Perspectives économiques Nunavut Mai 2001 Regard sur l’économie du Nunavut RENDEMENT ET TENDANCES ÉCONOMIQUES Perspectives économiques Nunavut : Regard sur l’économie du Nunavut par Stephen Vail et Graeme Clinton Le Conference Board du Canada L e Conference Board du Canada est l’organisme de recherche appliquée sans but lucratif et indépendant le plus avancé du pays. Il se donne pour mission de développer le leadership dans le but de contribuer à l’avancement du Canada en aidant, par ses observations, à mieux comprendre les tendances économiques, les grands dossiers d’intérêt public et la performance des organisations. Il crée aussi des liens et assure la diffusion de la connaissance au moyen d’activités d’apprentissage, de réseaux, de publications de recherche et de services d’information taillés sur mesure. Un large éventail d’organisations des secteurs public et privé canadiens figurent parmi ses membres. Créé en 1954, Le Conference Board du Canada est affilié au Conference Board, Inc. qui dessert quelque 3 000 sociétés réparties dans 67 pays. ©2002 Le Conference Board du Canada* Imprimé au Canada • Tous droits réservés ISBN 0-88763-531-8 *Constitué sous la raison sociale d’AERIC Inc. Préambule Cette étude a été rendue possible grâce à une subvention du gouvernement du Nunavut, de la Nunavut Tunngavik Inc. et du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Conformément à ses politiques en matière de recherche subventionnée, Le Conference Board du Canada assume l’entière responsabilité de la conception et de la méthode, ainsi que du contenu du présent document. L’étude a été réalisée par Graeme Clinton, Stephen Vail et Peter Lok, chargés de recherche, sous la direction de Luc Bussière, directeur des Services économiques. TABLE DES MATIÈRES Résumé......................................................................i 4.1.7 Services de santé et services sociaux ..........17 1 — Introduction ......................................................1 4.2 Le capital humain ............................................18 1.1 Historique ........................................................1 4.2.1 Données démographiques ..........................18 1.2 Objet de cette étude ..........................................3 4.2.2 Éducation et développement des compétences ....................................................19 1.3 Plan d’ensemble du rapport ................................3 2 — Approche générale ............................................5 2.1 Méthode ..........................................................6 3 — Processus de développement économique ..........7 3.1 Pourquoi parler de « développement »? ................7 3.2 Quatre éléments essentiels au développement ......7 3.3 Processus et conditions préalables au développement économique......................................8 3.3.1 Accroissement des réserves de capital physique..................................................8 4.2.3 Revenu ....................................................20 4.2.4 État de santé ............................................21 4.3 Le capital naturel ............................................23 4.3.1 Science de la faune et des pêcheries............24 4.3.2 Sciences de la terre dans le secteur public ..24 4.4 Le capital social et organisationnel ....................25 4.4.1 L’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut (ARTN)..........................25 4.4.2 L’établissement du territoire du Nunavut......27 3.3.2 Approche axée sur les changements structurels..........................................................8 4.4.3 L’établissement du gouvernement du Nunavut ......................................................27 3.4 Développement durable ....................................10 4.4.4 Le rôle du Qaujimajatuqangit inuit..............28 3.5 Rôle de l’activité économique de subsistance ......10 4.4.5 Les secteurs clés du capital organisationnel et social du Nunavut ..................28 3.5.1 Le pourquoi de la croissance économique ....10 3.5.2 Rôle de l'économie de subsistance dans le développement ......................................11 4 — Regard sur le Nunavut : où en sommes-nous? ..13 4.1 Capital physique/infrastructure ........................14 4.1.1 Le logement..............................................14 5 — Aperçu de l’économie mixte du Nunavut ..........33 5.1 L’économie de subsistance et son rôle dans l’économie mixte............................................33 5.1.1 Estimation de la taille de l’économie de subsistance ..................................................35 4.1.2 Locaux commerciaux..................................15 5.2 Aperçu de l’économie basée sur les salaires du Nunavut ..........................................36 4.1.3 Services de gestion et de traitement de l’eau potable, des eaux usées et des déchets ........15 5.2.1 Taux d’emploi ..........................................39 4.1.4 Transports : réseau routier, terrains d’aviation, ports et navigation maritime ..............15 4.1.5 Télécommunications et connectivité ............16 4.1.6 Services de garde et d’enseignement............17 5.3 Analyse du rendement sectoriel du Nunavut en 1999 (basé sur les salaires) ................................39 5.3.1 Chasse, pêche et piégeage ..........................40 5.3.2 Industrie minière ......................................42 5.3.3 Industrie manufacturière............................43 6.3.7 Perspectives relatives aux pêches ................56 5.3.4 Industrie de la construction ......................45 6.3.8 Risques inhérents aux prévisions ................57 5.3.5 Industries du commerce au détail et de gros et des services aux entreprises ................45 6.4 Perspectives de croissance économique de l’économie numéraire ............................................57 5.3.6 Industrie de l’assurance et des finances ......45 7 — L’avenir : à nous d’en décider ..........................59 5.3.7 Industrie des services gouvernementaux et connexes ......................................................46 7.1 Résumé des observations ..................................59 5.3.8 Industries du tourisme ..............................47 6 — Où va le Nunavut?............................................49 6.1 Le contexte planétaire ......................................49 6.2 Perspectives canadiennes ..................................50 6.3 Perspectives du Nunavut ..................................51 6.3.1 Méthode ..................................................51 6.3.2 Population................................................52 6.3.3 Projets d’exploitation minière ....................52 7.2 Questions essentielles à l’esquisse de l’avenir économique du Nunavut ........................................60 7.2.1 Quelles sont les valeurs primordiales des Nunavummiut? ............................................60 7.2.2 L’importance de mieux connaître le Nunavut........................................................61 7.2.3 L’importance de l’éducation et du développement des compétences ........................63 7.2.4 L’impact de l’ARTN sur le développement économique ......................................................64 6.3.4 Le développement de l’industrie du tourisme ......................................................54 7.2.5 Le rôle du gouvernement fédéral ................65 6.3.5 Le gouvernement ......................................54 7.2.7 La définition d’objectifs réalistes ................66 6.3.6 L’expansion de l’économie traditionnelle ......56 7.3 Conclusion ......................................................66 7.2.6 La nécessité de collaborer ..........................65 Résumé Le 1er avril 1999, la création officielle du Nunavut venait transformer à jamais le visage du Canada. Le Nunavut, dont le nom signifie « notre terre » en inuktitut, est le fruit de plus de trente années de planification et de négociations de la part des Inuit de l’Est et de la région centrale de l’Arctique canadien. L’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut (ARTN), conclu en 1993, comportait un accord politique régissant la création dudit territoire et la reconnaissance du droit des Inuit à l’autodétermination. C’est dans ce contexte que les Inuit, soit 85 p. 100 de la population du territoire, ont opté pour un modèle de gouvernement populaire autonome, représentant tous les citoyens du Nunavut, qu’ils soient ou non inuits. de transport et de communication, les stocks de logements, les hôpitaux, etc.; Le capital humain : comprend l’activité de la maind’œuvre, mais également, au sens plus large, les actifs d’une société sur le plan de l’alphabétisation et de l’éducation, des compétences et des connaissances ainsi que l’état de santé et le bien-être général de la population; Le capital naturel : soit les matières premières à la base de l’activité économique qui comprennent la terre, les ressources fauniques, minérales ou énergétiques, les fibres ainsi que le savoir dérivé de ce capital; Le capital social et organisationnel : comprend le milieu d’interaction des actifs naturels, humains et physiques contribuant à la création des richesses. Ce capital réunit les principaux secteurs et participants à la création des richesses (le gouvernement, l’entreprise privée et les organisations ou sociétés indépendantes), le cadre d’élaboration des politiques, la sécurité publique ainsi que la confiance entre les divers intervenants. Le gouvernement du Nunavut, la Nunavut Tunngavik Inc. ainsi que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien se sont engagés à appuyer conjointement le développement durable du Nunavut et, d’un commun accord, ont reconnu la nécessité d’étudier les perspectives économiques du nouveau territoire pour mener à bien leur tâche. Les services du Conference Board du Canada ont donc été retenus pour qu’il examine l’état de l’économie mixte actuelle du Nunavut (tant l’économie de subsistance1 que l’économie basée sur les salaires), et évalue les perspectives économiques à long terme. Cette étude doit s’accompagner de prévisions économiques sur une période de vingt ans et d’une énumération des questions structurelles sous-jacentes au rendement économique à long terme. Pour atteindre leurs objectifs de développement et répondre aux besoins grandissants en biens et services d’une population qui ne cesse de croître et qui consomme de plus en plus, les sociétés doivent veiller à leur croissance économique, laquelle passe forcément par les quatre facteurs mentionnés précédemment. Les systèmes économiques traditionnels, dits de subsistance, ne peuvent répondre seuls à l’augmentation de la demande de biens et de services, produits de l’économie industrielle. L’activité économique de subsistance peut néanmoins contribuer de manière importante à l’économie générale et jouer un rôle fondamental dans la vie sociale et culturelle d’une société. L’économie de subsistance peut, par exemple, offrir un moyen essentiel à la population en général, mais aux Pour cette étude, nous avons adopté une approche globale en commençant par un aperçu théorique des conditions nécessaires à la croissance économique dans le contexte d’une économie de subsistance. La création de richesses, ou croissance économique, repose sur quatre facteurs clés : Le capital physique : désigne l’infrastructure nécessaire au maintien de la production économique, soit les systèmes i Le Conference Board du Canada jeunes en particulier, d’accéder à des rôles productifs dans la société et donc de prendre confiance en leurs moyens. Le développement du capital humain qui en découle peut renforcer les activités économiques futures. navigation, de sécurité, de chasse et de pêche auprès de sa famille et des aînés. Il sera essentiel de veiller au maintien de cet aspect important de la vie sociale et économique. LES QUATRE FACTEURS DE CRÉATION DE RICHESSES AU NUNAVUT Le capital naturel Les ressources naturelles sont à la base de l’économie mixte du Nunavut et du mode de vie de la plupart des Nunavummiut. Il est donc important que le Nunavut ait une connaissance approfondie de son capital naturel et que cette connaissance s’étende au Qaujimajatuqangit inuit3 et s’en inspire. Toutefois, d’importantes lacunes dans le domaine des sciences de la terre, de la faune et des pêcheries rendent impossible une évaluation exacte des richesses fauniques et des ressources non renouvelables du Nunavut. Bien que l’on procède actuellement à la collecte de données relatives aux actifs naturels du Nunavut, l’effort devra être plus soutenu et plus poussé. Le Conference Board du Canada est conscient du fait qu’une stratégie de développement économique pour le Nunavut devra tenir compte des quatre facteurs déterminants de la création de richesses. Les observations suivantes sont tirées de l’évaluation de chacun de ces facteurs. Le capital physique Dans son état actuel, l’infrastructure du Nunavut fait considérablement entrave au développement social et économique du territoire. Il est donc important d’examiner comment le Nunavut devra renforcer son infrastructure pour qu’elle réponde aux besoins grandissants d’une importante population de jeunes et d’un nombre croissant de personnes âgées. Les secteurs qui nécessitent une attention particulière sont : le secteur du logement et des locaux commerciaux, les systèmes de traitement et de gestion des déchets et des eaux usées, les réseaux de transport et de télécommunication à prix abordable et les garderies. Le capital social et organisationnel L’Accord de 1993 sur les revendications territoriales du Nunavut (ARTN) joue un rôle primordial dans l’organisation et la répartition des actifs du territoire. Il comporte de nombreuses dispositions visant le développement économique telles l’embauche proportionnelle d’Inuit dans les administrations publiques territoriale, municipale et fédérale (lorsque l’employeur est le Conseil du Trésor), des politiques publiques de passation de marchés favorisant l’entreprise inuite, l’obligation de conclure des Ententes sur les répercussions et les avantages pour les Inuit (ERAI) pour tous les projets de mise en valeur importants et l’octroi d’un plus grand pouvoir sur les ressources naturelles et leur exploitation. Le Qaujimajatuqangit inuit (QI) joue un rôle de premier plan en guidant la création et la répartition des richesses au Nunavut, surtout dans le cadre de l’économie de subsistance, mais aussi dans celui de l’économie basée sur les salaires. Le capital humain La population du Nunavut grossit rapidement. De 1991 à 1996, le taux de croissance démographique a été trois fois plus élevé au Nunavut qu’au Canada. La population du Nunavut est également la plus jeune à l’échelle nationale. Environ 60 p. 100 des habitants sont âgés de moins de 25 ans. Le niveau de scolarisation au Nunavut s’est nettement amélioré, mais il n’en demeure pas moins faible par rapport aux taux de scolarisation observés ailleurs au pays. Plus de la moitié de la population n’a pas terminé ses études secondaires. Un ménage moyen du Nunavut gagne un revenu inférieur à un ménage comparable des autres régions du Nord ou du reste du Canada. L’activité économique du Nunavut repose en grande partie sur quatre secteurs ou intervenants qui sont le secteur public, les organismes inuits constitués en personnes morales, le secteur privé et les institutions gouvernementales. Le gouvernement fédéral et celui du Nunavut proposent tous deux d’établir un certain nombre d’initiatives de développement économique pour aider les personnes, les entreprises et les petites organisations, de même que les collectivités. La Nunavut Tunngavik Inc. (NTI), chargée de surveiller le respect des obligations inuites aux termes de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, gère aussi de nombreux programmes de développement économique à l’intention des Inuit et fournit un appui à plusieurs organismes inuits qui participent à des projets de développement économique. Au Nunavut, le secteur privé On constate également un écart considérable entre l’état de santé des Nunavummiut2 et celui du reste de la population canadienne. L’espérance de vie du Nunavummiut de sexe masculin est inférieure d’environ sept ans à celle du Canadien moyen et, chez les femmes, la différence atteint presque dix ans. En outre, le taux de décès prématurés (mesuré en années potentielles de vie perdue) est de deux fois supérieur au taux national moyen. Enfin, il est impératif que les Inuit continuent de maîtriser les habiletés nécessaires à leur participation à l’économie de subsistance. L’Inuk acquiert ces habiletés en matière de Le Conference Board du Canada ii contribution au tissu social inuit. Or, cette contribution est difficilement calculable. Néanmoins, son apport à l’avancement du capital humain inuit est fondamental (p. ex., l’enfant apprend à chasser ou à coudre auprès de ses parents ou grands-parents). n’est pas très développé et dépend fortement du secteur public. Les institutions gouvernementales, chargées de la gestion de tous les aspects touchant le développement des ressources fauniques et des terres du Nunavut, jouent par le fait même un rôle déterminant dans l’expansion de l’activité économique. Aperçu de l’économie basée sur les salaires au Nunavut APERÇU DE L’ÉCONOMIE MIXTE DU NUNAVUT Mentionnons d’abord que Statistique Canada ne dispose de données sur l’économie basée sur les salaires au Nunavut que depuis 1999. Cette année-là, le PIB réel du Nunavut basé sur les dépenses a été de 682 millions de dollars. Bien qu’il faille procéder avec prudence à l’analyse de l’économie du territoire à partir d’un seul point de données, les chiffres mettent en évidence le lien de dépendance étroit entre l’activité économique du Nunavut et le secteur public. En termes réels, les dépenses publiques globales en biens, en services et en investissements ont dépassé 55 p. 100 de la demande intérieure globale par rapport à 22 p. 100 environ à l’échelle canadienne. La même année, le secteur public a employé 4 006 personnes, en moyenne, ce qui représente près de la moitié des emplois du territoire. Le système économique mixte particulier du Nunavut combine l’économie de subsistance et l’économie basée sur les salaires. Ces deux économies ne sont pas incompatibles et, pour la plupart des Nunavummmiut, la question n’est pas de choisir entre l’une ou l’autre, mais plutôt de trouver un juste équilibre entre les deux. Comme dans les autres régions du Nord, le revenu d’un ménage provient souvent de diverses sources comme les activités de subsistance, la production de biens (p. ex. la vente de peaux de phoque), un emploi salarié et des paiements de transfert gouvernementaux. L’économie de subsistance s’étend au-delà de la simple activité économique au sens strict. Elle fait partie intégrante des usages culturels et sociaux propres au mode de vie inuit. Elle suppose le partage des ressources en fonction de rôles et de responsabilités établis selon le sexe, l’âge, l’expérience et l’affiliation hiérarchique. La comparaison de la demande intérieure réelle avec la production révèle également un autre aspect particulier à l’économie du Nunavut. En 1999, la demande intérieure réelle s’élevait à 967 millions de dollars alors que le PIB réel était de 682 millions. Ces chiffres indiquent que la population consomme une quantité beaucoup plus grande de biens et de services qu’elle n’en produit, ce qui occasionne un déficit commercial de 195 millions de dollars ou de 6 851 dollars par habitant. Si le territoire peut se permettre ce déficit sans qu’il ait de ramifications économiques, c’est grâce aux flux monétaires importants en provenance du gouvernement fédéral, sous la forme de transferts de fonds et de salaires directs. En outre, l’expansion de l’administration publique a favorisé l’essor du secteur local d’approvisionnement en services, la création d’emplois et la circulation monétaire qui faisait largement défaut. Cependant, à plus long terme, on a lieu de s’inquiéter de l’importance relative de ces transferts de fonds compte tenu de la croissance démographique. Inévitablement, après l’essor initial, le secteur public va se stabiliser et, comme l’économie repose dans une très grande mesure sur ce secteur, la croissance économique générale s’en trouvera également freinée. D’autre part, la population continuera d’augmenter de sorte que la croissance économique par habitant sera moindre. Estimation de la taille de l’économie de subsistance La méthode adoptée par Statistique Canada afin d’estimer la valeur de la production ou du produit intérieur brut (PIB) se limite généralement à la valeur des biens et des services produits et échangés contre des valeurs en espèce, dans l’économie basée sur les salaires. Par conséquent, l’estimation de la taille de l’économie de subsistance selon ces critères et en termes comparables est extrêmement difficile. Bien que les chiffres doivent être utilisés avec circonspection, nos principaux informateurs s’entendent pour situer la valeur de l’économie de subsistance du Nunavut aux environs de 40 à 60 millions de dollars. Cette fourchette comprend 30 millions de dollars attribués à l’activité économique que représente le traitement et la transformation des aliments (valeur du coût de remplacement). Il est difficile d’aller plus loin dans nos estimations et d’apposer une valeur à certaines activités spécifiques comme l’artisanat, car elles sont rarement comptabilisées officiellement. (Ces chiffres ne tiennent pas compte de la valeur non consignée des services informels de garde d’enfants, du travail bénévole ou des biens partagés.) En 1999, le Nunavummit Kiglisiniartiit (bureau de la statistique du Nunavut) estimait le taux de chômage au Nunavut, basé sur une population active de 10 904 habitants, à environ 20,7 p. 100. Cette estimation est établie Il importe par ailleurs, dans l’évaluation de l’économie de subsistance du Nunavut, de prendre en considération sa iii Le Conference Board du Canada Le Conference Board du Canada a fait des prévisions économiques sur vingt ans pour le Nunavut. Le taux d’accroissement annuel composé du PIB réel devrait s’établir en moyenne à 2,42 p. 100 entre 1999 et 2020. Le Nunavut connaîtra sa croissance la plus rapide durant les dix premières années de son existence grâce aux activités entourant sa création. Les secteurs de l’exploitation minière, du tourisme et de la pêche présentent le meilleur potentiel. Nos projections sont fondées sur diverses suppositions, notamment la croissance démographique et l’expansion de la main-d’œuvre, l’augmentation des transferts fédéraux et une évaluation par secteur de la plausibilité d’une activité économique fondée sur les salaires. Nos prévisions dépendent aussi du développement des quatre formes de capital du Nunavut (mais surtout du capital humain par, entre autres, l’éducation des jeunes et l’amélioration de l’état de santé général) et de l’infrastructure du Nunavut. selon la définition nationale donnée au terme « chômeur » qui n’inclut que les personnes ayant activement cherché un emploi dans le mois précédant le sondage. En réalité, cette définition ne convient pas parfaitement au Nunavut, car souvent les membres des collectivités dont l’économie basée sur les salaires n’est pas très développée ne recherchent pas d’emplois de manière active. Ils savent en effet que, lorsqu’un emploi devient disponible, c’est affiché au magasin général ou annoncé sur les ondes de la radio communautaire ou les deux. Lorsque la définition employée inclut les personnes pour qui « aucune occasion d’emploi » ne s’est présentée et qu’elle englobe les chômeurs ayant mentionné ne pas avoir activement recherché d’emploi au cours du mois précédent parce qu’ils croyaient qu’il n’y avait effectivement aucune ouverture, le taux de chômage grimpe alors à 27,2 p. 100 pour une population active de 11 886 habitants. Le tableau s’assombrit encore davantage quand on pense à l’écart qui existe au Nunavut entre le taux de chômage chez les Inuit et chez les populations actives d’autres origines. En 1999, selon le critère « aucune occasion d’emploi », le taux de chômage chez les Inuit s’élevait à 35,8 p. 100 par rapport à 3,3 p. 100 dans le reste de la population active du Nunavut. Chez les Inuit de 15 à 24 ans, le taux de chômage annuel s’élevait à 48,1 p. 100. Ce calcul fait exclusion de ceux qui étaient encore aux études ou de ceux qui étaient occupés à plein temps aux activités de subsistance et qui ne cherchaient pas d’emploi salarié. La jeunesse du Nunavut a manifestement besoin d’emplois, mais pour en obtenir, elle doit acquérir les compétences qui assureront son succès professionnel. Cela ramène à la question du capital humain et de la composition de l’économie basée sur les salaires au Nunavut, où dominent les emplois spécialisés au sein du secteur public. Les jeunes doivent pouvoir bénéficier de la formation nécessaire à l’acquisition des compétences qui leur permettront d’accéder à des postes de fonctionnaires, au niveau administratif ou professionnel. En raison du manque de données à ce sujet, il est beaucoup plus difficile d’établir des prévisions pour l’économie de subsistance. L’accroissement de ce type d’activité économique sera certainement influencé par la richesse des ressources naturelles du Nunavut (c’està-dire l’importance des populations animales et l’abondance de la stéatite ou pierre à sculpter), la croissance démographique ainsi que les compétences et valeurs des jeunes et leur intérêt pour les activités reliées aux ressources naturelles. La croissance de l’économie de subsistance et de l’économie basée sur les salaires du Nunavut est interdépendante. Par exemple, la croissance du secteur touristique dépendra en partie de la capacité du Nunavut de commercialiser son mode de vie traditionnel. QUESTIONS ESSENTIELLES À L’ESQUISSE DE L’AVENIR ÉCONOMIQUE DU NUNAVUT Le Conference Board du Canada a estimé nécessaire de cerner les grandes questions qui auront un impact sur les quatre formes de capital du Nunavut et le développement de ses richesses. En premier lieu, les valeurs de la société inuite continueront d’influencer fortement les choix en matière de politiques et d’orientation économique au Nunavut. Ces valeurs ont déjà grandement guidé le développement du Nunavut jusqu’à présent. Parmi elles, on retrouve : • la préférence pour une approche collective du développement socio-économique : les Nunavummiut croient fermement que les possibilités de développement économique doivent être partagées par toutes les collectivités, comme en témoigne la politique du Nunavut en faveur de la décentralisation; Dans notre analyse descriptive de l’économie basée sur les salaires du Nunavut par secteur, nous nous sommes servis en partie des données du PIB fournies par Statistique Canada pour 1999. Notre analyse a porté sur les secteurs de la chasse et de la pêche, de l’exploitation minière, de la fabrication (artisanat et traitement et transformation des aliments), de la construction et le secteur public. En 1999, c’est le secteur public et les services connexes qui ont le plus contribué au PIB du Nunavut. Bien souvent, la croissance de ces secteurs a été limitée jusqu’à présent par les lacunes du capital physique et humain (infrastructure insuffisante et absence de main-d’œuvre spécialisée). Le Conference Board du Canada iv Nunavut et les objectifs que ce territoire s’est fixés, on comprend aisément l’importance d’en développer le capital humain (c’est-à-dire une plus grande autonomie et une fonction publique plus représentative de la population inuite). Il sera indispensable pour la main-d’œuvre du Nunavut d’acquérir les compétences nécessaires (p. ex. gestion de l’information, adaptabilité et capacité de travailler avec d’autres) à une pleine participation au marché du travail d’aujourd’hui. • la promotion de l’autonomie : les Inuit souhaitent exercer un plus grand contrôle politique et économique sur le Nunavut et son environnement; • le Qaujimajatuqangit inuit (QI) : on reconnaît et apprécie le savoir des Inuit et on l’intègre aux autres sources de connaissance. Le processus décisionnel passe par la consultation et l’établissement d’un consensus; • le développement économique doit se faire principalement à l’échelle communautaire; • l’activité économique de subsistance est un aspect important du mode de vie inuit qui doit être soutenu : rien ne permet de supposer qu’on accorde une valeur moindre aux activités de subsistance qu’aux activités rattachées à l’économie basée sur les salaires; • le développement durable : le développement économique doit respecter les pratiques du développement durable, voulant qu’on accorde une importance égale au développement du capital humain et du capital naturel. En quatrième lieu, la mise en œuvre de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut aura également une incidence sur l’activité économique du territoire. Compte tenu du rôle principal que joue le gouvernement dans l’économie, les articles 23 et 24 de l’ARTN visant une plus forte présence inuite dans l’appareil gouvernemental, tant dans le processus décisionnel qu’au plan opérationnel, peuvent contribuer largement au développement économique du Nunavut. Ajoutons que l’application de l’Accord exige un engagement soutenu et continu, surtout qu’il faut s’attendre à ce que certaines dispositions prennent du temps. Il faudra aussi vérifier dans quelle mesure la jeunesse inuite accorde la même importance à ces valeurs et établir quel équilibre les Nunavummiut désirent atteindre entre l’économie de subsistance et l’économie basée sur les salaires. En cinquième lieu vient la nécessité de préciser le rôle de chacun des principaux intervenants dans le développement économique du Nunavut. Les stratégies fédérales d’aide au développement économique doivent tenir compte du caractère unique du Nunavut, de ses différences démographiques, de son capital physique restreint et de son vaste potentiel encore inexploité. Les programmes de développement économique dont le financement dépend du nombre d’habitants ou dont le soutien va aux industries déjà établies ne conviennent pas au niveau de développement actuel du Nunavut. En deuxième lieu, il faudra enrichir notre connaissance du Nunavut en encourageant une meilleure compréhension : • de la situation sociale et de l’état de santé des Nunavummiut; • du capital naturel du Nunavut, y compris de ses particularités géoscientifiques; • de l’économie de subsistance et de son fonctionnement; • de l’économie basée sur les salaires au Nunavut. On ne peut examiner le rôle du gouvernement fédéral au Nunavut sans se pencher sur les transferts de fonds octroyés à ce territoire ou sans tenir compte des autres participants au développement économique. Il est indispensable d’adopter une approche axée sur la coopération entre tous les intervenants principaux, y compris le secteur privé, et de viser des objectifs précis d’intervention et de dépassement des intérêts de chacun. Tout le monde s’entend pour dire que l’effort de collaboration entre les dépositaires d’enjeux pourrait être plus poussé. Nombre des problèmes sont attribuables au manque d’information sur le Nunavut, à la faible population et aux difficultés que présente la collecte de données économiques sur les activités associées aux ressources naturelles. Certaines mesures ont déjà été prises pour combler ces lacunes, mais il faudra s’efforcer de recueillir aussi et de façon continue des données spécifiques au Nunavut et s’assurer que ces données sont accessibles à tous (p. ex. par une diffusion sur Internet). Pour encourager les investissements tant publics que privés, il faudra arriver à une meilleure compréhension de l’état et du potentiel des quatre formes de capital du Nunavut. La recherche et l’obtention des fonds nécessaires au financement des investissements qui permettront d’assurer la prospérité de l’économie globale du Nunavut constituent l’un des grands défis auquel le gouvernement du territoire doit faire face. Il peut être utile de réévaluer les priorités en matière de dépenses, mais Le Conference Board du Canada estime que cette seule mesure ne suffira En troisième lieu, le développement du capital humain du Nunavut, en particulier dans le domaine de l’éducation et de l’acquisition de compétences, aura des répercussions significatives sur la croissance économique du Nunavut. Si l’on pense au jeune âge relatif de la population du v Le Conference Board du Canada pas à assurer le financement adéquat des investissements. Ainsi, il serait souhaitable d’accorder une attention particulière à l’obtention et à la création de revenus supplémentaires à court et à moyen terme (p. ex. complément de fonds fédéraux, recherche de nouvelles sources de revenu, etc.). D’une manière ou d’une autre, si l’on ne comble pas les besoins du territoire en capital humain et physique, on met en péril la réalisation de nos prévisions économiques pour ne pas dire l’avenir du Nunavut. cet objectif est intégré aux objectifs en matière d’éducation, de formation professionnelle et d’acquisition de compétences et dans la mesure où on arrivera à faire accepter la fonction publique parmi les choix de carrière désirables pour les Inuit, il sera possible de surmonter le problème. La création du Nunavut a suscité un intérêt mondial et nombreux sont ceux qui en suivent de près l’évolution. Les attentes sont élevées, tant au Nunavut qu’ailleurs. Mais il est clair que le Nunavut devra d’abord renforcer ses bases et s’assurer d’avoir tous les niveaux de capital nécessaires pour favoriser son développement économique. Nos prévisions économiques, portant sur les vingt prochaines années, demeurent favorables, à condition qu’on renforce la base. De toute façon, en bout de ligne, il en tiendra à la population du Nunavut de décider ce qui représente pour elle une qualité de vie souhaitable et durable, et de déterminer jusqu’où elle est prête à aller dans le domaine du développement pour parvenir à ses fins. Les attentes qui accompagnent la création d’un nouvel État sont toujours très élevées et le Nunavut ne fait pas exception à la règle. Il importe donc de fixer des objectifs réalisables et de ré-examiner les objectifs existants. Dans cet ordre d’idées, certains des objectifs les plus ambitieux que s’est fixé le Nunavut pourraient prendre encore un certain temps. Par exemple, il sera probablement difficile d’arriver à réunir un effectif inuit représentatif dans la fonction publique du Nunavut à court et à moyen terme. Cependant, en raison du jeune âge de la population et si 1 L’économie de subsistance comprend toute l’activité économique rattachée aux ressources naturelles qui n’est pas rémunérée en espèces. Figurent dans cette catégorie les activités de chasse, de pêche et de piégeage dont les produits servent aux ménages ou au troc. Aux fins de cette étude, la vente enregistrée de poisson ou de peaux de phoque destinés à l’industrie de la transformation, même si ces produits sont dérivés des ressources naturelles, est exclue de l’économie de subsistance dans la mesure où elle s’accompagne de transactions numéraires et est donc comptabilisée par Statistique Canada en tant qu’activité économique. Si la chasse et la pêche sont les principales composantes de l’économie de subsistance, celle-ci s’étend aussi aux services de garde d’enfants, à la confection de vêtements et à l’artisanat, en autant qu’ils ne sont pas vendus. Le Conference Board du Canada 2 « Nunavummiut » signifie tout citoyen du Nunavut, d’origine inuite ou autre. 3 Le Qaujimajatuqangit inuit est une philosophie ou un mode de vie et de pensée qui réunit un ensemble d’éléments rattachés à la transmission du savoir, des valeurs et des enseignements traditionnels aux jeunes par les aînés. C’est aussi un système de règles et de valeurs ainsi qu’un mécanisme de consultation préalable aux décisions qui touchent la collectivité, en plus d’une compréhension des relations familiales complexes et de la terminologie inuktitut s’y rapportant. vi 1—Introduction [traduction] La création du Nunavut n’est pas qu’une chance d’arriver à l’autodétermination, mais aussi une occasion de développer une économie correspondant aux valeurs et ressources des Inuit et de communiquer ainsi au monde entier le sens véritable du développement durable1. 1.1 basée sur les salaires que l’économie rattachée aux ressources naturelles ou « économie de subsistance » (voir la définition de l’économie de subsistance dans l’encadré). Qu’est-ce que l’« économie de subsistance »? HISTORIQUE Le 1er avril 1999, la création officielle du Nunavut venait transformer à jamais le visage du Canada. Le Nunavut, « notre terre » en inuktitut, est le fruit de plus de trente années de planification et de négociations de la part des Inuit de l’Est et de la région centrale de l’Arctique canadien (voir la carte du Nunavut à la page suivante). L’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut (ARTN) conclu en 1993 comportait un accord politique régissant la création dudit territoire et la reconnaissance du droit des Inuit à l’autodétermination. C’est dans ce contexte que les Inuit, soit 85 p. 100 de la population du territoire, ont opté pour un modèle de gouvernement populaire autonome, représentant tous les citoyens du Nunavut, qu’ils soient ou non Inuit. Au départ, le gouvernement du Nunavut a consacré plusieurs mois à son développement organisationnel et à la détermination de ses priorités. Ce nouveau gouvernement ainsi que les principaux dépositaires des enjeux tiennent à établir une stratégie économique durable et favorable au progrès socio-économique de sa population. Il leur importe donc de déterminer dans quelle direction axer cette stratégie de développement économique. Because Le Conference Board du Canada sait que, pour un grand they cannot nombre de Nunavummiut , la stratégie économique 2 adoptée devra intégrer certains aspects fondamentaux. Premièrement, il est essentiel qu’elle reflète pleinement l’économie mixte du Nunavut, c’est-à-dire tant l’économie 1 Il n’est pas facile de trouver un terme acceptable pour définir l’économie de troc ou de subsistance. Certains aiment mieux les termes « économie non structurée » ou « système traditionnel » alors que d’autres estiment que ces termes ont une connotation négative. Aux fins de ce rapport, Le Conference Board du Canada a adopté l’expression « économie de subsistance ». Celle-ci comprend toute activité économique rattachée aux ressources naturelles qui n’est pas rémunérée en espèces. Ce type d’économie compte, par exemple, les activités de chasse, de pêche et de piégeage dont les produits sont destinés à l’usage personnel ou au troc. Dans ce contexte, la vente enregistrée de poisson ou de peaux de phoque destinés à l’industrie de la transformation, bien que provenant de ressources naturelles, ne s’inscrit pas dans l’économie de subsistance lorsqu’elle s’accompagne d’une forme de revenu et fait partie des activités économiques mentionnées dans les classifications types de Statistique Canada. Bien que l’économie de subsistance repose en grande partie sur les activités de chasse et de pêche, peuvent également y figurer la garde d’enfants ainsi que la production d’artisanat et la confection de vêtements, pourvu que ces produits et services ne soient pas vendus. Le besoin de déterminer et de définir quelles activités relèvent de l’économie de subsistance est fondé sur le fait qu’une importante part de l’activité économique du Nunavut n’est pas rémunérée et, conséquemment, prise en considération par les dispositifs réguliers de mesure économique. Dans le cas du Nunavut, l’expression « économie mixte » désigne la combinaison de l’économie se rattachant aux ressources naturelles et de l’économie basée sur les salaires. À la lecture du rapport, il faudra éviter de confondre « économie mixte » selon cette définition et « économie mixte » au sens général de régimes de « propriété privée » et de « propriété publique ». Le Conference Board du Canada et sociaux favorables à l’épanouissement de la jeunesse ainsi qu’à la réalisation de ses rêves et de ses objectifs. Sur les plans social et culturel, les activités d’exploitation de produits de consommation (p. ex. omble de l’Arctique, caribou, narval) tiennent toujours un rôle de premier plan dans le mode de vie des Inuit. Les principaux intervenants du Nunavut estiment donc qu’il est primordial d’accorder une plus grande attention à l’économie de subsistance et de mesurer avec plus de précision la taille de cette économie et son apport à l’économie générale. Nombre d’autres facteurs entrent en jeu dans le cadre de l’élaboration d’une stratégie de développement économique pour le Nunavut, notamment sa population de moins de 30 000 habitants et son faible effectif économique. Par ailleurs, bon nombre de collectivités constituées n’ont pas été établies à proximité de sources d’emplois rémunérés (p. ex., mines ou usines de traitement du poisson) et conséquemment éprouvent de la difficulté à jeter les assises économiques créatrices d’emplois qui favoriseraient la participation à la nouvelle économie de marché en plein essor. En 1996, quand le Nunavut faisait encore partie des Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.), sa population représentait 39 p. 100 de l’ensemble de la population des T.N.-O., mais ne contribuait qu’à 16 p. 100 de leur revenu global. Ajoutons aussi que l’économie du Nunavut est plus Deuxièmement, la stratégie de développement économique du Nunavut devra s’inscrire dans le cadre du développement durable. Les ressources naturelles doivent être utilisées avec sagesse et les avantages économiques qu’elles offrent, partagés de manière équitable. La participation tant à l’économie basée sur les salaires qu’à l’économie de subsistance doit reposer sur une saine gestion de l’environnement si l’on vise le développement durable. Troisièmement, il est vital d’intégrer pleinement à cette stratégie le vaste savoir inuit, le Qaujimajatuqangit inuit (QI), et de reconnaître ce qu’il peut apporter à l’élaboration d’une politique de développement socio-économique durable pour le Nunavut. (Voir la section 4.4.4 pour plus de renseignements au sujet du QI.) Quatrièmement, la stratégie de développement économique devra présenter des avantages pour toutes les collectivités du Nunavut. Il a été établi que le partage des richesses entre les 25 collectivités constituées du Nunavut serait un élément central du plan de décentralisation des activités gouvernementales. Nunavut Axel Heiberg Island Le Conference Board du Canada Groenland Grise Fiord Mer de Beaufort Baie de Baffin Bathurst Island Cornwallis Island Devon Island Resolute Parry Channel re ukon île du Prince de Galles Holman Lancaster Sound Somerset Island Bylot Island Pond Inlet Arctic Nanisivik Bay Clyde River A le rc Ce île de Victoria Boothia Peninsula Cambridge Bay Coronation Gulf Détroit de Dav Hall Prince Beach Charles Gjoa Haven Amadjuak Lake Repulse Bay Foxe Peninsula Wager Bay Southampton Island Thelon River Rankin Inlet ColombieBritannique Chesterfield Inlet Marble Island Détroit d'Hudson Coats Island Québec Arviat Alberta Saskatchewan Baie d'Hudson Manitoba Belcher Islands Échelle 100 200 300 400 500 600 700 800 Sanikiluaq 900 1000 Kilometres Ontario 2 Frobisher Bay Kimmirut Whale Cove Kazan River Iqaluit Cape Dorset Coral Harbour Baker Lake Yellowknife Cumberland Sound Foxe Basin Bathurst Inlet Back River Pangnirtung Nettilling Lake Island Melville Peninsula Qikiqtarjuaq île de Baffin Igloolik King Taloyoak William Island Kugaaruk Queen Maud Gulf Umingmaktok Coppermine River 0 Sixièmement et dernièrement, il ne faut pas négliger les besoins de la très jeune population du Nunavut. Ce territoire, dont 60 p. 100 des habitants sont âgés de moins de 25 ans, compte la plus jeune population au Canada. Il sera donc impératif de créer des milieux économiques île d'Ellesmere Océan arctique Kugluktuk Cinquièmement, si l’on veut que la stratégie de développement économique du Nunavut favorise une plus grande autonomie, il faudra encourager une plus grande participation des Nunavummiut à l’activité économique et s’assurer que la main-d’œuvre et l’expertise du sud du Canada ne compromettent pas l’objectif d’autonomie du Nunavut. N Lake Hazen Baie d'Ungava Labra sensible aux variations de la demande mondiale en produits et services que celle de ses voisins du Sud en raison de sa très faible diversification et de sa forte dépendance à l’égard des ressources naturelles. Enfin, seulement 9 p. 100 des revenus du gouvernement du Nunavut proviennent de sources autres que les transferts fédéraux. Cela signifie que les dépenses gouvernementales en matière de programmes sont étroitement liées à l’évolution de ces transferts qui, par ailleurs, sont appelés à varier selon la croissance démographique et l’augmentation des dépenses provinciales. économique correspondant à la situation du Nunavut sera fortement influencé par les valeurs de la population et par le sens qu’elle accorde aux termes « qualité de vie élevée ». Quelles sont les composantes d’une qualité de vie élevée pour les Nunavummiut? Quel équilibre les Nunavummiut désirent-ils atteindre entre l’économie de subsistance et l’économie basée sur les salaires? Quels choix et quels compromis les résidants du Nunavut sont-ils disposés à accepter? En définitive, ce sont les réponses à ces questions qui aiguilleront le développement de l’économie mixte au Nunavut. Le Nunavut doit également faire face à d’énormes contraintes sur le plan de son infrastructure. Contrairement aux autres régions du Canada, il ne dispose d’aucune infrastructure routière le reliant aux marchés extérieurs. De plus, la saison de navigation maritime est de courte durée. L’infrastructure de base, entre autres le stock de logements ainsi que les services de gestion des déchets et des eaux usées, nécessaire à la satisfaction des besoins d’une population en croissance rapide est très peu développée. La pénurie de logements entraîne de sérieuses répercussions sociales et économiques et cette question figure parmi les priorités des dirigeants de tous les secteurs. 