Physique stellaire et planètes extrasolaires : les succès de la

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Physique stellaire et planètes
extrasolaires : les succès
de la mission spatiale CoRoT
CoRoT est un satellite d’Astrophysique de taille moyenne et de coût modeste, financé en grande partie
par la France (CNES) avec une contribution européenne et brésilienne. En orbite à 896 km d’altitude,
il s’attache à obtenir des observations de très longue durée quasiment continues. Il conduit deux missions
scientifiques différentes mais qui font appel aux mêmes techniques : la détection des vibrations des étoiles
pour en comprendre la structure à l’aide de la sismologie et la recherche de planètes de petite taille autour
d’autres étoiles que le Soleil.
La mission spatiale
Objectifs et exigences
L
a mission CoRoT poursuit deux objectifs principaux : la recherche de transits d’exoplanètes, par la
mesure de la très faible diminution du flux lumineux d’une étoile lorsqu’une planète en orbite autour
d’elle intercepte la ligne de visée, et l’astérosismologie,
c’est-à-dire la mesure des oscillations de très faible amplitude des étoiles, qui nous renseignent sur leur structure
interne. CoRoT est une mission spatiale de photométrie
d’ultra-haute précision. En effet, une excellente précision
photométrique est nécessaire pour détecter les oscillations stellaires, dont l’amplitude ne dépasse pas quelques
millionièmes pour les étoiles de type solaire, ainsi que
pour mesurer les transits de planètes telluriques, la profondeur du transit d’une planète de deux fois le rayon terrestre étant de quatre dix-millièmes seulement.
CoRoT doit en outre observer de façon quasi-continue
les mêmes étoiles, c’est-à-dire pouvoir rester pointé sur le
même champ jusqu’à 5 à 6 mois d’affilée. Ces diverses exigences obligent à travailler dans l’espace.
L’instrument
CoRoT est constitué d’un télescope d’une surface collectrice de 590 cm2 suivi d’un objectif dioptrique qui forme
l’image du champ observé dans le plan focal, constitué de
quatre CCD à transfert de trame, technique qui permet de
minimiser les temps morts dans le comptage des photons
(figure 1). Le télescope est protégé de la lumière diffusée
de la Terre par un baffle extrêmement performant qui ne
laisse pas passer plus d’un photon sur mille milliards qui
en franchissent l’entrée. Le champ total est de 7 degrés carrés. La moitié est optimisée pour l’étude des oscillations
stellaires. On y observe 10 étoiles (5 par CCD) relativement
brillantes (5,4 < mV < 9,5) avec un échantillonnage de une
seconde. L’autre moitié est optimisée pour la recherche de
transits planétaires. On y observe simultanément jusqu’à
Article proposé par :
Claire Moutou, [email protected]
Laboratoire d’Astronomie de Marseille (LAM), UMR 6110 de l’Observatoire Astronomique de Marseille-Provence, CNRS / OAMP /
Univ. Aix Marseille 1, Marseille
Michel Auvergne, [email protected]
Annie Baglin, [email protected]
Claude Catala, [email protected]
Éric Michel, [email protected]
Laboratoire d’Études Spatiales et d’Instrumentation pour l’Astrophysique (LESIA), UMR 8109, CNRS / Obs. de Paris / Univ. Paris 7 /
UPMC, Meudon
La mission spatiale CoRoT, lancée le 27 décembre 2006 a été développée et ses opérations sont assurées par le CNES avec la participation de l’Agence Spatiale Européenne (RSSD et ESA Science programme) de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Belgique, du Brésil et de
l’Espagne.
73
Astrophysique
Figure 1 – À gauche, schéma du télescope, tel qu’il a été conçu en 2001 ; à droite, le télescope en fin de montage dans les salles blanches d’Intespace (Toulouse) en
septembre 2005.
12 000 étoiles faibles (10 < mV < 16), avec un échantillonnage de 512 s (32 s pour 1 000 d’entre-elles). Ces observations, bien que moins précises que celles obtenues sur les
étoiles brillantes, permettent, outre la détection de transits
planétaires, la détection d’oscillations stellaires et constituent une véritable mine d’or pour les études statistiques.
