Ainsi, en se fondant sur les écrits du philosophe Peter Singer et de
l’avocat Jim Mason [Singer et Mason (2007)], Elise Desaulniers,
membre de l’association « Manger, Santé, Bio », fondée au Québec en
1985, nous présente les « 5 piliers d’une alimentation éthique ». Pre-
mier pilier, la transparence (« nous avons le droit de savoir comment
nos aliments sont produits » : l’information du consommateur sur l’en-
semble de la chaîne alimentaire doit être disponible). Deuxième pilier,
la justice (« produire de la nourriture ne devrait pas imposer des coûts
aux autres » : les externalités négative de la production et de la com-
mercialisation des aliments doivent être assumées par leurs acteurs,
c’est-à-dire être traduites dans les prix en économie de marché). Troi-
sième pilier, la compassion (« infliger de la souffrance inutile aux ani-
maux est mal » : c’est le débat sur le bien-être animal et, au-delà, sur
le statut juridique des animaux, considérés dans le code civil napoléo-
nien qui a inspiré de nombreux pays, comme des objets). Quatrième
pilier, la responsabilité sociale (« les travailleurs ont droit à des condi-
tions de travail décentes et à une rémunération juste » : vaste question
des exclusions, de la pauvreté et de l’équité). Cinquième pilier, les
besoins vitaux (« la vie et la santé passent avant toute autre considéra-
tion éthique »2[Desaulniers (2011)] : le lien alimentation-santé, établi
depuis Galien, après une longue éclipse imputable aux famines puis à
une priorité donnée à la baisse des prix alimentaires relatifs au détri-
ment de leur qualité, revient à une place qu’il n’aurait jamais dû quit-
ter à travers le concept global de sécurité alimentaire et nutritionnelle
[Rastoin (2013)].
Ces cinq piliers rassemblent les éléments essentiels de ce que l’on
pourrait considérer comme une « éthique des systèmes alimentaires » :
bien être humain, conditions de production et de commercialisation
respectueuses de la biosphère et de l’équité, information complète,
objective et éducative du citoyen/consommateur.
Pour boucler ce rapide aperçu d’un concept essentiel, revenons au
horsegate et donnons la parole à l’une de ses victimes collatérales,
Laurent Spanghero, fondateur, puis sauveur de l’entreprise éponyme
qui a sombré dans la crise du cheval-bœuf. Laurent Spanghero donne
le point de vue d’un acteur éclairé des filières agroalimentaires. Il se
situe, dès le début de son propos, dans la priorité qui vient d’être évo-
quée : « Les grandes maladies de notre siècle sont directement liées à
notre rapport à l’alimentation, à notre type de consommation ». Il
1852 J.-L. RASTOIN
2On s’étonne de la contradiction consistant à mettre en 5ème pilier un objectif
annoncé comme premier et devant précéder les 4 autres, mais le texte de l’association
est clair à ce sujet.
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