1.2 Enfin, sur le plan des ressources humaines, le Nunavut ne compte qu’un nombre restreint de travailleurs spécialisés pouvant contribuer à l’économie basée sur les salaires. Le faible niveau de scolarisation ou d’éducation formelle (p. ex. diplôme du cycle secondaire) d’un grand nombre de Nunavummiut soulève beaucoup d’inquiétude quant aux perspectives d’avenir. Bien qu’actuellement, le niveau d’éducation formelle soit à la hausse et que la situation en ce sens soit en voie d’amélioration, il n’en demeure pas moins que le niveau de scolarisation est faible par rapport à celui des autres provinces et territoires. Parallèlement, les Nunavummiut sont soucieux de sauvegarder les connaissances et les habiletés essentielles aux activités rattachées aux ressources naturelles. Ce projet a été rendu possible grâce à la participation financière : • du ministère du Développement durable du Nunavut (DDN), • de la Nunavut Tunngavik Inc. (NTI), • du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC). OBJET DE CETTE ÉTUDE Les services du Conference Board du Canada ont été retenus en vue d’examiner l’état actuel de l’économie mixte du Nunavut, composée de l’économie de subsistance et de l’économie basée sur les salaires, et d’en évaluer les perspectives économiques à long terme, ce qui suppose, entre autres, qu’il faut déterminer les possibilités s’offrant aux nouvelles industries. La recherche doit être axée sur les éléments structurels sous-jacents au rendement économique à long terme et permettre d’identifier les lacunes des données devant servir à mesurer le rendement socio-économique. Le projet a été mené sous la direction d’un comité de travail comptant des représentants des trois organismes parrains. Ce rapport se veut un outil essentiel au développement d’une nouvelle stratégie économique qui reflétera le caractère distinctif de l’économie du Nunavut et correspondra à ses exigences particulières. Cette stratégie devra aussi être conforme aux principes du développement durable de sorte que la population et l’environnement devront constituer le pivot de la réflexion. Il s’agit donc, pour le Nunavut, d’élaborer un plan de développement économique durable qui prendra appui sur l’économie de subsistance existante tout en la soutenant et qui sera également favorable à une plus grande participation des intéressés à l’économie basée sur les salaires dans leurs collectivités ou les environs. Cet objectif sera réalisable à mesure que la population active augmentera et qu’un nombre accru de Nunavummiut se joindront aux activités relevant de l’économie mixte. Ce rapport pourra être utilisé par les nombreux dépositaires d’enjeux dont le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux, les organisations inuites, le secteur privé et le grand public. 1.3 La « durabilité » de toute stratégie économique reposera essentiellement sur l’apport des participants. Conséquemment, le développement d’une stratégie PLAN D’ENSEMBLE DU RAPPORT Ce rapport compte sept chapitres, y compris la présente introduction. Le deuxième chapitre fait état de l’approche 3 Le Conference Board du Canada générale adoptée aux fins de l’étude, aspect de toute première importance si l’on considère la vaste gamme d’approches et de biais que peut comporter l’examen du développement économique. Le chapitre 5 traite de l’économie « mixte » ou « globale » du Nunavut, c’est-à-dire de l’activité économique de subsistance (non rémunérée) et de l’activité économique basée sur les salaires, à partir des données disponibles les plus récentes. Ce chapitre décrit également l’économie numéraire du Nunavut par secteur selon le système de classification type des industries. Le chapitre 3 donne un aperçu des théories et des concepts du développement économique, souligne quatre facteurs essentiels à la création de richesses et au maintien de l’économie en ce XXIe siècle et fait état des questions soulevées par les économies en développement. Ce chapitre a pour objet de familiariser le lecteur avec les concepts de base du développement économique et de lui faciliter la lecture et l’entendement des chapitres subséquents. Le chapitre 6 fait l’exposé des perspectives économiques du Nunavut pour les vingt prochaines années en commençant par la présentation des perspectives économiques nationales et des tendances économiques mondiales. La discussion de l’avenir économique du Nunavut se limite en grande partie à la croissance de l’économie basée sur les salaires en raison du manque de données portant sur l’économie de subsistance. Le chapitre 4 présente un aperçu du Nunavut à la lumière des quatre facteurs de création de richesses : le capital physique ou l’infrastructure, le capital naturel, le capital humain ainsi que le capital social et organisationnel. Le cas échéant, ce chapitre propose des examens comparatifs du Nunavut et du Canada, du Yukon, des T.N.-O. et du Groenland en fonction des principaux indicateurs sociaux. Le chapitre 7 situe toutes les observations et informations dans le contexte et souligne les questions méritant une attention particulière. On y traite également des valeurs qui ont contribué au développement socio-économique du Nunavut et qui continueront de l’influencer. 1 Heather Myers, « Options for Appropriate Development in Nunavut Communities », Études/Inuit/Studies 2000, 24(1), p. 25-40. Le Conference Board du Canada 2 « Nunavummiut » signifie tout citoyen du Nunavut, d’origine inuite ou autre. 4 2 — Approche générale On a parfois tendance à restreindre la détermination des perspectives économiques à un résultat net comme la prévision de l’accroissement du produit intérieur brut (PIB), la fluctuation du taux de chômage ou de participation à l’économie, et la taille du capital naturel potentiel (p. ex. gisements minéraux). Dans le cas du Nunavut, ce type d’approche fait exclusion de toute activité économique parallèle à l’économie basée sur les salaires et ne permet pas de capter d’autres facteurs de croissance économique tels le capital physique (l’infrastructure) et le capital humain (les compétences et l’état de santé d’une population), ni de comprendre l’influence de ces facteurs sur le développement socio-économique futur. Le Conference Board du Canada reconnaît également l’importance des valeurs dans le cadre de l’élaboration des politiques. Notre définition de ce qui constitue une « qualité de vie élevée et durable » ainsi que le choix des politiques visant l’atteinte de cet objectif sont inévitablement influencés par notre système de valeurs. Certaines sociétés, par exemple, opteront pour une approche collective à la réalisation de leurs objectifs alors que d’autres accorderont davantage de poids à l’approche individuelle. À la lumière de ces facteurs, nous avons adopté une approche globale comportant quatre composantes, aux fins de la détermination des prévisions économiques du Nunavut. En premier lieu, nous dressons l’aperçu théorique du développement économique en vue de faciliter la lecture du document et de permettre au lecteur de participer aux discussions subséquentes. Cet aperçu fait état de la théorie, des principes et des facteurs essentiels à la création de richesses et au maintien d’une économie durable en ce XXIe siècle. Depuis plusieurs années, Le Conference Board du Canada fait l’évaluation du rendement et du potentiel socioéconomiques du Canada, conscient de l’interaction entre les politiques sociales et économiques. Notre premier rapport, Performance and Potential 1996, déterminait que notre société visait l’atteinte d’une « [traduction] qualité de vie élevée et durable » et que la combinaison des politiques économiques et sociales devait permettre de réaliser cet objectif1. La croissance économique d’une région repose en effet sur l’état de la collectivité ainsi que sur la santé et les compétences de ses membres. Parallèlement, en l’absence d’assises économiques solides, il est impossible de soutenir les programmes de santé et les programmes sociaux essentiels à la collectivité. En second lieu, l’approche adoptée accorde une attention particulière à l’économie « mixte » ou « globale » du Nunavut. Nous avons donc examiné les indicateurs économiques associés à l’économie basée sur les salaires ainsi que la taille et la portée de l’économie de subsistance ou traditionnelle parallèle. Tel que le soulignent Ross et Usher : [traduction] Aux yeux des autorités centrales, des économistes et des planificateurs, l’économie parallèle, étant composée de nombreuses petites unités autonomes, demeure pratiquement invisible et ne fait donc pas l’objet de quantification et de comptabilisation3. La « santé » du capital naturel (un environnement sain) est également un des éléments nécessaires à l’atteinte d’une qualité de vie élevée et durable. Selon le rapport Rendement et potentiel 2000 du Conference Board du Canada, tout indique que le bon rendement au chapitre de l’environnement est un indicateur sûr du bon rendement dans d’autres secteurs2. Les politiques économiques, sociales et environnementales sont garantes du développement durable. Compte tenu de son importance au Nunavut, l’économie de subsistance a été intégrée à nos analyses chaque fois que les données étaient disponibles. 5 Le Conference Board du Canada suivantes ont été entreprises en vue d’établir nos prévisions économiques : • Une réunion ab initio tenue sur les lieux et comptant les membres du groupe de travail; • Une analyse documentaire des principaux rapports et ouvrages sur le développement socio-économique du Nunavut; • Des entretiens téléphoniques et des entrevues menées par le personnel du Conference Board du Canada auprès des intervenants importants identifiés par les parrains du projet; • Un examen d’une gamme d’indicateurs socio-économiques passant des mesures conventionnelles, telles le PIB et le taux de chômage, aux indicateurs sociaux tels les niveaux de scolarisation; • Une étude des tendances et perspectives économiques canadiennes et mondiales; • Une prévision de l’avenir économique du Nunavut sur les vingt années à venir effectuée au moyen de modèles prévisionnels à long terme à l’échelle provinciale et nationale. Nos perspectives sont dérivées du modèle prévisionnel provincial, modèle économétrique trimestriel à grande échelle, conçu et tenu à jour par Le Conference Board du Canada; • Une analyse sectorielle de l’économie numéraire du Nunavut, fondée sur diverses sources, mais conforme aux définitions du système de classification type des industries (CTI) des Comptes nationaux; • L’analyse de plusieurs bases de données pertinentes, y compris l’Enquête sur la population active du Nunavut de 1999, fournie par le Bureau de la statistique du Nunavut, le Nunavummit Kiglisiniartiit. En troisième lieu, notre étude des perspectives économiques examine les quatre facteurs de développement économique soit le capital physique, le capital humain, le capital naturel et le capital social et organisationnel. Nous y traitons de l’infrastructure physique et des indicateurs sociaux et de santé. Malheureusement, dans certains domaines, nous disposons de très peu de données sur le Nunavut. Comme il s’agit d’un nouveau territoire peu peuplé, il est souvent difficile d’obtenir les données relatives à certains indicateurs sociaux. Dans certains cas, les données disponibles datent d’avant la création du Nunavut et se mêlent donc aux informations portant sur les T.N.-O. Dans la mesure du possible, ces indicateurs ont fait l’objet de comparaisons avec le Canada ainsi qu’avec trois autres régions, soit le Yukon, les T.N.-O. et le Groenland. Ces régions ont été sélectionnées en raison de la similarité de leurs caractéristiques géographiques et démographiques ainsi que de leur ressemblance en termes de population. Une discussion du rôle des valeurs dans le cadre de l’élaboration des politiques de développement économique convenant au Nunavut constitue la quatrième particularité de l’approche adoptée aux fins de ce rapport. L’historique du Nunavut, bien que court, révèle que les valeurs ont toujours tenu une grande importance dans l’élaboration des politiques de développement économique du territoire, comme en fait foi la décentralisation de l’activité gouvernementale en vue de la répartition équitable des richesses et des débouchés. 2.1 MÉTHODE Conformément aux spécifications du client, Perspectives économiques Nunavut n’est pas une étude normative, c’est-à-dire qu’elle ne comporte aucune recommandation en matière de politiques. Néanmoins, ce rapport a pour objet de servir d’outil central à l’élaboration future d’une stratégie économique qui englobera tous les facteurs sousjacents du développement socio-économique du Nunavut. Les organismes parrains ont voulu qu’en raison de contraintes de temps et en vue de l’analyse de toutes les données déjà recueillies au sujet de l’économie du Nunavut, ce projet de recherche fasse surtout usage de sources d’informations secondaires. Conformément à cette exigence et en vertu de l’approche décrite ci-dessus, les activités 1 Le rapport Performance and Potential, publié une fois l’an par Le Conference Board du Canada, présente une évaluation générale du rendement social et économique du Canada. Figurent également dans ce rapport des comparaisons entre le Canada et six autres pays industrialisés. http:/www.conferenceboard.ca/pubs/. Le Conference Board du Canada 2 Le Conference Board du Canada, Performance and Potential 2000, Ottawa, Le Conference Board du Canada, 2000, p. 73. 3 David P. Ross et Peter J. Usher, From the Roots Up: Economic Development as if Community Mattered, Croton-on-Hudson, New York, The Bootstrap Press, 1986. 6 3 — Processus de développement économique d’une région sont donc issues de l’analyse des perspectives de réalisation des objectifs fixés. Faits saillants • La science économique ne s’intéresse pas strictement à l’aspect financier, mais tient aussi compte de la façon dont les gens font usage de leur temps et de leurs ressources en vue de réaliser leurs objectifs personnels et sociaux. Le développement économique d’une région suppose un progrès vers la réalisation de trois objectifs économiques fondamentaux1 : 1. Le maintien de la vie : Les gens ont-ils suffisamment à manger, sont-ils logés de manière adéquate, sont-ils à l’abri de la violence, sont-ils en bonne santé? 2. L’estime de soi2 : Les gens ont-ils une image positive d’eux-mêmes et de ceux qui les entourent? 3. La liberté de choix3 : Les choix à la portée des groupes et individus d’une région ont-ils été élargis ou restreints? • Le capital physique, le capital humain, le capital naturel et le capital social et organisationnel sont les quatre composantes du phénomène de création de richesses. • La croissance économique est nécessaire à la réalisation des objectifs de développement de toute société, à la satisfaction des besoins essentiels au maintien de la vie, à l’acquisition de l’estime personnelle et à la liberté de choix. • L’économie traditionnelle de subsistance ne peut à elle seule satisfaire à la demande croissante de biens et de services produits dans le cadre d’une économie industrielle. 3.2 La réalisation des trois objectifs mentionnés plus tôt exige un certain bien-être matériel, physique, culturel, mental et spirituel. Le développement économique tend à passer surtout par la création de richesses matérielles qu’on estime être à la base du bien-être général. La création de richesses repose sur quatre facteurs clés : 1. Le capital physique : désigne l’infrastructure nécessaire au maintien de la production économique soit l’infrastructure ou les systèmes de transports, les structures ainsi que l’équipement nécessaires au fonctionnement des entreprises et de l’industrie, les systèmes de communication, etc. Les stocks de logements, les installations de loisir, les centres hospitaliers et autres éléments affectant le capital humain ainsi que les investissements contribuant à réduire l’épuisement du capital naturel comme les systèmes anti-pollution sont également pertinents; 2. Le capital humain : comprend l’activité de la maind’œuvre, mais également, au sens plus large, les actifs d’une société sur le plan de l’alphabétisation et de Le présent chapitre propose un aperçu des éléments et des conditions nécessaires au développement économique en général. Ce chapitre se veut un guide de l’analyse et des perspectives économiques du Nunavut dont nous traiterons dans les chapitres qui suivent. 3.1 QUATRE ÉLÉMENTS ESSENTIELS AU DÉVELOPPEMENT POURQUOI PARLER DE « DÉVELOPPEMENT »? Tel que le veut l’approche adoptée dans ce rapport, l’évaluation économique d’une région suppose davantage que la simple mesure des taux de production et de consommation de biens et de services. L’évaluation économique englobe toute la gamme des activités entreprises en vue du bien-être. La science économique ne s’intéresse pas strictement à l’aspect financier, mais tient aussi compte de la façon dont les gens font usage de leur temps et de leurs ressources en vue de réaliser leurs objectifs personnels et sociaux. Les perspectives de développement économique 7 Le Conference Board du Canada ici deux approches se prêtant particulièrement au développement d’économies comme celle du Nunavut : la croissance par l’augmentation des investissements dans le capital physique et le passage d’une économie de subsistance à une économie industrielle par la modification des structures4. l’éducation ainsi que des connaissances et des compétences. Entrent aussi en ligne de compte l’état de santé et le bien-être général de même que certaines caractéristiques telles la motivation, la discipline et les valeurs individuelles; 3. Le capital naturel : soit les matières premières à la base de l’activité économique qui comprennent la terre, les ressources fauniques, minérales ou énergétiques, les fibres, etc. Le capital naturel comprend également les services rendus par l’environnement comme la gestion des déchets (p. ex. l’entreposage des émissions de gaz à effet de serre ou le traitement biologique des eaux usées). Figure aussi dans ce capital le « savoir naturel » ou le savoir préservé à l’intérieur des systèmes biologiques, tel les configurations chimiques des protéines des plantes dont on s’inspire pour créer des produits pharmaceutiques ainsi que les rapports écologiques qui ont évolué pour assurer la survie dans les régions aux climats rigoureux; 4. Le capital social et organisationnel : comprend le milieu d’interaction des actifs naturels, humains et physiques contribuant à la création des richesses. Par exemple, de longues périodes de conflit ou de guerre peuvent entraîner la chute dramatique du rendement des capitaux humain, naturel et physique existants. De même, l’absence d’entrepreneuriat organisé au sein d’une structure commerciale appropriée fera entrave à la réalisation d’un potentiel qui serait, autrement, prévisible. Le milieu et les structures en place sont-ils favorables à l’innovation et permettent-ils de retirer une valeur économique supplémentaire du savoir? Cette forme de capital compte les principaux dépositaires d’enjeux en ce qui concerne la création de richesses (p. ex. le gouvernement, le secteur privé, les organismes non gouvernementaux, etc. ), le cadre d’élaboration des politiques, la sécurité publique et le rapport de confiance entre les intervenants. 3.3.1 Selon l’approche traditionnelle du développement économique, la croissance économique peut résulter des efforts d’un pays ou d’une région pour augmenter sa réserve ou son stock de capital physique ou les actifs physiques nécessaires à la production d’autres produits et services5. Cependant, bien que les économies et les investissements dans le capital productif constituent une condition préalable à la croissance économique, ils ne suffisent pas en tant que tel à la réalisation de cet objectif. D’autres éléments doivent être en place afin de permettre à ce nouveau capital de mener à des niveaux de production économique plus élevés. Figurent habituellement parmi les conditions préalables au développement : • les attributs structurels appropriés, tels les marchés monétaires et commerciaux bien intégrés, les systèmes de transport hautement développés ainsi qu’une maind’œuvre compétente et bien formée; • les facteurs extra-économiques favorables : c’est-à-dire une bureaucratie et des politiques gouvernementales efficaces; • les attitudes sociales menant au développement : c’est-à-dire la discipline, la gratification différée (p. ex. l’éducation) et le désir de réussir. Les quatre facteurs de création de richesses doivent opérer de manière équilibrée si l’on veut assurer la productivité des investissements dans l’infrastructure physique. Par exemple, la construction d’un nouvel hôtel pour touristes constitue un investissement dans le stock de capital physique d’une région. Toutefois, s’il est situé sous le vent d’un site d’enfouissement malodorant (faible capital naturel), s’il n’existe aucun moyen de faire venir les touristes dans la région (infrastructure de transport inadéquate), si personne ne possède la motivation ou les compétences nécessaires à la gestion de l’établissement (capital humain inadéquat) ou si la région ne compte aucune entreprise capable d’attirer les visiteurs à l’hôtel (lacune en matière de capital organisationnel), l’investissement s’avérera vraisemblablement improductif. Ces facteurs sont évidemment sensibles aux conditions extérieures et aux niveaux de capital des économies auxquelles appartiennent les partenaires commerciaux. Ainsi, les barrières au commerce, les guerres ou l’augmentation soudaine des cours mondiaux du pétrole peuvent affecter le développement des capitaux de toutes les économies. 3.3 PROCESSUS ET CONDITIONS PRÉALABLES AU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE 3.3.2 Attendu que les capitaux humain, physique, naturel, social et organisationnel constituent les principaux facteurs de création de richesses, quels sont donc les processus qui mènent au développement économique? Nous présenterons Le Conference Board du Canada Accroissement des réserves de capital physique Approche axée sur les changements structurels La seconde approche du développement est axée sur les changements structurels qui se produisent habituellement quand une région se développe économiquement. 8 L’observation du développement de par le monde révèle qu’à mesure que le niveau de production économique d’une région augmente, la contribution du secteur de subsistance traditionnel décroît par rapport à la production industrielle urbaine. En vertu de cette approche, le moteur de croissance économique passe de la production de subsistance traditionnelle à la production industrielle urbaine et à l’économie basée sur le savoir et sur l’expérience (voir la pièce 1). Ce changement est essentiel à l’accroissement des richesses par habitant, puisque le potentiel de croissance ou d’expansion du secteur économique traditionnel de subsistance est faible par rapport à celui de la production industrielle. de mieux saisir les changements qui s’opèrent sur le plan de la répartition de la population ainsi que les virages qui s’effectuent sur le plan des activités économiques. À mesure que l’on investit dans le capital physique de l’économie de subsistance, le niveau de productivité individuelle augmente. Par exemple, la mécanisation du Canada rural a grandement contribué à augmenter la capacité de production agraire individuelle des fermiers. En revanche, elle est également la cause d’un excédent de main-d’œuvre, car les économies de subsistance sont malgré tout astreintes à des limites naturelles à la production. Nombreux sont donc ceux qui ont quitté les régions rurales pour profiter des possibilités offertes par l’économie urbaine industrielle. Soulignons cependant que, bien que l’importance relative de la production industrielle ou de la production de l’« économie nouvelle » augmente au cours de la période de transition, le niveau de productivité de l’économie de subsistance, exprimé en termes absolus, peut demeurer constant ou même augmenter. De même, bien que l’apport de l’« économie nouvelle » ajoute aux richesses nationales, rien n’indique qu’en termes absolus, la production industrielle décroît. Plutôt, l’augmentation des richesses attribuable à l’« économie nouvelle » entraîne une demande accrue en production de biens de consommation. Le passage de l’économie de subsistance stricte à une économie mixte dépend de certains facteurs dont : • l’abondance des ressources naturelles; • les politiques gouvernementales et les objectifs sociaux; • la disponibilité de technologies et de capital externes; • l’état du commerce extérieur. Ce processus repose implicitement sur l’idée qu’une juste combinaison des politiques internes et de l’aide au développement externe permet aux régions de vivre la transition structurelle à un rythme favorisant l’atteinte d’un niveau de richesse économique plus élevé tout en réalisant leurs objectifs sociaux ou politiques. Cette convergence sur les changements structurels, qui résultent souvent du processus de développement, permet PIÈCE 1 Étapes de croissance des économies en développement Source : Statistique Canada. 9 Le Conference Board du Canada 3.4 définit le cadre d’évaluation du rôle de l’économie de subsistance dans le développement économique. Il reste les deux questions suivantes auxquelles il faut prêter une attention particulière : 1. Pourquoi la croissance économique est-elle nécessaire? 2. Quel est le rôle de l’économie de subsistance dans le développement? DÉVELOPPEMENT DURABLE Les processus de développement décrits ci-dessus sont fondés sur l’hypothèse voulant que la croissance économique est nécessaire à la réalisation des objectifs de développement d’une société (la satisfaction des besoins essentiels à la survie, l’acquisition de l’estime de soi et l’obtention de la liberté de choix). On se demande cependant si cette croissance peut être maintenue à long terme. 3.5.1 Les sociétés aborigènes du monde entier ont fait la preuve que l’économie de subsistance pouvait être soutenue pendant de nombreuses générations. Pourquoi donc la présente exigence de croissance économique aux fins de la réalisation des objectifs de développement? Il est possible d’évaluer la durabilité de la croissance économique en examinant les répercussions du phénomène de croissance sur les quatre facteurs de création de richesses. Dans le cas des réserves de capital physique mentionnées plus tôt, les conditions de la croissance économique dépendent de l’expansion des stocks. Celle-ci se produit lorsque le niveau de consommation est inférieur à la production totale, entraînant la réalisation d’économies qui, théoriquement, sont investies dans le capital. Autrefois, la durabilité était fondée sur certains mécanismes naturels et culturels qui contrôlaient avec succès le niveau de production associé aux ressources naturelles. La croissance démographique était naturellement limitée par la capacité de charge de l’environnement et les niveaux de consommation individuels, contrôlés par les pressions sociales et culturelles. Pour évaluer la durabilité de la croissance, il faut examiner les économies et les investissements au chapitre des quatre facteurs de création de richesse. C’est précisément ce que propose la « comptabilisation du coût complet ». Lorsque l’accroissement du capital physique se fait aux dépens de l’environnement à court et à long termes, l’érosion du capital naturel peut annuler la valeur réelle de l’économie réalisée. De même, l’augmentation de la main-d’œuvre (capital humain) au détriment du bien-être familial (capital social) ne se traduit pas nécessairement par la réalisation d’économies nettes contribuant à l’accroissement du potentiel de productivité. Ces mécanismes de contrôle sont maintenant pratiquement inexistants depuis l’avènement des nouvelles technologies de transport et de communication. La possibilité de transporter de la nourriture dans les régions défavorisées a contribué à l’accroissement des populations en aplanissant les fluctuations naturelles et en réduisant les périodes de famine, alors que les communications de masse encouragent une culture de consommation8. Dans le cas des économies de subsistance modernes, les investissements de capital en vue de l’acquisition de biens et de services tels le logement, l’attirail de chasse et l’équipement ménager ainsi que les réseaux de communication ont eu deux résultats majeurs. D’abord, ils ont contribué à l’augmentation de la productivité individuelle et accorde davantage de temps libre à l’individu. Ils ont aussi créé un excédent de main-d’œuvre. Ensuite, ils ont fait apparaître un besoin d’argent comptant, puisque dans les économies industrielles, ces éléments de capital sont acquis par transactions au comptant. Dans la même veine, l’Organisation des Nations Unies suggère que la durabilité de la croissance est réalisable « [traduction] en termes “d’économies réelles”, lorsque les niveaux de consommation des membres d’une société, dûment comptabilisés, sont inférieurs aux niveaux de production, dûment comptabilisés, des membres d’une société »6. Dans ce contexte, les concepts « consommation » et « production » englobent les biens et les services naturels ou environnementaux ainsi que les facteurs humains, sociaux et culturels. L’intégration de la valeur de ces facteurs non monétaires aux divers niveaux décisionnels politiques et commerciaux constitue l’un des grands défis du développement durable7. 3.5 Ainsi, dans les régions où l’économie de subsistance demeure active, le besoin de comptant signifie la commercialisation des activités rattachées aux ressources naturelles, la création d’emplois rémunérés en espèces et l’octroi de subventions, et exige la participation de la population à une combinaison d’activités économiques officielles et numéraires et d’activités économiques informelles ne comportant pas de transactions au comptant. RÔLE DE L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DE SUBSISTANCE Ce bref aperçu des processus de développement économique et des facteurs de création de richesses Le Conference Board du Canada Le pourquoi de la croissance économique 10 Cependant, le besoin de comptant pour acheter les biens et services offerts par l’économie industrielle n’est pas le seul moteur des exigences associées à la croissance économique. La capacité de l’individu de tenir un rôle productif dans la société constitue un élément fondamental du développement de l’estime de soi et de la réalisation du bien-être personnel. Manifestement, la disponibilité de rôles productifs devra suivre de près la croissance démographique. est parfois heureux de renoncer à certains aspects matériels de son bien-être en vue de profiter davantage d’autres aspects tels la sauvegarde de sa culture ou la liberté personnelle. Les systèmes économiques urbains sont peut-être également disposés à défrayer les coûts associés au maintien d’une diversité sociale et à reconnaître qu’il s’agit d’une autre forme d’avoir9. Les valeurs tiennent effectivement un rôle important dans le choix des politiques (traité en détail au chapitre 7). Là où la demande de produits et de services est à la hausse en raison de l’augmentation de la population ou de la consommation individuelle, la croissance économique est essentielle à la réalisation des objectifs de développement. C’est pour ces raisons, entre autres, que les collectivités économiquement marginales continueront vraisemblablement d’exister. Par conséquent, les efforts de développement de l’économie de subsistance doivent viser l’amélioration du bien-être des membres de collectivités et la réduction de leur vulnérabilité envers les événements en atténuant le besoin de bénéficier des transferts de régions plus productives. Cette démarche pourrait contribuer à augmenter la viabilité de ces collectivités, même si elles ne parviennent pas à atteindre l’autosuffisance complète. 3.5.2 Rôle de l’économie de subsistance dans le développement Les économies de subsistance reposent sur des processus naturels qui limitent inévitablement les niveaux de production et, par conséquent, le potentiel de croissance économique. Il n’y a qu’un certain nombre de caribous dans la toundra et de poissons dans la mer. En soi, l’économie de subsistance traditionnelle ne peut suffire à la demande croissante de biens et de services dérivés de l’économie industrielle. Deuxièmement, les économies de subsistance ont un potentiel extraordinaire d’adaptation et d’évolution et c’est pourquoi nous avons revalorisé les perspectives économiques des activités rattachées aux ressources naturelles. En s’appuyant sur les quatre facteurs de création de richesses, il sera sans doute possible d’établir de nouveaux secteurs d’activité qui se prêtent à l’économie de subsistance. L’abandon de l’économie traditionnelle se produira sans doute, mais ce virage n’impliquera pas nécessairement l’adoption d’un modèle économique industriel, en milieu urbain. Le potentiel de la « nouvelle économie » soulève un grand intérêt, car ce type d’économie permet la transformation du savoir naturel traditionnel, le QI dans le cas du Nunavut, et des activités de subsistance en produits et services ayant une valeur marchande dans l’économie conventionnelle10. Le tourisme d’expérience et le marketing à valeur ajoutée, qui s’inspire des connaissances traditionnelles, de biens spécialisés n’en sont que deux exemples. Comme nous l’avons souligné dans le cas du processus d’augmentation des réserves de capital physique, la croissance économique est le produit des investissements dans le capital physique et de la transition vers les secteurs industriels et ceux de la « nouvelle économie ». Bien que la production découlant des activités de subsistance se poursuive (voir la pièce 1), le nombre de participants à cette économie décroît au rythme de l’augmentation du taux de productivité individuelle. Bien souvent l’excédent de main-d’œuvre ainsi créé favorise le mouvement des populations vers les centres urbains où les possibilités qu’offrent les secteurs industriels et ceux de la « nouvelle économie » sont plus abondantes. S’ensuit une réduction de la demande de biens et de services locaux laquelle entraîne le déplacement des fournisseurs et de leurs familles, et les collectivités affectées se retrouvent dans une situation de déclin irrémédiable. Il ne s’agit pas là d’un risque strictement théorique, comme de nombreuses collectivités agricoles du Canada le savent. L’activité économique traditionnelle de subsistance peut jouer un rôle primordial pour ce qui est du maintien et du renforcement de trois des principaux facteurs de création de richesses : le capital humain, le capital naturel et le capital social. De fait, l’activité de subsistance peut contribuer à jeter les assises de la croissance économique future. Par exemple, la confiance et le partage social généralement caractéristiques de l’économie de subsistance peuvent faire contrepoids à l’individualisme croissant observé au sein des économies industrielles formalisées. Bien que la valeur du capital social ne soit pas particulièrement bien intégrée aux modèles de développement Ajoutons cependant que l’avenir des économies de subsistance n’est pas nécessairement aussi sombre. Premièrement, les décisions d’une société ne sont pas toutes fondées sur l’optimisation économique. Le sens d’appartenance à la collectivité et l’attachement à la terre comptent parmi les valeurs fondamentales de nombreuses sociétés. L’individu 11 Le Conference Board du Canada économique, les efforts de comptabilisation du coût global de l’activité économique entreprise en vue du développement durable sont garants de progrès certains dans ce domaine. Cet axe de recherche permettra d’établir sans doute les liens entre le capital social, les habitudes de consommation et le capital naturel. Les partisans de l’économie collective de subsistance et les décisionnaires du gouvernement doivent maintenant tenter de déterminer comment ces réserves de capital humain, naturel et social peuvent se traduire en production économique et quels sont les investissements de capital physique qui complémentent le plus efficacement ce processus de transformation. L’activité économique de subsistance pourra aussi contribuer à l’enrichissement du capital naturel par l’application du savoir traditionnel à la surveillance de l’environnement (par exemple, les efforts consentis actuellement en vue d’intégrer le savoir traditionnel à l’évaluation des changements climatiques mondiaux) ou à la gestion des ressources. Le savoir relatif aux systèmes naturels pourra également mener à un nouvel usage des ressources naturelles comme le suggère l’évolution actuelle des médecines douces. En résumé, l’avenir des économies de subsistance repose en grande partie sur leur état de développement actuel et sur les réserves disponibles dans chaque secteur de création des richesses. Lorsque les besoins humains de base sont satisfaits, l’activité de développement et d’investissement peut être axée sur la capitalisation des sources de richesses existantes. Ce virage exige de solides mécanismes de soutien organisationnel, des individus en santé, appuyés par une bonne estime d’eux-mêmes, une motivation sociale solide, une confiance et une conscience sociales profondes, une infrastructure appropriée et des ressources naturelles favorables au soutien du milieu. À très court terme, l’économie de subsistance offre à la population, et à la jeunesse en particulier, un moyen de bâtir son estime personnelle par l’adoption de rôles sociaux productifs. Cela peut fortement encourager le développement du capital humain sur lequel reposeront les activités économiques de demain. 1 Adaptation de Michael P. Todaro, Economic Development in the Third World, 4e édition, White Plains, NY, Longman, 1989. 7 Par exemple, les Principes de Bellagio en matière d’évaluation des progrès vers le développement durable établissent une série de lignes directrices concrètes en faveur du développement durable. Ces principes exigent l’adoption d’une perspective globale, l’examen des conséquences tant positives que négatives de l’activité humaine au fil du temps et l’examen de l’équité et de la disparité dans les populations actuelles et entre les générations actuelles et futures compte tenu de toute une gamme de dimensions. L’ouvrage de Peter Hardi et de Terrence Zdan sur la mise en pratique de ces principes aux fins de l’évaluation du développement durable, publié en 1997 et intitulé Assessing Sustainable Development: Principles in Practice, présente les Principes de Bellagio dans leur intégrité. Cet ouvrage est disponible auprès de l’Institut international du développement durable, à l’adresse web http://iisd.ca/measure/1.htm. 2 Parmi les facteurs qui influencent l’estime personnelle figurent l’inégalité économique (pauvreté relative et capacité de se mesurer à ses voisins) ainsi que l’inégalité sociale déterminée par l’aptitude de l’individu à jouer un rôle productif dans la société. Le développement culturel est indéniablement l’un des facteurs influant sur le développement de l’estime collective. 3 Par exemple, dans quelle mesure le développement a-t-il contribué à augmenter ou à diminuer la dépendance à l’égard des facteurs externes et à réduire ou à augmenter l’asservissement à d’autres personnes ou institutions? Le développement économique ne doit pas uniquement contribuer à augmenter les biens et services de consommation, mais également accroître les choix dont disposent les gens. 8 Nombreuses sont les sociétés traditionnelles dont la subsistance est assurée par les ressources naturelles et chez qui les niveaux de consommation sont dictés par le besoin de survie alors que, dans les sociétés de consommation modernes, l’utilité d’un produit est définie en termes beaucoup plus larges qui se rapprocheraient davantage du désir que du besoin. La consommation dictée par le besoin est limitée alors que la consommation basée sur le désir est pratiquement sans limites. 4 La discussion figurant à ce chapitre est strictement théorique et ne se veut pas une évaluation d’une région en particulier. 5 Cela peut être réalisé par l’économie d’une portion de la production globale et le réinvestissement de celle-ci pour augmenter le capital physique. Afin de se permettre un tel investissement, il est parfois nécessaire qu’une région réduise, entre autres, les dépenses imputables aux produits de consommation et aux programmes sociaux. L’accroissement du capital peut également être le fruit de transfert de capital d’autres régions. Toutefois, la dépendance qui en découle a tendance à accroître la vulnérabilité à l’égard des forces externes et à réduire les options à la portée des décideurs locaux en matière de développement. 9 La valeur des divers systèmes de connaissance et modes de vie change avec le temps. Comme pour la diversité biologique et génétique, la diversité des modes de vie pourrait s’avérer cruciale au développement de l’humain à l’avenir. La sauvegarde des diverses stratégies économiques, y compris l’économie de subsistance, comporte peut-être une valeur inhérente encore inconnue. 10 Voir, par exemple, Michael Robinson et Elmer Ghostkeeper, « Native and Local Economics: a Consideration of Economic Evolution and the Next Economy », Arctic 40, (2), 1987, p. 138-144. 