
Reste que ce passage de la vingtième à la deuxième place écono-
mique mondiale en trente ans ne s’est pas fait sans contreparties sur
les plans social et environnemental. La Chine vit, à la fois en accéléré
et de manière paroxystique, des problèmes que les anciennes nations
industrialisées ont rencontrés – et tenté de régler avec plus ou moins
de succès – depuis le milieu du XVIIIesiècle. Au point que, comme
l’écrit Marie-Claire Bergère, « la destruction de l’environnement et
l’aggravation des inégalités sociales engendrées par le rythme accéléré
de la croissance chinoise risquent, à moyen ou même à court terme,
de bloquer cette croissance tant par l’épuisement des ressources natu-
relles que par l’intensification des souffrances sociales » (Bergère,
2013). Ce constat a mis du temps à faire son chemin tant les scintil-
lements des skylines de Pékin, Shanghai ou Hong Kong dissimulent
aux yeux de nombreux observateurs des inégalités sociales et envi-
ronnementales proprement ahurissantes.
Ainsi, le coefficient de Gini4ne cesse d’augmenter et avoisinerait
désormais 0,6 – c’est-à-dire un niveau comparable à celui du Brésil –, ce
qui fait de la Chine l’un des pays les plus inégalitaires du monde (Ibid.,
p. 219-220). On ne reviendra pas ici sur les conditions de vie des salariés
chinois dans des entreprises pourtant aussi connues de Foxconn, pour ne
rien dire des mines où 4 700 ouvriers ont péri en 2006 (Vermander, 2007,
p. 65), ou encore des tristement célèbres « villages du cancer », expression
par laquelle on désigne les bourgs et les villes proches de sites industriels
où sont observés des taux de cancer anormalement élevés. La consom-
mation d’énergie est un bon révélateur de la pression exercée par une
économie sur le milieu, tant en termes de prélèvements (tonnes de
charbon, etc.) que de rejets (tonnes de dioxyde de carbone...). Or,
entre 1971 et 2011, la consommation énergétique chinoise est passée de
392 millions de tonnes équivalent pétrole à 2 727 milliards, soit une
multiplication par 6,9 – inférieure, remarquons-le, à l’augmentation du
PIB. Ce qui, en valeur absolue, signifie qu’en 1971 la consommation
énergétique chinoise représentait 7 % du total mondial, contre 20,7 %
quatre décennies plus tard (International Energy Agency, 2013, p. 80). De
4. Le coefficient de Gini est une mesure de l’inégalité dans la distribution des revenus.
Il peut prendre une valeur comprise entre 0 et 1. Il est égal à 0 si la distribution est
égalitaire et se rapproche de 1 au fur et à mesure que l’inégalité s’accroît.
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