Le satellite
L’instrument CoRoT est installé sur une « plateforme »
qui lui fournit l’énergie dont il a besoin pour fonctionner, qui
le maintient en orbite et qui assure les communications avec
les antennes au sol qui sont gérées par le centre d’opérations
au CNES à Toulouse. Cette plateforme fait partie de la série
PROTEUS, développée par le CNES et construite par Thales
Alenia Space. La masse totale du satellite est de 600 kg. Il a
été lancé par une fusée Soyuz II-b, le premier modèle de la
série qui va équiper le Centre Spatial de Kourou.
L’orbite et le profil de mission
Grâce à son orbite polaire à 896 km d’altitude, CoRoT
peut observer la même région du ciel en tournant le dos
au Soleil pendant près de six mois, puis la direction opposée pendant les six mois suivants après une manœuvre de
retournement. La position précise du plan de cette orbite
est contrainte par le programme de recherche d’exoplanètes. En effet, la probabilité géométrique d’observer un
transit (c’est-à-dire la probabilité que la ligne de visée se
trouve dans le plan orbital de la planète) étant relativement faible (0,5 % environ pour une planète orbitant à
une unité astronomique d’une étoile de un rayon solaire),
la mission doit maximiser le nombre total d’étoiles observées, donc viser des directions proches de la Voie Lactée
(figure 2).
74
La chasse aux planètes
On connaît à ce jour près de 500 planètes extrasolaires,
qui tournent autour d’étoiles autres que le Soleil. La plupart d’entre elles ont été découvertes de façon indirecte
par spectroscopie. Une centaine ont été détectées par la
méthode des « transits ». Ces planètes, dont l’orbite est
vue par la tranche, produisent des micro-occultations pendant leur passage devant le disque stellaire. Ce « transit »
a une forme carrée bien reconnaissable (voir encadré 1),
dure quelques heures et se produit une fois par période
orbitale de la planète. Son amplitude est proportionnelle
au rapport entre la surface des disques planétaire et stellaire. En observant des centaines de milliers d’étoiles,
CoRoT détecte des centaines d’événements candidats,
dont certains s’avèrent effectivement être des transits planétaires. Les transits découverts par CoRoT (tableau 1)
ont une amplitude comprise entre 2 10-4 et quelques
pour cents, correspondant à des planètes de taille très
différente, entre 1,5 et 20 fois le rayon terrestre. Elles ont
également une fourchette très large de période orbitale,
s’étalant de 20 h à 95 jours ! Les données mesurées sur un
transit photométrique sont principalement la profondeur
relative DF et la durée d du signal, donnés par :
DF =
Foff − Fon
Foff
= (r / R )2
 4 1/3
d =
 R P 1/3 (m + M )–1/3 (1+ r / R )2 − b2
 πG 
où Fon et Foff sont les flux de l’étoile respectivement pendant le transit et hors transit, r et R (m et M) sont les
rayons (masses) de la planète et de l’étoile ; b indique la
hauteur à laquelle se produit le transit sur le disque stellaire (b = 0 correspond à un transit équatorial et b = 1 à
Physique stellaire et planètes extrasolaires : les succès de la mission spatiale CoRoT
un transit rasant) et P est la période orbitale. Dans le cas d’une orbite excentrique,
la durée du transit dépend aussi de la
valeur de l’excentricité et de l’angle entre le
périastre et la ligne de visée.
Ainsi, sans pouvoir observer directement ces planètes, on mesure leur masse
et leur rayon donc leur densité et on peut
commencer à comprendre leurs caractéristiques (figure 3).
La densité des 13 planètes et des
2 naines brunes découvertes par CoRoT
s’étend de 0,3 à 46 g/cm3, un domaine
considérable qui explore des objets très
divers (voir tableau 1).