6 Le Conference Board du Canada, Performance and Potential 2000, op. cit., p. 11. Le Conference Board du Canada 12 4 — Regard sur le Nunavut : où en sommes-nous? Faits saillants • Dans l’état actuel des choses, le capital physique ou l’infrastructure du Nunavut fait sérieusement entrave à son développement social et économique. Il est primordial de veiller à offrir un plus grand nombre de logements et de locaux commerciaux, à amélioration les systèmes de traitement et de gestion des déchets et des eaux usées, à rendre l’accès aux systèmes de transport et de télécommunications abordable et à établir des services de garderie. • Le taux de croissance démographique du Nunavut est supérieur, par plus de trois fois, à la moyenne canadienne. La population du Nunavut est également la plus jeune au pays : 60 p. 100 des habitants sont âgés de moins de 25 ans et 41 p. 100 de moins de 16 ans. • Sur le plan du capital humain, il reste encore beaucoup à faire au Nunavut. Le niveau de scolarisation s’est définitivement amélioré, mais, par rapport au reste de la population canadienne, les Nunavummiut restent généralement moins instruits. Le revenu moyen des ménages au Nunavut est plus faible que celui des ménages habitant les autres territoires du Nord et le reste du Canada. L’état de santé de la population du Nunavut est également beaucoup moins bon que celui de l’ensemble de la population canadienne. • Il est essentiel d’arriver à mieux comprendre l’état du capital naturel au Nunavut. Pour cela, il faut commencer par combler les lacunes énormes des données géoscientifiques publiques sur le Nunavut et mettre en place des mécanismes d’observation et de mesure de l’environnement et des ressources naturelles. • L’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut (ARTN) joue un rôle de toute première importance dans la répartition du capital affecté au développement économique du territoire. L’ARTN comporte de nombreuses dispositions visant le développement économique dont l’embauchage représentatif d’Inuit dans l’administration publique, des politiques préférentielles de passation de marchés entre l’entreprise inuite et les gouvernements fédéral et territorial, l’obligation de conclure des Ententes sur les répercussions et les avantages pour les Inuit dans le cas des projets de mise en valeur importants et l’octroi d’un plus grand pouvoir en ce qui concerne les ressources naturelles et les droits d’exploitation. • Tant le gouvernement fédéral que le gouvernement territorial et les organismes inuits constitués tiennent un important rôle dans l’appui des possibilités de développement économique au Nunavut. Le Qaujimajatuqangit inuit, la philosophie et le savoir inuits, exercera sans doute une influence considérable sur les décisions relatives à la création des richesses au Nunavut. Le territoire du Nunavut est immense et représente en étendue 23 p. 100 des terres canadiennes et les deux tiers du littoral du Canada. Le Nunavut compte 25 collectivités constituées, dont la population passe de 130 habitants à Grise Fiord, île d’Ellesmere, à environ 5 000 à Iqaluit, sur l’île de Baffin. Toutes les collectivités du Nunavut sauf Baker Lake sont situées sur la côte. À l’exception d’une route entre Arctic Bay et la mine de Nanisivik, au nord de Baffin, il n’existe aucune infrastructure routière au Nunavut. Un grand nombre de collectivités ne sont établies de manière permanente que depuis peu. Certaines populations sont venues s’installer là où se trouvait une industrie, comme dans le cas d’Iqaluit ou de Rankin Inlet, alors que d’autres hameaux ont été établis pour des raisons administratives (services gouvernementaux, établissements et services de santé et d’éducation) ou en signe d’affirmation de la souveraineté canadienne. Il est bien connu que l’établissement de collectivités inuites permanentes a eu 13 Le Conference Board du Canada de sérieuses répercussions sur de nombreuses facettes du mode de vie inuit et a contribué à changer, par exemple, les habitudes de chasse en plus d’exacerber la dépendance à l’égard de l’économie basée sur les salaires1. 4.1.1 Le gouvernement du Nunavut reconnaît que la mise en disponibilité d’un plus grand nombre de logements constitue une priorité. Nombre des problèmes de santé et des difficultés économiques et sociales que connaît le territoire paraissent attribuables à cette pénurie. Certains rapports isolés veulent qu’en raison du manque d’espace, certaines familles doivent établir des quarts de sommeil. Ce manque de sommeil aggrave le problème d’absentéisme chez les employés et affecte le rendement scolaire des enfants. La surpopulation et les imperfections de la construction des logements existants causent des problèmes de santé telles des affectations des voies respiratoires et la propagation des maladies contagieuses. La crise du logement rend également plus difficile le recrutement des employés. Comment accepter un emploi si on n’a pas où se loger? De même, l’employé est réticent à quitter un emploi si ce changement signifie qu’il doit céder son logement. Dans le cas des collectivités de petite taille, la réalisation du plan de décentralisation des activités gouvernementales crée inévitablement une plus grande demande de logements. Tel que nous l’avons déjà souligné, Le Conference Board du Canada estime que la stratégie économique du Nunavut doit reposer sur les quatre facteurs de création de richesses : le capital physique, le capital humain, le capital naturel et le capital social et organisationnel. Dans le présent chapitre, nous décrivons l’état de chacun de ces capitaux et leur pertinence pour le développement économique du Nunavut. Nous soulignons aussi les aspects qui méritent une attention particulière. Ces informations seront utiles à l’examen de la situation économique et des secteurs de développement potentiel du Nunavut traités aux chapitres 5 et 6. 4.1 CAPITAL PHYSIQUE/INFRASTRUCTURE Comme nous l’avons vu au chapitre 3, le capital physique, ou infrastructure, est essentiel au développement économique. Les réseaux et les systèmes de transport, le logement, l’approvisionnement en électricité, les établissements d’enseignement ainsi que les services de santé publics (disponibilité de l’eau potable et traitement des déchets et des eaux usées) contribuent tous au développement économique. Les problèmes de logement du Nunavut sont étroitement liés au coût élevé du terrain aménagé ainsi qu’aux coûts de construction, d’entretien et d’exploitation. La majorité des matériaux de construction sont expédiés du Sud par bateau, et ce à un coût pouvant atteindre 35 000 $. De là l’importance du logement subventionné et des habitations fournies par le gouvernement. Le Nunavut compte plus de 3 579 logements subventionnés occupés par environ 13 666 personnes, soit plus de la moitié de la population (98 p. 100 des locataires sont Inuit). Les coûts d’exploitation, comme celui des services publics, sont d’environ 91 millions de dollars par année et constituent le principal obstacle au logement subventionné. Les pages suivantes offrent un bref aperçu du capital physique du Nunavut. Nous ne cherchons pas à en faire une évaluation exhaustive, mais plutôt à faire ressortir l’importance d’une infrastructure solide pour le développement économique et social. La grande question est de déterminer si le capital physique du Nunavut suffit à soutenir la croissance économique du territoire ou si certains aspects lacunaires s’opposent à la croissance économique ou nuisent aux trois autres facteurs de création de richesses. L’examen de la documentation sur le sujet ainsi que la consultation d’experts en la matière suggèrent fortement que l’état de l’infrastructure au Nunavut laisse sérieusement à désirer et fait entrave tant au développement économique qu’au développement social. Il s’agit donc de déterminer comment et à quel point il faut améliorer l’infrastructure du Nunavut afin qu’elle puisse soutenir la croissance d’une population principalement composée de jeunes et d’un nombre grandissant de personnes âgées. Contrairement à bon nombre de collectivités du Sud, le Nunavut ne peut guère espérer financer ces améliorations en haussant l’assiette fiscale locale. Le locataire typique d’un logement subventionné, s’il est employé, doit payer un loyer équivalent à 20 p. 100 du revenu mensuel brut du ménage. Cependant, la plupart des locataires de ces logements sont sans emploi ou ne disposent que d’un très faible revenu. Le loyer de ces locataires, représentant plus de 60 p. 100 des locataires de ce type de logement, est subventionné au coût d’environ 1 625 $ par mois, par ménage, alors que le locataire ne paie que 32 $ par mois. Les dépenses en subvention s’élèvent à 45 millions de dollars par année et les locataires sont rarement informés du fait que leur logement est subventionné2. Le système de loyer proportionnel au salaire est en fait un dissuasif à l’emploi puisque l’obtention d’un emploi rémunéré peut entraîner une augmentation considérable du loyer. Les gens préfèrent le logement subventionné à Nous faisons état ci-dessous de certains des secteurs importants de l’infrastructure les plus fréquemment identifiés comme présentant des lacunes. Le Conference Board du Canada Le logement 14 un emploi à 12 $ l’heure3. Ce système limite également la possibilité de trouver une solution de rechange au logement subventionné. commerciaux. L’entreprise à domicile, de plus en plus populaire dans le Sud, n’est pas à la portée de tous au Nunavut, car le gouvernement du territoire interdit l’usage commercial des logements subventionnés, et ce, pour plusieurs raisons, dont l’usage accru des services publics. En outre, la surpopulation des logements ainsi que les difficultés d’accès aux services Internet ne sont pas favorables au travail à domicile. La liste d’attente pour un logement subventionné compte 1 100 ménages, soit 4 000 personnes ou 15 p. 100 de la population. Selon les responsables du logement au Nunavut, la demande ne fera qu’augmenter, car les familles et les particuliers désirent de plus en plus habiter leur propre logement plutôt que de partager une habitation avec leur famille élargie. Bien que le pourcentage de ménages comptant six personnes ou plus soit passé de 32 p. 100 en 1986 à 22 p. 100 en 1996, le nombre d’occupants par habitation demeure plus élevé au Nunavut (3,84 personnes par logement) que dans l’ensemble du Canada (2,65)4. Cette tendance s’ajoutant à la proportion croissante de jeunes âgés de 14 à 18 ans, il faut prévoir que la demande de logements augmentera d’environ 260 logements par an au cours des cinq prochaines années5. En plus de cette pénurie de logements ordinaires, il existe une demande croissante de logements adaptés aux besoins des personnes âgées ou handicapées. Il est question d’établir un plus grand nombre de centres multiservices, c’est-à-dire d’édifices occupés par diverses entreprises. Ce type d’arrangement exige habituellement des mécanismes de financement novateurs pour couvrir les coûts de construction et d’entretien des locaux. 4.1.3 L’accès à des services locaux d’approvisionnement en eau potable, de gestion des déchets et de traitement des eaux usées est de toute première importance. La disponibilité de tels services est généralement considérée comme étant le principal facteur d’amélioration de la santé. Il est donc essentiel de veiller à ce que tous les Nunavummiut puissent en bénéficier. Le gouvernement du Nunavut a consenti les fonds nécessaires (15 millions de dollars) à la construction de 100 unités de logements subventionnés dans l’ensemble du territoire en l’an 2000. Ce sont les premières unités de logement bâties depuis 1993. En vue de satisfaire à la demande, le gouvernement du Nunavut a prévu la construction de 3 200 à 3 500 unités de plus, pendant les cinq prochaines années, au coût de 100 millions de dollars par année6. Bien que la présente évaluation ne va pas jusqu’à l’étude des systèmes de gestion des eaux et des déchets, une consultation des fonctionnaires du Nunavut et les rapports des médias suggèrent fortement que la gestion des déchets et des eaux usées soulève beaucoup d’inquiétude dans certaines collectivités. Il semblerait même que la gestion ou l’élimination des déchets soit le plus grave problème d’infrastructure du Nunavut. Dans la plupart des cas, l’enfouissement des déchets n’est tout simplement pas possible et l’on procède donc à l’incinération des ordures à ciel ouvert. En vertu d’une entente de financement global, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) verse approximativement 58 millions de dollars par année au Nunavut aux fins de l’augmentation des logements sociaux. Toutefois, la subvention sera réduite graduellement à partir de 2005 et éliminée complètement d’ici 2037. Le rôle que tiendra par la suite le gouvernement fédéral est incertain. À Iqaluit, le problème est encore plus aigu, car l’infrastructure de cette municipalité doit satisfaire à une croissance démographique rapide. Les fonctionnaires municipaux estiment qu’une injection de 18 millions de dollars sera nécessaire afin de répondre aux besoins fondamentau d’infrastructure. La construction d’une nouvelle usine de traitement biologique et mécanique des eaux usées apportera un précieux appui. Reste à savoir si l’infrastructure de base suffira à satisfaire les besoins d’une population croissante et à soutenir les nouvelles formes de développement économique comme l’entreprise touristique. Le logement demeure définitivement l’une des grandes priorités du gouvernement du Nunavut. C’est le deuxième article en importance du budget d’investissement de 20012002. Toutefois, il semble qu’à lui seul, le gouvernement n’est pas en mesure de mettre fin à la crise du logement de manière durable. De toute évidence, ce problème va nécessiter des solutions novatrices. 4.1.2 Services de gestion et de traitement de l’eau potable, des eaux usées et des déchets 4.1.4 Transports : réseau routier, terrains d’aviation, ports et navigation maritime Locaux commerciaux Certaines sources d’information sérieuses signalent le manque de locaux à vocation commerciale dans nombre de collectivités. Le Nunavut compte très peu d’édifices Au Nunavut, les systèmes de transport aérien, routier et maritime sont très peu développés. La situation du 15 Le Conference Board du Canada décentralisation de l’administration publique et du besoin d’établir de meilleurs liens entre les nombreuses collectivités réparties sur un aussi vaste territoire. L’amélioration des systèmes de communication est également essentielle au développement socio-économique en ce qu’elle favorise l’accès à l’information et aux services (p. ex. télésanté), augmente les possibilités d’enseignement à distance et rehausse les perspectives de marketing et de commerce électronique (p. ex. achat d’artisanat, réservations et planification de vacances et voyages via Internet). Nunavut sur ce plan est tout à fait différente de celle des T.N.-O. et du Yukon. Le réseau routier du Yukon, par exemple, s’étend sur 4 681 kilomètres alors que le Nunavut ne compte qu’une seule route intercommunautaire d’environ 20 kilomètres. Ajoutons que, contrairement aux T.N.-O., il n’existe aucune route d’hiver au Nunavut à l’exception d’une route reliant les T.N.-O. à la mine Lupin, à la limite frontalière ouest du Nunavut. Le gouvernement du Nunavut se dit intéressé à établir un réseau routier toutes saisons, notamment entre la région de Kivalliq et le Manitoba7. Il n’en demeure pas moins que la situation géographique (nombreuses populations insulaires) et le dispersement de petites collectivités éloignées font obstacle au développement des voies de transport. Par contre, le développement des systèmes de télécommunication au Nunavut a été plutôt limité jusqu’à présent. Dans le Nord, les télécommunications reposent forcément sur les techniques satellites, extrêmement coûteuses. Contrairement au Yukon et aux T.N.-O., le Nunavut ne se prête pas aux réseaux de transmission terrestre comme les câbles de fibres optiques et les micro-ondes. La technologie des satellites requiert un ou des satellites, l’installation de stations terrestres et la disponibilité de la largeur de bande voulue (ou de temps-secteur spatial). Dans le Nord, le coût élevé du temps-secteur spatial et le nombre insuffisant de fournisseurs de services Internet compliquent aussi grandement l’accès aux télécommunications. Bien que les collectivités du Nunavut soient sur la côte et compte tenu de l’importance du transport maritime pour l’approvisionnement en été, les installations portuaires sont, pour ainsi dire, inexistantes au Nunavut. Les collectivités ont manifestement su se passer de ces structures, mais il faudra éventuellement envisager le développement de l’infrastructure maritime dans la mesure où cette lacune restreint ou élimine, entre autres, les possibilités de développement économique des industries du tourisme et de la pêche. La qualité des services téléphoniques disponibles au Nunavut est aussi loin de correspondre à celle dont bénéficient les collectivités du Sud. Les tarifs sont élevés et l’accès aux lignes individuelles plus difficile. En raison des faibles taux de population, les abonnés ne sont pas en mesure d’assumer totalement le coût d’amélioration des services. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a approuvé la mise en œuvre d’un plan de réduction des tarifs interurbains et d’amélioration des services téléphoniques entrant en vigueur le 1er janvier 200110. Ce plan a pour objet de stimuler la concurrence dans le secteur des services interurbains et de faciliter l’accès aux fournisseurs de services Internet. En l’absence d’infrastructures routière et maritime adéquates, la population dépend fortement du système de transport aérien bien que les coûts en soient extrêmement élevés. Par exemple, un aller-retour Iqaluit-Ottawa coûte plus de 2 000 $, ce qui présente une sérieuse entrave au développement de l’industrie du tourisme au Nunavut. La qualité des terrains d’aviation et des services de transport aérien liant les collectivités du Nunavut n’est pas non plus toujours égale d’un endroit à l’autre. Le gouvernement du Nunavut est bien conscient des problèmes que présente l’absence d’infrastructures de transport adéquates et a confié l’élaboration d’une stratégie du transport à son ministère du Gouvernement communautaire et des Transports. Entre autres, cette stratégie propose un réseau de transport qui reposera sur l’engagement d’améliorer les liens entre les diverses collectivités du Nunavut (afin de favoriser notamment la décentralisation de l’administration publique)8. 4.1.5 Certaines décisions s’imposent en ce qui a trait au niveau de services réseaux et Internet désirés compte tenu du coût très élevé qu’entraînerait un usage accru de tempssecteur satellite. Manifestement, l’idée de faire du Nunavut un modèle sur le plan des télécommunications et de l’informatique, pour en compenser l’éloignement géographique, n’est pas réaliste à moins qu’on puisse trouver une solution aux coûts élevés du temps-secteur satellite. Il n’en demeure pas moins que l’on doit veiller à ce que les Nunavummiut, y compris les entreprises et le gouvernement, bénéficient d’un accès approprié et raisonnable aux services Internet. Il est également nécessaire de s’assurer que les technologies de l’information peuvent soutenir l’effort de décentralisation de l’administration publique. Télécommunications et connectivité Dans le cadre du plan de mise en œuvre du nouveau territoire, la Commission d’établissement du Nunavut a déterminé qu’il était impératif de disposer de systèmes de communication et d’information de pointe9. Cela est d’une importance particulière compte tenu des objectifs de Le Conference Board du Canada 16 Les représentants du gouvernement du Nunavut travaillent de concert avec le Groupe de travail national sur les services à large bande récemment créé pour élaborer une stratégie et suggérer au gouvernement fédéral la meilleure façon d’assurer aux résidants et entreprises de partout au Canada un accès aux services Internet haute vitesse d’ici l’année 2004. Le Groupe de travail a également pour mandat d’examiner les diverses stratégies qui permettraient de combler les écarts entre les niveaux de service offerts aux régions urbaines et aux régions rurales ou éloignées. 4.1.6 état le Conseil des ministres de l’Éducation du Canada, la taille des écoles et des populations qu’elles desservent affecte le coût des services d’enseignement et donc la manière de prodiguer l’enseignement général et spécialisé12. Malgré les restrictions budgétaires fédérales des années 1990, les dépenses au chapitre de l’éducation pour les T.N.-O. et le Nunavut des dix dernières années, ont atteint le double de la moyenne nationale13. De nombreuses sources font état de la qualité médiocre de l’enseignement au Nunavut. Bien que la majorité des enseignants soient extrêmement dévoués, ils sont souvent moins instruits que leurs collègues du Sud14. Notons également que très peu d’enseignants peuvent offrir leurs cours en inuktitut et qu’en 1996-1997, les Inuit ne comptaient que pour 35 p. 100 du personnel enseignant du Nunavut15. Le ministère de l’Éducation précise par ailleurs que la qualité des services d’enseignement va en s’améliorant et qu’un nombre croissant d’Inuit choisissent de faire carrière dans l’éducation. Il faudra néanmoins qu’un plus grand nombre de Nunavummiut s’intéressent à l’enseignement si l’on veut satisfaire à la demande de services d’enseignement en inuktitut (avec connaissance de la culture et des valeurs inuites à l’appui), et compte tenu du fait qu’on s’attend à perdre les enseignants d’ailleurs au Canada, en raison d’une pénurie dans ce domaine au cours des années à venir16. Services de garde et d’enseignement Au cours des dernières années, de nombreuses recherches ont été menées en vue de cerner les facteurs déterminants sur le plan de la santé et du développement de l’enfant et d’en mesurer les effets. Ces études révèlent que les six premières années de vie sont les plus importantes au développement physiologique (p. ex. développement du cerveau) et social de l’être humain. Un revenu familial adéquat, l’accès à des programmes de développement de l’enfant (p. ex. services de garde structurés, centres de ressources familiales, etc.), des pratiques parentales positives et le soutien de la collectivité sont autant de facteurs importants du développement de la petite enfance. À la lumière de ces connaissances, les chercheurs et les décideurs préconisent des programmes et services axés sur le développement optimal du jeune, y compris l’offre de services de garderie de meilleure qualité. Au Nunavut, l’absence de services de garde de qualité est un problème fréquemment mentionné11 qui peut, de surcroît, entraver le développement économique de deux manières. Premièrement, il contribuerait à dissuader les participants éventuels à l’économie numéraire, particulièrement les femmes ou ceux qui seraient autrement disposés à déménager si un emploi l’exigeait. Deuxièmement et à plus long terme, l’absence de services de garderie et de développement de la petite enfance pourrait nuire au progrès scolaire des jeunes Nunavummiut. Bien qu’il n’y ait aucune université au Nunavut, le collège Nunavut Arctic College offre une vaste gamme de programmes de formation et d’enseignement post-secondaires, y compris des programmes d’éducation permanente, dans un certain nombre de collectivités. En 1998, plus de 2 500 résidants du Nunavut, soit 10 p. 100 de plus que l’année précédente, ont bénéficié de ces cours. 4.1.7 Services de santé et services sociaux Le Centre hospitalier régional de Baffin, établi il y a plus de 40 ans, est le seul hôpital au Nunavut et ne compte que 34 lits. Dans les autres collectivités, les résidants ont accès aux services infirmiers des centres de santé communautaires. Les populations des régions de Kivalliq et de Kitikmeot n’ont accès à aucun centre hospitalier et doivent donc se déplacer au loin pour recevoir un traitement hospitalier. Les trois grandes régions du Nunavut sont jumelées à un centre hospitalier du Sud, par exemple, Edmonton dans le cas de la région de Kitikmeot. La disponibilité des établissements d’enseignement compte aussi dans le capital physique. Depuis déjà plusieurs années, la population s’inquiète de l’absence d’établissements en mesure d’offrir un enseignement secondaire dans certaines collectivités du Nunavut. Mentionnons qu’en 1990-1991, la région du Nunavut ne comptait que quatre collectivités offrant le programme d’enseignement secondaire, c’est-àdire jusqu’à la douzième année. Dans une grande mesure, ce problème est maintenant rectifié. D’ici l’année scolaire 2000-2001, les élèves de 22 collectivités sur 26 pourront avoir accès à un programme d’enseignement secondaire dans la région où ils habitent. Cependant, tel qu’en faisait Les ressources humaines sont l’un des principaux éléments du régime de santé. Au Nunavut, très peu de collectivités bénéficient des services d’un médecin résident. Il est extrêmement difficile d’assurer le suivi médical de la 17 Le Conference Board du Canada population en raison des fréquents changements et remplacements des professionnels de la santé. L’Enquête nationale sur la santé de la population de 1994-1995 révèle que 75 p. 100 de la population masculine du Nunavut n’avaient pas consulté de médecin au cours des douze mois précédents, par rapport à 50 p. 100 aux T.N.-O. et à 28 p. 100 dans l’ensemble du Canada. Le Nunavut connaît une pénurie de personnel infirmier et la situation n’a guère de chance de s’améliorer quand on pense au manque grandissant de personnel infirmier au Canada en général. De plus, le Nunavut ne compte pas d’Inuit parmi son personnel infirmier, ce qui complique la prestation de services de santé culturellement et linguistiquement adaptés. programmes sont alloués à la santé. Les gouvernements ont consenti des efforts énormes pour mieux maîtriser l’augmentation du coût des services de santé18. Le gouvernement du Nunavut connaîtra probablement les mêmes difficultés. Les services de télésanté pourraient apporter une solution aux lacunes sur le plan des ressources humaines dans le domaine de la santé et aux problèmes d’accès aux experts médicaux en assurant la transmission des images et des informations médicales entre les régions jumelées. Certains services de télésanté sont maintenant offerts et Santé Canada vient de verser des fonds au gouvernement du Nunavut en vue d’étendre ces services à toutes les collectivités du territoire. La technologie de ce système est adaptable à d’autres domaines et pourrait donc servir, entre autres, à l’enseignement par vidéoconférence. En vue d’atteindre les ambitieux objectifs socioéconomiques que s’est fixés le Nunavut, sa population devra acquérir « santé, sagesse et richesses ». L’étude de certains des principaux indicateurs sociaux révèle qu’il reste beaucoup à faire et ce, dans plusieurs domaines. 4.2 Comme nous l’avons mentionné au chapitre 3, le capital humain est un élément essentiel au développement économique. De plus en plus, le monde entier s’intéresse au capital humain et à l’élaboration de stratégies pour le rehausser, par exemple, en encourageant le développement de la petite enfance et l’apprentissage continu. 4.2.1 Données démographiques D’après Statistique Canada, la population du Nunavut au moment de sa création en 1999 s’élevait à environ 27 000 habitants. Contrairement au Yukon et aux T.N.-O., la population du Nunavut n’a pas convergé vers un seul centre (voir le tableau 1). La capitale du Nunavut, Iqaluit, qui compte 5 000 habitants, est la collectivité la plus peuplée. Rankin Inlet, la deuxième collectivité en importance, compte approximativement 2 200 habitants. Huit autres collectivités, y compris celle de Cambridge Bay, ont plus de 1 000 habitants. Environ la moitié de la population du Nunavut habite la région de Baffin alors que 30 p. 100 à peu près habite la région de Keewatin ou de Kivalliq et 20 p. 100, la région de Kitikmeot. Au cours des 25 dernières années, le domaine des sciences de la santé a connu un virage axé davantage sur la promotion des bonnes habitudes de santé et la prévention de la maladie que strictement sur le traitement de la maladie. Les recommandations formulées par l’Organisation mondiale de la santé et la Banque mondiale veulent que tous les pays, et particulièrement les pays ne disposant que de budgets restreints, investissent plutôt dans les services de prévention de la maladie et de promotion de la santé qui profitent à un plus grand nombre de personnes que dans le financement de traitements spécialisés onéreux dont peu bénéficient. Nombre de professionnels de la santé du Nunavut prônent également cette approche et estiment qu’elle mérite une attention prioritaire. L’affectation de ressources aux services de santé mentale, notamment à l’assistance psychosociologique ou à l’aide psychopédagogique, doit aussi figurer sur la liste des priorités17. Bien qu’au Nunavut, les Inuit représentent environ 85 p. 100 de la population, dans les centres autres que Cambridge Bay, Iqaluit et Rankin Inlet, le pourcentage d’Inuit TABLEAU 1 Comparaisons démographiques (nombre d’habitants) La disponibilité de services de santé entraîne de sérieuses implications pour les Nunavummiut et leur gouvernement. Les services de santé représentent une part considérable des budgets provinciaux et territoriaux en raison de l’importance que leur accordent les Canadiens. À ce titre, ces services sont parfois offerts au détriment d’autres secteurs prioritaires comme ceux de l’éducation et du développement économique. Entre les années 1998 et 2000, 62 p. 100 des budgets provinciaux pour l’établissement de nouveaux Le Conference Board du Canada LE CAPITAL HUMAIN Nunavut T.N.-O. Yukon Groenland Total Capitale Pourcentage du total dans la capitale 27 000 40 000 31 000 56 000 5 000 17 000 23 000 13 000 18,5 42,5 74,2 23,2 Source : Statistique Canada 18 est plus près de 95 p. 100. Le pourcentage d’autochtones au Nunavut est plus élevé qu’au Yukon (21 p. 100), qu’aux T.N.-O. (48 p. 100) et qu’au Groenland (80 p. 100). Selon le recensement de 1996, l’inuktitut est la langue la plus parlée au Nunavut. C’est-à-dire que 60 p. 100 de la population s’exprime dans cette langue à la maison, en comparaison de 35 p. 100 pour l’anglais. TABLEAU 2 Nunavut : la fontaine de jouvence (pourcentage de la population) Nunavut Âgés de moins de 15 ans Âgés de moins de 25 ans Âgés de plus de 65 ans D’importantes particularités distinguent la population du Nunavut de celle des autres régions du Canada et influent sur le développement économique du territoire. Mentionnons d’abord la croissance démographique rapide observée au cours des dernières décennies. De 1986 à 1996, la population du Nunavut a en effet augmenté de 32 p. 100. Cette croissance est en grande partie imputable à un taux de natalité élevé et à une plus longue espérance de vie, attribuable dans une certaine mesure à l’amélioration des services de santé19. De 1991 à 1996, le taux de croissance démographique du Nunavut a été de 16,4 p. 100, soit plus de trois fois supérieur à la moyenne nationale de 5,7 p. 100. Selon le Nunavummit Kiglisiniartiit, bureau de la statistique du Nunavut, d’ici l’an 2006, la population du Nunavut dépassera 32 000 habitants et d’ici l’an 2020, 43 000. D’ici 2010, on prévoit que le Nunavut comptera un plus grand nombre d’habitants que le Yukon. Cependant, il ne faut pas oublier que le rythme de croissance démographique a commencé à ralentir, suivi par le taux de fécondité (du fait que les femmes inuites ont maintenant un moins grand nombre d’enfants). Canada 41 60 3 20 38 12 Source : Nunavummit Kiglisiniartit (bureau de la statistique du Nunavut). et leurs besoins vont vraisemblablement déterminer les politiques publiques du Nunavut pendant encore plusieurs années (p. ex. augmentation de la demande de services d’enseignement et de services connexes, et de débouchés professionnels pour les jeunes20). Pour le reste de la population, autre qu’inuite, la distribution par tranche d’âge est la même qu’ailleurs au Canada, la majorité étant âgée de 25 à 60 ans. 4.2.2 Éducation et développement des compétences Le niveau d’éducation d’une population contribue grandement au capital humain et reflète le « potentiel » de cette population. L’éducation et la formation figurent parmi les priorités du gouvernement du Nunavut. Or, tel que l’illustre le tableau 3, en 1996, plus de la moitié de la population adulte du Nunavut ne détenait pas de diplôme d’études secondaires. Cette croissance démographique rapide des dernières années a fait que la population du Nunavut est la plus jeune au Canada (voir le tableau 2). Environ 60 p. 100 des habitants sont âgés de moins de 25 ans et 41 p. 100, de moins de 16 ans. De ce nombre, 92 p. 100 sont Inuit. Donc, contrairement au reste du Canada (voir le graphique 1), les jeunes représentent une importante tranche de la population Toutefois, la situation en termes de scolarisation s’améliore. Comme l’indique le tableau 4, le taux d’inscription aux études secondaires augmente de manière constante depuis 1985. Le taux d’obtention de diplôme est également à la hausse. En 1987, 25 étudiants du cycle secondaire (12e année) ont obtenu leur diplôme au Nunavut contre 65 en 1997 et TABLEAU 3 Niveaux de scolarisation : adultes du Nunavut (1996) (pourcentage) Nunavut T.N.-O. Yukon Canada Aucun diplôme secondaire Diplôme secondaire Certificat ou diplôme de formation pratique Autre certificat ou diplôme non universitaire Études universitaires partielles Diplôme universitaire 53,1 36,4 27,6 34,8 4,1 8,5 8,4 14,3 4,5 3,6 4,0 3,7 27,1 29,5 33,5 24,2 4,4 9,3 12,0 9,7 6,8 12,6 14,5 13,3 Source : Statistique Canada, Recensement de 1996. 19 Le Conference Board du Canada GRAPHIQUE 1 Pyramide des âges : Nunavut et Canada, 1999 (Nunavut : nombre d’habitants; Canada : milliers d’habitants) Femmes 90+ 85–89 80–84 75–79 70–74 65–69 60–64 55–59 50–54 45–49 40–44 35–39 30–34 25–29 20–24 15–19 10–14 5–9 0–4 Hommes 2 000 1 500 1 000 500 Femmes 90+ 85–89 80–84 75–79 70–74 65–69 60–64 55–59 50–54 45–49 40–44 35–39 30–34 25–29 20–24 15–19 10–14 5–9 0–4 0 500 1 000 1 500 2 000 Nunavut Hommes 1 500 1 000 500 0 Canada 500 1 000 1 500 Source : Statistique Canada. participer au gouvernement et à l’économie du territoire à l’avenir. La Commission royale sur les peuples autochtones trouve alarmant de constater le faible niveau d’éducation des Inuit étant donné que la plupart des emplois dans l’administration publique exigeront une formation postsecondaire dans des domaines comme la comptabilité, la gestion financière, le développement organisationnel, la planification et le développement des affaires23. Le tableau 5 laisse entendre que la population masculine du Nunavut pourrait mettre du temps à acquérir ces compétences puisque seuls 34 p. 100 des hommes comptent poursuivre des études post-secondaires par rapport à 54 p. 100 aux T.N.-O. et à 51 p. 100 des femmes au Nunavut. 135 en 200021. Le taux de scolarisation post-secondaire est également plus élevé. De 1986 à 1996, le pourcentage d’adultes ayant fréquenté un établissement d’enseignement post-secondaire a plus que doublé22. Pour assurer le développement socio-économique du Nunavut, il faudra poursuivre les efforts de scolarisation de la population. Notons que le taux d’emploi des détenteurs d’un diplôme d’études secondaires (12e année) ou plus est de 75 p. 100 par rapport à 30 p. 100 seulement chez ceux qui n’ont qu’une 8e année ou moins. Il est impératif de veiller à ce qu’un nombre suffisant d’Inuit soient en mesure d’assumer des postes de direction et de Il est aussi important que les Inuit continuent de maîtriser les habiletés nécessaires à leur participation à l’économie de subsistance. L’Inuk acquiert ces habiletés en matière de navigation, de sécurité et de ressourcement naturel auprès de sa famille et des aînés. Les méthodes et processus d’évaluation de la maîtrise de ces compétences chez les jeunes Inuit ne peuvent manifestement pas être les mêmes que pour le rendement scolaire. TABLEAU 4 Participation au deuxième cycle du secondaire Étudiants âgés de 15 à 19 ans (pourcentage) Nunavut T.N.-O. 1985 1990 1995 1997 47 56 54 60 73 82 76 90 4.2.3 Source : Dossiers scolaires, ministère de l’Éducation, de la Culture et de l’Emploi, Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Le Conference Board du Canada Revenu Le revenu est un déterminant important de la santé. Dans le cas du Nunavut, deux questions se posent au sujet du 20 monoparentales dont le chef de famille est une femme représentent le groupe familial le plus pauvre du Nunavut; • La population du Nunavut dépend fortement de l’aide au revenu. Environ 55 p. 100 des Nunavummiut ont besoin de cette forme de revenu au moins une fois l’an. revenu. Premièrement, les citoyens du Nunavut gagnent-ils ou reçoivent-ils un revenu suffisant et, deuxièmement, comment le revenu est-il distribué? Tél qu’en fera état le prochain chapitre, les besoins des Nunavummiut sont comblés en grande partie par les activités de subsistance. Le calcul du revenu imposable ne fait donc pas le bilan exact de la situation du Nunavut. Il s’est toujours avéré difficile d’obtenir des informations sur le revenu et de fixer un « seuil de pauvreté » dans le cas du Nunavut. Ce problème tient sans doute au fait que nombre de Nunavummiut partagent leurs biens avec la collectivité et vivent encore du produit des activités de subsistance. Il n’en demeure pas moins que cela vient compliquer l’étude de la répartition des revenus, aux fins de la planification du développement. Néanmoins, les données compilées par Statistique Canada suggèrent qu’un grand nombre de Nunavummiut ont de faibles revenus : • Le revenu moyen par habitant, au Nunavut, est inférieur à celui des T.N.-O. et de l’ensemble du Canada. Cela se traduit par un pouvoir d’achat encore plus faible compte tenu du coût plus élevé de la vie au Nunavut qu’aux T.N.-O. En 1999, le revenu personnel par habitant au Nunavut était de 18 630 $ par rapport à 25 485 $ dans le reste du Canada (traité plus en détail au chapitre 5); • Proportionnellement, le nombre de familles dont le revenu est de 50 000 $ ou plus est moindre au Nunavut que dans les T.N.-O. (voir le graphique 2); • Le revenu est distribué à peu près également dans toutes les régions du Nunavut, à l’exception de la région de Baffin, Iqaluit en particulier, où le revenu moyen est légèrement plus élevé; • Depuis 1981, le pourcentage de familles monoparentales est à la hausse au Nunavut et aux T.N.-O. En 1981, 13 p. 100 des familles ne comptaient qu’un parent. En 1996, le pourcentage de familles monoparentales avait grimpé à plus de 16 p. 100 alors que la moyenne canadienne était de 14 p. 100. Les familles 4.2.4 État de santé [traduction] Actuellement, les Inuit affichent les taux de suicide et de natalité les plus élevés et l’espérance de vie la plus faible de toutes les populations autochtones du Canada et l’état de santé des autochtones est de beaucoup inférieur à la norme nationale24. L’Enquête nationale sur la santé de la population de 1994-1995 demandait aux répondants de faire l’évaluation de leur état de santé. Il est plutôt intéressant d’observer que le pourcentage d’Inuit disant être en « excellente santé » est semblable au pourcentage équivalent à l’échelle nationale. GRAPHIQUE 2 Comparaison du revenu des familles recensées, en 1996 (pourcentage des familles) TABLEAU 5 Perspectives d’avenir après les études secondaires, en 1996 (pourcentage) Nunavut Nunavut T.N.-O. Hommes Femmes Hommes Femmes T.N.-O. 70 60 Trouver un emploi Être au chômage Travailler à son compte Études collégiales Études universitaires Adopter le mode de vie traditionnel Autre 44 7 5 11 23 35 6 3 23 28 27 4 3 21 33 18 5 2 24 46 4 5 0 3 2 8 0 4 50 40 30 20 10 0 <10 Source : Ministère de l’Éducation, de la Culture et de l’Emploi, Health Behaviours, Attitudes and Knowledge of Young People in the Northwest Territories, rapport technique, Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, 1996. 10–30 30–50 Revenu en milliers de dollars >50 Source : Statistique Canada. 21 Le Conference Board du Canada TABLEAU 6 Indicateurs de santé et indicateurs sociaux Nunavut T.N.-O. Yukon Canada 27 000 40 000 31 000 30 750 000 85 48 21 3 Espérance de vie des hommes à la naissance, 1996 (en années)* 68,3 74,4 72,3 75,4 Espérance de vie des femmes à la naissance, 1996 (en années)* 71,3 79,1 79,2 81,2 Années potentielles de vie perdue par tranche de 100 000 personnes, 1996 (taux combiné du Nunavut et des T.N.-O.) 7 695 7 695 4 742 3 804 Taux de mortalité infantile (par tranche de 1 000 naissances vivantes)* 17,9 6,7 8,7 5,8 Taux de fécondité (naissances par tranche de 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans) 131,3 82,3 44 48,4 Taux d’insuffisance pondérale à la naissance (pourcentage de naissances vivantes de poids inférieur à 2 500 g)* 7,4 4,4 4,8 5,8 Décès accidentels par tranche de 100 000 (décès résultant de collisions automobiles, de chutes, de noyades, de brûlures et d’empoisonnements) 75,7 72,8 68,6 27,7 Taux de suicide par tranche de 100 000 habitants* 68,6 12,7 23,5 12,9 Crimes violents par tranche de 100 000 habitants, 1996 (taux combiné du Nunavut et des T.N.-O.) 5 032 5 032 3 175 973 Cancer du poumon (taux de mortalité par tranche de 100 000 habitants)* 131,8 66,3 73,1 49,2 Cardiopathie ischémique (taux de mortalité par tranche de 100 000 habitants)* 40,2 85 119,2 136,6 Auto-évaluation de leur état de santé par les hommes, 1994-1995 (pourcentage disant être en « excellente santé ») 23 28 24 27 Auto-évaluation de leur état de santé par les femmes, 1994-1995 (pourcentage disant être en « excellente santé ») 24 19 27** 24 Tabagisme, 1994-1995 (pourcentage de la population) 59 38 33** 24 Tabagisme chez les 12 à 19 ans (pourcentage de la population) 46 27 25**a 14 Indice de l’activité physique, 1994-1995 (pourcentage des femmes se disant « inactives ») 81 56 28 62 Pourcentage d’hommes n’ayant pas consulté un omnipraticien au cours des 12 derniers mois, 1994-1995 75 50 18 28 Population totale Population autochtone (pourcentage de la population totale) * Ces chiffres représentent la moyenne des données recueillies sur trois ans (1995, 1996 et 1997) et calculées en fonction des estimations de la population en 1996. Les taux sont aussi standardisés pour l’âge d’après la structure des groupes d’âge de la population canadienne en 1991. ** Ces chiffres sont tirés de l’Enquête sur la promotion de la santé : Yukon de 1993. a âgés de 15 à 19 ans Sources : Institut canadien d’information sur la santé, Statistique Canada (Base canadienne de données sur l’état civil), ministère de la Santé et des Services sociaux des Territoires du Nord-Ouest, Bureau de la statistique du Yukon, Enquête nationale sur la santé de la population de 1994-1995. Toutefois, la réalité statistique signale des différences entre l’état de santé des Nunavummiut et des autres Canadiens. Le tableau 6 compare les indicateurs de santé au Nunavut, dans les autres territoires et par rapport au Canada en général. L’espérance de vie des Nunavummiut de sexe masculin est écourtée de sept ans par rapport à la moyenne nationale et celle des Nunavummiut de sexe féminin, de près de dix. Ces chiffres s’expliquent, entre autres, par le taux élevé de décès prématurés (mesurés en années potentielles de vie perdue), qui est deux fois plus élevé que la Le Conference Board du Canada moyenne nationale. Lui-même est attribuable aux taux plus élevés de blessures évitables et de mortalité infantiles que les taux canadiens correspondants. Le taux de tabagisme est très élevé, chez les jeunes en particulier, de sorte que le taux de mortalité attribuable au cancer du poumon au Nunavut est supérieur au double de la moyenne canadienne. Un rapport comparatif préparé par le Groenland montre que l’espérance de vie des Inuit de toute la région circumpolaire est semblable à celle des populations des pays en développement tels le Brésil, la Chine et la Thaïlande25. 