on a pu déterminer la variation de la période de rotation au cours de l’évolution (figure 6). Une analyse plus fine des courbes de lumière permet d’estimer la taille, la position en latitude et la durée de vie des « taches ». Ces durées de vie semblent croître avec la période de rotation, c’est-à-dire en principe avec l’âge de l’objet. La granulation A plus petite échelle, la « granulation », phénomène observé en détail sur le Soleil, correspond à l’émergence en surface des éléments convectifs de l’enveloppe. La granulation apparaît dans les données photométriques sous forme d’un bruit coloré (voir la figure E3) provoquant un épaulement dans le spectre de Fourier. CoRoT a permis pour la première fois de détecter dans divers types d’étoiles cette structure dont la position et l’amplitude varient en fonction des paramètres stellaires. La séparation entre oscillation et granulation est parfois délicate et fait l’objet de controverses. Les étoiles doubles à éclipses Un système de deux étoiles tournant l’une autour de l’autre peut produire des éclipses. CoRoT découvre de très nombreux systèmes de ce type (dix fois plus que de planètes…). C’est l’analyse de ces systèmes qui aujourd’hui permet de mesurer directement les rayons et les masses des étoiles avec la plus grande précision. Perspectives En orbite depuis près de quatre ans, CoRoT a déjà fourni une moisson impressionnante de résultats, tant dans le domaine de la recherche d’exoplanètes que dans celui de l’astérosismologie et plus généralement de la physique stellaire. La mission CoRoT, pionnière dans son domaine, ouvre donc une nouvelle voie pour l’étude des exoplanètes et des intérieurs stellaires. Mais comme tous les précurseurs, elle compte quelques limitations fondamentales, que ses successeurs devront s’efforcer de dépasser. La mission américaine Kepler, lancée en mars 2009, relève en partie ces défis avec ses 100 degrés carrés de champ (contre 4 degrés carrés pour la voie exoplanètes de 79 Astrophysique Figure 6 – Période de rotation pour un échantillon d’étoiles de masse solaire représentées dans le diagramme gravité (en cm · s–2) en fonction de la température de surface. Les courbes représentent les trajets des étoiles au cours de leur évolution. CoRoT), son télescope de 90 cm de diamètre (contre 27 cm pour CoRoT), et sa durée de suivi de 4,5 ans au moins (contre 5 mois pour CoRoT). On espère ainsi découvrir de nouveaux types d’exoplanètes, plus petites et en orbite plus lointaine que celles trouvées par CoRoT. Mais les cibles de Kepler sont aussi faibles que celles de CoRoT, et les observations complémentaires au sol seront aussi difficiles. Certaines détections ne pourront probablement pas être confirmées, en particulier celles des planètes les plus petites en orbite lointaine. 80 Pour aller plus loin, il faudra attendre la mission PLATO de l’Agence Spatiale Européenne, actuellement en compétition dans le cadre du programme Cosmic Vision, pour un lancement en 2018. L’approche proposée pour la mission PLATO est d’étudier simultanément les exoplanètes et leurs étoiles-hôtes, observées ensemble par la même technique de photométrie à ultra-haute précision. Le principe de PLATO est de couvrir un champ gigantesque, de plus de 2100 degrés carrés, et de ce fait de pouvoir observer un très grand nombre d’étoiles. Les cibles de PLATO seront suffisamment brillantes (typiquement mV ≤ 10,5) pour qu’on puisse mesurer leurs oscillations et suffisamment nombreuses pour qu’on puisse détecter statistiquement un nombre important de planètes en transit. Au total, c’est plus de la moitié du ciel qui pourra être couverte par les observations de PLATO. Environ 250 000 étoiles naines froides seront scrutées à la recherche de planètes, parmi lesquelles les 20 000 plus brillantes seront mesurées avec une précision suffisante pour analyser leurs oscillations. Ces exoplanètes dont l’étoile-hôte sera analysée par sismologie, pourront être caractérisées grâce à un vaste programme d’observations au sol. Nous connaîtrons alors de manière fiable leur taille, leur masse et leur âge, à partir de quoi la masse, le rayon et l’âge de leurs planètes seront déterminés précisément. Pour en savoir plus Voir le site du CNES consacré à CoRoT : http://smsc.cnes.fr/COROT/