Ces résultats vont permettre
répondre à des questions telles que :
de
–– y a-t-il des planètes telluriques dans les
régions internes des systèmes extrasolaires,
et quelles sont les caractéristiques de ces
planètes ? La découverte de CoRoT-7b, une
planète terrestre chauffée à l’extrême par
son étoile, a pu démontrer pour la première
fois l’existence d’une planète rocheuse hors
de notre système solaire. Cependant sa surface est probablement un océan de lave !
–– quelle est la structure interne des
planètes géantes ? Dépend-elle de l’environnement dans lequel évolue la planète ?
La moisson des résultats de CoRoT a énormément contribué à élargir cette connaissance, en découvrant des systèmes aux
caractéristiques différentes. En parti­culier,
CoRoT-9b est la seule planète géante
connue, en transit (donc bien caractérisée), qui reste relativement éloignée de
son étoile tout au long de son orbite ; la
surface de la planète reste alors tiède, à
une température constante et probablement comprise entre – 40 et + 140 °C, à
­comparer aux planètes en transit les plus
courantes, dont la température dépasse
1 000 et parfois 2 000 °C, avec une physico-chimie exotique. L’énergie reçue de
l’étoile par ces planètes chaudes contribue
à empêcher leur contraction, et elles se
caractérisent par un volume gigantesque,
contrairement à CoRoT-9b.
–– Quelles sont les étoiles qui abritent
des planètes ? À la différence de la plupart
des programmes de recherche de planètes,
CoRoT sélectionne très peu les étoiles
observées. CoRoT a ainsi découvert des planètes autour d’étoiles très différentes, analogues au Soleil mais aussi plus chaudes,
des étoiles jeunes, des étoiles en rotation
rapide...
Table 1. Caractéristiques des planètes extrasolaires découvertes par CoRoT et de
leur étoile hôte
N°
Période
(jour)
Masse
Mjupiter
Rayon
Rjupiter
Densité
g/cm3
Excentricité
Distance
UA
Etoile
1
1,509
1,03
1,49
0,38
0
0,0254
type solaire
2
1,743
3,31
1,46
1,31
0
0,0281
froide, jeune
3
4,257
21,66
1,01
26,4
0
0,057
chaude
4
9,202
0,72
1,19
0,52
0
0,090
chaude
5
4,034
0,47
1,39
0,22
0
0,0495
type solaire
6
8,886
2,96
1,17
2,32
0
0,085
chaude
7
0,853
0,015
0,15
5,6
0
0,017
froide
8
6,212
0,22
0,57
1,6
0
0,063
froide
9
95,274
0,84
1,05
0,90
0,11
0,407
type solaire
10
13,241
2,75
0,97
3,70
0,53
0,106
froide
11
2,994
2,33
1,43
0,99
0
0,0436
chaude,
rotation rapide
12
2,828
0,92
1,44
0,31
0
0,04
type solaire
13
4,035
1,31
0,88
2,34
0
0,051
type solaire
14
1,5
7,5
1,04
8,2
0
0,027
chaude
0,046
chaude,
rotation rapide
15
3,060
64
1,22
46
0
Notes :
1, 5, 12 : planètes géantes gazeuses, anormalement volumineuses, de très courte période
orbitale.
2 : planète géante gazeuse dilatée dans un système planétaire très jeune.
11 : planète géante gazeuse autour d’une étoile en rotation extrêmement rapide.
4, 6, 13, 14 : planètes géantes gazeuses de dimension similaire à Jupiter dites « Jupiters
chauds ».
10 : planète géante gazeuse en orbite très excentrique.
8 : planète géante de glace, de densité similaire à Neptune.
3, 15 : naines brunes à courte période orbitale, 3 est la naine brune la moins massive connue
(on parle de naine brune plutôt que de planète, lorsque la masse dépasse 12 MJupiter).
9 : première planète géante gazeuse tempérée : un « Jupiter » sur l’orbite de Mercure.
7 : première planète « super-Terre » en transit, probablement rocheuse, de période orbitale
extrêmement courte (20 h).