22 Par ailleurs, à la lumière de certains indicateurs, la population du Nunavut se porte relativement bien, en particulier sur le plan des maladies d’origine alimentaire. Le taux de mortalité attribuable à la cardiopathie ischémique, par exemple, est beaucoup plus faible chez les Nunavummiut que dans le reste de la population canadienne. La consommation relativement importante de nourriture traditionnelle par les Inuit explique peut-être les faibles taux de maladie cardiaque et de diabète par rapport au reste du Canada. Le niveau de consommation d’alcool et de drogues est également élevé. L’abus de drogues et l’inhalation de solvants et d’aérosols sont sensiblement plus élevés chez les Inuit que chez le reste des Nunavummiut ou que dans l’ensemble de la population canadienne (voir le tableau 7). L’état de santé plus précaire des Nunavummiut entraîne deux conséquences majeures : premièrement, il réduit le capital humain, facteur de création de richesses, puisqu’une moins grande portion de la population peut travailler ou participer pleinement à l’activité économique. Le développement et le maintien d’un système économique pouvant soutenir un niveau approprié de services publics exigent une main-d’œuvre instruite et en bonne santé; deuxièmement, le faible état de santé d’une population accroît la demande de services sociaux et de services de santé subventionnés et les dépenses gouvernementales. L’augmentation du capital humain prend du temps. C’est pourquoi on se doit d’accorder dès maintenant une attention particulière à ce facteur de création de richesses. Par ailleurs, l’Enquête nationale sur la santé de la population de 1994-1995 fait état d’un taux d’inactivité très élevé et alarmant au Nunavut et chez les femmes en particulier : 81 p. 100 des femmes se sont dites inactives, par rapport à 62 p. 100 dans le reste du pays. Au Nunavut et aux T.N.-O., le taux de maladies contagieuses est de beaucoup supérieur au taux national (le taux de rougeole est égal à 36 fois la moyenne canadienne)26. Le taux de maladies transmises sexuellement est, selon les données, 15 fois plus élevé au Nunavut et aux T.N.-O. que le taux national moyen27. 4.3 LE CAPITAL NATUREL Le capital naturel est le troisième facteur de création de richesses. Il comprend entre autres les ressources fauniques, minérales, énergétiques et géologiques, c’est-à-dire les matières brutes essentielles à l’activité économique. Le Nunavut jouit d’un vaste capital naturel qui constitue, depuis des siècles, un élément fondamental du mode de Les données anecdotiques et autres révèlent que les Nunavummiut ont effectivement connu des difficultés au cours de cette période de grand ajustement social et économique. Les travailleurs communautaires ont souvent souligné le besoin de services de santé mentale. Le programme Nunavut Brighter Futures vise à combler les besoins des collectivités en matière de santé physique, sociale et mentale. Selon le rapport de 1999-2000, 52 p. 100 des initiatives subventionnées portaient sur la santé mentale28. TABLEAU 7 Comportement face à l’alcool et aux drogues au Nunavut, en 1996 (pourcentage) Nombreux sont ceux pour qui le suicide est de loin le plus grave problème social du Nunavut. Le taux de suicide y est environ cinq fois plus élevé que dans l’ensemble du Canada. Depuis vingt ans, le nombre de suicides au Nunavut ne cesse d’augmenter, particulièrement chez les jeunes hommes et dans la région de Baffin29. Par exemple, entre les mois d’avril 1999 et juillet 2000, 34 suicides ont été officiellement déclarés, soit, en moyenne, plus de deux suicides par mois. Sur ces 34 suicides, 21 se sont produits dans la région de Baffin, dont près de 60 p. 100 dans la ville d’Iqaluit. Inuit Non-inuit Canada 25,1 21,3 8,8 Boit au moins une fois par semaine 12 34,7 34,9 A consommé de la marijuana ou du haschisch au cours des 12 derniers mois 32,5 12,2 7,4 A consommé du LSD, de la cocaïne ou de l’héroïne au cours des 12 derniers mois 6,5 2,1 1,5 A déjà inhalé des solvants ou des aérosols 25,6 2,6 0,8 Consomme 5 verres ou plus chaque fois La violence familiale, selon les experts, constitue également un des grands problèmes sociaux du Nunavut. Il est malheureusement difficile de recueillir et d’interpréter l’information quantitative à ce sujet. Selon les données de Statistique Canada pour l’année 1996, l’incidence de voies de fait aux T.N.-O. (y compris le Nunavut) était plus élevée que le taux national dans une proportion de cinq fois et demie. Source : 1996 NWT Alcohol and Drug Survey (www.stats.gov.nt.ca/Statinfo/Health/ alcdrug/Alcohol_Drug.html). 23 Le Conference Board du Canada 1999 grâce aux fonds fournis par le ministère canadien des Pêches et des Océans et le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, ont contribué à l’augmentation des quotas de pêche au Nunavut (voir la section 5.3.1 pour plus de détails). Les recherches en cours suggèrent que l’aire principale de frai du turbot dans la région canadienne arctique et atlantique se situe dans le détroit de Davis, plus précisément dans les eaux à la limite de la frontière du Groenland. vie des Inuit et permet de soutenir tant l’exploitation traditionnelle que le développement industriel. La connaissance du capital naturel du Nunavut est essentielle à l’élaboration d’une stratégie économique. Comme le remarque la Commission royale sur les peuples autochtones, une participation productive à l’économie mixte repose sur une connaissance approfondie de vastes territoires et de la flore et de la faune qui les composent30. En général, le Nunavut n’a pas encore une connaissance solide de l’étendue de son capital naturel (gisements minéraux, stocks de poisson) (le chapitre 5 traite du potentiel naturel en plus de détails). Il faudra combler cette lacune en établissant les structures et les processus d’évaluation appropriés. Une meilleure connaissance des stocks de poisson assure deux avantages primordiaux. D’abord, l’identification de nouveaux stocks ou de stocks plus importants permet d’autoriser plus de prises comme dans le cas de la pêche au turbot en 2001. Ensuite, la détermination plus juste des stocks permet d’améliorer les mesures de conservation des espèces marines ainsi que le développement d’une industrie de la pêche durable. L’ARTN, dont il sera question au prochain chapitre, traite un certain nombre de questions rattachées au capital naturel telles les droits fonciers et la création d’organismes publics chargés des questions environnementales, dont le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, la Commission d’aménagement du Nunavut, la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions, l’Office de gestion des eaux du Nunavut ainsi que le Tribunal des droits de surface. 4.3.2 L’une des principales sources de connaissances sur le sol et le sous-sol, les sciences de la terre soutiennent de nombreuses activités et industries. Il s’agit d’un outil essentiel à l’élaboration de toute stratégie de développement économique. Les connaissances géoscientifiques sont à la base des travaux de planification et d’exploration des industries minière et énergétique. La cartographie topographique est un des piliers de la gestion des ressources renouvelables et du développement de certains services comme le tourisme. En vertu de l’article 11 de l’ARTN, la Commission d’aménagement du Nunavut et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ont institué un programme de surveillance générale qui démarrera avec la région de Kitikmeot et assurera la collecte et la coordination de données portant sur l’état de l’environnement (p. ex. gaz à effets de serre et réchauffement climatique mondial). 4.3.1 Science de la faune et des pêcheries Malheureusement, le Nunavut manque gravement de données géoscientifiques sur son territoire31. • Moins d’un tiers du territoire du Nunavut a été reproduit sur des cartes topographiques à l’échelle de 1:50 000. La plupart des cartes existantes sont épuisées et moins de 5 p. 100 seulement des cartes disponibles ont été numérisées; • Seule la moitié du territoire du Nunavut a été reproduite sur des cartes géologiques à l’échelle de 1:250 000 nécessaires à l’exploration minière. La cartographie géochimique et géophysique est également incomplète et moins de 5 p. 100 du territoire a fait l’objet de cartes géochimiques; • Le nombre de cartes hydrographiques est tout à fait insuffisant et ne permet donc pas d’appuyer le développement des ressources, de la navigation et du tourisme maritimes. L’ARTN prévoyait également l’octroi unique de fonds en vue de la réalisation d’une Étude quinquennale sur l’exploitation des ressources fauniques au Nunavut (collecte de données entre 1996 et 2001 et production d’un rapport en 2003 au plus tard). L’objet de cette étude est de recueillir davantage d’informations sur l’exploitation des ressources fauniques en vue de faciliter la détermination des niveaux de prises autorisées et d’assurer une saine gestion des ressources fauniques. L’Accord prévoyait également une étude sur les baleines boréales dont nous traiterons en détail à la section 4.4.4. Il reste encore à prendre les mesures qui permettront l’observation et le contrôle continus des ressources fauniques du Nunavut. Il sera aussi nécessaire d’en savoir davantage sur les stocks de poisson, de turbot et de crevettes en particulier, dans les eaux littorales du Nunavut. Les recherches menées à ce jour, bien que peu nombreuses, se sont avérées utiles. Les recherches scientifiques sur les stocks de turbot, réalisées en Le Conference Board du Canada Sciences de la terre dans le secteur public Cette pauvreté de l’information cartographique est particulière au Nunavut. En comparaison, le Yukon dispose d’une base de données géoscientifiques publique bien garnie. 24 leurs ambitions politiques et leur désir d’une réponse à leurs revendications territoriales, mais il couvre également la création de nouveaux liens permanents entre les Inuit et l’État canadien. Au-delà de tout, le Nunavut en est venu à être perçu comme le moyen de tracer la voie vers l’avenir, le moyen d’intégrer ce que l’ancien et le nouveau ont de meilleur à offrir.33 Les avantages que l’on aurait à combler cette lacune sont évidents. Selon une perspective scientifique, cela permettrait d’accroître le savoir fondamental et la compréhension des ressources naturelles du Nunavut et des mesures de préservation de ces ressources. Du point de vue du développement économique, le savoir ainsi acquis servirait au développement de plusieurs secteurs de l’industrie, dont l’exploitation minière, les pêcheries et le tourisme. Une mesure plus exacte du potentiel minéral faciliterait les décisions du gouvernement ou d’autres organismes du Nunavut en matière d’investissements ou de financement. À ce titre donc, il s’agit d’un investissement public d’importance. La création du nouveau territoire du Nunavut est le fruit de plusieurs facteurs, mais le désir de conclure cet Accord sur les revendications territoriales en a certainement été la clé et demeure encore l’axe autour duquel doivent s’articuler les efforts de développement économique (voir les dates des événements marquants dans l’encadré). Le capital naturel est essentiel au développement durable tant de l’économie de subsistance que de l’économie basée sur les salaires ainsi qu’au maintien du mode de vie des Nunavummiut. La population du Nunavut s’inquiète de la présence de dépôts de déchets dangereux, de la contamination des ressources naturelles et du réchauffement climatique32. Il faut une connaissance approfondie du capital naturel du Nunavut qui alimente et intègre le Qaujimajatuqangit inuit. Bien que l’on procède présentement à la collecte de données sur de nombreux aspects du capital naturel du Nunavut, les efforts à cet effet devront être plus poussés et le travail soutenu de manière constante, surtout si l’on veut que le Nunavut puisse jouer un rôle significatif dans la surveillance du changement climatique. 4.4 L’Accord de 1993 sur les revendications territoriales du Nunavut (ARTN) compte 42 articles régissant les droits de propriété et d’exploitation des terres et des ressources du Nunavut. Les dispositions de l’Accord visent : • [à] déterminer de façon claire et certaine les droits de propriété, d’utilisation et d’exploitation des terres et des ressources, ainsi que le droit des Inuit de participer à la prise de décisions concernant l’utilisation, l’exploitation, la gestion et la conservation des terres, des eaux et des ressources, notamment au large des côtes; • [à] reconnaître aux Inuit des droits d’exploitation des ressources fauniques et le droit de participer à la prise de décisions en cette matière; • [à] verser aux Inuit des indemnités pécuniaires et à leur fournir des moyens de tirer parti des possibilités économiques; • [à] favoriser l’autonomie et le bien-être culturel et social des Inuit.34 LE CAPITAL SOCIAL ET ORGANISATIONNEL Le capital social et organisationnel, dernier facteur de création des richesses mentionné au chapitre 3, comprend la structure et l’organisation de l’administration d’une région donnée en regard des trois autres facteurs de création de richesses, soit les capitaux physique, humain et naturel. Dans les pages qui suivent, nous examinerons l’organisation du Nunavut dans la perspective de la création de richesses. Nous commencerons par l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et terminerons par un inventaire des principaux intervenants dans la création de richesses au Nunavut. 4.4.1 L’Accord comporte des dispositions touchant les nombreux aspects du développement socio-économique du territoire et de sa population, dont : • la négociation d’un accord politique visant l’établissement du Nunavut; • des paiements de transfert de capital d’investissement de 1,148 milliard de dollars, versés par tranches sur une période de quatorze ans, à la Fiducie du Nunavut qui en assumera la gestion au nom de la Nunavut Tunngavik Inc. (NTI). Les tranches ne peuvent être versées aux particuliers, mais doivent servir au bienêtre collectif des Inuit; • la dévolution des titres fonciers pour un territoire d’une superficie de 350 000 kilomètres carrés, dont près de 10 p. 100 (35 200 kilomètres carrés) s’accompagnent de droits d’exploitation minière et de redevances partagées pour le pétrole, le gaz et les minéraux; • l’engagement d’accroître, jusqu’à un niveau représentatif, le nombre d’Inuit employés dans la fonction publique L’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut (ARTN) Il est essentiel de reconnaître que la création du Nunavut est perçue par ses dirigeants comme une condition nécessaire à la réalisation d’objectifs socio-économiques ambitieux intégrant le mode de vie inuit au mode de vie associé à une économie basée sur les salaires : [traduction] Le Nunavut a été et est encore utilisé par les dirigeants inuits pour désigner un ensemble de choses – car ce mot n’exprime pas uniquement 25 Le Conference Board du Canada • • • • • • • du Nunavut (territoriale, municipale ou fédérale, en Les articles 23 et 24 de l’ARTN portent sur deux des aspects les plus susceptibles d’affecter le développement quel cas le Conseil du Trésor est l’employeur). Le niveau économique du Nunavut. En raison de la grande impord’embauche doit refléter le poids démographique des tance que tiennent les emplois du secteur de la fonction Inuit par rapport à la population totale de la région du publique au Nunavut, d’arriver à une main-d’œuvre inuite Nunavut (article 23); représentative dans les trois ordres de gouvernement a l’adoption, dans le cas des marchés publics fédéraux et de très sérieuses implications. De plus, l’engagement des territoriaux au Nunavut, de politiques préférentielles gouvernements, conformément à l’article 24, d’aider les favorisant l’entreprise inuite (article 24) et l’engageentreprises inuites à participer aux marchés publics ment de donner la préférence à l’entreprise inuite élargit les possibilités de développement économique du lorsque les gouvernements se proposent de lancer un Nunavut. L’obligation de conclure des Ententes sur les appel d’offres à l’égard de l’établissement, de l’exploitaavantages et les répercussions pour les Inuit pour tout tion ou de l’entretien de parcs nationaux et territoriaux projet de mise en valeur important comme les projets (article 8.4.8); d’exploitation minière, gazière et pétrolière viendra la conclusion d’ententes sur les répercussions et les modifier la structure et la mise en œuvre de ces projets avantages pour les Inuit pour tous les projets de mise à l’avenir et entraînera l’abandon des pratiques passées en valeur importants, (p. ex. projets d’exploitation des de développement très différentes. terres et des eaux du Nunavut et projets d’une valeur supérieure à 35 millions de dollars), où l’on aura traité Les paiements de transferts de capital d’investissement des questions comme l’embauche des Inuit, l’accès aux fédéraux sont au seul usage des organismes inuits et ne terrains d’aviation et aux routes et les débouchés pour les entreprises inuites; le droit de représentation au sein des Création du Nunavut : points saillants divers organismes publics de gestion des terres, des eaux, des ressources 1976 L’Inuit Tapirisat du Canada (ITC) propose la création du territoire du Nunavut fauniques, de l’environnement et de dans les T.N.-O. en tant que partie intégrale d’un accord final sur les revendications mise en valeur des ressources qui territoriales, conclu avec les Inuit. travailleront en collaboration avec 1980 Les délégués à l’assemblée générale annuelle de l’ITC adoptent à l’unanimité une le gouvernement du Nunavut; motion visant la création du Nunavut. la création de trois nouveaux parcs nationaux, aux frais de l’administraLes T.N.-O. votent en faveur de la division du territoire. tion fédérale; 1990 La Fédération Tungavik de Nunavut, établie en vue de négocier un accord sur les le droit de préférence aux Inuit dans revendications territoriales au nom des Inuit, le gouvernement fédéral et le le cadre de la création d’entreprises gouvernement des T.N.-O. signent une entente de principe portant sur les sportives ou axées sur la faune; revendications territoriales du Nunavut. le droit d’exploiter les ressources 1992 La Fédération Tungavik de Nunavut et les représentants du gouvernement concluent fauniques marines et terrestres l’Accord politique du Nunavut les engageant à l’établissement du territoire du dans l’ensemble du Nunavut, à un Nunavut au 1er avril 1999. niveau correspondant aux besoins Les Inuit du Nunavut votent en faveur de l’adoption de l’Accord sur les revendications de consommation; territoriales du Nunavut. l’octroi préférentiel de permis de pêche dans les zones de la baie d’Hudson et du détroit de Davis contiguës, mais extérieures aux limites frontalières du Nunavut.35 Cette liste est loin d’être exhaustive, car l’Accord contient de nombreuses autres dispositions qui traitent également du développement économique. En vertu de l’Accord, par exemple, chaque Inuk a le droit de prélever annuellement, sans permis, jusqu’à 50 verges carrées de pierre à sculpter sur les terres de l’État. Le Conference Board du Canada 1993 L’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut est ratifié. La Loi sur l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et la Loi sur le Nunavut sont adoptées par le Parlement du Canada. 1994 La Commission d’établissement du Nunavut est créée. Elle a pour mandat d’agir à titre de conseiller dans l’établissement du nouveau territoire (p. ex. structure et organisation du gouvernement). 1995 Après un scrutin public, Iqaluit devient officiellement la capitale du Nunavut. 1999 Le 1er avril, le Nunavut entre officiellement en existence. Source : Jack Hicks et Graham White, « Nunavut: Inuit self-determination through a land claim and public government? », Nunavut: Inuit Regain Control of Their Lands and Their Lives, Jen Dahl, Jack Hicks et Peter Jull, Copenhague, Danemark, Groupe international de travail pour les affaires indigènes, 2000, p. 94-96. 26 peuvent servir aux opérations gouvernementales. Une part de ces fonds a servi au développement économique, comme dans le cas du récent établissement de l’Atuqtuarvik Corporation, ainsi qu’à une aide financière aux chasseurs inuits. Cependant, l’Accord ne stipule en rien que les revenus générés par les dépenses au compte des immobilisations doivent servir aux services gouvernementaux. Cela soulève donc la question du rôle du gouvernement et des organismes inuits dans le financement et l’avancement du développement socio-économique du Nunavut. 4.4.3 L’établissement du gouvernement du Nunavut La Loi sur le Nunavut, adoptée en 1993, se veut le prolongement de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et a servi de cadre législatif à la création du Nunavut. C’est en vertu de la Loi qu’on a créé, en 1994, la Commission d’établissement du Nunavut qui a formulé des recommandations touchant l’instauration du nouveau gouvernement du Nunavut. La Commission a produit plusieurs rapports qui ont éventuellement mené à deux rapports complets, les volumes 1 et 2 du document intitulé L’empreinte de nos pas dans la neige fraîche, publiés respectivement en 1995 et en 1996. Ces rapports comportent des recommandations à l’égard de la gouvernance et de l’administration du Nunavut et proposent un calendrier électoral, un échéancier pour la création d’une nouvelle assemblée législative et le processus d’établissement de la capitale territoriale37. L’ARTN se distingue d’autres ententes sur les revendications territoriales plus importantes comme la Convention de la Baie James et du Nord québécois qui exigeait la création d’une seule grande société de développement économique. En outre, il comporte un accord politique régissant le territoire. 4.4.2 L’établissement du territoire du Nunavut Aux yeux des dirigeants du Nunavut, la structure et le modèle de gouvernement représentaient une importante démarche en vue du développement du territoire : La création du gouvernement représentera une première démarche importante et essentielle en ce qu’elle permettra aux Inuit et aux autres résidants du Nunavut de prendre en charge leur vie et leur avenir, de créer leurs propres débouchés, de peser leurs propres compromis et de faire eux-mêmes les choix qui s’imposent38. Le Nunavut diffère considérablement du Yukon et des T.N.-O. en ce qu’il est le fruit d’un seul accord sur les revendications territoriales, accord qui porte sur tout le territoire. Par ailleurs, comme le Yukon et les T.N.-O., le Nunavut est dirigé par un gouvernement populaire qui représente tous ses résidants, Inuit et autres. En raison de cette forme de gouvernement, c’est à la Nunavut Tunngavik Inc. (NTI), autrefois la Fédération Tungavik de Nunavut, qu’incombe la responsabilité d’administrer l’ARTN au nom des Inuit (et non du gouvernement du Nunavut), et l’on s’est fixé comme objectif que le gouvernement du Nunavut soit représentatif de la vaste population inuite qu’il dessert. Conformément à l’Accord politique du Nunavut, la Commission a recommandé la décentralisation du gouvernement du Nunavut dans la mesure la plus large possible, en vue de répartir consciemment les postes et les activités gouvernementales dans toutes les régions et collectivités du Nunavut et de concéder le plus grand pouvoir possible aux fonctionnaires du gouvernement du Nunavut œuvrant aux niveaux territorial et communautaire39. En tant que principal employeur du territoire, le gouvernement du Nunavut, par la décentralisation de ses activités, veillera à ce que les possibilités de développement économique soient partagées le plus largement possible. La répartition équitable des emplois gouvernementaux parmi les collectivités du Nunavut est une question délicate et d’extrême importance pour la plupart des Nunavummiut (voir la discussion approfondie sur cette question au chapitre 7)40. Il faut reconnaître que le développement du Nunavut dépend étroitement d’un partenariat à trois qui unit : les Inuit, représentés par la Nunavut Tunngavik Inc. (NTI), le gouvernement du Nunavut et le gouvernement du Canada, par l’entremise du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien36. Le fonctionnement de ce partenariat tripartite et le rôle de chacun de ses membres restent toujours à éclaircir en raison du caractère évolutif de cette forme de partenariat. Quoi qu’il en soit, ce partenariat est unique en son genre, car nulle part ailleurs au Canada, un gouvernement ne partage exactement les mêmes frontières qu’une administration autochtone unique. En 1999, le gouvernement du Nunavut et la NTI ont signé le Clyde River Protocol et établi ainsi un cadre de coopération entre les deux organisations alors qu’elles s’apprêtaient à entrer en fonction. En vertu du protocole, la NTI et le gouvernement populaire devaient collaborer à l’élaboration de la Nunavummi Nangminiqaqtunik Ikajuuti (NNI) (politique d’encouragement et d’appui aux entreprises du Nunavut) et de la nouvelle Loi sur l’éducation du Nunavut. La décentralisation favorise inévitablement l’accès aux emplois gouvernementaux pour les membres d’un plus grand nombre de collectivités et encourage les Inuit à participer à la fonction publique du Nunavut. En outre, certains suggèrent que le modèle d’un gouvernement décentralisé correspond davantage à la culture politique 27 Le Conference Board du Canada traditionnelle des Inuit41. Conséquemment, des services de chaque ministère du Nunavut ont été établis dans dix collectivités réparties dans les trois régions du Nunavut. Ainsi, le développement économique a été axé sur la collectivité plutôt que sur l’individu ou le territoire. Tel que l’avait recommandé la Commission royale sur les peuples autochtones, cette approche convient au développement économique des collectivités autochtones. Il s’agit d’une philosophie de vie et de pensée englobant une vaste gamme d’éléments dont les suivants : • la tradition inuite de longue date en vertu de laquelle les aînés transmettent savoir, valeurs et enseignements aux générations plus jeunes; • un système de lois, de valeurs et de consultations préalables aux décisions majeures touchant la collectivité; • la compréhension des liens hiérarchiques d’un système parentaliste définis en inuktitut; • la connaissance des méthodes traditionnelles de guérison et de conseils et une approche fondée sur l’amour et la confiance à l’égard d’autres Inuit vivant des difficultés; • le savoir en matière de ressources fauniques et de techniques de chasse ainsi que la compréhension de la vie animale et de la complexité des questions de biologie et de migrations43. Ces dernières années, l’attention et les énergies ont surtout convergé vers l’établissement du gouvernement du Nunavut et de ses organismes publics et ce n’est qu’en 1998 que les principaux cadres du gouvernement du Nunavut, les sousministres, ont été nommés. À partir de ce moment-là a débuté le plus gros de l’organisation du nouveau gouvernement, y compris l’embauche d’environ 2 700 fonctionnaires dont 1 800 étaient au service du gouvernement des T.N.-O. La Commission avait fixé comme objectif qu’on embauche au moins 50 p. 100 d’Inuit à l’administration centrale du gouvernement du Nunavut pour 1999 afin d’arriver à une participation inuite complètement représentative en l’an 2021. Le 1er avril 2000, les Inuit formaient 44 p. 100 des effectifs du gouvernement du Nunavut. Le QI affecte le capital social et organisationnel de deux façons. D’abord, il guide le fonctionnement de l’économie de subsistance tant sur le plan de la production que de la consommation (voir le chapitre 5). Ensuite, on cherche à intégrer le QI au système économique basé sur les salaires et au processus décisionnel du gouvernement du Nunavut relatif à son fonctionnement et à ses services. Le QI est un élément important du Mandat de Bathurst et plusieurs ministères du gouvernement du Nunavut ont mis sur pied des groupes de travail du QI composés d’employés inuits. (L’encadré qui suit donne un autre exemple de mise en pratique du QI.) En 1999, le gouvernement du Nunavut rendait public le Mandat de Bathurst, ses priorités et son plan quinquennal ainsi que les lignes directrices régissant sa mise en œuvre. Il y avait cerné quatre grands thèmes : 1. les collectivités saines; 2. la simplicité et l’unité; 3. l’autonomie; 4. l’éducation et l’apprentissage continu42. 4.4.5 Cette section présente un bref aperçu de l’organisation des richesses du Nunavut par les principaux intervenants ou secteurs, notamment le gouvernement, les organisations inuites, le secteur privé et les institutions gouvernementales. Notre objectif ici n’est pas d’énumérer les divers programmes de développement économique, mais plutôt d’identifier les principaux secteurs sur lesquels repose la création de richesses au Nunavut. À l’intérieur de ces grands thèmes, le gouvernement s’est donné comme priorité la formation et l’éducation de la main-d’œuvre du Nunavut ainsi que la résolution des problèmes de logement. Le gouvernement a donc réparti comme suit ses dépenses budgétaires principales (comme en fait foi son budget de 2001-2002) : • Éducation (y compris le soutien du revenu) : 26 p. 100 • Santé et services sociaux : 18 p. 100 • Travaux publics : 14 p. 100 • Transport et gouvernements communautaires : 12 p. 100 • Société d’habitation du Nunavut : 8 p. 100 4.4.4 4.4.5.1 Le gouvernement Comme nous le montrerons au chapitre 5, le gouvernement joue un rôle primordial sur le plan économique, tant à titre d’employeur direct que de principal client des entreprises locales. Par gouvernement, on entend le gouvernement du Nunavut et le gouvernement du Canada ainsi que les gouvernements municipaux. Le rôle du Qaujimajatuqangit inuit Le Qaujimajatuqangit inuit (QI) a joué un rôle primordial dans la création et la répartition des richesses au Nunavut, en particulier dans l’économie de subsistance mais aussi, de plus en plus, dans l’économie basée sur les salaires. Littéralement, « Qaujimajatuqangit inuit » signifie « ce que les Inuit connaissent de longue date ». Le Conference Board du Canada Les secteurs clés du capital organisationnel et social du Nunavut Le gouvernement du Nunavut est aussi un intervenant majeur dans le domaine du développement économique puisqu’il fournit de l’emploi, élabore les politiques et offre 28 les activités de la Société de développement du Nunavut (Nunavut Development Corporation), établie en 1999. La Société gère présentement neuf entreprises dans sept collectivités du Nunavut œuvrant dans le domaine de l’artisanat et des secteurs de la transformation du poisson et de la viande. Il incombe également à cette Société d’identifier toute nouvelle possibilité d’investissement favorable à l’expansion et à la diversification économiques des collectivités44. Exemple de mise en pratique du QI L’Étude des connaissances des Inuit sur les baleines boréales, réalisée récemment, illustre bien l’utilisation et l’intégration du QI aux approches occidentales. En vertu de l’article 5 de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut a mené une étude sur les migrations et les stocks de baleines boréales. Pour cela, il a recouru aussi bien au savoir écologique traditionnel (connaissances des aînés acquises par l’observation et le vécu) qu’à la science moderne. Cette étude fournit des renseignements sur les routes de migration et les stocks de baleines dans la région du Nunavut. D’autres ministères du Nunavut gèrent aussi certaines activités de développement économique. Par exemple, le ministère de la Culture, des Langues, des Aînés et de la Jeunesse offre des subventions dans les domaines de la culture et des communications afin d’encourager le développement économique des arts. Source : Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, Rapport final de l’Étude des connaissances des Inuit sur les baleines boréales, Iqaluit, mars 2000. les programmes qui stimulent le développement économique. Ainsi, conformément aux dispositions de l’article 24 de l’ARTN sur les politiques préférentielles de passation des marchés de l’État à l’égard des entreprises inuites (dont 51 p. 100 des parts au moins appartiennent à des Inuit), le gouvernement du Nunavut et la NTI ont adopté la politique Nunavummi Nangminiqaqtunik Ikajuuti (NNI). Celle-ci touche l’adjudication des contrats du gouvernement du Nunavut ou de ses organismes affiliés et vise à accroître la participation des Inuit aux activités économiques du Nunavut. Les critères de soumissions favorisent l’entreprise officiellement inuite, l’entreprise du Nunavut ou l’entreprise locale. Tel que mentionné plus tôt, le gouvernement a adopté une approche de développement économique communautaire, c’est-à-dire que ses politiques sont axées sur le soutien à l’échelon de la collectivité. La participation du gouvernement fédéral au développement économique du Nunavut est guidée par le document intitulé Rassembler nos forces : le plan d’action du Canada pour les questions autochtones et préparé en réponse au rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien veille à l’accomplissement des obligations légales du gouvernement fédéral à l’égard du Nunavut et fournit un appui financier aux projets de développement économique inuits à divers paliers, y compris en accordant un financement de base à trois organismes de développement économique communautaires. En 2000-2001, la région du Nunavut a reçu à ce titre 3,6 millions de dollars. De plus, les organismes inuits sont admissibles à des fonds de développement économique centraux. Le ministère du Développement durable du Nunavut veille à promouvoir l’activité économique dans le respect des principes du développement durable. À ce titre, le Ministère est responsable de la gestion du milieu écologique et de l’utilisation des ressources naturelles. Il consent également environ 13,7 millions de dollars sous forme de subventions et de programmes d’aide au développement économique du Nunavut. Cette aide comprend le soutien financier des pêcheurs, des chasseurs et des trappeurs, des producteurs d’artisanat, de la petite entreprise et des agents de développement économique communautaires. Les industries nouvelles comme celles de la pêche commerciale et des fourrures ont également droit à l’appui financier du Ministère. Le programme d’aide au développement (Community Futures) du ministère du Développement durable contribue aussi au soutien financier de centres de développement de l’entreprise qui, à leur tour, aident la petite entreprise des collectivités au moyen de prêts et de services-conseils techniques et d’aide à la planification. Le Ministère finance également De nombreux autres ministères fédéraux interviennent directement dans le développement, dont le ministère du Développement des ressources humaines du Canada, Pêches et Océans Canada, Industrie Canada et le ministère des Ressources naturelles du Canada45. En plus de veiller à l’exécution des obligations prescrites par la loi, la plupart de ces ministères offrent des subventions et des programmes visant le développement économique. Récemment, le ministère du Développement des ressources humaines du Canada et le gouvernement du Nunavut ont conclu une entente de développement du marché du travail qui prévoyait le transfert de plus de 2 millions de dollars au Nunavut, sur une période de deux ans, afin de mettre sur pied des programmes visant le recrutement des sansemploi, la formation en cours d’emploi et l’apprentissage des compétences nécessaires au travail autonome. L’an dernier, Industrie Canada a lancé le Centre Canada-Nunavut de services aux entreprises, en collaboration avec le ministère du Développement durable du Nunavut. Ce Centre, établi dans trois collectivités et accessible par téléphone et par 29 Le Conference Board du Canada présente dans le domaine de la pêche hauturière à la crevette et au turbot, de la gestion aéroportuaire, du nettoyage des stations du Réseau d’alerte avancé (DEW), des services de gestion de l’environnement, des activités d’exploitation minière, des services de transport par hélicoptère, de la vente et des services d’entretien de la machinerie lourde, de la livraison de produits pétroliers et des activités de construction et de vente immobilières47. Les associations de développement économique encouragent l’expansion de la petite entreprise inuite et l’amélioration des compétences de travail des Inuit. En 1999, figuraient sur la liste des entreprises inuites tenue par la NTI plus de 250 entreprises majoritairement inuites, dont 43 p. 100 dans la région de Baffin, 28 p. 100 dans la région de Kivalliq, 22 p. 100 dans la région de Kitikmeot et 7 p. 100 à l’extérieur du Nunavut. Internet, est la première source d’information pour tout entrepreneur à la recherche de renseignements portant sur les programmes et services offerts par le gouvernement. Malgré l’existence de ces programmes d’aide au développement, le gouvernement du Nunavut redoute l’expiration des ententes fédérales-territoriales de développement économique et l’absence de tout organisme fédéral de développement économique dans leur région, service dont bénéficient d’autres régions au Canada. 4.4.5.2 Organisations inuites constituées en sociétés La création de richesses repose en deuxième lieu sur les organisations inuites constituées en sociétés comme la NTI et les trois associations inuites régionales : l’Association inuite de Qikiqtani, celle de Kitikmeot et celle de Kivalik. Toutes exercent une influence considérable au Nunavut46. Le recours à ce type d’organisations est un modèle de plus en plus apprécié et populaire dans le domaine du développement au Nunavut. Le poids qu’ont ces organisations est un phénomène particulier à l’économie du Nunavut. La Nunasi Corporation est une autre société inuite à laquelle tous les Inuit de plein droit en vertu de l’ARTN appartiennent. Établie en 1976, elle s’implique dans des activités commerciales présentant des avantages à la fois sociaux et économiques pour ses actionnaires inuits. Cette société est propriétaire de plusieurs des entreprises de l’Arctique, dont la Kit Nuna, une entreprise de construction en plein essor découlant d’un partenariat entre la Nunasi et la Kitikmeot Development Corporation. Comme nous l’avons mentionné plus tôt, il incombe entre autres à la Tunngavik (NTI) de veiller à l’accomplissement des obligations prévues par l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. La Tunngavik a récemment fondé l’Atuqtuarvik Corporation, société de prêt et d’investissement indépendante qui soutient les investissements inuits grâce à des fonds de lancement de la Fiducie du Nunavut. La valeur initiale du fonds s’élève à 20 millions de dollars, auxquels viendront s’ajouter des versements de 10 millions par année, sur les trois prochaines années. La Nunavut Construction Corporation (NCC) constitue également une force majeure sur le plan du développement économique. Elle appartient à la Nunasi et aux trois organismes de représentation des Inuit de plein droit. Cette entreprise se veut un véhicule permettant de répartir les travaux à faire sur l’infrastructure du Nunavut entre toutes les collectivités, au lieu de les limiter aux collectivités où l’infrastructure doit être installée. La NCC a contribué à la construction et à la gestion du grand nombre de logements et de bureaux associés à l’établissement du Nunavut (voir l’encadré de la page suivante, pour plus de détails). Sous l’égide de la NTI, une société de développement économique représentant les Inuit de plein droit ainsi qu’une association de développement de la petite entreprise inuite ont été créées dans chacune des trois régions du Nunavut : la Qikiqtaaluk Corporation et la Kakivak Association, la Sakku Investments Corporation et Kivalliq Partners in Development, et finalement la Kitikmeot Corporation et la Kitikmeot Economic Development Commission. Ces sociétés ou organisations inuites examinent les débouchés possibles pour les Inuit (par la voie d’initiatives de création d’emplois, de formation ou d’échanges de compétences) et l’établissement de coentreprises avec des partenaires intéressés. Jusqu’à présent, la Tunngavik a octroyé plus de 10 millions de dollars aux sociétés et aux associations de développement par l’entremise de son Nunavut Investment Review Committee (NIRC) dans l’idée de soutenir leurs investissements dans des coentreprises du secteur immobilier ou de celui de la construction. Par exemple, la Qikiqtaaluk Corporation est Le Conference Board du Canada 4.4.5.3 Le secteur privé Le secteur privé est le troisième intervenant d’importance dans la création de richesses. Comme nous le montrerons au chapitre 5, il n’est pas très développé au Nunavut. Il existe notamment très peu d’associations comme des chambres de commerce. Malgré certains signes prometteurs comme l’établissement de lieux d’affaires au Nunavut, la survie du secteur privé dépend encore lourdement des marchés publics. Tel que mentionné en début de chapitre, plusieurs obstacles s’opposent à l’expansion du secteur privé au Nunavut, y compris le manque de locaux commerciaux, le coût élevé 30 du transport, la nécessité de s’approvisionner chez les fournisseurs du Sud, le manque de main-d’œuvre spécialisée et qualifiée, le faible esprit d’entreprise et l’impossibilité de faire concurrence au secteur public sur le plan des salaires et des avantages sociaux. En effet, les travailleurs qualifiés du secteur privé hésitent rarement à se saisir des offres d’emploi du gouvernement qui les paiera mieux et leur accordera de meilleurs avantages sociaux. et de la gestion de la faune dans le cas du Conseil de gestion des ressources fauniques. Les IG s’inspirent des grandes leçons tirées de l’affaire du pipeline de la vallée du McKenzie dans les années 1970. Ces commissions et conseils sont solidement établis, compétents et dotés de mécanismes d’examens formels permettant de réduire les risques de malentendus susceptibles d’occasionner des retards dans l’exécution des projets. 4.4.5.4 Les institutions gouvernementales 4.4.5.5 Coordination des secteurs Le réseau d’institutions gouvernementales (IG) établies en vertu de l’ARTN est le quatrième intervenant de taille dans la création de richesses. Ces IG, dont les conseils d’administration comptent tant des Inuit que des non-Inuit, sont chargées respectivement de l’examen des questions de développement dans le cas de la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions, des questions relatives à l’eau dans le cas de l’Office des eaux du Nunavut, Toutes nos sources importantes d’information se sont dites inquiètes du manque de coordination entre les quatre secteurs et les principaux intervenants. Plusieurs organismes sont créés et lancent des programmes et, à moins que l’on ne prête une attention immédiate à cette lacune, le manque de coordination avec les autres entraînera des chevauchements et des inefficacités. Cette question est examinée plus en détail au chapitre 7. Nunavut Construction Corporation La Nunavut Construction Corporation (NCC) est responsable du financement, de la construction et de la gestion des logements et bureaux supplémentaires dont a besoin le gouvernement du Nunavut. La NCC a été constituée en 1995. En vertu d’une entente de partenariat conclue entre le gouvernement du Canada, la Nunavut Tunngavik Inc. et la Nunavut Construction Corporation, la NCC s’est vue confier le développement des projets d’infrastructure pour le nouveau gouvernement du Nunavut. L’infrastructure compte 250 unités de logement et 10 édifices à bureaux, y compris les installations de l’Assemblée législative. La NCC a assuré la totalité du financement des projets par l’entremise d’établissements financiers du secteur privé. La NCC a entrepris la construction d’édifices à bureaux et d’unités de logement pour le personnel dans chacune des onze collectivités désignées dans le modèle de décentralisation du gouvernement du Nunavut : Cape Dorset, Pangnirtung, Pond Inlet, Iqaluit, Igloolik, Arviat, Rankin Inlet, Baker Lake, Kugluktuk, Cambridge Bay et Gjoa Haven. La NCC est un excellent exemple de la mise en application de l’article 24 de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Plus de 70 p. 100 de ses employés, dont 22 apprentis, sont Inuit. Depuis le mois de juillet 1997, ses apprentis ont accumulé plus de 80 000 heures de formation en cours d’emploi. Plus de 65 entreprises des collectivités et des régions du Nunavut ont tiré profit de travaux donnés en sous-traitance par la NCC ainsi que de ses achats de biens et de services, y compris des services de triage et de couvrage, des services d’hébergement et de restauration, du gravois et des matériaux de remplissage, des matériaux de construction et des services de location d’outils et de machinerie. En outre, le transport aérien et maritime est assuré par des entreprises appartenant aux sociétés représentant les Inuit de plein droit du Nunavut. Les parts de la NCC sont réparties également entre les quatre sociétés de développement représentant les Inuit de plein droit : la Qikiqtaaluk Corporation, la Sakku Investments Corporation, la Kitikmeot Corporation et la Nunasi Corporation. Dans le cadre du projet d’infrastructure du gouvernement du Nunavut, la NCC avait terminé, le 31 mars 1999, la construction de 146 unités de logement et de trois édifices à bureaux. Au début de 2000, elle comptait à son actif 104 unités de logements et sept édifices à bureaux régionaux supplémentaires. Source : http://pooka.nunanet.com/-thencc/about_ncc.htm. 31 Le Conference Board du Canada 24 Archibald et Grey, op. cit., p. 3. 1 George Wenzel, « Inuit Sealing and Subsistence Managing After the E.U. Sealskin Ban », Geoghraphische Zeitschrift, 32:2, p. 130-142. 25 Statistics Greenland, Greenland 1997 — Statistical Yearbook, http://www.statgreen.gl/english/yearbook/yb1997.htm. 2 Gouvernement du Nunavut, A Commitment to New Organisational Values, rapport final du Groupe de travail sur le logement du Nunavut, 2000. 26 Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, Services communautaires de développement économique, Environmental Scan. http://www.gov.nt.ca/RWED/ced/env_scan/scan.html. 3 Iqaluit Community Economic Development Study, 2000. 4 Société d’habitation du Nunavut, Plan d’affaires 2001-2002. 27 Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, ministère de la Santé et des Services sociaux, cité dans Hicks et White, op. cit., p. 89. 5 Ibid. 6 Cela dit, selon le supplément de l’Enquête de 1999 sur la population active du Nunavut, du Bureau de la statistique du Nunavut, plus de 60 p. 100 des Inuit qualifient leur logement d’adéquat ou de plus qu’adéquat. L’écart entre l’opinion des experts et les cotes du sondage est sans doute imputable au fait que les Inuit sont plus tolérants à l’égard des mauvaises conditions de logement et aux différences culturelles entre les Inuit et le reste de la population en ce qui a trait au logement. 28 Gouvernement du Nunavut, ministère de la Santé et des Services sociaux, Nunavut Brighter Futures: 1999-2000 Year-end Report, http://www.gov.nu.ca. 29 Sandy Isaacs et coll., « Suicide in the Northwest Territories: a Descriptive Review », Maladies chroniques au Canada, 1998, 19:4. 30 CRPA, op. cit., vol. 2, chapitre 5, s. 1.2. 7 Gouvernement du Nunavut, Transportation Strategy 2001, inventaire des systèmes de transport du Nunavut commandé dans le cadre de l’élaboration d’une stratégie de transport, Iqaluit. 31 James Franklin et Nunavut Environmental Ltd. 8 Municipalité d’Iqaluit, soumission déposée au Comité des finances de la Chambre des communes, 31 août 2000. 32 À Qikiqtarjuaq, plus de 60 p. 100 des enfants inuits de moins de 15 ans et près de 40 p. 100 des femmes en âge de procréer présentaient un taux de PCB supérieur au taux jugé « tolérable » par Santé Canada. Santé Canada, A Second Diagnostic on the Health of First Nations and Inuit People in Canada, novembre 1999. 9 Voir, par exemple, Commission d’établissement du Nunavut, L’empreinte de nos pas dans la neige fraîche, rapport global à l’intention du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, du gouvernement des T.N.-O. et de la Nunavut Tunngavik Inc., qui traite de l’organisation et de la structure du gouvernement du Nunavut, Iqaluit, NU, mars 1995. 33 Terry Fenge, « Political Development and Environmental Management in Northern Canada: The Case of the Nunavut Agreement », Études/Inuit/Studies, 1992, 16 (1-2), p. 115-141. 34 Accord entre les Inuit de la région du Nunavut et sa Majesté la Reine du chef du Canada, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et la Tunngavik, 1993. 10 Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Le CRTC approuve un plan visant à réduire les tarifs interurbains et à améliorer les services téléphoniques des abonnés de Northwestel, Communiqué de presse, 30 novembre 2000. 35 William Hamley, « The Nunavut Settlement: A Critical Appraisal », Revue internationale d’études canadiennes, automne 1995, vol. 12. 36 Le présent rapport est un exemple du travail que permet ce partenariat. 11 Conseil communautaire du développement économique d’Iqaluit, Balanced Development, 2000. 37 Les premières élections au Nunavut ont eu lieu le 15 février 1999. 12 Conseil des ministres de l’Éducation du Canada (CMEC), Indicateurs de l’éducation au Canada 1999, 2000. http://www.cmec.ca/stats/pceip/1999pdf/ 38 Mary Simon, discours prononcé lors de la collection des grades d’octobre 1994, à l’Université Queen’s, cité dans L’Empreinte de nos pas dans la neige fraîche, p. 13. 13 Ibid. 39 L’Empreinte de nos pas dans la neige fraîche, op. cit., p. 57. 14 Ministère de l’Éducation du Nunavut, Ajunngittutit!, Iqaluit, septembre 2000. 40 Voir, par exemple, la résolution no 00-01 portant sur l’activité économique au sein des collectivités dépourvues d’infrastructures de l’Association des municipalités du Nunavut. Celle-ci demande au gouvernement du Nunavut d’élaborer un plan qui garantira aux 15 collectivités plus petites d’être traitées équitablement et de recevoir leur juste part des budgets d’immobilisation et des budgets de fonctionnement et d’entretien. 15 Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, Toward Excellence: A Report on Education in the NWT, 1996-1997, Yellowknife, 1997. 16 CMEC, op. cit. 41 Hicks et White, op. cit., p. 66. 17 Linda Archibald et Roda Grey, Evaluation of Models of Health Care Delivery in Inuit Regions, Ottawa, Inuit Tapirisat du Canada, 8 septembre 2000. 42 Gouvernement du Nunavut, The Bathurst Mandate Pinasuaqtavut: That Which We’ve Set Out To Do, 1999. http://www.gov.nu.ca/Bathurst/ve.htm. 18 Le Conference Board du Canada, Performance and Potential 2000. 43 Gouvernement du Nunavut, ministère de la Culture, des Langues, des Aînés et de la Jeunesse, Report from the September Inuit Qaujimajatuqangit Workshop, Niaqunngnut, Nunavut, du 29 au 30 septembre 1999. 19 Jack Hicks et Graham White, « Nunavut: Inuit Self-Determination Through a Land Claim and Public Government? », Nunavut: Inuit Regain Control of Their Lands and Their Lives, Copenhague, Danemark, J. Dahl, J. Hicks et P. Jull, Groupe international de travail pour les affaires indigènes, 2000, p. 34-35. 20 Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, Toward Excellence: A Report on Education in the NWT 1996-97. http://siksik.learnet.ca/to_excellence/mainfram.htm. 21 Ces chiffres nous ont été fournis par le ministère de l’Éducation du Nunavut. 22 Hicks et White, op. cit., p. 37. 23 Canada, Rapport final de la Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA), Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1994, volume 4, chapitre 6. 44 Gouvernement du Nunavut, communiqué de presse, 2 décembre 1999, Iqaluit. http://www.gov.nu.ca/eng/news/1999-45-C.html. 45 Le Conseil fédéral du Nunavut, composé de cadres de direction de tous les ministères fédéraux chargés des programmes et services au Nunavut, se réunit régulièrement en vue de favoriser la coopération en matière de politiques et de programmes. 46 Hicks et White, op. cit., p. 85. 47 Site Web de la Qikiqtaaluk Corporation (http://pooka.nunanet.com/~qc/index.html). Le Conference Board du Canada 32 5—Aperçu de l’economie mixte du Nunavut c’est que l’activité économique du Nunavut est bien différente de celle du reste du Canada. L’économie, unique en son genre, du Nunavut ne se prête pas aux analyses qui s’appuient sur les méthodes d’évaluation économique conventionnelles utilisées pour les économies numéraires. Nous tenterons, dans ce chapitre, d’évaluer le rendement de l’économie « mixte » ou « globale » du Nunavut à la lumière des informations dont nous disposons sur l’économie de subsistance et sur l’économie basée sur les salaires. Faits saillants • L’économie mixte du Nunavut, unique en son genre, est un mélange d’économie de subsistance et d’économie basée sur les salaires. L’économie de subsistance (ou économie non monétaire) englobe un certain nombre d’activités dont la chasse, la pêche, le piégeage, l’artisanat, la couture et la garde d’enfants non organisée. • Malgré l’importance de l’économie de subsistance, il n’existe que très peu de données sur sa valeur. On situe celle-ci entre 40 millions et 60 millions de dollars, en incluant les secteurs des pêcheries et de la fabrication, la chasse de subsistance et la confection de vêtements. Les dirigeants du Nunavut parlent d’une « économie mixte » combinant l’économie de subsistance et l’économie basée sur les salaires. Ces deux systèmes économiques ne sont pas diamétralement opposés et, pour la plupart des Nunavummiut, il ne s’agit pas de choisir à quel système participer, mais plutôt de trouver un juste équilibre entre les deux. Au Nunavut, les revenus proviennent de quatre sources : des activités économiques, des activités de production et de vente ou de troc de biens et de services associés aux activités de subsistance (p. ex., peaux de phoque), de l’activité économique basée sur les salaires et des transferts de fonds du gouvernement, telles les prestations d’assurance-emploi, d’aide sociale ou de primes de retraite. Le revenu d’un ménage peut provenir de toutes ces sources et représenter la contribution de plusieurs membres de la famille1. Comme en faisait état la Commission royale sur les peuples autochtones, « c'est en combinant le revenu provenant de ces sources que la plupart des autochtones parviennent à subvenir à leurs besoins depuis plusieurs dizaines d'années et qu'ils continuent de le faire aujourd'hui »2. • Les données annuelles complètes sur l’économie basée sur les salaires du Nunavut ne remontent pas plus loin que 1999. Bien qu’il faille procéder avec circonspection à l’analyse de l’économie du territoire à la lumière d’un seul point de données, les chiffres montrent à quel point l’économie du Nunavut repose sur le secteur public. • Le PIB révèle également la mesure dans laquelle les importations dominent le relief économique du Nunavut : importations d’une valeur de 562 millions de dollars par rapport à une économie intérieure de 1,06 milliard de dollars. • Le fait de dépendre du secteur public pour combler les besoins d’emplois d’une population en croissance n’est manifestement pas une solution durable. Au-delà du moyen terme, la croissance du secteur public ralentira par rapport à celle de la population. Cela pourrait poser un sérieux problème si le Nunavut ne veille pas à diversifier ses activités économiques. 5.1 Compte tenu de l’état des quatre formes de capital essentielles à la création de richesses au Nunavut, quel est le rendement économique du Nunavut? Une chose est sûre, L’ÉCONOMIE DE SUBSISTANCE ET SON RÔLE DANS L’ÉCONOMIE MIXTE Nombre d'économies autochtones demeurent fondées sur les activités traditionnelles que sont la chasse, la pêche et le piégeage, surtout à des fins de subsistance. Souvent, la 33 Le Conference Board du Canada politique gouvernementale a laissé de côté ces économies traditionnelles ou, ce qui est plus grave, a miné leur viabilité. Pourtant, ces activités demeurent un élément essentiel des économies mixtes des communautés du Nord en ce sens qu'elles représentent un mode de vie de prédilection pour leurs participants, et un fondement très important de la culture et de l'identité autochtones3. L’intérêt de l’exploitation des ressources fauniques dépasse les seuls avantages économiques. Les aliments du terroir peuvent être très nutritifs. La viande de caribou, par exemple, contient 27 p. 100 de protéines et très peu de gras. Sur le plan social, la première prise de chasse d’un garçon marque une étape importante de son développement qui contribue à son estime de lui-même. C’est aussi un premier pas vers un rôle productif dans la collectivité. Toute description de l’économie de subsistance doit d’abord reconnaître qu’il ne s’agit pas seulement d’une simple activité économique, mais d’une partie intégrante du patrimoine social et culturel, inhérent au mode de vie des Inuit. En tant que composante du QI, décrit plus tôt, l’économie de subsistance suppose le partage des ressources en fonction des rôles et des responsabilités de chacun selon le sexe, l’âge, l’expérience et l’affiliation hiérarchique. Le maintien d’une économie de subsistance peut s’avérer onéreux. Les activités d’exploitation des ressources fauniques suffisent rarement à assurer toutes les ressources GRAPHIQUE 3 Fréquence de la consommation de caribou par les Inuit (en pourcentage) L’économie de subsistance englobe toutes les activités économiques non rémunérées comme la pêche, la chasse, la confection de vêtements et la garde d’enfants non organisée. Comme nous l’avons mentionné plus tôt, l’ARTN compte de nombreuses dispositions qui soutiennent l’économie de subsistance. Il concède aux Inuit des droits d’exploitation des ressources fauniques qui suffisent à combler leurs besoins économiques, sociaux et culturels. Non précisé (3 %) Rarement ou jamais (16 %) 1 ou 2 fois par semaine (27 %) La nourriture traditionnelle, produit de l’exploitation des ressources fauniques, est à la base du régime alimentaire de la majorité des ménages inuits. Tel que l’illustre le graphique 3, près de 31 p. 100 des ménages inuits consomment quotidiennement ou presque de la viande de caribou alors que 16 p. 100 seulement disent ne jamais ou rarement consommer du caribou. Le poisson et la viande de phoque, de bœuf musqué, de ptarmigan, de narval et de baleine comptent également parmi les aliments. Selon l’Enquête de 1999 sur la population active du Nunavut (graphique 4), une forte proportion (78 p. 100) d’Inuit de sexe masculin âgés de 15 à 54 ans prennent part fréquemment ou occasionnellement aux activités d’exploitation des ressources fauniques. 3 ou 4 fois par semaine (23 %) Source : Enquête sur la population active du Nunavut, 1999. GRAPHIQUE 4 Fréquence des activités d’exploitation des ressources naturelles par les Inuit de sexe masculin (qui ont un emploi) (en pourcentage) Non précisé (5 %) Le coût-valeur de remplacement de la nourriture provenant de l’exploitation des ressources fauniques du Nunavut s’élève à 30 millions de dollars au minimum ou au coût de l’importation de denrées alimentaires du sud du Canada4. Sans l’exploitation de ressources fauniques, ces coûts d’importation augmenteraient de manière importante5. Le gouvernement du Nunavut envisage actuellement l’adoption de stratégies visant à favoriser l’accès aux aliments du terroir en en assurant une meilleure distribution dans les différentes collectivités. L’exploitation des ressources fauniques fournit également de précieux sous-produits, notamment pour l’artisanat (p. ex., peaux pour la confection de vêtements ou ivoire pour les sculptures et les bijoux). Le Conference Board du Canada Quotidiennement ou presque (31 %) Rarement ou jamais (17 %) Fréquemment (37 %) Occasionnellement (41 %) Source : Enquête sur la population active du Nunavut, 1999. 34 dans le cadre de l’économie basée sur les salaires, elle inclut aussi quelques activités non rémunérées dans le calcul estimatif du PIB. Il s’agit, pour les plus importantes, de valeurs « imputées » aux frais de logement des propriétaires et aux aliments consommés par les ménages d’agriculteurs. nécessaires au maintien de cette forme d’économie. Le recours à l’économie monétaire est incontournable si l’on considère que l’activité d’exploitation suppose l’achat de l’équipement nécessaire à la chasse (p. ex., motoneiges, essence, munitions et armes à feu) et du temps consacré à la chasse6. Bien souvent, ceux qui peuvent se permettre de pratiquer la chasse ne disposent pas du temps et de l’expertise nécessaires alors que ceux qui en possèdent les compétences ne disposent pas de l’argent nécessaire à l’achat de l’équipement7. Conjointement, ces activités et compétences peuvent se soutenir mutuellement. Comme nous l’avons mentionné dans la section précédente, le problème que soulève le recours à cette seule méthode d’évaluation de la production tient au fait qu’une large part de l’activité économique du Nunavut se déroule au sein des ménages dans le cadre des activités de subsistance. Cet élément est essentiel à la détermination du revenu des ménages du Nunavut. Dans le sud du pays, la taille relativement faible de l’économie de subsistance ainsi que le manque de données statistiques à ce sujet a mené à son exclusion pratiquement complète des Comptes du revenu national par Statistique Canada. Comme les comptes provinciaux sont calqués sur le modèle des comptes nationaux, la valeur de production estimative « imputée » à l’économie de subsistance ne figure pas dans l’estimation du PIB du Nunavut récemment produite par Statistique Canada. Le partage des ressources contribue donc de manière importante à l’économie mixte où les revenus salariaux sont intégrés aux biens et services produits à l’extérieur du système basé sur les salaires et partagés entre les membres de la famille et entre les familles de la collectivité. La participation à l’économie basée sur les salaires ne représente souvent pas une fin, mais plutôt un moyen d’assurer la continuité des activités socio-économiques propres à l’économie de subsistance8. Compte tenu de l’importance de ces activités dans la vie des Nunavummiut, nombreux sont les chercheurs et les universitaires qui insistent pour que l’on voit dans les activités d’exploitation des ressources fauniques un métier ou une forme d’emploi autonome. Il a été également recommandé, par exemple par la Commission royale sur les peuples autochtones, de remanier les programmes d’aide sociale et d’en faire des programmes d’aide à l’exploitation des ressources fauniques en vue de rendre ces activités légitimes et de les encourager. L’inclusion d’estimations du produit de l’économie de subsistance dans le calcul du PIB est conceptuellement justifiable9. Dans le cas du Nunavut, toute discussion du PIB doit inclure des estimations de l’économie de subsistance étant donné sa taille appréciable par rapport à l’autre système économique et son importance dans l’activité économique locale. La détermination de la valeur réelle de l’économie de subsistance au Nunavut n’est pas une tâche facile, et ce, pour nombre de raisons. L’échange de biens et de services en l’absence de transactions financières élimine toute possibilité d’accorder une valeur exacte aux produits troqués. Par ailleurs, la production de biens à l’usage du ménage est rarement consignée avec précision. La NTI administre le Nunavut Harvesters Support Program dans l’idée de fournir une aide financière aux particuliers et aux collectivités désireuses d’entreprendre des activités d’exploitation des ressources fauniques (p. ex. équipement de chasse). Le budget accordé au programme s’élève à 30 millions de dollars et vient à parts égales de la NTI et du gouvernement territorial. Depuis les années 70, celui-ci offre également certains programmes de soutien des activités d’exploitation des ressources fauniques. Il a alloué 2,4 millions de dollars à ces programmes en 2000-2001. 5.1.1 Il n’en demeure pas moins que toute production extérieure à l’économie basée sur les salaires doit, autant que possible, être reconnue et quantifiée. La NTI et le gouvernement du Nunavut, comme nous l’avons dit, fournissent déjà une aide aux Inuit œuvrant au sein de l’économie de subsistance. Cependant, si l’on arrive à attribuer une valeur quantitative à l’économie de subsistance, on permettra aux participants à cette économie de subsistance de se faire entendre par un auditoire beaucoup plus vaste, un auditoire qui a tendance à ne saisir les concepts économiques que lorsqu’ils sont exprimés en termes numériques. Cette visibilité accrue sera indéniablement favorable au marketing de la valeur et des actifs du Nunavut sur la scène canadienne et internationale. Estimation de la taille de l’économie de subsistance Tous les systèmes économiques comptent des activités rémunérées et des activités non rémunérées. Or, si la méthode adoptée par Statistique Canada pour estimer la valeur de production ou le produit intérieur brut (PIB) se limite presque exclusivement à la valeur attribuée aux biens et services produits et ensuite échangés contre de l’argent 35 Le Conference Board du Canada trouve donc à la base de presque toutes les activités de subsistance (p. ex. l’enfant apprend à coudre et à chasser auprès de ses parents ou de ses grands-parents). C’est donc dans cette optique que l’on veut tenter d’estimer la valeur de l’économie de subsistance du Nunavut. Des sondages ont déjà été entrepris en vue de déterminer le nombre de personnes participant à l’économie de subsistance et d’estimer la valeur monétaire de certains biens et services. Les informations ainsi recueillies permettront d’attribuer une valeur approximative à l’économie de subsistance du Nunavut, bien que d’importantes lacunes dans les données font obstacle à un calcul exact. Dans le cadre de cette étude du Conference Board, nous n’avons pas essayé de refaire le calcul de ces estimations, mais nous jugeons essentiel de connaître la gamme des valeurs potentielles afin de déterminer la taille relative de l’économie de subsistance. 5.2 Lorsque les comptes économiques du Nunavut pour l’année 1999 ont été rendus publics, le monde a reçu son premier instantané de l’économie basée sur les salaires du territoire. Contrairement aux autres régions, pour lesquelles on détient des données passées, le Nunavut est encore trop jeune pour avoir un point de données. On ne doit donc utiliser qu’avec beaucoup de circonspection ces chiffres qui, en fait, ne peuvent vraiment servir qu’à donner une idée de l’année à laquelle ils se rapportent. Cette circonspection est d’autant plus nécessaire dans le cadre de l’étude d’une économie en transition comme celle du Nunavut. À partir des informations recueillies auprès de diverses sources, y compris les principaux intervenants, nous avons établi que la valeur de l’économie de subsistance du Nunavut se situait aux environs de 40 millions à 60 millions de dollars. Cette fourchette comprend une valeur de 30 millions attribuée à l’activité économique associée aux denrées alimentaires10. Au-delà de ce stade, il devient difficile d’attribuer des chiffres aux activités spécifiques. L’industrie de l’artisanat, par exemple, comporte une part d’activité minière (extraction de la pierre à sculpter), ainsi que certaines activités de chasse (fournissant le cuir, les os, etc. ) et bien entendu l’activité artisanale comme telle, c’est-à-dire la sculpture ou la couture. Ces activités débouchent également sur l’industrie du textile et du vêtement et comblent l’écart entre l’économie de subsistance et l’économie basée sur les salaires puisque certains des produits font l’objet de troc ou sont simplement donnés à des membres de la famille alors que d’autres sont vendus à des commerçants grossistes. L’activité touristique, dont les expéditions de chasse à l’ours polaire et les camps de chasse sportive, rentabilise l’économie de subsistance bien qu’encore une fois, il soit difficile d’en déterminer la valeur. Certains estiment que celle-ci rapporte plus de 4 millions de dollars par année. Ces chiffres ne comptent pas la valeur non consignée de la garde d’enfants, du travail bénévole ou des actifs partagés. L’inclusion de ces activités ajouterait considérablement à la taille de l’économie de subsistance, mais il faut bien reconnaître que si la valeur des activités au foyer telles la garde d’enfants et les travaux ménagers était incluse dans les calculs nationaux, l’économie canadienne connaîtrait également un essor considérable. Cela ne veut pas dire que ces chiffres sont sans intérêt. Au contraire, la première année d’existence du Nunavut révèle certains hauts points intéressants. Le produit intérieur brut (PIB) réel est la mesure la plus courante du rendement économique et exprime en dollars la valeur des biens et services finals produits par une région. Les économistes se servent de chiffres réels (c.-à-d. de chiffres basés sur un prix constant) afin d’empêcher que l’inflation ne déforme la valeur monétaire réelle d’une économie. Au Nunavut, la valeur réelle du PIB de 1999 se chiffrait à 682 millions de dollars aux prix constants de 1992. Parallèlement, le PIB réel par habitant, jalon du bien-être économique, se chiffrait à 25 259 dollars au Nunavut par rapport à une moyenne nationale de 24 642 dollars par habitant. En vertu de la définition conventionnelle, ces chiffres suggèrent que le Nunavummiut est plus à l’aise que le Canadien moyen. Cependant, si nous examinons les revenus personnels par habitant pour ces deux régions, mesure plus pertinente pour la majorité de la population, il en ressort que le revenu des Nunavummiut se chiffre à 18 630 dollars par personne alors que, dans l’ensemble du Canada, la moyenne est de 25 485 dollars par personne. Ce résultat plutôt singulier s’explique si l’on décompose les chiffres de l’année 1999. Le tableau 8 donne la liste des principales rubriques composant le PIB basé sur les dépenses du Nunavut. De toute évidence, au Nunavut, le secteur public (fédéral, territorial et municipal) est un intervenant vital de l’économie basée sur les salaires. En termes réels, les dépenses publiques totales au chapitre des biens, des services et des investissements ont dépassé de 55 p. 100 la demande intérieure globale par rapport à environ 22 p. 100 à l’échelle nationale. Pendant la même L’attribution d’une « valeur » à l’économie de subsistance du Nunavut est aussi importante dans la mesure où celleci contribue largement au patrimoine social du peuple inuit, aspect auquel il est difficile de fixer une « valeur ». Néanmoins, il renforce le capital humain du Nunavut et se Le Conference Board du Canada APERÇU DE L’ÉCONOMIE BASÉE SUR LES SALAIRES DU NUNAVUT 36 période, le gouvernement a employé 4 006 personnes, ce qui représente près de la moitié de l’emploi territorial global. Ce chiffre a atteint 5 290 au cours du premier trimestre de l’exercice 2000-2001. Statistique Canada estime aussi à 185 millions de dollars les salaires et revenus d’emploi versés aux fonctionnaires du Nunavut au cours de l’exercice 1999-2000, ce qui laisse 300 millions de dollars en dépenses nominales pour les biens et services non rémunérés. Cela explique peut-être la dichotomie entre un PIB élevé et, parallèlement, un faible taux de revenu par habitant. Au Nunavut, le gouvernement a consacré la plus grande part de son budget au secteur des produits et services non rémunérés. Cela contribue à gonfler les chiffres du PIB basé sur les dépenses, mais n’a que des répercussions indirectes et intentionnelles sur les niveaux de revenu personnel. et les écoles est devenu de plus en plus onéreux partout au Canada en raison de la prolifération d’outils électroniques tels les ordinateurs de bureau et les réseaux informatiques. D’ailleurs, le Conference Board prévoit que les dépenses non salariales réelles du gouvernement excéderont les dépenses salariales réelles au cours des vingt prochaines années (voir le graphique 5). Soulignons également que les gouvernements provinciaux et territoriaux assument une plus grosse part des dépenses salariales, puisqu’ils sont responsables des salaires du personnel enseignant et hospitalier alors que le gouvernement fédéral doit, lui, maintenir un pourcentage plus élevé de personnel administratif. Néanmoins, une question se pose : « À l’avenir, une fois le gouvernement bien établi, comment dépenserat-il les fonds publics? » On peut supposer que la tendance générale des dépenses au Nunavut se rapprochera de la moyenne nationale où les dépenses actuelles en biens et services sont réparties plus uniformément entre les dépenses salariales et les dépenses non salariales. À moyen terme, cela pourrait se traduire par une augmentation des sommes allouées aux programmes et peut-être même, dans une plus grande mesure, à des projets d’investissement. Les tendances observées actuellement sur le plan des dépenses gouvernementales n’ont rien d’étonnant si l’on se rappelle que le nouveau gouvernement du Nunavut a besoin de s’« outiller » dans tous les secteurs pour bien fonctionner. L’« outillage » des fonctionnaires du gouvernement et des services publics comme les hôpitaux TABLEAU 8 Produit intérieur brut de 1999 en termes de dépenses, aux prix du marché (en millions de dollars) Nominal Réel (prix de 1992) Dépenses personnelles en biens et services de consommation 340 320 Dépenses des administrations publiques courantes en biens et services 527 460 69 74 Construction 49 40 Machinerie et équipement 20 34 127 113 Ouvrages résidentiels 10 9 Ouvrages non résidentiels 75 62 Machinerie et équipement 42 42 Demande intérieure finale 1063 967 Exportations nettes –235 –195 Exportation de biens et services 327 298 Importation de biens et services –562 –493 Divergence statistique –97 –90 Produit national brut aux prix du marché 731 682 Formation brute de capital fixe des administrations publiques Formation brute de capital fixe des entreprises Source : Statistique Canada. 37 La comparaison de la demande intérieure réelle avec la production révèle également un autre aspect particulier à l’économie du Nunavut. En 1999, la demande intérieure réelle s’élevait à 967 millions de dollars alors que le PIB réel était de 682 millions. Ces chiffres indiquent que la population consomme une quantité beaucoup plus grande de biens et de services qu’elle n’en produit, ce qui provoque un déficit commercial de 195 millions de dollars ou de 6 851 dollars par habitant. Ce déficit est possible sans entraîner de ramifications économiques en raison des flux monétaires importants du gouvernement fédéral au Nunavut, sous forme de transferts et de salaires directs. En outre, l’expansion de l’administration publique a favorisé l’essor du secteur local d’approvisionnement en services, la création d’emplois et la circulation monétaire qui faisait largement défaut. Cependant, à plus long terme, on a lieu de s’inquiéter du taux relatif d’augmentation de ces transferts comparativement au taux de croissance démographique. Inévitablement, après l’essor initial, le secteur public va se Le Conference Board du Canada GRAPHIQUE 5 Dépenses publiques au Canada (tous les ordres de gouvernement, en milliards de $ de 1992) Salariales Non salariales 160 140 120 100 80 60 40 20 0 1971 74 77 80 83 86 89 92 95 98 01 04 07 10 13 16 19 Sources : Statistique Canada, Le Conference Board du Canada. stabiliser et, comme l’économie repose dans une très grande mesure sur ce secteur, le rythme de croissance économique général s’en trouvera également freiné. D’autre part, la population continuera de croître, de sorte que la croissance économique par habitant ralentira. Dans certains secteurs de la vente au détail de biens durables, tels les véhicules automobiles, l’ameublement et les appareils ménagers, les commandes par correspondance ainsi que le transport maritime tiennent un rôle de toute première importance. Ajoutons que, bien souvent, les particuliers, ne comptant travailler au Nunavut que pendant quelqués années, gardent actifs leurs comptes et placements du Sud. Encore une fois, ce facteur n’a pas les mêmes implications que dans le cas d’autres régions puisque le gouvernement fédéral compense les déboursements du Nunavut par des paiements de transfert. Cette forme d’aide permet, bien entendu, aux Nunavummiut d’accéder à un plus vaste éventail de biens de consommation, mais est également extrêmement favorable aux entreprises du sud du Canada. On peut également parler du déficit commercial en termes de fuite économique, c’est-à-dire en termes de dollars du Nunavut qui quittent le territoire. Dans une optique nationale, on pourrait dire qu’en règle générale, pour chaque dollar dépensé, 30 cents vont aux importations et quittent donc le pays. Dans le cas d’une province ou d’un territoire, il faut tenir compte des importations intérieures et internationales. Bien que nous ne disposions pas de chiffres exacts dans le cas du Nunavut, il est possible de se faire une idée de la situation à la lumière des valeurs nominales du PIB basé sur les dépenses. Ces chiffres révèlent qu’en 1999, les dépenses d’importation au chapitre des biens et services atteignaient 562 millions de dollars pour une demande intérieure de 1,06 milliard. Avant même de considérer la répartition des importations entre les consommateurs, le secteur public et les biens et services d’investissement, le taux de fuite économique s’élève déjà à 53 cents pour chaque dollar dépensé. Des données seront bientôt disponibles et permettront de déterminer quelle part du taux de consommation global relève de l’importation au Nunavut. Compte tenu du fait que Statistique Canada estime la valeur de la production manufacturière globale du territoire à 2,1 millions de dollars (voir la section 5.3), il est raisonnable de supposer que le taux de fuite économique, en termes de consommation, sera extrêmement élevé. Le Conference Board du Canada Toutefois, la tendance actuelle à l’approvisionnement par catalogue auprès des détaillants du Sud fait obstacle au développement de l’économie locale, plus précisément à l’entreprise de vente au détail privée, et limite sérieusement son potentiel d’impulsion économique. Cette situation est semblable à celle de nombreuses collectivités rurales du Canada qui, autrefois prospères, sont pratiquement devenues des villages fantômes. Le problème tient également au fait que le secteur des services offre à bon nombre de personnes et aux jeunes en particulier des possibilités d’emplois intéressantes et l’occasion d’acquérir une précieuse expérience de travail. Lorsqu’aucun poste de niveau débutant n’est disponible dans une collectivité, il faut prévoir que nombre de jeunes Nunavummiut désireux de participer à l’économie salariale se verront dans l’obligation de rechercher des emplois ailleurs qu’au Nunavut. 38 5.2.1 l’économie basée sur les salaires au Nunavut, où dominent les emplois spécialisés au sein du secteur public. Les jeunes doivent pouvoir bénéficier de la formation nécessaire à l’acquisition des compétences qui leur permettront d’accéder à des postes de fonctionnaires, au niveau administratif ou professionnel. Taux d’emploi D’après l’enquête sur la population active des collectivités du Nunavut, menée par le Nunavummit Kiglisiniartiit (Bureau de la statistique du Nunavut) en 1999, le territoire offrait cette année-là 8 646 emplois en moyenne. Le rapport de dépendance économique du territoire se situait alors à 32 p. 100, c’est-à-dire que 32 Nunavummiut sur 100 détenaient un emploi rattaché à l’économie basée sur les salaires. Ce rapport donne une idée du nombre de personnes à la charge de la population de travailleurs. Il sert fréquemment à déterminer la viabilité des programmes sociaux. Au Canada, ce rapport est de 47,7 p. 100. Dans le cas du Nunavut, il est révélateur du petit nombre d’emplois au sein de l’économie salariale, d’un taux de population active relativement faible et d’une assiette fiscale proportionnellement réduite. 5.3 ANALYSE DU RENDEMENT SECTORIEL DU NUNAVUT EN 1999 (BASÉ SUR LES SALAIRES) Comme on l’a déjà mentionné, l’évaluation des données relatives à l’année 1999 est difficile parce qu’il n’existe pas encore de base de comparaison. Par exemple, la valeur réelle des activités de construction s’est élevée à 60 millions de dollars en 1999, année au cours de laquelle la demande pour des locaux à bureaux, des logements et d’autres installations était à la hausse en raison de l’expansion rapide du secteur gouvernemental. Cette activité accrue a sûrement contribué à une augmentation de la production dans le secteur de la construction par rapport à 1998, mais dans quelle mesure exactement? Question plus importante encore, les chiffres de 1999 reflètent-ils une base d’activité sous-jacente solide? Si l’on excluait tout projet de construction « spécial », comme l’ouverture d’une mine ou une initiative gouvernementale ponctuelle, quelles seraient les retombées durables du secteur de la construction? Par ailleurs, la création du Nunavut comme territoire autonome a suscité beaucoup d’intérêt au Canada, ce qui s’est manifesté par une augmentation de l’activité. Cependant, cet intérêt sera vraisemblablement de courte durée. Lorsque la situation reviendra à la normale, quelle sera la croissance sous-jacente de l’économie? En 1999, le Nunavummit Kiglisiniartiit estimait le taux de chômage au Nunavut, basé sur une population active de 10 904 habitants, à environ 20,7 p. 100. Cette estimation est conforme à la définition nationale du chômage qui n’inclut que les personnes ayant activement cherché un emploi dans le mois précédant le sondage. Cependant, cette définition ne convient pas parfaitement au Nunavut, car souvent les membres des collectivités dont l’économie salariale n’est pas très solide ne recherchent pas d’emplois de manière active puisqu’ils savent que lorsqu’un emploi deviendra disponible, le poste sera affiché au magasin général ou annoncé sur les ondes de la radio communautaire ou les deux. Lorsque la définition « aucune occasion d’emploi » est appliquée et englobe les chômeurs ayant mentionné ne pas avoir activement recherché d’emploi au cours du mois précédent parce qu’ils croyaient qu’il n’y avait effectivement aucune ouverture, le taux de chômage grimpe alors à 27,2 p. 100 pour une population active de 11 886 habitants. Le graphique 6 illustre la répartition des principaux secteurs économiques en pourcentage du PIB réel global. Il est intéressant de noter que certains secteurs clés de l’économie du Nunavut semblent ne contribuer que légèrement au rendement économique du territoire, notamment les secteurs de la pêche et du piégeage ainsi que celui de la fabrication. Comme on l’a souligné auparavant, l’activité économique basée sur les ressources naturelles de la collectivité n’entre pas dans le calcul du PIB, alors qu’elle domine ces secteurs. Aussi est-il essentiel d’inclure les deux types d’économie, celle basée sur les salaires et celle axée sur l’exploitation des ressources, dans toute analyse économique du Nunavut. Le tableau s’assombrit davantage quand on pense à l’écart qui existe au Nunavut entre le taux de chômage chez les Inuit et chez les populations actives d’autres origines. En 1999, selon le critère « aucune occasion d’emploi », le taux de chômage chez les Inuit s’élevait à 35,8 p. 100 par rapport à 3,3 p. 100 dans le reste de la population active du Nunavut. Ajoutons que, chez les Inuit de 15 à 24 ans, le taux de chômage annuel s’élevait à 48,1 p. 100. Ce calcul fait exclusion de ceux qui sont encore aux études ou de ceux qui sont occupés à plein temps aux activités de subsistance et qui ne cherchent pas d’emploi salarié. Les jeunes du Nunavut ont manifestement besoin d’emplois, mais pour en obtenir, ils doivent acquérir les compétences qui assureront leur succès professionnel. Cela nous ramène à la question du capital humain et de la composition de Le tableau 9 renferme des estimations nominales très provisoires du PIB en fonction des salaires ou des marchés, au moyen du système de Classification type des industries de Statistique Canada. Ces estimations sont fondées sur celles qu’a récemment diffusées Statistique Canada pour calculer le PIB par secteur, en dollars constants de 1992. Elles ont 39 Le Conference Board du Canada GRAPHIQUE 6 Aperçu sectoriel de l’économie numéraire du Nunavut pour 1999 (pourcentage du produit intérieur brut réel) Pêche et piégeage commerciaux (0,1 %) Activité minière (18 %) Fabrication (0,3 %) Administration publique (39 %) Construction (9 %) Commerce (7 %) Transport, communications et services publics (4 %) Services commerciaux et personnels (5 %) Finance, assurances et affaires immobilières (18 %) Source : Statistique Canada. ensuite été « indexées » en dollars courants de 1999, et les estimations de Statistique Canada relatives à certains secteurs ont été modifiées en vue d’intégrer d’autres données. essor et offre de bonnes possibilités de formation et d’emploi pour les résidants du Nunavut. En ce qui concerne le flétan noir, le Nunavut détient le droit de pêcher environ 27 p. 100 de ses ressources adjacentes (divisions 0A et 0B de l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord (OPAN)), ce qui équivaut à 1 500 tonnes par an. À partir de 2001, son quota annuel s’élèvera à 4 000 tonnes dans la division 0A de l’OPAN, ce qui augmentera d’environ 47 p. 100 les contingents de flétan noir à ses pêcheurs. Les revenus de vente subséquents devraient s’élever à 8 millions de dollars. L’industrie du flétan noir crée près de 100 emplois saisonniers dans les secteurs de la pêche et de la transformation du poisson, en plus de générer entre 2,1 et 2,4 millions de dollars en salaires aux résidants du Nunavut ainsi qu’entre 1,7 et 2,0 millions de dollars en redevances. Les points suivants examinent les secteurs industriels les plus déterminants dans l’économie du Nunavut. Les données sur le PIB relèvent parfois de plus d’une catégorie dans le cas de certains de ces secteurs. Par exemple, comme on le verra, le secteur touristique peut comprendre des données économiques relevant des catégories du transport, de la construction et du commerce. (Voir l’encadré de la section 5.3.3 pour un autre exemple de la façon dont le secteur de fabrication peut figurer dans plus d’une catégorie industrielle, tout en étant intégré aux économies traditionnelle et contemporaine.) 