Figure 2 – Les étoiles observées par CoRoT sont proches du plan Galactique, à l’intérieur de deux
cercles d’environ 10° diamétralement opposés, « les yeux de CoRoT » © L. Boisnard (CNES)
75
Astrophysique
Encadré 1
Détecter des planètes avec CoRoT : une analyse minutieuse
Depuis février 2007, CoRoT observe chaque année environ 30 000 étoiles. La variation de l’éclat d’une étoile au
cours du temps, ou « courbe de lumière », est enregistrée
sur une durée de 20 à 150 jours. On y recherche alors une
série de micro-éclipses (ou transits) imputable au passage
répété d’une planète devant son étoile. Pour assurer une
grande fiabilité des résultats, plusieurs groupes travaillent
en parallèle, analysent les données indépendamment, puis
comparent leurs résultats. Chaque année, jusqu’à un millier de courbes de lumière présentant des transits sont
isolées, parmi lesquels plus d’une centaine sont potentiellement le fait de planètes… Mais une fois ces « planètes
potentielles » identifiées, la tâche est loin d’être terminée
(voir encadré suivant).
Figure E1 – De la courbe de lumière brute reçue du satellite (à gauche) jusqu’au transit reconstitué après repliement sur la période orbitale (à droite). Les
transits planétaires sont détectés sur la courbe corrigée des effets instrumentaux (au milieu). © C. Cavarroc (IAS)
Figure E2 – La première super-Terre en transit : Corot 7b. Courbe de lumière de l’étoile froide et active CoRot-7, hôte des planètes CoRot-7b et c. L’activité à
la surface de l’étoile donne un signal plus de 50 fois plus important en amplitude que les transits de CoRoT-7b. Cette activité est soustraite, puis la courbe de
droite est obtenue par repliement selon la période orbitale. © R. Alonso
De la sismologie stellaire
Les étoiles, sphères de gaz autogravitantes, sont
sujettes à des vibrations périodiques caractéristiques
de leur structure. Les méthodes de la sismologie, telles
qu’elles sont utilisées par exemple pour la Terre, peuvent
être appliquées à ces objets. Leurs modes propres (si
elles sont peu déformées) sont les harmoniques sphériques, caractérisés par trois nombres d’onde, indiquant
le nombre de nœuds suivant un rayon, et à la surface
(figure 4).
76
Les fréquences caractérisent la structure de l’étoile :
ses dimensions, sa forme, la manière dont son intérieur
est stratifié, comment cet intérieur tourne. Elles permettent donc de « voir au cœur des étoiles ». Les amplitudes et les durées de vie des modes renseignent sur les
aspects énergétiques : la façon dont l’oscillation perd de
l’énergie dans certaines régions de l’étoile, ou en gagne
dans d’autres, son interaction avec la convection…
Lorsqu’une étoile pulse, sa luminosité varie périodiquement à la fréquence de cette oscillation. C’est en détectant ces variations très faibles que CoRoT peut étudier les
Physique stellaire et planètes extrasolaires : les succès de la mission spatiale CoRoT
Encadré 2
Le support nécessaire des télescopes terrestres
Les planètes ne sont clairement identifiées que lorsque
tous les autres scénarios qui pourraient simuler un transit
planétaire ont été écartés. Entre la détection de transits par
CoRoT et la confirmation qu’il s’agit bien d’une nouvelle planète, une longue série d’observations complémentaires à l’aide
de télescopes au sol doit être réalisée.
En général, près de deux ans sont nécessaires, car il faut
prendre en compte à la fois la visibilité d’une étoile dans le ciel
(chaque région du ciel n’est observable que quelques mois par
an) et la disponibilité des grands télescopes.
Une quinzaine de télescopes de par le monde est utilisée
pour cette tâche. Il s’agit d’abord de confirmer la position de
l’étoile présentant les transits, puis d’établir que le corps qui
cause ces transits est bien une planète et non une autre étoile.