5.3.1 Chasse, pêche et piégeage En 1998, le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut accordait au territoire un quota de 500 tonnes pour la pêche de la crevette ésope dans la zone autour de l’île Resolution. Le Conseil a prévu des dispositions autorisant la pêche de 500 tonnes supplémentaires à la condition que le quota de crevettes ésopes dans les zones de pêche de crevettes (ZPC) 2, 3 et 4 n’ait pas été atteint. Statistique Canada estime qu’en 1999, l’industrie de la chasse, de la pêche et du piégeage a contribué pour 7,6 millions de dollars au PIB basé sur les salaires. Bien qu’ils ne forment pas un secteur de première importance en termes de dollars, le piégeage, la chasse et la pêche représentent une source de recettes et d’emplois croissante au Nunavut. En 1999, on a permis une pêche exploratoire de la crevette rose dans la ZPC 2, qui a donné au Nunavut l’autorisation de capturer 1 750 tonnes de crevettes roses, ou 50 p. 100 du quota exploratoire, fixé à 3 500 tonnes. De plus, la Qikiqtaaluk Corporation (QC) détient le droit de pêcher Les principales activités commerciales s’appuient sur la pêche du flétan noir, de l’omble et de la crevette. L’industrie de la pêche commerciale en haute mer, notamment axée sur la crevette et le flétan noir, est en plein Le Conference Board du Canada 40 1,5 million de crevettes dans ses eaux adjacentes ou non adjacentes. Les quotas correspondant à ce droit varient entre 2 500 et 3 000 tonnes par année. La valeur marchande d’une telle prise se situe entre 15 millions et 25 millions de dollars, bien que, à l’heure actuelle, toute la production soit débarquée ailleurs qu’au Nunavut et profite donc peu à ses habitants. Actuellement, tous les propriétaires de bateaux utilisés pour la pêche à la crevette sont de l’extérieur. L’investissement important que représente l’achat de bateaux de pêche constitue l’un des principaux obstacles à une plus grande participation locale dans ce secteur. Avec l’augmentation des contingents, peut-être investira-t-on dans l’achat de bateaux et les installations portuaires. Ainsi, on pourrait débarquer et traiter les crevettes au Nunavut, ce qui pourrait déboucher sur des possibilités d’emplois et d’affaires intéressantes. L’industrie de la crevette fournit des emplois saisonniers à environ 50 Inuit de la région du Nunavut, une valeur approximative en salaires de 1,8 à 2,0 millions de dollars. De plus, les redevances provenant de cette industrie sont évaluées entre 1,7 et 2,0 millions de dollars par année. La pêche sur le littoral de l’omble et du flétan noir est relativement peu importante. Elle fournit peu d’emplois, mais offre de grandes possibilités pour élargir et développer à la fois les secteurs de la TABLEAU 9 transformation et de l’exploitation des PIB du Nunavut au coût des facteurs en 1999 ressources. De plus, les pêches en émer(valeurs nominales en millions de dollars) gence, comme celles de l’oursin, de la palourde et du pétoncle, pourraient Économie conventionnelle fournir l’élan dont ont tant besoin les (numéraire) économies locales. Le traitement des produits de la pêche figure à la catéIndustries du piégeage et de la pêche 7,6 gorie « Traitement et transformation des Exploitation minière (y compris broyage), carrières et puits de pétrole 129,9 aliments » du système de classification. Il fait l’objet du point 5.3.3.2. Industries manufacturières* 9,4 Construction Secteur des biens 65,1 212 (total partiel) Industries du transport et de l’entreposage 21,3 Industries des communications et autres services publics 25,6 Vente au détail et vente de gros 47,2 Industries des finances et des assurances 127,6 Industries des services aux entreprises Industries des services gouvernementaux 12,2 141,7 Administration fédérale 16,2 Administration du Nunavut 67,5 Administrations locales 57,9 Industries des services d’enseignement et des services connexes 78,3 Services de soins de santé et sociaux 63,6 Services d’hébergement et de restauration 14,6 Autres industries de services Secteur des services Produit intérieur brut au coût des facteurs 9,9 542 (total partiel) 754 *Les industries manufacturières comprennent la transformation des aliments, les industries artisanales et d’autres activités manufacturières. Nota : Les chiffres donnés ici ne correspondent pas à ceux du diagramme 5, car ils tiennent compte d’information que Statistique Canada n’a pas déclarée actuellement et parce qu’ils ont été convertis en termes nominaux. Sources : Statistique Canada, Gouvernement du Nunavut. 41 La plus importante région de chasse commerciale au caribou au Nunavut se situe à Coral Harbour, sur l’île de Southhampton, dans la baie d’Hudson. Quelque 2 200 caribous ont été capturés pendant la saison 2000 et la société Keewatin Meat and Fish, à Rankin Inlet, a assuré le traitement des viandes. Cette chasse autorisée par le gouvernement fédéral a permis l’embauche d’environ 40 résidants de Coral Harbour. Le bœuf musqué est chassé et traité dans un abattoir installé temporairement près de Cambridge Bay, et la viande obtenue est ensuite transportée à l’usine de Kitikmeot Food pour y être davantage transformée. Ces activités liées à la chasse du bœuf musqué ont créé environ 32 emplois et injecté jusqu’à 160 000 $ dans l’économie locale. Les coûts de transport et de transformation élevés, l’incertitude quant à la stabilité des ressources disponibles et les problèmes d’ordre météorologique empêchent une exploitation plus Le Conference Board du Canada poussée des ressources fauniques du Nunavut. Ainsi, le marché des peaux de phoque est en déclin depuis quelques années. En 1999, en vertu de son programme des fourrures, le gouvernement a acheté puis vendu aux enchères environ 7 000 peaux de phoque, ce qui lui a permis de verser aux chasseurs une somme fixe de 30 $ par peau de phoque. La valeur du commerce de la peau de phoque s’élève à plus de 300 000 $. En 2000, le gouvernement du Nunavut a lancé un programme vigoureux visant à promouvoir l’utilisation et le port de peaux de phoque. la mine Polaris fermera probablement ses portes en juillet 2001. On prévoit que la mine Lupin, rouverte en l’an 2000, poursuivra ses activités jusqu’en 2004. 5.3.2 Si les autorisations sont accordées en temps opportun, la Tahera Corporation compte entreprendre la construction de la mine en 2001 et commencer à l’exploiter au début de 2002. Les dépenses en capital imputables à l’ouverture d’une mine sont évaluées à 40 millions de dollars. Bien que les mines du Nunavut réduisent progressivement leur production, certains projets prometteurs sont à l’étape de la prospection et de la mise en valeur. La société torontoise Tahera Corporation a entrepris une étude de faisabilité en vue de la prospection de diamants à la pipe kimberlitique de Jericho, au Nunavut. Industrie minière En 1999, l’industrie minière du Nunavut a apporté 129,9 millions de dollars au PIB. Cette contribution résulte de deux activités directes : l’exploration et l’extraction de minéraux. L’exploitation minière entraîne une multitude d’avantages connexes. Par exemple, elle stimule les activités de construction, de transport et d’entreposage ainsi que la demande de services commerciaux. En vertu du système de Classification type des industries, toute activité d’exploration menée par l’entreprise privée figure à la catégorie « Services annexes aux industries extractives ». Parmi les activités de cette catégorie figurent la cueillette d’information sur les gîtes minéraux (cartographie aérienne et prélèvement d’échantillons) et les travaux effectués sur les lieux, comme le forage. Les secteurs public et privé investissent des millions de dollars sur plusieurs années afin de recueillir des données sur les dépôts de minéraux avant l’établissement de tout site d’exploitation minière. Ces activités sont garantes d’emplois pour de nombreux habitants de la région et contribuent donc directement à l’économie du territoire. Il est à noter que les activités relevant du gouvernement entrent dans la catégorie « Administration publique ». Le Congrès minier mondial (CMM), responsable de la gestion et principal partenaire, a mené une étude préliminaire de faisabilité sur le projet Westmeg (autrefois désigné le projet de Meliadine), situé près de Rankin Inlet. Ce site contiendrait 4,9 millions d’onces d’or. Comme le roc est près de la surface, les travaux d’exploitation pourraient être effectués à ciel ouvert. Les coûts d’établissement du projet sont évalués entre 250 et 300 millions de dollars, et on prévoit que 300 emplois seraient créés, dont 100 seraient destinés à des résidants de la région. L’exploitation de cette mine entraînerait l’essor du secteur de la construction à Rankin Inlet et nécessiterait des investissements considérables dans l’infrastructure pour améliorer l’aire portuaire et les installations de transport et d’entreposage, et construire de nouveaux logements. Cependant, ce projet est actuellement au point mort, car la chute du prix de l’or nuit à sa rentabilité financière. Les projets de Meadowbank et de Hope Bay, qui contiennent des gisements d’or, suscitent aussi de l’espoir. Meadowbank, situé à 70 kilomètres au nord du lac Baker, appartient à Cumberland Resources. Ce site compte une réserve de 2,1 millions d’onces. Le projet de Hope Bay, fruit d’un partenariat entre Miramar et Cambiex, est situé près de Bathurst Inlet et ses ressources sont évaluées à 4,3 millions d’onces. L’extraction de minéraux est le principal facteur d’accroissement de la valeur du PIB au calcul de la production minière réelle. Le Nunavut compte actuellement trois mines en exploitation. Les mines de métaux communs Polaris et Nanisivik sont situées dans l’est de l’Arctique, alors que la mine d’or Lupin se trouve dans l’ouest, presque à la frontière des T.N.-O. En raison de l’augmentation réelle et prévue des réserves de minerais, les perspectives de la mine de métaux communs de Nanisivik, située au nord de l’île de Baffin, se sont améliorées et, si le rythme actuel de production se maintient, la mine pourrait demeurer en exploitation pendant encore cinq ans. En 1999, Nanisivik affichait un revenu brut de 84,8 millions de dollars. Au cours de cette même période, la mine Polaris située sur la Petite Île Cornwallis produisait 245 000 tonnes de zinc et 57 000 tonnes de concentré de plomb. Cependant, en raison de ses faibles réserves, Le Conference Board du Canada Izok Lake, à l’ouest de la mine de Lupin, renferme d’importants gisements plombo-zincifères, mais son exploitation ne peut commencer avant qu’on y construise des routes et un port. Les principaux obstacles à l’industrie minière au Nunavut sont liés aux quatre formes de capital dont il était question au chapitre 4 : le manque d’infrastructures de surface; les coûts de transport élevés et l’éloignement entre les ressources et les marchés; la rareté de la main-d’œuvre 42 secteur minier devraient se traduire par des recettes accrues au profit du Nunavut. spécialisée et l’information parsemée relativement au potentiel des minéraux et des autres ressources; une réglementation stricte, susceptible de chevauchements avec d’autres exigences. Les installations portuaires dans la baie du Couronnement favoriseraient énormément le développement du potentiel minéral dans la région de Kitikmeot. 5.3.3 Industrie manufacturière Au Nunavut, le secteur de la fabrication commerciale étant particulièrement sous-développé, la plupart des biens sont importés du sud du Canada. On évalue à 9,4 millions de dollars l’apport du secteur manufacturier au PIB du Nunavut, en 1999. Comme l’illustre le chapitre 4, les accords de participation ou les « ententes sur les avantages » qui lient les organismes bénéficiaires inuits et l’industrie minière sur des projets spécifiques sont le principal moyen utilisé pour veiller à ce que les collectivités locales profitent des retombées de l’exploitation minière. Ces ententes prévoient habituellement des niveaux d’embauche minimaux et favorisent la participation locale dans les entreprises de biens et de services plutôt que dans les sociétés minières. Bien que, en raison des coûts de fabrication élevés, d’une infrastructure de base restreinte et de la petite taille des marchés locaux, il soit invraisemblable que le Nunavut réussisse à développer une assise manufacturière diversifiée et solide, ce secteur pourrait jouer un rôle plus important dans la fabrication de produits spécialisés pour lesquels le Nunavut détient un avantage sur ses concurrents. Par exemple, le Nunavut possède une importante industrie manufacturière traditionnelle axée sur les arts et l’artisanat ainsi que la transformation des aliments. Ces deux domaines font l’objet des points suivants. Un exemple en ce sens est la signature, à Kugluktuk, d’une lettre d’intention de Diavik visant à établir un contrat de 235 millions de dollars avec Lac De Gras Constructors pour la construction d’un barrage à la mine de diamants de Diavik, dans les T.N.-O. Lac de Gras Constructors est une entreprise conjointe des sociétés Peter Kiewitt & Sons Ltd., à 75 p. 100, et Nuna Logistics, à 25 p. 100. La Kitikmeot Corporation, de l’ouest du Nunavut, et la Société de développement économique du Nunavut, la Nunasi, détiennent 51 p. 100 des parts de Nuna Logistics. 5.3.3.1 Industrie des arts et de l’artisanat L’industrie de l’artisanat, ou « l’économie des arts », englobe de nombreuses activités, non seulement la production artisanale traditionnelle, comme la sculpture, mais aussi la mode et le cinéma. Il est plutôt difficile d’évaluer la taille de cette industrie au moyen du système de classification de Statistique Canada en raison de la grande diversité des activités qui la composent. Une sculpture, par exemple, s’inscrirait dans la catégorie « Fabrication », alors qu’une production cinématographique pourrait correspondre à plusieurs catégories, y compris celle des « Services d’affaires ». Chose certaine, l’industrie de l’artisanat regorge de possibilités. Le secteur minier est actuellement le plus important pour la création de richesses au Nunavut. De plus, comme la plupart des nouveaux projets prévoient un service de navette aérienne pour leurs employés, ce secteur est parmi les plus prometteurs pour la création d’emplois et la stimulation commerciale de nombreuses collectivités locales. Le service de navette permet aux employés de demeurer dans leur collectivité au Nunavut pour se rendre à la mine, ce qui évite la construction d’une ville minière laissée à l’abandon dès la fin de la période d’exploitation. Grâce aux accords de participation, on s’attend à ce qu’une plus grande part des retombées économiques des activités minières profitent au Nunavut. La production artisanale complète à merveille l’exploitation des ressources fauniques, et ce, de deux manières. D’abord, ce secteur fait usage des produits de la pêche et de la chasse en tant que matières premières. Ensuite, les recettes de la vente de la production artisanale aident à financer les activités d’exploitation (par exemple, achat de l’essence pour les motoneiges ou des munitions). Les progrès de l’industrie minière pourraient aussi contribuer à accroître le niveau de redevances liées aux ressources du Nunavut et, par le fait même, à augmenter les revenus des bénéficiaires inuits (bien qu’une faible part des redevances soient versées aux organisations représentant les Inuit, la plupart étant payées au gouvernement fédéral). On s’attend à ce que le Nunavut finisse par avoir droit à une plus grande proportion des redevances liées à l’exploitation des ressources. Cette possibilité et l’essor du La vente de produits de fabrication artisanale rapporte un revenu important aux Nunavummiut, bien que, pour la plupart d’entre eux, il s’agisse d’un revenu d’appoint plutôt que d’un emploi à plein temps. Les objets de fabrication artisanale sont généralement produits à domicile et introduits sur le marché par l’un des principaux grossistes du Nunavut, à moins d’être directement vendus 43 Le Conference Board du Canada Les occasions de vendre des produits d’art et d’artisanat sont fréquentes, que ce soit auprès des visiteurs en affaires ou en vacances, des touristes en croisière ou de grossistes, qui veilleront à les distribuer chez des commerçants du Sud. Il existe actuellement quelques centres et lieux d’exposition où les visiteurs peuvent admirer les produits artisanaux et en savoir plus sur la culture inuite. au consommateur. Le commerce électronique offre la possibilité de transactions directes avec les marchés du Sud, tant pour les artisans et artistes que pour les grossistes. Dans le cadre de l’Enquête de 1999 sur la population active du Nunavut, 27 p. 100 des répondants ont mentionné qu’ils avaient collaboré à la fabrication de produits artisanaux nordiques. Le secteur de l’artisanat semble ouvrir une porte inattendue à la participation économique : environ 70 p. 100 des artistes et artisans n’ont pas terminé leurs études secondaires et près de 60 p. 100 d’entre eux sont des femmes. Une commercialisation insuffisante, le manque de points et de systèmes de distribution et le besoin d’encaissements pour financer la production sont autant d’obstacles à la croissance de l’industrie des arts et de l’artisanat. Le Nunavut compte plusieurs entreprises importantes spécialisées dans la vente et le marketing de l’art inuit : Dorset Fine Arts, la Société de développement du Nunavut, les Producteurs de l’Arctique canadien (PAC) – grossiste pour le compte d’Arctic Co-operatives Ltd., Arts Induvik et l’Inuit Art Marketing Service, géré par la Compagnie du Nord-Ouest, propriétaire de la chaîne Northern Stores, qui appartenait autrefois à la Compagnie de la Baie d’Hudson. La production artistique et artisanale est achetée auprès des coopératives locales et mise en marché par des entreprises du Sud. La Compagnie du Nord-Ouest se procure des œuvres d’art et d’artisanat dans ses magasins locaux et les expédie dans un entrepôt de Toronto, d’où elles sont distribuées aux détaillants du Sud. 5.3.3.2 Industrie du traitement et de la transformation des aliments Le gouvernement du Nunavut souhaite l’épanouissement du secteur de la sculpture. En 1998, il a tenu une rencontre à Cape Dorset en vue de discuter des perspectives de la sculpture sur pierre inuite. Quinze recommandations ont alors été formulées pour favoriser la croissance de ce secteur. Classification des activités d’un sculpteur de pierre de savon En 1999, l’apport économique de l’industrie du traitement et de la transformation des aliments au PIB du Nunavut s’élevait à 7,4 millions de dollars. Ce secteur compte des usines de traitement spécialisées dans la commercialisation de viandes transformées localement. Bon nombre d’entre elles appartiennent à la Société de développement du Nunavut. Pangnirtung Fisheries Limited est la plus importante usine de traitement et de transformation des aliments au La classification d’une activité de fabrication peut être ardue lorsque l’on doit déterminer à quel secteur industriel et à quel type d’économie (monétaire ou de subsistance) cette activité appartient. Prenons, par exemple, le cas d’un sculpteur de pierre de savon. L’activité minière, le troc ou le déboursement monétaire en vue de l’obtention de la pierre à sculpter font partie de l’économie de subsistance et en tant que tels ne sont vraisemblablement pas consignés dans les catégories de données types de Statistique Canada. Le prix de vente, quant à lui, reflète en principe la valeur du temps, de l’effort, des compétences et d’autres intangibles (réputation artistique, valeur accrue des premières œuvres, etc. ) consentis à la production de la sculpture. Une fois vendue, la « valeur » ajoutée à la pierre à l’état brut devrait être inscrite, en vertu des normes de Statistique Canada, dans la production du secteur manufacturier. Cependant, si la vente de la sculpture n’est pas enregistrée, elle fait partie de l’économie de subsistance. Si, en revanche, la sculpture est achetée par un détaillant ou un grossiste, la marge de profit s’inscrit dans l’économie numéraire au chapitre du commerce de détail ou de gros. Il va sans dire qu’en l’absence de comptabilisation précise des activités, celles-ci ne peuvent figurer dans les statistiques officielles, ce qui complique la mesure de l’importance qu’elles ont sur le plan économique. La mode inuite est un autre secteur de l’industrie des arts et de l’artisanat qui suscite un intérêt croissant. Lorsqu’on l’utilise localement pour la haute couture, la peau animale gagne beaucoup en valeur. Quelques entreprises du Nunavut ont réussi à se tailler une place sur le marché des créations de mode. De plus, plusieurs petites entreprises répondent à la demande croissante de vêtements fabriqués avec des modèles et des tissus inuits traditionnels. La production cinématographique est perçue comme un secteur en émergence et très promtteur de l’économie des arts. Des entreprises locales y œuvrent déjà (p. ex., Isuma Igloolik Production Inc.). De plus, on a nommé un commissaire chargé de promouvoir l’industrie du cinéma du Nunavut. L’industrie du cinéma emploierait en tout temps une centaine de personnes au Nunavut13. L’appui d’organismes du milieu cinématographique (p. ex., Téléfilm) compense pour le financement gouvernemental limité (300 000 $). Le Conference Board du Canada 44 techniques de la main-d’œuvre locale. La NCC a tenté de promouvoir le recrutement de personnel local en offrant des possibilités de formation à l’intention des résidants de la région. Toutefois, un autre obstacle aussi difficile s’est imposé : le fonctionnement même de l’industrie de la construction au Nunavut. Le travail est généralement effectué en été et comporte des semaines de travail de 60 heures ou plus, ce qui ne laisse aucune place aux activités traditionnelles habituellement exercées durant la saison estivale. Nunavut. En 2000, cette usine a procédé au traitement de 306 178 kilogrammes de flétan noir et de 24 000 kilogrammes d’omble – un record. Au cours de cette même période, Pangnirtung Fisheries avait plus de 60 employés saisonniers à son service, dans ses installations portuaires et dans son usine. La société Keewatin Meat and Fish, située à Rankin Inlet, exporte sa production en Californie, en Nouvelle-Angleterre et au Midwest américain, en plus d’en vendre au Canada, de la Colombie-Britannique au Québec. Ses produits se retrouvent généralement dans les grands restaurants. 5.3.5 Kitikmeot Foods, une usine de traitement et de transformation du poisson et des viandes située à Cambridge Bay, tient également un rôle de premier plan dans ce secteur. Elle se spécialise dans le traitement de la viande de bœuf musqué vendue localement et aux restaurants des principaux centres d’affaires du Nunavut, ainsi que dans certaines villes du sud du Canada et des États-Unis. La fourrure du bœuf musqué est transformée en laine douce, le qiviut, en vertu d’un partenariat entre l’Association des chasseurs et trappeurs de Kitikmeot et International Spinners Ltd., société basée à l’Île-du-Prince-Édouard. Kitikmeot Foods transforme également de l’omble, vendu en région ainsi qu’à l’extérieur du Nunavut. Il est intéressant de noter la place restreinte qu’occupent certains secteurs d’ordinaire importants dans l’industrie des services — plus particulièrement le commerce au détail et de gros ainsi que les services aux entreprises et aux particuliers (p. ex., services offerts par des avocats, des ingénieurs, des architectes, etc.). L’apport de ces derniers secteurs à l’économie du Nunavut s’élevait à 44 millions et à 34 millions de dollars réels, respectivement, en 1999. En tant que part du PIB réel et total, ces chiffres sont inférieurs aux pourcentages nationaux, soit 6,6 p. 100 par rapport à 11,1 p. 100 dans le secteur du commerce au détail et de gros et 5,1 p. 100 par rapport à 11,0 p. 100 dans le secteur des services aux entreprises et aux particuliers. De tels chiffres apportent de l’eau au moulin dans le débat concernant la faiblesse des entreprises locales au Nunavut. En l’absence d’une demande réelle pour des services et en raison du grand nombre de résidants qui commandent directement auprès des détaillants du Sud, la petite entreprise n’a pas de clientèle et, donc, aucune raison d’exister. De plus, le tourisme, le transport et les déplacements sont tributaires des conditions climatiques du Nord, ce qui se répercute sur le secteur des services dans la mesure où, durant la saison hivernale, le niveau d’activité est moins important. Les coûts de transport et de production élevés sont un obstacle important à l’essor de ce secteur. Le fait que les produits de la chasse commerciale ne soient pas offerts toute l’année nuit également. 5.3.4 Industries du commerce au détail et de gros et des services aux entreprises Industrie de la construction La contribution de l’industrie de la construction au PIB du Nunavut s’élevait à plus de 65 millions de dollars en 1999. Le principal moteur de cette industrie a été le besoin d’infrastructures par le nouveau gouvernement du Nunavut, combiné avec la demande de nouveaux logements imputable à l’accroissement de la population. Depuis la création du Nunavut, on a construit une assemblée législative, des édifices à bureaux ainsi que des logements de fonction pour répondre aux besoins du personnel du gouvernement. Comme l’indique le chapitre 4, la Nunavut Construction Corporation (NCC) vient d’achever un projet d’infrastructure d’une valeur de 130 millions de dollars pour le compte du gouvernement fédéral. Le secteur des services aux entreprises, bien que sousdéveloppé, est appelé à prendre de l’expansion en raison de la demande croissante de biens et de services consécutive à l’établissement du gouvernement du Nunavut. La société Arctic Co-operatives Ltd. et la Compagnie du NordOuest sont les deux plus grands détaillants au Nunavut. 5.3.6 Industrie de l’assurance et des finances Les banques, les sociétés de placements, les compagnies d’assurance et les sociétés et agents immobiliers font partie de l’industrie de l’assurance et des finances. En 1999, l’apport de cette industrie au PIB nominal du Nunavut était de 127,6 millions de dollars. Cette industrie Les obstacles à la participation des résidants locaux à l’industrie de la construction découlent en grande partie de problèmes liés au développement du capital humain du Nunavut, notamment le faible niveau de scolarisation et de formation spécialisée ainsi que le manque de compétences 45 Le Conference Board du Canada l’exercice 2000-2001 et, estime-t-on, 563 millions de dollars durant l’exercice 2001-2002, constitue la plus importante source fédérale de recettes. Ce fonds a pour objet de combler l’écart entre les dépenses nécessaires du territoire et les recettes qu’il s’attend à tirer. souffre du manque de services bancaires dans les collectivités peu peuplées du Nunavut, lequel nuit au développement de la petite entreprise. La taille relativement importante du secteur de l’assurance, de l’immobilier et des finances en étonne plusieurs. Il n’est pourtant pas rare de constater un tel état de choses dans les économies transitoires. Ce secteur compte toutes les activités se rattachant à l’achat et à la vente de biens, aux transactions bancaires ainsi qu’aux salaires et traitements des employés au service de cette industrie. À l’échelle nationale, le secteur des finances, de l’immobilier et de l’assurance représente environ 14 p. 100 du PIB canadien. Ces chiffres sont toutefois plus élevés dans les régions où l’activité économique (y compris les migrations) est supérieure à la moyenne nationale. Au Nunavut, l’effervescence économique et le boum démographique imputable aux migrations ont fait monter en flèche le taux de croissance de ce secteur à un niveau bien supérieur à la norme canadienne. Il se peut que cette tendance ralentisse avec les années et se stabilise pour rejoindre la moyenne nationale. 5.3.7 Les subventions fédérales fournissent des fonds au gouvernement du Nunavut pour lui permettre d’offrir un éventail de services publics comparable à celui des gouvernements provinciaux. La forte proportion des subventions par rapport aux recettes totales s’explique par le fait que le territoire dispose d’une faible base de revenu et doit engager des frais élevés pour fournir des services gouvernementaux à un grand nombre de collectivités très petites, réparties partout dans le Nord. Parmi les problèmes que soulève la formule de financement préétabli figure le fait que le gouvernement du Nunavut ne peut retenir qu’une faible part des nouvelles recettes. Autrement dit, si le gouvernement du Nunavut tire de nouvelles recettes fiscales grâce à une augmentation de l’activité économique, il en perdra presque toute la valeur en voyant sa part de subventions diminuer. On a récemment modifié cette méthode de financement pour intégrer des mesures de stimulation financière visant à promouvoir l’activité économique et à encourager une plus grande autonomie territoriale. Ainsi, la formule prévoit désormais un octroi supplémentaire de 20 p. 100 lorsque le Nunavut parviendra à augmenter ses recettes grâce à l’expansion économique. Industrie des services gouvernementaux et connexes L’industrie des services gouvernementaux (y compris l’administration publique, l’éducation et la santé ainsi que les services sociaux) est celle qui contribue le plus au PIB du Nunavut. On estime que la contribution du secteur gouvernemental au PIB du Nunavut s’élevait à 141,7 millions de dollars en 1999 (à l’exclusion des systèmes d’éducation, de santé et de services sociaux). L’apport du gouvernement au PIB comprend les revenus du travail et l’amortissement des immobilisations. Un autre sujet de préoccupation concerne le fait que, contrairement aux gouvernements provinciaux, les gouvernements territoriaux ne tirent aucune recette de l’exploitation des ressources. Cette situation pose un problème dans la mesure où les gouvernements territoriaux doivent souvent engager des dépenses supplémentaires (p. ex., assurer l’infrastructure nécessaire et la prestation d’autres services gouvernementaux) pour lancer de nouveaux projets économiques, sans pour autant tirer beaucoup de nouvelles recettes fiscales. Cette équation risque d’entraver le développement économique. Le gouvernement fédéral a apporté 16,2 millions au PIB du Nunavut en 1999, alors que la contribution du gouvernement du Nunavut s’élevait à 67,5 millions. Les revenus des gouvernements locaux ainsi que des secteurs de l’éducation, de la santé et des services sociaux proviennent presque entièrement des coffres du gouvernement du Nunavut. En 1999, les gouvernements locaux ont apporté 57,9 millions de dollars au PIB du territoire, le secteur de l’éducation, 78,3 millions, et le secteur des services sociaux et de la santé, 63,6 millions. Le gouvernement du Nunavut a de grands défis à relever, notamment trouver les recettes nécessaires au financement des investissements. La création de richesses essentielles à la prospérité future de l’économie entière du territoire en dépend. Bien qu’il soit peut-être nécessaire de revoir les priorités en matière de dépenses, Le Conference Board du Canada croit peu vraisemblable que cet exercice permette de dégager des fonds suffisants. Aussi, de court à moyen terme, il faut garantir la perception de recettes supplémentaires (p. ex., d’autres octrois Plus de 91 p. 100 des recettes du gouvernement du Nunavut viennent directement du gouvernement fédéral. Ses recettes autonomes, dont l’impôt sur le revenu, les charges sociales et les autres impôts à la source, génèrent 9 p. 100. La formule de financement préétabli, qui prévoit l’octroi de 529 millions de dollars durant Le Conference Board du Canada 46 On trouve au Nunavut quelques parcs nationaux et territoriaux. Comme nous l’avons déjà mentionné, trois nouveaux parcs nationaux ont été établis dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Près de 39 p. 100 des touristes déclarent avoir visité un parc national ou territorial lors de leur séjour au Nunavut. Selon une étude menée en 1994, les visiteurs des parcs ont tendance à séjourner plus longtemps au Nunavut et à y dépenser plus d’argent15. Cependant, très peu de parcs sont dotés d’abris ou d’installations à l’intention des visiteurs. fédéraux ou de nouvelles sources de recettes). Quoi qu’il en soit, l’incapacité de répondre aux besoins du territoire en matière de capital humain et de capital physique pourrait mettre en jeu l’avenir du Nunavut et contredire les perspectives économiques présentées dans ce rapport. 5.3.8 Industries du tourisme Le « tourisme » ne représente pas une seule industrie selon le système de classification de Statistique Canada, mais un secteur d’activité qui récolte une part des extrants d’autres industries desservant tant les touristes que la population locale. La définition de l’industrie du tourisme, telle que formulée par Statistique Canada, inclut une partie des activités de l’industrie de l’hébergement, des aliments et des boissons, du transport et d’un certain nombre d’autres industries. En fonction de cette définition, l’apport de l’industrie du tourisme au PIB de 1999 s’élevait à 35,7 millions de dollars ou à 4,8 p. 100 du PIB du marché global du Nunavut. Si la chasse et la pêche sportives tiennent toujours une place importante dans l’industrie du tourisme, d’autres types d’activités sont en plein essor au Nunavut. Mentionnons, entre autres, le tourisme d’aventure (canotage et kayak, randonnée pédestre, etc.), les voyages culturels, les loisirs en milieu naturel (écotourisme), le tourisme éducatif ainsi que d’autres activités spécialisées. Le secteur des croisières touristiques connaît actuellement une grande popularité. Des paquebots de croisière jettent actuellement l’ancre à Pond Inlet, à Cape Dorset, à Kimmirut, à Pangnirtung et dans quelques autres collectivités du Nunavut. Les passagers de ces paquebots dépensent approximativement 5 000 $ dans chaque collectivité en produits d’art et d’artisanat, en nourriture et en activités d’interprétation. Le nombre de croisières augmentera probablement, parallèlement à une hausse de la demande pour les produits touristiques, comme des visites guidées des villages, des spectacles culturels et des créations artisanales. Le tourisme est une activité propice à la création de richesses, et les dépenses des visiteurs du Nunavut ont les mêmes retombées économiques que l’exportation de biens et de services. Il crée des richesses parce que les dépenses des touristes génèrent des revenus au profit des entreprises comme des résidants du Nunavut. Ses répercussions économiques sont comparables à celles de l’exportation, car il s’ensuit de nouvelles dépenses (par des visiteurs) dans le territoire. Le tourisme est donc une activité économique très importante au Nunavut et pourrait contribuer davantage à l’essor du territoire et à la création d’emplois pour les Nunavummiut, au sein même de leurs collectivités. À l’instar du secteur minier, les obstacles à l’essor de l’industrie touristique proviennent des lacunes des quatre formes de capital : un investissement insuffisant dans l’infrastructure des parcs et des autres installations touristiques; les frais de transport relativement élevés que doivent engager les voyageurs vers le Nord; l’absence de mesures promotionnelles pour inciter les gens du Sud à voir les attraits uniques du Nord; le manque de formation dans le secteur de l’hôtellerie; l’absence de bons réseaux pour relier les agences et fournir aux exploitants de l’information précieuse sur les tendances et les pratiques en matière de tourisme. On estime que plus de 18 000 personnes ont visité le Nunavut en 1999, pour y dépenser plus de 30 millions de dollars. En outre, depuis quelques années, le nombre de gens d’affaires de passage au Nunavut a considérablement augmenté. En 1999, près des trois quarts de tous les visiteurs étaient des gens d’affaires. Le Nunavut compte plus de 123 entreprises touristiques et 500 employés dans le secteur du tourisme et des parcs. 47 Le Conference Board du Canada 1 Peter D. Elias, « Models of Aboriginal Communities in Canada’s North », International Journal of Social Economics, 1997, vol. 24, no 11, p. 1241-1255. 10 Pour vraiment permettre la comparaison entre les PIB, il faudrait estimer les coûts de production et les soustraire pour obtenir une valeur nette. 2 Commission royale sur les peuples autochtones, op. cit., vol. 4, chapitre 7, p. 256. 11 Comme nous le verrons à la section 7.2.2, certaines activités rémunérées du domaine des pêcheries ne figurent pas dans les données consignées par Statistique Canada pour le Nunavut, de sorte que cette industrie paraît moins importante par rapport au reste de l’économie territoriale qu’elle ne l’est en réalité. 3 Commission royale sur les peuples autochtones, op. cit., chapitre 5, p. 875. 4 Hicks et White, op. cit., p. 38. 12 Fred Weihs et Sam Pitsiulak, The Meeting to Discuss the Future of Inuit Stone Carving in Nunavut, du 19 au 21 octobre 1998, Cape Dorset, Nunavut. 5 Larry Simpson, The Subsistence Economy, Nunavut 1999, www.nunavut.com/nunavut 99/english/subsistence.html. 13 Denise Rideout, « Nunavut Filmmakers Plea For Recognition, Support », Nunatsiaq News, le 23 mars 2001, Iqaluit. 6 Le déplacement et le réétablissement des collectivités imposé par le gouvernement du Canada pendant les années 50 a entraîné le regroupement d’un grand nombre de chasseurs en des endroits éloignés des terres propices à la chasse. Cela a eu pour effet d’épuiser les réserves des régions situées près des collectivités nouvellement formées et de créer une dépendance à l’égard des moyens de transport motorisés (nécessaires pour accéder aux régions plus éloignées). George Wenzel, « Inuit Sealing Subsistence Managing After the EU Sealskin Ban », op. cit., p. 130-142. 14 Il n’est pas facile de mesurer l’apport, sous forme de valeur ajoutée, des activités de traitement et de transformation des aliments au PIB. Par exemple, la prise du poisson, comme telle, s’inscrit dans le secteur de la pêche alors que le dépeçage en filets est consigné dans le secteur du traitement et de la transformation des aliments et que les activités de distribution se répartissent entre les catégories « entreposage », « transport » et « vente en gros ». En l’absence de comptabilisation précise, il est pratiquement impossible de suivre ces activités séparément. Entre autres, on peut déterminer la valeur du produit de consommation finale et essayer ensuite de départager cette valeur par secteur, en s’inspirant du modèle de l’économie numéraire. 7 Le manque de temps et la difficulté posée par l’entretien des habiletés et des compétences de chasse limitent inévitablement les possibilités d’exploitation des ressources (p. ex. la chasse au phoque et à la baleine exige un niveau de compétence et de connaissance élevé). 8 Heather Myers, op. cit., p. 25-40. 15 Ministère du Tourisme et du Développement économique, Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, Direction de la planification et des ressources humaines, Tourists Visiting Nunavut. A Profile, 1996. 9 Voir les recommandations figurant dans le Système des comptes nationaux des Nations Unies. Le Conference Board du Canada 48 6—Où va le Nunavut? 6.1 LE CONTEXTE PLANÉTAIRE Faits saillants Si l’économie mondiale est en perpétuelle évolution, il semble que le rythme du changement va en s’accélérant. Quelles sont les modifications en cours et en quoi influeront-elles sur l’économie du Nunavut? • Nous vivons dans une économie de plus en plus fondée sur le savoir. Le travailleur du savoir de nos jours doit posséder de bonnes capacités de lecture et d’écriture, ainsi que des habiletés en mathématiques, en vue d’obtenir un poste bien rémunéré. La formation et l’acquisition de connaissances — sur le tas ou dans un établissement d’enseignement — sont perçues comme étant essentielles au succès. Il va sans dire que le phénomène de mondialisation constitue l’un des plus grands changements de l’heure. La mondialisation est ce processus d’intégration croissante des marchés de biens, de services, de capitaux et de main-d’œuvre auquel on assiste à l’échelle mondiale. Ce phénomène a pris un sens concret en 1997, lorsque la crise économique asiatique a fait prendre conscience des liens financiers étroits qui existent entre les marchés du monde entier. Au Canada, les accords commerciaux avec les États-Unis et les tribunes multilatérales ont donné tout un élan aux échanges et aux investissements. Ces accords sont toutefois la cause de pertes d’emplois dans quelques secteurs, car certaines entreprises ne sont plus capables de soutenir la concurrence. L’économie du Nunavut n’est pas du tout isolée, ce qui laisse présager à la fois des menaces et des possibilités de croissance au cours des années à venir. • Les principaux transferts fédéraux consentis au Nunavut augmenteront de 5,19 p. 100 en moyenne au cours des cinq prochaines années. Cette augmentation est, de loin, supérieure au taux de croissance démographique, ce qui signifie que les transferts par habitant s’élèveront à plus de 24 000 $. • On s’attend à ce que le taux de croissance démographique du Nunavut, en données composées annuellement, augmente en moyenne de 2,32 p. 100 au cours des vingt prochaines années. Ainsi, le nombre d’habitants passera de 27 002, en 1999, à 43 834 d’ici à 2020. • Le Nunavut peut s’attendre à une hausse de l’activité économique traditionnelle, notamment dans le secteur des arts et de l’artisanat. Les autres pratiques traditionnelles, telles la chasse et la pêche, augmenteront en popularité au moins aussi rapidement que le taux de croissance démographique, mais tout dépendra de la capacité de tolérance du caribou, du morse et des autres ressources fauniques du Nunavut. L’ère de l’informatique a aussi eu des répercussions importantes sur l’économie du monde entier. Nous vivons dans une économie de plus en plus fondée sur le savoir. Il n’y a pas si longtemps, celui qui abandonnait ses études secondaires pouvait trouver un bon emploi dans le secteur des métiers, mais cette époque tire à sa fin. Le travailleur du savoir de nos jours doit posséder de bonnes capacités de lecture et d’écriture, ainsi que des habiletés en mathématiques, en vue d’obtenir un poste bien rémunéré. La formation et l’acquisition de connaissances — sur le tas ou dans un établissement d’enseignement — sont perçues comme étant essentielles au succès. • Le Conference Board prévoit une augmentation du PIB réel de 2,42 p. 100, en données composées annuellement, entre 1999 et 2020. La croissance la plus rapide aura lieu au cours des dix premières années d’existence du territoire en raison de l’effervescence suscitée par la création du Nunavut et de son statut dans la Confédération canadienne. 49 Le Conference Board du Canada La croissance de l’économie du savoir est étroitement liée à l’expansion des technologies de l’information. L’impact des nouvelles technologies de l’information et des communications est absolument stupéfiant, comme en témoigne la progression géométrique d’Internet. Les communications ont révolutionné les méthodes de travail, entre autres par le télétravail, les téléconférences et bien d’autres activités que nous tenons désormais pour acquises. Les retombées économiques mondiales des nouvelles technologies sont déjà étonnantes, et la plupart des experts pensent que le rythme du changement n’ira qu’en s’accélérant. pour autant aggraver l’inflation. On s’attend à un ralentissement général du taux de développement technologique par la suite, du fait que le secteur des technologies évolue, parallèlement à un relâchement des investissements ainsi qu’à une baisse du taux de croissance de la maind’œuvre. Aussi, on peut s’attendre à une augmentation du PIB réel total de l’ordre de 2,5 p. 100. La politique monétaire canadienne demeurera vraisemblablement axée sur le maintien de la stabilité des prix. Puisque l’on ne prévoit pas que la production effective dépasse la production potentielle à long terme, le taux d’inflation devrait demeurer à moins de 2 p. 100 au cours des cinq prochaines années, une tendance à laquelle contribuera en partie une légère baisse du coût de l’énergie durant cette période. Au-delà des prévisions à moyen terme, l’indice des prix à la consommation grimpera lentement pour atteindre 2,2 p. 100 vers 2020. Dans l’intervalle, une fois le facteur d’inflation sous contrôle et avec un taux de croissance correspondant à la production potentielle tant au Canada qu’aux États-Unis, on prévoit une baisse graduelle des taux d’intérêt. À court terme, les bons du Trésor représenteront en moyenne 5,03 p. 100 en 2005, une baisse par rapport à la pointe prévue de 5,67 p. 100 en 2002. L’économie mondiale a également entraîné l’essor du secteur des services. Le fait que certaines opérations de fabrication à forte main-d’œuvre soient transférées vers des pays à bas salaires découle du phénomène de mondialisation. L’épuisement des assises manufacturières de nombreux pays industrialisés a eu pour effet de stimuler le secteur des services. Celui-ci compte notamment les services financiers et publics ainsi que l’hôtellerie. Le secteur des services génère jusqu’à trois quarts des emplois dans certaines économies industrielles contemporaines. L’abondance des ressources naturelles au Canada nous a longtemps valu le titre mondial de « bûcherons et porteurs d’eau ». De nos jours, les ressources comptent encore pour près de 40 p. 100 des exportations canadiennes. Aussi, le déclin à long terme des prix des marchandises est l’une des tendances les plus préoccupantes pour le Canada et le Nunavut. Lorsque la crise asiatique a éclaté en 1997, le dollar canadien a chuté de manière inquiétante en raison de l’effondrement mondial du prix des marchandises. Même si les prix augmenteront à nouveau avec la reprise de la demande mondiale, il reste que la tendance à la baisse, qui semble vouloir durer, inquiète quant à l’avenir des économies basées sur les ressources naturelles. 6.2 Aux États-Unis, la constance du secteur technologique continuera d’attirer les capitaux étrangers et de soutenir le dollar américain. Ainsi, malgré un solide excédent du compte courant, des nouvelles de plus en plus favorables sur le plan financier et une légère amélioration du prix des marchandises, on ne prévoit pas que le dollar canadien prenne beaucoup de valeur au cours des cinq prochaines années, s’échangeant à 0,708 $ US en 2005, en moyenne. Ce n’est pas avant 2010, alors que la révolution technologique s’essoufflera et que l’entrée de capitaux aux États-Unis ralentira, que le dollar canadien commencera à connaître une appréciation importante, pour s’établir à 0,768 $ US vers 2020. PERSPECTIVES CANADIENNES1 Les prévisions relatives au gouvernement du Canada, plus particulièrement celles sur les plans de dépenses, intéresseront peut-être davantage les Nunavummiut. Les cinq premières années de la dernière décennie ont été marquées par un repli financier, l’élimination de programmes ainsi que l’augmentation de la dette et du déficit du pays. Après avoir vécu selon ses moyens en s’appuyant sur une économie croissante pendant quelques années, le gouvernement fédéral est maintenant en mesure d’allouer des fonds considérablement plus élevés ainsi que des réductions d’impôt. Parmi les dépenses renouvelées, mentionnons une augmentation des transferts fédéraux aux régions (voir le graphique 7). Depuis la crise économique de 1990-1991, le Canada a connu neuf années consécutives de croissance ininterrompue. Depuis peu, l’économie canadienne est en pleine effervescence, avec une expansion moyenne de 4,2 p. 100 durant la période de 1997 à 2000. À court terme, soit jusqu’à la fin de 2002, on prévoit une croissance relativement importante de près de 3,5 p. 100. Cet essor contribuera à réduire la capacité excédentaire de plus ou moins 4 p. 100 en 1996 à près de zéro en 2000. Les progrès technologiques et la hausse rapide du capital national ont stimulé la croissance de la production potentielle et, par le fait même, augmenté le PIB réel à un rythme moyen de 3,4 p. 100 entre 2000 et 2007, sans Le Conference Board du Canada 50 insuffisantes. Cette impossibilité ne signifie aucunement que ce volet est moins important ou croît plus lentement. En fait, la prospérité future de l’économie du Nunavut repose sur le maintien du mode de vie traditionnel des Inuit. GRAPHIQUE 7 Évolution des transferts fédéraux (variation en pourcentage) 25 20 15 6.3.1 Méthode 10 5 Les prévisions relatives au développement économique sur de longues périodes, comme vingt ans, représentent -5 un exercice tout autre que la détermina-10 tion des perspectives à court et à moyen -15 terme. L’évaluation du niveau de pro1992 93 94 95 96 97 98 99 00 01p 02p 03p 04p 05p 06p 07p 08p 09p 10p duction potentielle d’une économie est Sources : Statistique Canada, Le Conference Board du Canada. habituellement le point de départ de l’établissement de prévisions à long Selon les prévisions fédérales actuelles, le Nunavut se terme. La production potentielle représente la taille maxiverrait allouer des sommes plus élevées dans le cadre du male que peut atteindre une économie sans engendrer de Transfert canadien en matière de santé et de programmes pressions inflationnistes. Autrement dit, il s’agit de la sociaux ainsi qu’en vertu de la formule de financement capacité de production du stock de capital d’une région, préétabli. Au total, pour les exercices 2000-2001 à 2005combinée avec le plein emploi de sa population active 2006, les principaux transferts du fédéral au Nunavut (prévoyant un taux naturel de chômage), à un niveau augmenteront en moyenne de 5,19 p. 100, en données de productivité donné. La productivité se définit comme composées annuellement. Cette hausse des transferts le niveau d’efficacité auquel la main-d’œuvre et l’inest considérablement supérieure à la croissance démovestissement de capitaux concourent à la production graphique, ce qui signifie que la somme transférée par d’extrants. La productivité totale des facteurs (PTF) est habitant s’élèvera à plus de 24 000 $, une augmentation à la fois tributaire des changements touchant la qualité de plus de 2 800 $. de la main-d’œuvre et du stock de capital. Ces facteurs déterminent les tendances sous-jacentes à l’expansion 6.3 PERSPECTIVES DU NUNAVUT économique à long terme. On établit ensuite des prévisions sur la production potentielle en fonction de la Ce rapport avait entre autres pour objet de définir le croissance à long terme de la main-d’œuvre et du stock scénario économique le plus plausible pour le Nunavut de capital, outre des hypothèses sur la PTF. des vingt prochaines années. L’étude effectuée par Le Conference Board du Canada révèle tout autant de possiLa production réelle de l’économie est ensuite évaluée. bilités à saisir que, semble-t-il, d’obstacles à surmonter L’écart entre la production potentielle et la production pour favoriser la croissance du Nunavut. Il était essentiel réelle, soit l’écart de production, permet aux économistes de procéder à l’examen minutieux des nombreux points de déterminer si le rendement d’une économie est supérieur de vue de toutes les parties intéressées. On s’assurait ainsi ou inférieur à sa capacité. À long terme, on s’attend à ce un aperçu complet des prévisions, en tenant compte de qu’une économie finisse par atteindre sa capacité. On dira l’ensemble des éléments économiques, et ce, à toutes les alors qu’elle est dans un état stationnaire. étapes de l’analyse. Dans le cas du Nunavut, le processus de prévision a Les prévisions présentées ci-dessous visent à mesurer débuté par l’évaluation du niveau de croissance prévu de l’économie contemporaine. Elles sont surtout fondées la main-d’œuvre en tant que composante des projections sur l’hypothèse selon laquelle le principal objectif des démographiques fournies par le Bureau de la statistique Nunavummiut est d’améliorer leur niveau de vie dans le du Nunavut (Nunavummit Kiglisiniartiit). Le calcul du cadre de l’économie monétaire et de contribuer au succès stock de capital actuel se base sur le PIB de 1999 pour financier du territoire. Comme on l’expliquera plus tard, il évaluer la production actuelle, les investissements et est impossible de mesurer à la même échelle le volet tradil’emploi. On a dressé la liste des projets d’investissement tionnel de l’économie du Nunavut en raison de données afin d’évaluer la croissance du stock de capital. En ce qui 0 51 Le Conference Board du Canada qui lui confère le plus haut taux de croissance naturelle au pays. Cependant, c’est au Nunavut qu’on trouve la plus courte espérance de vie moyenne au Canada. En ce qui a trait au taux de migration nette, il ressort des entrevues menées par le Conference Board que, si les Inuit se déplacent à l’intérieur du territoire, très peu s’aventurent vers le Sud. Parallèlement, la population habitant au sud du Nunavut n’y demeure généralement que temporairement. Les nouveaux arrivants au Nunavut remplacent souvent des concitoyens regagnant le Sud. Aussi, à part l’immigration récente de gens du Sud subséquente à la création du Nunavut (phénomène qui perdurera quelques années), cette tranche de la population ne contribuera pas à la croissance démographique à long terme. À la lumière de ces hypothèses, on s’attend à ce que la population du Nunavut augmente de 2,32 p. 100, en données composées annuellement, au cours des vingt prochaines années. Le nombre d’habitants passera donc de 27 002 en 1999 à 43 824 d’ici à 2020. concerne la PTF, les prévisions comptaient une augmentation des dépenses dans les secteurs de la santé et de l’éducation, qui devrait faire augmenter la productivité par rapport au niveau affiché en 1999. C’est en conjuguant tous ces facteurs qu’on a pu formuler les prévisions relatives à la croissance sous-jacente de la production réelle du Nunavut durant la période visée. Malheureusement, l’absence de données portant sur des séries chronologiques à partir desquelles sont habituellement établies les tendances sous-jacentes à la croissance de la main-d’œuvre et du stock de capital a compliqué le calcul de la production potentielle. On n’a donc pu évaluer où en était l’économie contemporaine du Nunavut par rapport à sa production potentielle, ni mesurer les pressions inflationnistes actuelles et futures. Finalement, on a évalué les prévisions établies par secteur en tentant de jauger la vraisemblance de l’activité économique basée sur les salaires. Le choix des projets et l’établissement de leur calendrier étaient fondés sur le scénario le plus susceptible de correspondre au développement du territoire. Cette approche n’exclut pas la possibilité que certains projets soient mis en œuvre plus rapidement que d’autres. Par ailleurs, l’exclusion d’un projet n’équivaut pas à un dénigrement, mais signifie plutôt qu’on ne dispose pas actuellement d’assez de données pour l’intégrer aux prévisions. 6.3.2 6.3.3 Le Conference Board du Canada a intégré comme un élément essentiel quelques projets d’ouverture de mines à son étude des perspectives économiques du Nunavut. Malgré les différends qu’ils peuvent soulever en rapport avec l’environnement ou la crainte qu’ils n’entraînent un phénomène d’emballement et d’effondrement particulier aux régions axées sur les ressources naturelles, le Conference Board n’a rien trouvé de suffisamment probant pour indiquer un arrêt des activités d’exploitation minière. Il semble même que l’on ne s’intéresse qu’au choix des nouvelles mines et au moment de leur ouverture. Il va sans dire que l’inclusion des projets miniers dans les prévisions produit un profil de croissance économique marqué par des années d’expansion exceptionnelle à mesure que les sites sont établis et que l’exploitation est lancée, suivies d’années de croissance faible (si ce n’est d’un véritable déclin) lorsque les travaux de construction sont achevés et que les mines sont fermées. Population L’établissement de prévisions à long terme débute avec une évaluation de la croissance démographique. Le Bureau de la statistique du Nunavut, Nunavummit Kiglisiniartiit, a établi les projections démographiques sur lesquelles s’appuie ce rapport. Pour prévoir les tendances démographiques, il faut tenir compte de deux composantes. La première, le taux naturel de croissance, est le produit de la soustraction du nombre de décès au nombre de naissances. Cette donnée est obtenue en évaluant le taux de fécondité (nombre moyen de naissances par femme en âge de procréer) par rapport à l’espérance de vie moyenne d’un nouveau-né. La seconde composante est le taux hypothétique de migration nette, c’est-à-dire la soustraction du nombre de personnes quittant une région au nombre de celles qui y immigrent. Au Nunavut, ce calcul compte les migrations intérieures et internationales. On a déjà souligné que la mine d’or Lupin a repris ses activités à la fin de 1999 et demeurera en exploitation jusqu’en 2004. En réalité, on prévoit que cette mine ainsi que celles de Polaris et de Nanisivik fermeront leurs portes pour de bon vers 2002 et 2005, respectivement. Le taux de croissance économique chutera alors rapidement. Heureusement, le Nunavut connaîtra immédiatement une reprise économique en raison de l’activité minière entreprise ailleurs. La mine de diamants de Jericho, dans la région de Kitikmeot sera la première à entrer en exploitation, soit en 2003. Les gisements d’or de Hope Bay et de Meliadine devraient être mis en production en 2006, alors que le site Comme le soulève le point 4.2, qui porte sur le capital humain, le Nunavut se caractérise par le taux de fécondité le plus élevé et la population la plus jeune au Canada, ce Le Conference Board du Canada Projets d’exploitation minière 52 On n’a pas tenu compte de l’important gisement de minerai d’Izok Lake dans les prévisions puisqu’il n’est pas vraiment garanti que l’infrastructure nécessaire, y compris un réseau de routes toutes saisons et des installations portuaires de haute mer, sera en place à Bathurst Inlet. Dans l’éventualité où ce projet irait de l’avant, les secteurs de la construction et des mines du Nunavut connaîtraient un essor incroyable, qui compenserait largement pour la fermeture des mines mentionnées ci-dessus. de Meadowbank devrait ouvrir vers 2012. L’exploitation de ces quatre mines et les travaux de construction qu’elle entraîne seront les principaux moteurs de croissance économique après le ralentissement de l’expansion gouvernementale (voir le graphique 8). Cependant, selon les rapports préliminaires sur la richesse des sols de ces sites, toutes les mines devraient fermer au cours des cinq dernières années de la période couverte par les prévisions (de 2016 à 2020). Sans nouvelles mises en chantier après 2012, la production économique globale du Nunavut, particulièrement dans le secteur minier, stagnera, pour ensuite chuter dans les dernières années de la période prévisionnelle. Il serait toutefois hâtif de craindre qu’on ne découvre pas de nouveaux gisements minéraux au cours des vingt prochaines années. Les prévisions comportent une hypothèse prudente, soit qu’au moins une nouvelle mine sera mise en chantier au cours des cinq dernières années de la période à l’étude, bien qu’elle n’ait pas encore été découverte. Selon cette hypothèse, le Nunavut éviterait une récession au cours des trois dernières années de la période prévisionnelle. Certains rapports indiquent également que la valeur des réserves pétrolières et gazières du Nunavut pourrait dépasser le seuil du billion de dollars. On estime pouvoir exploiter ces réserves dès 2015. L’énorme mise de fonds nécessaire à la construction d’un pipeline reliant le Nunavut au principal réseau maillé de canalisation de gaz nord-américain empêche toutefois de progresser. En outre, la quantité de réserves pouvant justifier la rentabilité d’un pipeline risque d’exercer un effet choc sur les marchés existants, et ne pas constituer une perspective intéressante pour les producteurs. Il reste que, si les fonds étaient dégagés et que le projet était mis en œuvre, le Nunavut vivrait un boum économique, particulièrement durant la phase de construction. Dans l’état actuel des choses, les nouvelles opérations minières et les activités de construction connexes dont fait mention cette étude entraîneront une croissance moyenne du PIB réel du Nunavut de plus de 110 millions de dollars au cours de chacune des vingt années de la période prévisionnelle3. Le manque de données géoscientifiques empêche de bien prévoir l’activité minière au-delà du moyen terme. Il est difficile de déterminer ce que valent les réserves minérales en l’absence de données fiables2. De plus, les principaux intervenants du secteur minier et le gouvernement ont besoin de ces renseignements pour planifier l’avenir : les premiers s’en servent pour dégager les fonds nécessaires au développement des sites, alors que le second les utilise pour cerner où il pourrait le mieux investir les fonds publics. Aussi, la prévision de l’activité minière au-delà des vingt prochaines années est strictement conjecturale. Une certaine prudence s’impose à l’égard du secteur minier. Celui-ci contribuera à la croissance de la production réelle du Nunavut, mais exercera peu d’incidence sur les Nunavummiut. Au cours des années passées, la plus grande part de la mainGRAPHIQUE 8 d’œuvre provenait du Sud, et les collecLes mines et la construction au Nunavut : moteurs de croissance tivités ne tiraient pas de profits si elles (en millions de dollars de 1992) ne comptaient pas d’actionnaires locaux. De plus, les entreprises d’exploitation Production minière Production de la construction radiaient du bilan une énorme propor250 tion du PIB officiellement déclaré (voir l’encadré « Exploitation minière : ce 200 que les chiffres signifient »). Ainsi, les salaires sont le principal facteur influant 150 sur l’économie contemporaine du Nunavut, même si ce facteur est tribu100 taire du nombre de Nunavummiut employés. En vertu de l’Accord sur les 50 revendications territoriales du Nunavut, 0 l’industrie minière est tenue d’em1999 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 baucher un pourcentage convenu Sources : Statistique Canada, Le Conference Board du Canada. d’Inuit, en vue de leur prodiguer une formation en cours d’emploi qui pourra 53 Le Conference Board du Canada de l’infrastructure et de la vente au détail locale, le capital humain du Nunavut devra acquérir des compétences dans le domaine de l’hôtellerie. Il faudra former des gens d’affaires, du personnel de bureau, des guides et des interprètes pour offrir des services de qualité aux touristes. Une plus grande concurrence entre transporteurs, ou la réduction des tarifs aériens, rendrait la région plus accessible aux voyageurs. Actuellement, bon nombre d’entre eux doivent allouer la plus grande part de leur budget de voyage aux frais de déplacement. leur être utile dans d’autres secteurs ou d’autres sites d’exploitation minière. Le secteur des services devrait également connaître un essor sous l’effet indirect de l’activité minière. Dans ce cas, il sera essentiel de veiller à ce que les Inuit puissent bénéficier de l’acquisition des connaissances et des compétences de base nécessaires pour œuvrer dans l’industrie minière contemporaine. Encore une fois, la question du capital humain comme source de croissance du Nunavut se pose. Si la population locale n’est pas formée et, donc, pas qualifiée pour travailler dans les mines, les avantages de ce type d’activités pour le Nunavut sont négligeables. Dans le pire des scénarios, le manque de main-d’œuvre qualifiée chez les Nunavummiut risquerait de compromettre l’ouverture de mines. 6.3.4 Cela dit, on s’attend à ce que l’industrie du tourisme s’implante au Nunavut. Il est vraisemblable que bon nombre des lacunes mentionnées seront comblées et que, après les minéraux bruts, le tourisme deviendra le secteur d’exportation le plus rentable au Nunavut. Fait plus important encore, ce secteur ouvrira un éventail beaucoup plus large de possibilités d’emploi et calmera la pression économique attribuable au manque de diversification. Le développement de l’industrie du tourisme Les prévisions couvrent quelques dépenses d’infrastructure visant à améliorer le capital physique du Nunavut au cours des dix prochaines années. Ces améliorations sont essentielles pour stimuler la croissance du capital humain du territoire et créer des débouchés dans l’industrie du tourisme. Les activités touchant l’infrastructure comportent la construction de 750 nouvelles habitations, l’amélioration des systèmes de gestion des eaux, des déchets et des eaux usées ainsi que de légères réparations sur les routes municipales. Au cours des dix prochaines années, les travaux municipaux, à l’exclusion des mises en chantier, relèveront d’au moins 4 millions de dollars par année le niveau actuel de dépenses de construction (valeur ajoutée réelle). Ces réparations générales profiteront d’abord aux collectivités du Nunavut, mais, à long terme, auront des retombées avantageuses sur l’industrie du tourisme. En outre, le Conference Board a tenu compte dans ses prévisions de la construction, avant la fin de la décennie, d’un immeuble faisant office de palais des congrès et de centre culturel à Iqaluit à l’intention de la collectivité locale et des visiteurs. On pourra alors construire un nouvel hôtel dans la capitale du Nunavut. 6.3.5 Malgré l’intégration de cinq nouvelles mines à cette étude prévisionnelle couvrant vingt ans et l’augmentation de l’activité dans les secteurs de la construction et de l’hôtellerie, le gouvernement demeurera le plus important employeur au Nunavut et continuera de représenter le plus important secteur d’apport économique. Comme le soulève le chapitre 5, la dépendance envers le secteur public en tant que principal facteur de croissance économique au Nunavut vient surtout des transferts fédéraux. Le budget global du gouvernement du Nunavut pour l’exercice 1999-2000 s’élevait à 619 millions de dollars, dont 574 millions provenaient de transferts fédéraux. Cette formule devrait toutefois tenir le coup à long terme, puisque les fonds fédéraux ne sont pas près de disparaître. Une fois le gouvernement du Nunavut et son administration établis, les dépenses gouvernementales privilégieront certains secteurs, comme la santé et l’éducation. Il est urgent d’accorder une attention particulière à ces deux services publics pour permettre à la population du Nunavut de participer pleinement à l’économie basée sur les salaires. En fait, l’incapacité d’améliorer les conditions de santé et de rehausser les niveaux d’éducation est le principal facteur de risque pouvant compromettre ces prévisions. Conscient de ce facteur de risque, le Conference Board s’attend à ce que le gouvernement axe ses efforts sur ces problèmes au cours des cinq à dix prochaines années. Il s’ensuivra une effervescence durable de l’activité gouvernementale. Les niveaux de croissance de la production gouvernementale réelle ne chuteront probablement pas avant 2010. Actuellement, l’industrie hôtelière bénéficie des efforts du gouvernement fédéral pour inscrire le Nunavut à son itinéraire de congrès et de conférences4. Ce moteur de croissance a cependant un potentiel limité, qui devrait être atteint au cours des deux à trois prochaines années. L’industrie touristique devrait se tourner vers les vacanciers, dont les besoins sont très différents de ceux des gens d’affaires. Les vacanciers sont habituellement à la recherche de plus d’activités et d’une variété d’attraits touristiques, en plus de demander davantage de services. Au Nunavut, tous ces aspects doivent être développés. Outre les secteurs Le Conference Board du Canada Le gouvernement 54 Exploitation minière : ce que les chiffres signifient Il est dangereux de trop vouloir miser sur les projets d’exploitation minière régionaux dans l’espoir qu’ils sauveront l’économie. Certes, les travaux de construction que suscitent ces projets peuvent avoir des conséquences directes et indirectes énormes sur l’économie locale, mais c’est surtout vrai lorsque la main-d’œuvre est principalement composée de résidants locaux qui tirent de l’expérience une précieuse formation. En revanche, une fois le projet en marche, les retombées économiques locales risquent d’être très réduites. Pour mieux comprendre ce phénomène, étudions le cas d’une mine d’or en exploitation au Nunavut et supposons qu’elle compte des réserves minérales de 4,9 millions d’onces d’or d’une valeur de 325 dollars l’once. Il s’agirait là du prix de l’or au moment de la mise en exploitation de la mine et on choisirait de faire de la première année d’exploitation l’année de base. La mine rapporterait donc 1,6 milliard de dollars en revenus réels sur une période de 12 ans. Au Canada, l’apport économique habituel d’une mine d’or au PIB à valeur ajoutée représente environ la moitié de sa production globale. Dans le cas de la mine qui nous intéresse, ce chiffre s’élèverait à 800 millions de dollars. Dans la conjoncture actuelle, 800 millions de dollars donneraient un élan très appréciable à l’économie du Nunavut, même réparti sur 12 ans. Mais rappelons-nous que le PIB au coût des facteurs est égal à la somme de toutes les composantes économiques de la valeur ajoutée (VA), c.-à-d. les traitements et les salaires, les profits, l’amortissement et les impôts indirects moins les subventions. Les 800 millions de dollars seraient donc répartis parmi les composantes du PIB comme suit : 1) Traitements et salaires 2) Profits 3) Amortissement et impôts indirects moins les subventions 252 millions $ 240 millions $ 308 millions $ Il reste à savoir quelle part de ces 800 millions de dollars demeurerait au Nunavut. Une mine de cette taille emploierait environ 300 personnes à l’année dont une centaine pourraient être des employés locaux. À raison d’un salaire moyen de 70 000 dollars, les Nunavummiut tireraient 84 millions de dollars de la composante des traitements et des salaires. D’autre part, en procédant à une analyse de rentabilité standard qui attribue des profits de 15 p. 100 aux exploitations minières dans le Nord canadien, on arrive à une estimation des profits de 240 millions de dollars. Ce montant irait aux actionnaires des entreprises ayant contribué au financement du projet et ne demeurerait au Nunavut que si les actionnaires sont de la région. Les exploitants de la mine, quant à eux, radieraient au titre de l’amortissement une énorme part du produit global à valeur ajoutée. Nous ne disposons pas de chiffres à cet effet, mais l’expérience permet de supposer que jusqu’à 250 millions de dollars de la VA globale pourraient aller à l’amortissement, lequel correspond aux chiffres consignés par Statistique Canada pour la valeur d’utilisation du capital social. Enfin, par impôts indirects moins les subventions, on entend les redevances au chapitre des ressources naturelles. Selon l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, 2,5 p. 100 des ressources souterraines appartiennent à la NTI qui en assure l’administration. Aussi, toutes les redevances connexes doivent donc lui être versées. Le reste des ressources souterraines relevant de l’administration fédérale, les redevances qui y sont rattachées doivent être versées au gouvernement du Canada. En vertu d’une entente sur la cession des terres, les responsabilités et redevances associées aux ressources seront graduellement transférées au gouvernement du Nunavut, mais la mise en œuvre de cette entente pourrait prendre encore un certain temps. Par conséquent, sur les 800 millions de dollars qui viendraient s’ajouter à la production minière réelle et donc au PIB total du territoire, le Nunavut retirerait environ 84 millions de dollars au chapitre des traitements et des salaires. Mais, comme pour n’importe quelle source d’emploi, il faudrait alors tenir compte du fait que le gouvernement du Canada retiendrait une autre part de cette somme sous forme d’impôts sur le revenu des particuliers. Et si l’on pense que le taux de fuite économique au Nunavut se situe à au moins 53 cents le dollar, en réalité, l’apport total à l’économie réelle du Nunavut serait bien inférieur aux 800 millions de dollars déclarés dans le PIB réel au coût des facteurs. Ces estimations ne représentent en fait que la comptabilisation statistique du PIB réel au coût des facteurs. Elles ne tiennent compte ni des avantages économiques dérivés de l’activité minière, notamment des activités de construction et d’exploration préalables à la mise en exploitation, ni de l’activité créée dans le secteur des services desservant la mine et ses employés, ni des avantages sociaux associés à la formation en cours d’emploi et à l’expérience de travail. Néanmoins, il est important de reconnaître qu’effectivement, si les nouvelles mises en chantier contribuent directement à la croissance du PIB réel, elles n’entraînent pas nécessairement une amélioration équivalente du niveau de vie de la population. Sources : Conference Board du Canada, Statistique Canada, renseignements miniers extraits du magasine Nunatsiaq News (numéro du 1er décembre 2000). Ce ralentissement éventuel devrait préoccuper le Nunavut. Vers la fin de 2001, plus de la moitié de la population active du Nunavut sera au service de l’un ou l’autre des trois ordres de gouvernement (dans une économie basée sur les salaires). Cependant, après 2010, l’activité non commerciale du gouvernement territorial devrait être plus apte à répondre aux besoins de la population. Parallèlement, les économies d’échelle feront en sorte que le volet 55 Le Conference Board du Canada Nunavut toute leur vie. Aussi, si le Conference Board ne prévoit pas que la majorité des Nunavummiut choisiront le retour à la terre pour gagner leur vie, la nécessité de maintenir les activités économiques traditionnelles lui paraît évidente. Leur sauvegarde devrait figurer en tête des priorités du gouvernement et de la population. administratif du gouvernement ne gagnera plus en importance. Aussi, les dépenses réelles du gouvernement diminueront par rapport à la croissance démographique, ce qui entraînera une baisse du PIB réel par habitant, à moins que d’autres secteurs ne contribuent davantage à la croissance économique. Cette tendance illustre à quel point il est important de diversifier la base économique du Nunavut. 6.3.6 Le Nunavut peut s’attendre, au cours de la période prévisionnelle, à connaître une augmentation de sa production d’objets d’art et d’artisanat traditionnels en raison de la demande croissante des touristes de passage sur son territoire. Il est également possible de voir certains artisans qui ont du succès constituer des sociétés en vue de se protéger contre un revirement économique, mais cette éventualité est rare6. Un tel choix introduirait leurs œuvres dans l’économie basée sur les salaires. Il faut reconnaître que la production d’objets d’art et d’artisanat traditionnels ne peut croître qu’au rythme de la demande, qui dépend de la croissance de l’industrie du tourisme et des marchés de gros investisseurs. L’expansion de l’économie traditionnelle Il est très difficile d’établir des prévisions relativement à l’économie axée sur les ressources naturelles en raison, surtout, du manque de données objectives. Toutes les économies doivent composer avec ce phénomène, y compris celle du sud du Canada où l’économie « au noir » (ou parallèle) représente jusqu’à 10 p. 100 de la production nationale. Les activités au noir ne peuvent être mesurées, puisqu’elles n’apparaissent pas dans les statistiques officielles. Il est manifestement difficile, voire impossible, de déterminer les perspectives économiques d’activités non consignées. En ce qui a trait aux autres activités traditionnelles, telles la chasse et la pêche, leur croissance correspondra à celle du taux démographique, mais dépendra aussi de la capacité de tolérance des ressources fauniques, notamment du caribou et du morse. Si les activités de chasse et de pêche devaient excéder le taux de croissance de la population, on assisterait à la commercialisation des ressources fauniques. Cependant, l’article 5 de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut stipule que l’exploitation des ressources fauniques (particulièrement la chasse et la pêche) à des fins commerciales ne doit jamais prévaloir sur l’utilisation traditionnelle de ces richesses par les Inuit. L’étude sur l’exploitation des ressources fauniques du Nunavut, mentionnée au chapitre 4, est un exemple témoignant de l’importance des activités parallèles. Une fois terminée, cette étude aidera les analystes à mieux évaluer l’état actuel des ressources fauniques du Nunavut. Elle permettra de préciser la quantité d’animaux chassés et leur valeur intrinsèque. Même si les données ne sont pas faciles à obtenir, il n’en demeure pas moins que l’économie du Nunavut repose sur les activités traditionnelles. Elles sont une source de revenus pour une bonne part de la population, qui se nourrit et se vêt d’ailleurs en exploitant les ressources naturelles. Qui plus est, ces activités seront un pilier pour l’industrie du tourisme, en plus d’être essentielles à la prospérité future du Nunavut. La culture est l’un des plus grands atouts du Nunavut, ainsi qu’un précieux outil de commercialisation. Le secteur de l’exportation du Nunavut perdrait beaucoup si l’exploitation traditionnelle des ressources devait un jour disparaître. 6.3.7 Le chapitre 5 examinait les possibilités à court et à moyen terme du secteur des pêches du Nunavut. On peut s’attendre à une augmentation des quotas de pêche au Nunavut au cours des cinq prochaines années. Toutefois, si le territoire désire tirer pleinement avantage de la valeur ajoutée de cette industrie, il devra veiller à l’établissement d’installations de traitement et de transformation du poisson. Il s’agit d’une proposition provisoire, puisqu’elle demande une contribution de toutes les formes de capital du Nunavut. Le déclin ou la disparition de la culture inuite est l’un des grands facteurs de risque influant sur les prévisions. Bien que certains éléments laissent supposer une diminution de l’intérêt envers les activités de subsistance traditionnelles, il est encore difficile d’établir avec certitude si le niveau de participation à cette économie a vraiment baissé5. Comme il en sera question au chapitre suivant, les jeunes Nunavummiut représentent la cohorte d’âge dominante et, à ce titre, ils influeront sur l’orientation économique du Le Conference Board du Canada Perspectives relatives aux pêches Parmi les améliorations qui s’imposent figure l’obtention de données plus complètes sur le capital naturel, mais il sera nécessaire d’entreprendre d’autres études en vue de déterminer la taille et la durabilité à long terme de l’industrie des pêches. On pourrait ainsi s’assurer de sa 56 contribuer à combler les lacunes relevées dans les secteurs de la santé et de l’éducation. rentabilité à plus long terme. La construction d’une usine de traitement et de transformation du poisson viable exige que le territoire améliore son infrastructure maritime. De plus, une formation technique des pêcheurs inuits leur permettrait d’accéder à des emplois plus intéressants dans l’équipage des bateaux de pêche. Enfin, l’expansion de ce secteur dépend de l’appui financier du milieu d’affaires. Le capital organisationnel du Nunavut pose également beaucoup de risques. Il reste encore de nombreux détails à régler relativement à l’établissement du Nunavut comme nouveau territoire politique. Les questions touchant les droits miniers, les accords de pêche, les méthodes de recrutement des Inuit au sein de l’administration publique et du secteur privé, pour n’en nommer que quelques-unes, doivent encore faire l’objet de négociations et de consensus. La plupart de ces questions devraient être résolues avec le temps. Entre-temps, l’absence d’un accord autorisant des pêches plus volumineuses, par exemple, n’entraînera pas l’effondrement économique du Nunavut, mais pourrait freiner le développement de ce secteur. Le Conference Board du Canada reconnaît que toutes ces questions reçoivent l’attention nécessaire et que les défis qu’elles comportent sont très clairs pour les dirigeants du Nunavut et leur personnel. Les risques d’échec relatifs aux activités organisationnelles sont donc minces et ne devraient pas, à long terme, menacer la concrétisation des prévisions. Il n’en demeure pas moins qu’il faut y voir. Il est difficile de prévoir exactement le niveau de croissance de ce secteur, comme il reste encore beaucoup de détails à clarifier. Cette industrie pourrait sans doute contribuer à la création d’au moins 100 emplois saisonniers dans l’économie contemporaine. Bon nombre d’entre eux se trouveraient dans le secteur du traitement et de la transformation des aliments, qui offre d’excellents débouchés pour les Inuit. Un tel essor pourrait doubler la production issue des pêches et de la transformation du poisson d’ici à 2010. Ces prévisions notent une augmentation des pêches consécutive à la hausse des contingents (voir le chapitre 5), en tenant compte de l’établissement d’une usine de traitement et de transformation au cours des cinq dernières années de la présente décennie. L’accroissement des gains à long terme dépendra de l’aptitude du Nunavut à répondre aux questions en suspens touchant cette industrie. 6.3.8 6.4 PERSPECTIVES DE CROISSANCE ÉCONOMIQUE DE L’ÉCONOMIE NUMÉRAIRE Risques inhérents aux prévisions Le Conference Board prévoit que le PIB réel, composé tous les ans, augmentera de 2,42 p. 100 en moyenne entre 1999 et 2020 (voir le graphique 9). La croissance la plus rapide s’effectuera au cours des dix premières années d’existence du territoire en raison du grand nombre d’activités entourant l’établissement du Nunavut en Le plus grand risque compromettant ces prévisions concerne le développement du capital humain du Nunavut, plus particulièrement de sa jeunesse. Au cours des vingt prochaines années, l’augmentation de l’activité économique prévue dans ces perspectives devrait contribuer à la création d’un grand nombre d’emplois au Nunavut. Toutefois, le manque de compétences actuellement observé dans la population active pourrait mettre ces possibilités en jeu, et menacer l’essor économique prévu. Le Nunavut se voit donc pressé de placer en tête de ses priorités l’acquisition de connaissances et de compétences spécialisées. GRAPHIQUE 9 Croissance du PIB réel, au Nunavut et au Canada (taux de croissance annuels moyens composés) Nunavut Dans le même ordre d’idées, on note le besoin urgent d’améliorer l’état de santé et le bien-être social des Inuit. Un candidat à un emploi doit être en aussi bonne santé qu‘il a une bonne instruction. Les faits présentés au chapitre 4 mettent en relief d’inquiétantes tendances chez les Nunavummiut, qu’il est impérieux de rectifier avant qu’elles n’entraînent des répercussions irréversibles sur leur employabilité. 5 On a fait mention au chapitre 5 du besoin d’augmenter le financement pour stimuler les investissements propices à la création de richesses. Sans égard à leur provenance, ces dépenses absolument nécessaires devraient également 0 Canada 4 3 2 1 2000–04 2005–09 2010–20 Sources : Statistique Canada, Le Conference Board du Canada. 57 Le Conference Board du Canada tant que nouveau membre de la Confédération canadienne. En 2000 seulement, le PIB affichera une croissance se situant dans les deux chiffres. Au cours des cinq premières années, dès 1999, l’économie basée sur les salaires affichera un taux de croissance moyen composé de 4,17 p. 100 qui ralentira quelque peu au cours de la décennie pour atteindre 3,46 p. 100 en moyenne. Quelques mines fermeront, alors que d’autres ouvriront, au cours de cette période, d’où un taux de croissance économique variable. Durant les dernières années de la période prévisionnelle, la croissance économique sera presque nulle à cause des fermetures anticipées qui enrayeront les profits générés dans les secteurs liés à l’hôtellerie. Aussi, de 2011 à 2020, le taux de croissance moyen composé du PIB réel sera de 1,23 p. 100. tous les gains attribuables à l’augmentation du PIB réel par habitant, réalisés au cours des vingt années couvertes par les prévisions, et de fixer le PIB à 25 257 $ par habitant en 2020, par rapport à 26 934 $ par habitant en 2000, en moyenne. Le PIB réel par habitant sera sujet à certaines fluctuations au cours de la période prévisionnelle de vingt ans, mais, encore une fois, le ralentissement économique qui se produira vers la fin de cette période entraînera un retard du taux de croissance du PIB réel par rapport à celui de la population. Ce retard aura pour effet d’annuler presque À l’exception des dernières années de la période prévisionnelle, qui sont des anomalies dans la mesure où elles ne représentent pas le début d’une période de déclin à long terme, on peut affirmer que les prévisions du Conference Board relatives à l’économie contemporaine du Nunavut sont optimistes. Cet optimisme est cependant conditionnel : de nombreux ajustements économiques et sociaux doivent être faits durant la période prévisionnelle. Par ailleurs, il serait peu sage de considérer ces prévisions comme une note de passage. Elles sont plutôt une vision des possibilités offertes si chacun travaille à l’atteinte d’objectifs communs pour faire progresser toute l’économie. Ces objectifs, ou les secteurs où il y a matière à amélioration, sont mis en relief au chapitre 7, qui résume les conclusions de cette étude. Leur atteinte est nécessaire à la réalisation de ces prévisions. 1 Ces perspectives sont fondées sur les prévisions annuelles à long terme du Conference Board du Canada, réalisées en novembre 2000. 4 Selon le gouvernement du Nunavut, 72 p. 100 des voyageurs au Nunavut en 1999 y sont allés pour affaires. 2 Comme en faisait état le chapitre 4, il n’existe que très peu de données géoscientifiques portant sur l’ensemble du Nunavut. Il est donc difficile pour le gouvernement et surtout l’entreprise d’inclure les gisements de minerai dans leur processus de planification et d’établir des prévisions exactes pour le secteur minier au-delà d’une période de 20 ans. 5 Le tableau 5, au chapitre 4, montre le peu d’intérêt des jeunes Inuit (4 p. 100) à l’égard du mode de vie traditionnel à la fin de leurs études (Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, 1996). Cependant, l’Enquête de 1999 sur la population active du Nunavut révèle que plus de 70 p. 100 des Inuit de sexe masculin âgés de 15 à 34 ans s’adonnent fréquemment, régulièrement ou occasionnellement à la chasse ou à la pêche. 3 Nous sommes arrivés à ce chiffre en calculant la différence moyenne entre les PIB réels obtenus selon deux scénarios : un premier, qui comprend le développement minier discuté (à la base des prévisions du Conference Board), et un second, qui a pour hypothèse de base qu’aucune nouvelle mine n’ouvrira après l’an 2000. Le Conference Board du Canada 6 La constitution en société des entreprises d’artisanat n’est pas pour demain, mais pourrait devenir nécessaire si la demande de l’industrie touristique dépassait les attentes. 