Cette vérification se fait idéalement en mesurant la
masse de ce corps. Des spectrographes de haute précision
en vitesse radiale sont utilisés à cet effet. Si la masse ainsi
estimée est supérieure à 0,08 Msoleil (limite d’allumage des
réactions nucléaires), le transit est causé par une étoile. Si la
masse est inférieure, l’objet qui provoque les transits est une
naine brune (de quelques masses de Jupiter à 0,08 Msoleil) ou
une planète (en dessous de quelques masses de Jupiter). La
frontière entre naines brunes et planètes n’est pas parfaitement définie; elle fait intervenir les conditions de formation
et d’évolution des systèmes.
oscillations. Pour chacune des dix étoiles du champ dédié
à la sismologie, CoRoT mesure chaque seconde la quantité de lumière reçue, avec une grande précision (dispersion par point de mesure comprise entre 4.10–4 et 2.10–3),
et pendant des durées pouvant atteindre jusqu’à 6 mois.
Pour cent vingt étoiles brillantes (et plus de cent mille
étoiles faibles) CoRoT a délivré une grande diversité de
courbes de lumière qui reflète la variété des étoiles observées (figure 5).
Les résultats
Figure 3 – Masse et rayon des planètes en transit connues, exprimés en masse
et rayon de la Terre (MT ~ 6 1024 kg , RT = 6,38 106 m). En bleu les exoplanètes
découvertes par CoRoT, en noir les autres planètes en transit.
Ces « courbes de lumière » ont un niveau de bruit
entre 100 et 1 000 fois plus faible que précédemment.
CoRoT a ainsi découvert les oscillations stochastiques
« de type solaire » dans diverses étoiles analogues au
Soleil ou un peu plus chaudes (voir encadré 3). Dans les
étoiles A pulsantes de type d Scuti, la mission a révélé des
centaines de modes de faible amplitude qui se cachaient
dans le bruit. Elle a détecté les oscillations dans des centaines d’étoiles évoluées dites « géantes rouges ». CoRoT
a également découvert des comportements inattendus,
comme des oscillations stochastiques dans des étoiles
massives. L’interprétation de ces observations en terme
de physique stellaire n’en est qu’à ses débuts, mais s’inscrit déjà parfaitement en regard des objectifs scientifiques
que CoRoT s’était fixé.
L’extension des cœurs mélangés Figure 4 – Illustration des perturbations (de température) au sein d’une étoile
vibrant suivant un mode « non radial » de pulsation. Les couleurs jaunes et
rouges représentent des zones plus chaudes ou plus froides, à la fois radialement mais aussi en surface. © Soren Frandsen
Il s’agit d’un problème crucial de la physique stellaire.
Toutes les étoiles plus massives que le soleil (≥ 1,1 Msoleil)
ont un cœur convectif bouillonnant au début de leur vie,
entouré d’une région plus calme. Ce cœur détermine
la quantité d’hydrogène disponible pour les réactions
nucléaires qui régissent l’évolution de cette phase représentant près de 90 % de la vie de l’étoile. Actuellement,
l’incertitude sur la taille de ce noyau est telle que la durée
de cette phase d’évolution et donc l’âge des étoiles sont
77
Astrophysique
Figure 5 – Exemples montrant la diversité des courbes de lumière (variation relative d’intensité, ici sur deux jours) mesurées avec CoRoT.
très mal connus. CoRoT a déjà contribué significati­
vement à l’avancement de cette problématique, à la fois
pour les étoiles massives et les étoiles de type solaire,
et indique une extension du cœur convectif plus élevée
que prévu.
Le transport convectif dans les zones proches
de la surface
On sait que ce processus, qui contrôle le gradient de
température et la structure entre la surface observée et les
régions internes, est mal décrit. CoRoT l’aborde sous plusieurs angles, en particulier :
–– par la localisation de motifs structurels comme la base
de la zone convective ou la zone d’ionisation partielle de
l’hélium. Les espacements entre les fréquences du spectre
d’oscillation peuvent être analysés finement pour indiquer la profondeur acoustique de ces régions, qui à son
tour dépend du transport convectif sous la surface ;
–– par les amplitudes et profils des modes d’oscillation
excités stochastiquement par la convection, qui dépendent
de la manière dont les oscillations interagissent avec la
convection. Sur des étoiles un peu plus chaudes que le
Soleil, CoRoT confirme que les amplitudes augmentent
avec la température de surface des étoiles sur la séquence
principale, mais montre qu’elles sont significativement
inférieures aux prédictions.
78
Les indicateurs sismiques pour compléter
les observables classiques et caractériser les étoiles
Une application très importante des mesures d’oscillations stellaires réside dans la détermination d’indices
sismiques susceptibles de compléter les observables
classiques – température effective, gravité de surface ou
parallaxe – pour caractériser une étoile ou une population
d’étoiles. Ils ont un très grand avantage : la précision de
leur mesure ne dépend pas de la distance, contrairement
aux observables classiques. L’étude des géantes rouges
avec CoRoT illustre bien ce potentiel. Alors que les indicateurs classiques ne permettent pas de déterminer la masse
et le stade évolutif, les indices sismiques tels que la grande
séparation Δν (voir encadré 3 ) et νmax la fréquence associée
au maximum d’amplitude des oscillations, permettent de
caractériser ces étoiles en masse et rayon. En comparant
ces indices sismiques pour l’échantillon d’étoiles observé
(800 étoiles) et pour un échantillon issu d’un modèle de
synthèse de population stellaire, on peut déjà conclure à
l’absence d’épisode récent de formation stellaire dans le
voisinage solaire.
De la physique stellaire
Les courbes de lumière de CoRoT permettent d’accéder à d’autres grandeurs, essentiellement la période de
rotation, les phénomènes d’activité magnétique, l’étude
Physique stellaire et planètes extrasolaires : les succès de la mission spatiale CoRoT
Encadré 3
La régularité du spectre des oscillations de type solaire
Dans ce type d’étoiles les
modes de haute fréquence, dits
« de pression » parce que leur
force de rappel est essentiellement due à la pression, sont
quasiment régulièrement espacés et permettent de définir deux
grandeurs : la grande et la petite
séparation. Alors que la grande
séparation est sensible aux paramètres globaux, en particulier la
densité, la petite séparation est
plus sensible au cœur. La régularité associée à la grande séparation Dn se distingue aisément sur
le spectre de puissance (figure E3).
La petite séparation n’apparaît pas
du fait du lissage.
Figure E3 – Spectre de puissance montrant les oscillations de l’étoile HD49385. Le motif régulier « en
peigne » des oscillations de type solaire est clairement visible, avec ici une grande séparation Dn de 56 mHz.
La courbe bleue correspond à la moyenne du spectre sur 0,4 mHz, et la courbe verte au bruit de photons et à
la granulation stellaire (voir paragraphe « la granulation »).
des systèmes multiples et l’éventuelle interaction entre
les corps…
La rotation
La plupart des étoiles présentent des irrégularités à
leur surface. Bien connues sur le Soleil, où elles sont appelées « taches », ce sont des régions plus froides et moins
brillantes, associées à l’activité magnétique. Le passage de
ces taches sur le disque stellaire observé module la courbe
de lumière. On peut ainsi mesurer directement la période
de rotation de l’objet, contrairement à la méthode spectroscopique qui permet seulement d’accéder à la vitesse
de rotation projetée sur l’axe de visée. L’excellente qualité
des données CoRoT à basse fréquence permet de faire
cette mesure avec précision sur un grand nombre d’étoiles.
Ainsi, en étudiant un échantillon d’étoiles de masse voisine
de celle du Soleil, préalablement sélectionnées et caractérisées au sol, on a pu déterminer la variation de la période
de rotation au cours de l’évolution (figure 6). Une analyse
plus fine des courbes de lumière permet d’estimer la taille,
la position en latitude et la durée de vie des « taches ». Ces
durées de vie semblent croître avec la période de rotation,
c’est-à-dire en principe avec l’âge de l’objet.