58 7—L’avenir : à nous d’en décider croissance passe obligatoirement par le développement tant de l’économie de subsistance que de l’économie basée sur les salaires. Faits saillants • Les valeurs sociales continueront de jouer un rôle déterminant dans l’élaboration des politiques de développement socio-économique du Nunavut. Nous faisons état également de quatre facteurs essentiels à la création de richesses : le capital physique, le capital humain, le capital naturel et le capital social et organisationnel. L’analyse que nous avons faite de chacun de ces facteurs indique qu’il faut tous les suivre de près pour assurer la croissance économique. Il semble y avoir de graves lacunes à combler dans l’infrastructure du Nunavut, surtout si on veut qu’elle corresponde aux exigences d’une population en croissance rapide. Notre évaluation du capital humain révèle qu’il reste beaucoup à faire pour relever le faible niveau d’éducation des Nunavummiut et améliorer leur piètre état de santé, compte tenu de l’importance que ces aspects ont sur les plans de la qualité de vie et du développement. Étant donné la place prépondérante qu’occupe le capital naturel au Nunavut, il faudra s’efforcer de mieux comprendre l’état des choses dans des domaines comme les ressources fauniques et les données géoscientifiques publiques. Enfin, nous expliquons brièvement comment la répartition du capital du Nunavut sera en grande partie déterminée par les dispositions de l’Accord sur les revendications territoriales. Le gouvernement et les organismes inuits de même que les principes du Qaujimajatuqangitt inuit exerceront sans doute une influence considérable sur les décisions relatives à la création des richesses au Nunavut. • Les lacunes dans les données sur les quatre formes de capital et sur ce qu’elles signifient pour le Nunavut devront être comblées si l’on veut fixer des objectifs réalistes et suivre le progrès du développement. • Il sera primordial de veiller à ce que les jeunes du Nunavut possèdent le niveau d’éducation et les compétences qui leur seront nécessaires. • Une coopération accrue entre les principaux dépositaires des enjeux économiques s’impose. Le gouvernement fédéral devra fournir une aide selon des modalités suffisamment souples pour permettre au Nunavut de l’adapter aux besoins en matière de développement et aux exigences démographiques qui lui sont propres. Il est essentiel que tous les intervenants œuvrent conjointement pour l’épanouissement de l’économie mixte du Nunavut. 7.1 RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS Le Conference Board du Canada a été chargé d’examiner l’état actuel de l’économie mixte du Nunavut et d’en évaluer les perspectives à long terme. Pour ce faire, il s’est penché notamment sur les éléments structurels sousjacents au rendement économique à long terme. Dans le présent rapport, le Conference Board s’est penché sur la taille et les composantes de l’économie de subsistance et de l’économie basée sur les salaires du Nunavut. Nous avons fait ressortir les avantages d’une économie mixte, par opposition à une économie duale, où l’on encourage les participants à délaisser les activités non rémunérées au profit des activités à salaire. L’approche Notre rapport commence par un aperçu du développement économique dans lequel nous soulignons que la croissance économique au Nunavut est nécessaire à la satisfaction des besoins d’une population grandissante et d’une demande accrue de produits et de services. Cette 59 Le Conference Board du Canada politiques. Ce sont des croyances profondément ancrées, indépendantes de tout objet ou de toute situation, qui reflètent nos attentes par rapport au comportement des uns et des autres. Les valeurs contribuent à façonner l’attitude individuelle à l’égard de certaines questions, notamment le développement économique. mixte tient compte du rôle et de la valeur des activités de subsistance au Nunavut et admet leur existence simultanément avec les activités salariées1. Dans une optique socio-économique, la dépendance à l’égard d’une seule forme d’économie n’est pas viable. Sur le plan quantitatif, il est difficile de traiter de la taille de l’économie de subsistance ou de mesurer la participation à cette forme d’économie, puisque le PIB n’en rend pas compte. Selon nos sources, le poids de cette économie se situerait entre 40 et 60 millions de dollars. Dans le cas de l’économie basée sur les salaires, la valeur du PIB réel en 1999, exprimée en dollars constants de 1992, s’élevait à 682 millions de dollars. Le PIB réel par habitant pour cette période se chiffrait à 25 259 $ par rapport à une moyenne nationale de 24 642 $. Les valeurs sont généralement stables, mais il arrive que leur ordre de priorité varie sous l’effet de facteurs importants comme les changements socio-économiques (p. ex. la transformation du paysage économique ou démographique). En effet, selon les circonstances, on pourra accorder davantage d’importance à certaines valeurs et moins à d’autres. De la même manière, une société pourra simultanément admettre plusieurs valeurs contradictoires (p. ex. prôner un plus grand degré d’individualisme tout en valorisant une approche collective). Il est essentiel de bien comprendre la nature des changements qui touchent les valeurs puisque c’est ce qui détermine les choix d’une société. Mais qui dit choix dit compromis. Le Conference Board du Canada a fait des prévisions économiques pour le Nunavut. Le taux d’accroissement annuel composé du PIB réel devrait s’établir en moyenne à 2,42 p. 100 entre 1999 et 2020. Le Nunavut connaîtra sa croissance la plus rapide durant les dix premières années de son existence grâce aux activités entourant sa création. Les secteurs de l’exploitation minière, du tourisme et de la pêche présentent le meilleur potentiel. Nos projections sont fondées sur diverses suppositions, notamment le développement des jeunes Nunavummiut (éducation, santé et compétences) et de l’infrastructure. Une récente recherche du Conference Board du Canada sur les valeurs révèle qu’au cours des vingt dernières années, la confiance des Canadiens en leur gouvernement a baissé; que ceux-ci exigent que le gouvernement rende compte davantage de ses décisions et gère les finances de l’État de manière plus responsable; qu’ils sont favorables à une plus grande responsabilité et à une plus grande autonomie personnelles; et qu’ils préconisent une réduction du soutien aux programmes sociaux universels, à l’exception du régime d’assurance-maladie. En conséquence, les gouvernements ont été amenés à changer leurs politiques. Au nombre de ces changements, il y a eu la décision du gouvernement fédéral de réduire les transferts aux provinces et aux territoires afin d’éliminer le déficit, l’insistance sur une meilleure reddition des comptes et l’engagement des dépenses sociales de façon plus ciblée2. Ce dernier chapitre recense quelques-uns des éléments que le Conference Board considère comme étant indispensables à la réalisation de ces prévisions et à la croissance économique. 7.2 QUESTIONS ESSENTIELLES À L’ESQUISSE DE L’AVENIR ÉCONOMIQUE DU NUNAVUT Le présent rapport n’a pas de prétentions normatives. Cependant, Le Conference Board du Canada a cru bon de faire ressortir quelques éléments clés se rapportant au capital humain, physique, naturel ainsi que social et organisationnel du Nunavut et qui favorisent l’expansion économique. Chacun de ces éléments est traité individuellement dans ce qui suit, bien que l’on doive admettre qu’ils sont interdépendants. 7.2.1 Il est important de bien comprendre les valeurs nunavummuites, notamment celles qui ont trait au développement économique. Le développement économique est-il une priorité pour les Nunavummiut? Le cas échéant, à quelles formes de développement sont-ils favorables et à quelles autres sont-ils opposés? Quel équilibre les Nunavummiut aimeraient-ils atteindre entre l’économie de subsistance et l’économie basée sur les salaires? Quelles sont les valeurs primordiales des Nunavummiut? L’examen de grandes initiatives comme l’Accord politique du Nunavut, l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, les travaux de la Commission d’établissement du Nunavut et le Mandat de Bathurst révèle que le développement du Nunavut est déjà influencé par certaines valeurs : Les valeurs sociales influenceront l’orientation que les Nunavummiut choisiront d’imprimer à l’économie et au développement de leur territoire. Les valeurs jouent un rôle de premier plan dans la détermination des choix Le Conference Board du Canada 60 Au Nunavut, le choix des orientations sera influencé par deux considérations relatives à des valeurs. Premièrement, il faut reconnaître que l’adoption de toute valeur comporte certains compromis et qu’il est essentiel d’élaborer des politiques durables. Par exemple, la décentralisation de l’administration publique entraînera une plus grande répartition des possibilités d’emploi dans la fonction publique du Territoire. Toutefois, cette décision entraînera probablement une augmentation des coûts administratifs et une réduction des dépenses au chapitre des programmes. Un processus décisionnel fondé sur le consensus peut mener à des décisions qui bénéficieront d’un appui plus répandu, mais cela risque également d’allonger les délais. • Une approche collective pour le développement socioéconomique : les Nunavummiut croient fermement que les possibilités de développement économique doivent être partagées par toutes les collectivités. Cette approche collective n’implique pas nécessairement une grande participation de la part du gouvernement, comme le montrent les sociétés inuites depuis des siècles. Cela dit, au cours des dernières décennies, le gouvernement a pris une part active dans cette approche, et la décentralisation est perçue comme étant un moyen d’assurer le partage équitable des possibilités d’emploi dans la fonction publique; • La promotion de l’autonomie : le Mandat de Bathurst fait de la promotion de l’autonomie une grande priorité. Pour les Inuit, cela se traduit par un plus grand contrôle politique et économique sur le Nunavut et sur son environnement. Nombre de politiques, dont les dispositions visant la participation des Inuit au sein de la fonction publique, la politique NNI sur l’adjudication des contrats ainsi que l’adoption de l’inuktitut comme langue de travail, témoignent de l’importance, pour les Inuit, de demeurer maîtres de l’avenir du Nunavut. La dépendance à l’égard des ressources extérieures (entreprises, investisseurs et ressources humaines) n’est pas activement encouragée. On hésite à solliciter les investisseurs étrangers ou à former des partenariats avec des entreprises de l’extérieur, par crainte de perdre de l’influence; • Le Qaujimajatuqangit inuit (QI) : on reconnaît l’importance du savoir inuit et de son intégration à d’autres sources de connaissance. La prise de décisions repose sur le consensus et la consultation. Des démarches ont été entreprises en vue d’incorporer le QI aux méthodes de travail et aux services du gouvernement du Nunavut; • Le développement économique doit se faire principalement à l’échelle communautaire : chez les Inuit, l’attachement à la communauté est très fort. Bien des universitaires et responsables publics recommandent que les stratégies de développement économique soient axées sur la collectivité plutôt que sur l’ensemble du territoire (dans des secteurs d’activité comme l’exploitation minière, où la participation locale est faible); • L’activité économique de subsistance est un aspect important du mode de vie inuit qui doit être soutenu : rien ne permet de supposer que l’on accorde une valeur moindre aux activités de subsistance qu’aux activités rémunérées. Beaucoup de Nunavummiut voudraient participer aux deux types d’activités; • Le développement durable : le développement économique doit respecter les pratiques du développement durable voulant que l’on accorde une importance égale au développement du capital humain et du capital naturel. Deuxièmement, il faudra déterminer si ces valeurs revêtent une importance pour les jeunes Nunavummiut. L’Enquête sur la population active du Nunavut de 1999 révèle qu’environ 60 p. 100 des Inuit seraient disposés à déménager pour obtenir un emploi nouveau ou meilleur3. D’autres études indiquent que les jeunes Inuit souhaitent faire carrière au sein de l’économie basée sur les salaires4. Comme nous l’avons évoqué plus haut, seul un très faible nombre d’étudiants inuits semblent préférer retourner au mode de vie traditionnel. En raison de la démographie du Nunavut, on peut s’attendre à ce que les valeurs et les aspirations de sa jeune population dicte les politiques de développement socio-économique comme l’ont fait les « babyboomers » dans le reste du Canada et aux États-Unis. La réponse à ces questions ne fera probablement pas l’unanimité, mais si nous savions où réside le consensus (p. ex., chez les aînés ou chez les jeunes), il serait plus facile d’orienter le développement économique. 7.2.2 L’importance de mieux connaître le Nunavut Mieux connaître le Nunavut et ses quatre formes de capital, c’est pouvoir fixer des objectifs socio-économiques atteignables et en suivre les progrès. En raison de la forte concurrence en matière de demandes de financement, il sera de plus en plus nécessaire de disposer d’informations et de connaissances solides pour s’assurer l’aide financière des secteurs public ou privé. La NTI soulignait, dans son évaluation de la mise en œuvre de l’ARTN, que l’absence d’un portrait quantitatif complet et fiable de la société du Nunavut fait sérieusement entrave à l’élaboration de politiques éclairées et à l’usage optimal des ressources publiques5. En vertu de son mandat, le gouvernement du Nunavut assume à peu près les mêmes responsabilités que celles qui incombent à un gouvernement provincial, d’où la nécessité de le doter d’une base de données statistiques fiable pouvant soutenir 61 Le Conference Board du Canada l’élaboration et le suivi des politiques et programmes qui lui permettront de jouer son rôle. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et d’autres ministères fédéraux compétents doivent pouvoir compter sur des informations à jour pour appuyer les politiques et programmes touchant le Nunavut. Les secteurs de l’éducation, de l’emploi et des affaires du Nunavut aussi ont les mêmes besoins en matière de données statistiques que ceux du reste du pays. fournies à Statistique Canada ne font pas état des répercussions des nouvelles initiatives de pêche à la crevette sur la création d’emplois. Sont également absentes les données relatives à une partie du secteur de la transformation des aliments. La consignation de ces données exigera la collaboration de tous les intéressés. Il importe en outre d’avoir une meilleure compréhension du rôle que jouent les entreprises inuites dans l’économie du Nunavut. Il ne faut pas chercher bien loin pour constater que plusieurs facettes du Nunavut sont mal documentées. Comme nous l’avons déjà souligné, il existe très peu d’informations sur : • l’état de santé et la condition sociale des Nunavummiut : bien que le capital humain soit une des plus grandes composantes du développement économique du Nunavut, il n’existe presque pas d’informations sur la condition sociale et sur l’état de santé de cette population; • le capital naturel et le manque de données géoscientifiques publiques : pour que l’activité de subsistance continue de jouer un rôle de premier plan pour les Inuit, il est essentiel de disposer de plus de données cumulatives pour gérer cette économie de manière durable. De même, à moins d’avoir une bonne appréciation des réserves minérales ou des stocks de poisson, il sera difficile d’attirer les investissements. Chose étonnante, on dispose de peu de connaissances scientifiques au sujet du capital naturel du Nunavut; • l’économie de subsistance du Nunavut et son fonctionnement : comme nous l’avons montré plus haut, l’activité économique de subsistance est une importante source de revenu « imputé » pour les ménages du Nunavut. Bien qu’il soit difficile d’obtenir des données détaillées relatives à la consommation, on dispose de suffisamment d’informations pour faire des calculs approximatifs une fois qu’on aura établi un cadre. Les organismes chargés de la collecte de données, tels Statistique Canada et le Bureau de la statistique du Nunavut (le Nunavummit Kiglisiniartiit), devront travailler en étroite collaboration pour veiller à ce qu’on consigne adéquatement l’activité économique, qu’on établisse la production de l’économie de subsistance et qu’on définisse des méthodes d’estimation régulière et uniforme; • l’économie basée sur les salaires : il faudrait disposer de meilleurs calculs estimatifs de la taille des secteurs de la chasse (au phoque, notamment) et de la pêche commerciale et de la transformation des aliments, lesquels sont particulièrement importants pour l’économie du Nunavut. Ces calculs permettraient de recenser une source importante et grandissante d’emplois pour les Nunavummiut. Il semblerait qu’une partie de ces activités économiques soit négligée. Par exemple, les informations Le manque de données sur le Nunavut tient à plusieurs facteurs. Premièrement, avant 1999, très peu d’informations étaient consignées au sujet de ce territoire, puisqu’il faisait encore partie des T.N.-O. Or, les données historiques peuvent nous aider à comprendre davantage les tendances économiques et sociales grâce à l’élaboration de modèles économétriques et à d’autres modèles économiques. Bien que la ventilation des données combinées (T.N.-O. et Nunavut) qui remontent aux années antérieures à 1999 soit difficile du point de vue méthodologique, les avantages seraient néanmoins considérables. Ce genre de travail a déjà été fait quand on a scindé les T.N.-O. et le Yukon dans les années 80. Le Conference Board du Canada Deuxièmement, tant la population du Nunavut que sa base économique sont petites. Cette combinaison présenterait des difficultés de taille pour n’importe quel système statistique. Par exemple, le peu d’entreprises que compte le Nunavut peut entraîner des contraintes en matière de confidentialité et empêcher la divulgation de certaines informations au public dans différents domaines. De plus, il suffit que quelques entreprises ne figurent pas dans une enquête pour fausser l’importance réelle de certaines activités économiques. Le faible taux de population peut également nuire à l’analyse des données sur les services de santé et les services sociaux et à l’évaluation de l’ampleur des activités de subsistance au Nunavut. Dans bien des cas, il faut effectuer un recensement pour obtenir des résultats d’analyse fiables, ce qui peut causer un problème de taux de réponse quand les gens sont trop sollicités. Troisièmement, les données relatives à certains indicateurs sont parfois tout simplement inexistantes. Dans d’autres cas, les bases de données du gouvernement n’ont pas encore été établies ou, encore, la difficulté tient aux indicateurs mêmes. Notons, entre autres, le manque général de données et le rejet des indicateurs servant à mesurer l’efficacité des services de santé et d’autres programmes sociaux. Quatrièmement, il y a le fait qu’à ce jour, l’essentiel de l’information a été géré et coordonné par des centres du Sud. Cela dit, le Bureau géoscientifique Canada-Nunavut et l’Institut de recherches du Nunavut du Collège de 62 l’Arctique contribuent grandement à une meilleure coordination des travaux de recherche, mais on devra manifestement faire davantage pour harmoniser les diverses sources d’information et établir les priorités qui permettront de combler les lacunes citées plus haut. d’entreprendre de nombreuses études sur le capital naturel du Territoire. Un financement sur cinq ans a été prévu pour la réalisation de l’Étude sur l’exploitation des ressources fauniques du Nunavut entre 1996 et 2001. Cette recherche fournira de précieux renseignements au sujet des activités d’exploitation. À l’heure actuelle, les principaux intervenants, y compris le gouvernement du Nunavut, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et les organismes non gouvernementaux, s’efforcent ensemble de déterminer quelles seront les données en matière d’exploitation qui leur seront nécessaires ultérieurement et de mettre en place les mécanismes qui permettront de recueillir ces informations sur une base continue. D’autres démarches ont été entreprises afin de combler ces lacunes. Depuis l’établissement du gouvernement du Nunavut, il y a peu de temps, un grand nombre de données portant sur ce territoire en particulier ont été générées. Il est évident qu’il faudra assurer la collecte et la production d’informations importantes au sujet du Nunavut et de sa population, comme en font foi les travaux entrepris jusqu’à présent par le Nunavummit Kiglisiniartiit (Bureau de la Statistique du Nunavut) et les demarches du gouvernement du Nunavut visant à recueillir des renseignements et des connaissances auprès des aînés. Le Nunavummit Kiglisiniartiit a également joint ses efforts à ceux de Statistique Canada en vue de combler certaines lacunes sur le plan statistique. 7.2.3 L’importance de l’éducation et du développement des compétences Il est clair que l’éducation joue un rôle capital au Nunavut, compte tenu de sa population et des objectifs qu’il s’est fixés. L’importante proportion de jeunes au Nunavut constituera peut-être le plus grand facteur déterminant des 25 premières années d’existence de ce nouveau territoire. Il est primordial de veiller à ce que la jeunesse du Nunavut possède l’instruction et les compétences nécessaires pour se prévaloir des possibilités qui s’offrent à elle et, ainsi, soutenir l’économie du Nunavut et aider à financer les services publics. Une fois que l’information existe, on doit pouvoir la trouver ou y accéder facilement. Or, il peut s’avérer extrêmement difficile pour une entreprise de l’extérieur de l’obtenir. Une bonne partie de cette information n’est pas accessible sur Internet qui, de nos jours, constitue la principale source d’information pour la plupart des gens. Une meilleure intégration des sources d’information est essentielle non seulement aux chercheurs, mais également aux investisseurs. Toutefois, il ne s’agit pas uniquement d’injecter de nouvelles ressources pour améliorer le système d’éducation conventionnelle. Il faut également favoriser une culture d’apprentissage dans de nombreux domaines dont ceux du QI et de l’utilisation des technologies de l’information et des communications. Cette jeune population croissante devra pouvoir compter sur des modèles de comportement et être témoin de preuves constantes de l’importance des diverses formes d’éducation. À ce jour, il ne semble exister aucun dépôt central ou aucune source unique d’information au Nunavut. Les données existantes sont stockées dans différents endroits, ministères et bases de données. Nombre de régions, y compris certaines petites collectivités, produisent maintenant des rapports et procèdent à la consignation de données qui pourront aider à obtenir rapidement un instantané de certaines conditions. Le Greenland Yearbook, notamment, est un excellent exemple de point de référence central donnant accès à la majorité des informations que nous avons tenté d’intégrer au chapitre 46. Pour sa part, le gouvernement du Yukon a produit un rapport sur les conditions de santé de sa population en 19987. Apparemment, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Nunavut serait en train de préparer un rapport semblable sur l’état de santé des Nunavummiut. Cela permettrait d’établir les priorités et de suivre les progrès réalisés sur des grandes questions sociales et sanitaires. Le Conference Board du Canada s’est longuement penché sur l’examen des compétences et habiletés nécessaires en milieu de travail au sein d’une économie basée sur les salaires. Dans son rapport intitulé Avantages économiques du renforcement de l’alphabétisme en milieu de travail, le Conference Board précise que : [p]eu importe la valeur de l’investissement de capitaux, l’employeur ne pourra pas en tirer tous les avantages tant qu’il n’offrira pas à ses employés des programmes de formation et d’éducation adéquats. Tant qu’on ne saura pas comment optimiser le potentiel des ressources humaines et maintenir leurs niveaux de compétences, le bien-être économique du pays en souffrira. Plus la main-d’œuvre sera qualifiée et alphabétisée, plus la productivité augmentera8. Mieux connaître le Nunavut exigera un engagement soutenu. Tel que mentionné auparavant, l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut recommandait 63 Le Conference Board du Canada contrôle et des responsabilités accrus relativement aux décisions touchant les facteurs de création des richesses, dont le capital naturel. La Commission royale sur les peuples autochtones a établi qu’une plus grande influence politique en ce qui a trait aux ressources et à la prise de décisions constitue une des conditions essentielles du développement économique10. À ce propos, Hamley note que le règlement des revendications territoriales n’a jusqu’ici pas contribué à améliorer considérablement les conditions socio-économiques des collectivités autochtones, quoique l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut semble avoir davantage tenu compte des aspirations des autochtones, promettre le plus de possibilités et assurer les avantages les plus généreux11. Le rapport révèle que les employés ayant des capacités de lecture et d’écriture élevées sont moins susceptibles d’être sans emploi et le cas échéant, vivent de plus courtes périodes de chômage, ont plus de chances de trouver un emploi à plein temps et sont plus susceptibles de pousser leur formation. Le Conference Board s’est également associé à un vaste éventail de partenaires en vue de cerner les compétences relatives à l’employabilité dont les travailleurs ont besoin pour entrer, demeurer et progresser dans le monde du travail. Le document Compétences relatives à l’employabilité 2000+ fait état de trois principaux domaines de compétences exigibles : (1) les compétences de base (comment communiquer, gérer l’information et utiliser les chiffres), (2) les compétences personnelles en gestion (démontrer des attitudes et des comportements positifs, être responsable, être souple et travailler en sécurité); et (3) les compétences pour le travail d’équipe (travailler avec d’autres, participer aux projets et aux tâches)9. Bien qu’il puisse exister des différences dans la mise en pratique de ces compétences au Nunavut, il n’en demeure pas moins qu’une bonne partie de la population active devra les maîtriser pour pouvoir faire concurrence aux autres pour la prestation de services tant au Nunavut qu’à l’extérieur du territoire. On pourrait également tenter de rapatrier les Inuit qualifiés qui travaillent actuellement dans les autres régions du Canada. En outre, l’Accord offre plus de certitude aux entreprises et aux investisseurs que les régions dont les revendications n’ont pas encore été réglées. L’ARTN étant relativement récent, il faudra faire la promotion de cette certitude politique et économique auprès des entreprises et des groupes de l’extérieur qui ne sont peut-être pas au courant que l’établissement du Nunavut comportait un accord sur les revendications territoriales. Une incertitude demeure quant à l’approche réglementaire et stratégique qu’adopteront les autorités publiques instituées en vertu de l’Accord. En raison de l’important rôle du gouvernement dans l’économie du Nunavut, les articles 23 et 24 de l’Accord prévoyant une plus grande participation inuite au sein du gouvernement et de son administration peuvent contribuer grandement au développement économique du Territoire. Il faut toutefois savoir que la mise en application de nombre de ces dispositions prendra du temps. Comme il ressort de la première évaluation indépendante quinquennale de la mise en œuvre de l’ARTN, qui couvre la période de 1993 à 1998, bien des dispositions n’ont toujours pas été appliquées. Selon cette évaluation, sur les 193 obligations de l’Accord, 98 ont été essentiellement exécutées, 46, partiellement exécutées, et 49, pratiquement négligées12. Entre autres, cette évaluation concluait que : • l’application de l’article 23, qui porte sur le recrutement des Inuit au sein de la fonction publique du Nunavut, laisse à désirer puisque la plupart des obligations ont été largement négligées; • la mise en œuvre de l’article 24, visant à aider les entreprises inuites à faire concurrence aux autres entreprises pour l’obtention des marchés de l’État, ne s’est pas non plus avérée un succès en raison de la faiblesse des mécanismes de contrôle de l’efficacité des politiques en la matière; • l’Accord a mené à une participation et à un contrôle accrus des Inuit en ce qui a trait aux décisions Notre étude des compétences a porté aussi sur les aptitudes nécessaires à la participation à l’économie de subsistance. Cette forme d’économie exige des compétences qui lui sont propres (p. ex. le QI, des connaissances en matière de sculpture, des aptitudes pour la navigation, la chasse et l’exploitation minière). Il s’agira donc de veiller à ce que les structures et processus tant formels qu’informels soient mis en place pour que l’on enseigne ces compétences essentielles. 7.2.4 L’impact de l’ARTN sur le développement économique L’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut (ARTN) aura des conséquences considérables pour l’avenir du Nunavut. On a demandé au Conference Board du Canada d’examiner l’ARTN dans l’optique du développement économique du Nunavut. Comme nous l’avons mentionné au chapitre 4, l’ARTN, dont la portée est plutôt vaste, compte de nombreuses dispositions visant le développement économique du Nunavut. D’une manière générale, l’ARTN prévoit des avantages économiques dans la mesure où il accorde au Nunavut un Le Conference Board du Canada 64 touchant leurs terres, leurs eaux et leurs ressources naturelles. rendement des mégaprojets est plutôt faible. L’aide financière au Nunavut devra refléter la situation particulière du Nunavut, qui tient à ses différences démographiques, à son capital physique restreint et à son immense potentiel encore inexploité. L’évaluation quinquennale a établi qu’il était impossible, à l’heure actuelle, d’en arriver à une conclusion quant à l’effet de l’ARTN sur les conditions socio-économiques des Inuit. Cependant, un sondage connexe de 1999 a révélé que 60 p. 100 des Inuit estiment que l’ARTN a influencé leur vie de manière favorable. Nous avons déjà établi que le Nunavut est rendu à un stade de développement spécial. Pour assurer son développement économique, il devra inéluctablement améliorer son infrastructure (p. ex. le logement, les transports et les télécommunications) et combler ses lacunes au chapitre des connaissances. Cela commande des investissements considérables. Il faudra donc déterminer le rôle qui incombera au gouvernement fédéral en regard de ces questions et reconnaître que sa contribution devra s’inscrire dans le cadre d’un effort collectif de tous les dépositaires d’enjeux (voir plus bas). Les résultats des évaluations des accords existants sur les revendications territoriales se sont avérés quelque peu décevants13. Les conditions socio-économiques ont très peu changé à la suite de la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention définitive des Inuivialuit. Des études commandées par la Commission royale sur les peuples autochtones recensent trois problèmes communs : des problèmes de mise en œuvre, des possibilités d’investissement limitées au niveau local, imputables aux économies régionales petites et de portée restreinte, et une bureaucratisation excessive14. 7.2.5 7.2.6 La nécessité de collaborer On s’entend sur le besoin d’adopter une approche du développement économique axée sur la collaboration de tous les principaux dépositaires d’enjeux mentionnés à la section 4.4.5. Il s’agit de former un partenariat en sachant qu’aucune partie ne peut assumer un rôle de direction. Le rôle du gouvernement fédéral Plusieurs responsables du Nunavut sont convaincus que, bien que le nouveau gouvernement territorial soit établi, le gouvernement fédéral doit encore tenir un rôle de premier plan dans le développement socio-économique du Nunavut. Ils sont d’avis que les fonds fédéraux sont essentiels aux investissements publics de base qui renforceront la capacité du Nunavut de mener des activités de développement économique. De plus, ils voudraient que l’État fédéral alloue des fonds au développement économique du Nord, comme il le fait pour d’autres régions du Canada, au moyen d’ententes sur le développement économique ou par la création d’un organisme de développement économique15. Des mécanismes visant à favoriser une plus grande collaboration sont déjà en place. Le Comité de hauts fonctionnaires du Nunavut, comptant des cadres supérieurs du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, du gouvernement du Nunavut et de la Nunavut Tunngavik Inc., forment une tribune tripartite au sein de laquelle les priorités organisationnelles sont communes et les possibilités de coopération, définies et concrétisées. Le ministre du Développement durable du Nunavut a institué un forum économique ministériel en 1999 pour permettre à tous les intervenants de participer à la planification du développement économique du Nunavut. Les dirigeants du Nunavut demandent également que le gouvernement fédéral fasse preuve de plus de souplesse dans ses programmes afin que ceux-ci soient mieux adaptés au stade de développement du Nunavut, particulièrement en ce qui a trait à l’infrastructure. Les programmes de développement basés sur le nombre d’habitants ou conçus à l’appui d’industries établies auront peut-être des répercussions limitées dans le cas du Nunavut parce que sa population est petite et ses industries sont jeunes. Le programme Infrastructures Canada, par exemple, n’allouera que deux millions de dollars au développement du capital physique du Nunavut. Le Conference Board du Canada a tout de même observé un manque de clarté et, dans certains cas, l’absence d’un consensus en ce qui a trait au rôle de chacune des principales parties concernées par le développement économique. Cette situation peut poser des problèmes lorsque les ressources sont rares. Des mesures peuventelles être prises en vue d’optimiser le capital physique et le capital humain limités du Nunavut? Il faudra collaborer davantage pour établir un plan d’action comportant des objectifs précis et pour progresser au-delà du consensus sur les principes communs. L’aide au développement économique devra faire l’objet d’une planification réfléchie. Au Canada, le taux de Nous croyons également qu’il est nécessaire de faire participer le secteur privé à l’élaboration d’une stratégie 65 Le Conference Board du Canada choix de carrière désirable, il sera possible de surmonter ces difficultés. L’adoption d’une approche plus réaliste permettra aux deux principaux ordres de gouvernement de recruter la plupart de leurs employés au Nunavut même et, ainsi, de récolter les retombées économiques prévues par les auteurs de l’article 23. économique et de reconnaître sa contribution à la croissance économique et aux objectifs généraux de développement (voir le texte sur Falconbridge). 7.2.7 LA DÉFINITION D’OBJECTIFS RÉALISTES L’établissement de tout nouveau territoire politique crée inévitablement des attentes élevées, et le Nunavut ne fait pas exception à la règle. Il est de toute première importance de fixer des objectifs réalisables et de réexaminer les objectifs préalablement établis. Le développement économique communautaire devra peutêtre être relégué au second plan au profit du développement économique territorial. Il se peut que les possibilités de développement économique ne profitent pas à l’ensemble du Territoire. Cela a certainement été le cas dans le reste du Canada. Il faudra peut-être également veiller à ce que les Nunavummiut puissent se déplacer à l’intérieur du Territoire. Dans cette optique, certains objectifs ambitieux que s’est fixés le Nunavut pourraient être redéfinis et ramenés à une dimension plus réaliste. Mis à part le désir d’employer la population locale et d’exercer un plus grand contrôle sur les ressources, il faudra penser à s’attirer des ressources extérieures (main-d’œuvre spécialisée et investissements étrangers) en vue de s’assurer le savoirfaire et le capital nécessaires, comme c’est le cas pour la plupart des économies. Ces objectifs exigeront probablement certains compromis. Citons, par exemple, la proposition visant à établir un seul fuseau horaire pour tout le Territoire. Certaines collectivités ont trouvé cette idée irréaliste du fait qu’elles font affaire avec des collectivités du Sud, lesquelles se retrouveraient alors dans un autre fuseau horaire. À la fin, il a fallu faire un compromis. On a recommandé que l’on révise l’objectif de la représentation des Inuit (85 p. 100) au sein de la fonction publique de manière à ce que la cible reflète la proportion de la population inuite active (50 p. 100), puisque la majorité des Inuit n’est pas encore en âge de travailler16. À court et à moyen terme, cet objectif sera difficile à atteindre. Cependant, étant donné qu’une bonne partie de la population du Nunavut est très jeune, si l’on intègre cet objectif à l’accès à l’éducation et à la formation des candidats éventuels aux postes de niveaux d’entrée et que la fonction publique est perçue par les Inuit comme étant un Il ne fait aucun doute que le gouvernement continuera de tenir un rôle de premier plan dans l’économie du Nunavut. Toutefois, cela ne signifie pas que le Nunavut ne doive pas diversifier son économie. Comme nous l’avons montré dans le chapitre précédent, nous prévoyons que le rythme de croissance du secteur public des trois ordres de gouvernement accusera un ralentissement sur plusieurs années. Il est donc essentiel de développer d’autres secteurs économiques. Le gouvernement a une occasion d’influencer la diversification économique17. L’accès à de meilleurs Falconbridge et le projet Raglan systèmes d’information sera un précieux outil pour la définition Dans le cadre de son projet Raglan, dans le Nord du Québec, Falconbridge s’est jointe aux et le développement des secteurs dirigeants communautaires pour élaborer une stratégie de travail coopératif afin de répondre les plus prometteurs. au manque de main-d’œuvre locale apte à l’emploi et au besoin de programmes de formation et d’initiatives d’éducation à l’intention des Inuit encore aux études. 7.3 CONCLUSION En partenariat avec le gouvernement régional de Kativik (son conseil scolaire et son comité de la formation et de l’emploi), Falconbridge participe à une initiative conjointe de formation qui porte sur le rattrapage scolaire, les langues, l’orientation et la sécurité, les compétences de base courantes dans le secteur de l’exploitation minière, le fonctionnement et l’entretien, et les métiers menant à des programmes d’accréditation. Dans l’espoir de parer au manque relatif de travailleurs locaux qualifiés auquel on s’attend à l’avenir, Falconbridge subventionne des programmes incitatifs pour que les enfants inuits puissent bénéficier de programmes éducatifs axés sur l’exploitation minière à l’école. Source : Stellos Loizides et Janusz Zieminski, Employment Prospects for Aboriginal People, Ottawa, Le Conference Board du Canada, 1998. Le Conference Board du Canada 66 Ce rapport prévisionnel diffère en plusieurs points des rapports économiques typiques. En outre, il va bien au-delà de la simple présentation de perspectives économiques sur une période de vingt ans. Tous les partenaires du rapport, y compris Le Conference Board du Canada, ont reconnu qu’il était impératif d’entreprendre une étude exhaustive sur le développement économique du Nunavut. Les chiffres peuvent dresser un tableau partiel, mais ne peuvent expliquer toute la dynamique sousjacente au rendement économique du Nunavut, notamment l’importance que revêt l’économie de subsistance dans la vie de bien des Inuit. au chapitre 3, c’est-à-dire le maintien de la vie, l’estime de soi et la liberté de choix. Le développement de chacune des formes de capital doit favoriser la réalisation de ces objectifs. La création du Nunavut a suscité un intérêt mondial et a été suivie de près par plusieurs observateurs. Les attentes tant de l’intérieur que de l’extérieur sont très élevées. Une chose est pourtant claire : on doit d’abord satisfaire aux exigences fondamentales de développement et s’assurer que les niveaux de capital nécessaires sont en place pour favoriser le développement économique. Nos prévisions pour les vingt prochaines années ne demeurent optimistes que si ces exigences ne sont pas négligées. Au bout du compte, c’est aux Nunavummiut qu’il appartiendra de décider ce qui représente une qualité de vie souhaitable et soutenable, et de définir le type de développement qu’ils veulent réaliser pour atteindre leurs objectifs. Par conséquent, nous avons tenté de fournir dans ce rapport un aperçu ou une explication du développement socio-économique du Nunavut à la lumière de ses quatre formes de capital : le capital physique, le capital humain, le capital naturel et le capital social et organisationnel. Bien que notre esquisse demeure incomplète, en partie à cause du manque de données sur le Nunavut, elle permet néanmoins de faire ressortir les aspects de chaque forme de capital exigeant une attention particulière. Sont associés à ces quatre formes de capital les trois objectifs économiques fondamentaux dont il est question 1 Pour plus de détails au sujet de cette différence, voir Elias, Models of Aboriginal Communities in Canada’s North. 10 Commission royale sur les peuples autochtones, vol. 2, chapitre 5. 11 Hamley, op. cit., p. 229. 2 Stephen Vail, Changing Values Challenge the Canadian Way, Ottawa, Le Conference Board du Canada, 2000. 12 N. Louise Vertes, David M. H. Connelly et Bruce A. S. Knott, Évaluation quinquennale 1993 à 1998 : Mise en œuvre de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, Île Royale Enterprises Ltd., 2000, p. 4. 3 Bureau de la statistique du Nunavut, supplément à l’Enquête de 1999 sur la population active du Nunavut. 13 Hamley, op. cit., p. 232. 4 Heather Myers et Scott Forest, « Making Change: Economic Development in Pond Inlet, 1987 to 1997 », Arctic, vol. 53, no 2, juin 2000, p. 134-145. 14 Commission royale sur les peuples autochtones, vol. 2, chapitre 5, p. 2. 5 Nunavut Tunngavik Inc., Taking Stock: A Review of the First Five Years of Implementing the Nunavut Land Claims Agreement, NTI, décembre 1999, p. 21. 15 Par exemple, l’Initiative fédérale de développement économique du Nord de l’Ontario, la FedNor, veille à promouvoir la croissance économique, la diversification de l’entreprise, la création d’emplois et l’établissement de collectivités autonomes dotées d’une économie durable dans le Nord de l’Ontario. L’adoption d’une approche globale aux fins du développement économique du Nunavut a fait l’objet de discussions entre le MAINC, le gouvernement du Nunavut, la NTI ainsi que les gouvernements des deux autres territoires. 6 Le Greenland Yearbook est disponible en ligne à l’adresse : http://www.statgreen.gl/english/yearbook/yb1997.htm. 7 Ministère de la Santé et des Services sociaux du Yukon, Health Status Report 1998, Whitehorse, 1999. 16 Vertes, Connelly et Knott, op. cit., p. 3 à 14. 8 Le Conference Board du Canada, Avantages économiques du renforcement de l’alphabétisme en milieu de travail, 1997, p. 2. 17 Notons que nombre de nos informateurs clés ont mentionné, lorsqu’on leur a demandé d’identifier les secteurs ayant le plus grand potentiel de croissance, que cela dépendait de l’endroit auquel le gouvernement allouerait la plus grande part de son budget de dépenses. 9 Le Conference Board du Canada, Compétences relatives à l’employabilité 2000+, www.conferenceboard.ca/nbec. 67 Le Conference Board du Canada Le Conference Board du Canada The Conference Board Inc. The Conference Board Europe 255, chemin Smyth 845 Third Avenue, New York, N.Y. Chaussée de La Hulpe 130, Boîte 11 Ottawa (ON) K1H 8M7 10022-6679 États-Unis B-1000 Bruxelles, Belgique Tél. 1-866-711-2262 • Téléc. (613) 526-4857 Tél. (212) 759-0900 • Téléc. (212) 980-7014 Tél. (32) 2.675 54 05 • Téléc. (32) 2.675 03 95 www.conferenceboard.ca www.conference-board.org 255, chemin Smyth, Ottawa (ON) K1H 8M7 Canada Tél. (613) 526-3280 • Téléc. (613) 526-4857 • Ligne-info 1-866-711-2262 www.conferenceboard.ca