La granulation
A plus petite échelle, la « granulation », phénomène
observé en détail sur le Soleil, correspond à l’émergence
en surface des éléments convectifs de l’enveloppe. La
granulation apparaît dans les données photométriques
sous forme d’un bruit coloré (voir la figure E3) provoquant
un épaulement dans le spectre de Fourier. CoRoT a permis pour la première fois de détecter dans divers types
d’étoiles cette structure dont la position et l’amplitude
varient en fonction des paramètres stellaires. La séparation entre oscillation et granulation est parfois délicate et
fait l’objet de controverses.
Les étoiles doubles à éclipses
Un système de deux étoiles tournant l’une autour de
l’autre peut produire des éclipses. CoRoT découvre de très
nombreux systèmes de ce type (dix fois plus que de planètes…). C’est l’analyse de ces systèmes qui aujourd’hui
permet de mesurer directement les rayons et les masses
des étoiles avec la plus grande précision.
Perspectives
En orbite depuis près de quatre ans, CoRoT a déjà
fourni une moisson impressionnante de résultats, tant
dans le domaine de la recherche d’exoplanètes que dans
celui de l’astérosismologie et plus généralement de la
physique stellaire. La mission CoRoT, pionnière dans
son domaine, ouvre donc une nouvelle voie pour l’étude
des exoplanètes et des intérieurs stellaires. Mais comme
tous les précurseurs, elle compte quelques limitations
fondamentales, que ses successeurs devront s’efforcer de
dépasser.
La mission américaine Kepler, lancée en mars 2009,
relève en partie ces défis avec ses 100 degrés carrés de
champ (contre 4 degrés carrés pour la voie exoplanètes de
79
Astrophysique
Figure 6 – Période de rotation pour un échantillon d’étoiles de masse solaire
représentées dans le diagramme gravité (en cm · s–2) en fonction de la température de surface. Les courbes représentent les trajets des étoiles au cours
de leur évolution.
CoRoT), son télescope de 90 cm de diamètre (contre 27 cm
pour CoRoT), et sa durée de suivi de 4,5 ans au moins
(contre 5 mois pour CoRoT). On espère ainsi découvrir
de nouveaux types d’exoplanètes, plus petites et en orbite
plus lointaine que celles trouvées par CoRoT. Mais les
cibles de Kepler sont aussi faibles que celles de CoRoT,
et les observations complémentaires au sol seront aussi
difficiles. Certaines détections ne pourront probablement
pas être confirmées, en particulier celles des planètes les
plus petites en orbite lointaine.
80
Pour aller plus loin, il faudra attendre la mission
PLATO de l’Agence Spatiale Européenne, actuellement en
compétition dans le cadre du programme Cosmic Vision,
pour un lancement en 2018. L’approche proposée pour la
mission PLATO est d’étudier simultanément les exoplanètes et leurs étoiles-hôtes, observées ensemble par la
même technique de photométrie à ultra-haute précision.
Le principe de PLATO est de couvrir un champ gigantesque, de plus de 2100 degrés carrés, et de ce fait de pouvoir observer un très grand nombre d’étoiles. Les cibles
de PLATO seront suffisamment brillantes (typiquement
mV ≤ 10,5) pour qu’on puisse mesurer leurs oscillations
et suffisamment nombreuses pour qu’on puisse détecter
statistiquement un nombre important de planètes en transit. Au total, c’est plus de la moitié du ciel qui pourra être
couverte par les observations de PLATO. Environ 250 000
étoiles naines froides seront scrutées à la recherche de
planètes, parmi lesquelles les 20 000 plus brillantes seront
mesurées avec une précision suffisante pour analyser
leurs oscillations. Ces exoplanètes dont l’étoile-hôte sera
analysée par sismologie, pourront être caractérisées grâce
à un vaste programme d’observations au sol. Nous connaîtrons alors de manière fiable leur taille, leur masse et leur
âge, à partir de quoi la masse, le rayon et l’âge de leurs
planètes seront déterminés précisément.
Pour en savoir plus
Voir le site du CNES consacré à CoRoT :
http://smsc.cnes.fr/COROT/
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