diffi cultés : baisse des revenus, réduction des
vivres, utilisation de plus en plus fréquente
de l’eau saumâtre… Les pays aux moyens
financiers supérieurs comme les nations
occidentales seront confrontés à ces pro-
blèmes dans une moindre mesure ; ils opte-
ront pour la dessalinisation de l’eau, l’ache-
minement d’eau en provenance de l’intérieur
des terres, la protection de la qualité du sol
au moyen d’engrais et de l’irrigation… et la
protection de leurs côtes.”
Coûts énormes
Les mesures requises pour se préparer
à la montée du niveau de la mer néces-
sitent beaucoup d’argent. M. van Ypersele
cite le plan que la ville de
New York a récemment
proposé. “Un plan de 20
milliards de dollars. Pour
la protection d’une seule
ville. Imaginez la situation
dans laquelle se trouve
un pays entier comme le
Bangladesh.”
La Belgique est une
autre région occidentale
en pleine préparation,
avec le projet “Baies
flamandes 2100”, qui
entend protéger notre zone côtière d’ici
2100 contre une tempête qui survient en
moyenne une fois tous les 1.000 ans, par
l’accumulation de sédiments (principale-
ment du sable), la construction de rete-
nues d’eau le long des quais portuaires,
la rénovation des digues, barrages et
écluses et l’érection d’un barrage anti-
tempête à Nieuwpoort. Le coût d’une telle
opération est diffi cile à chiffrer, car les tra-
vaux s’étendent sur un siècle. Le plan de
base pour la défense de la zone côtière,
élément crucial du dispositif, est déjà éva-
lué à 300 millions d’euros.
M. MacKinnon avance un autre exemple,
le Viêt Nam. “Une province du delta du
Mékong a établi un plan triennal pour l’amé-
nagement d’une infrastructure de protection
contre une élévation moyenne du niveau de
la mer d’ici 2050, autrement dit selon un scé-
nario ni pessimiste, ni optimiste. Il requiert
plus de 100 millions de dollars. Quand on
sait que le delta du Mékong comprend
seulement six provinces,
on entrevoit l’énormité du
défi qui attend les pays en
développement.”
Réponse protéiforme
M. MacKinnon explique
que la plupart des pays
en développement voient
davantage leur salut dans
une approche qui ne serait
pas axée sur l’infrastruc-
ture : “Ils envisagent par
exemple des solutions
écologiques, comme la protection ou la
plantation de mangroves, ou la limitation du
puisage d’eaux souterraines afi n de contrer
l’affaissement des sols. Autre option : réduire
l’infrastructure fl uviale, comme les digues,
qui restreint malheureusement la sédimen-
tation des deltas. On constate néanmoins
que le fi nancement, surtout celui issu de
l’aide au développement, est bien plus rapi-
dement octroyé aux travaux d’infrastructure
qu’à de telles mesures écologiques et stra-
tégiques. Pour cette raison, de nombreuses
régions doivent choisir les zones qu’elles
protégeront et celles qu’elles laisseront de
côté, étant donné qu’elles ne disposent pas
de moyens fi nanciers suffi sants pour la pro-
tection de toutes les régions en danger. Les
constructions entraînent dès lors la dégra-
dation plus rapide encore des zones non
protégées, entraînant des tensions entre
groupes de population et le renforcement
des inégalités.”
Il constate par ailleurs que les pays riches
auraient aussi tout intérêt à mettre en place
un plus large éventail de réponses à la mon-
tée du niveau de la mer via des mesures tant
stratégiques et infrastructurelles qu’écolo-
giques, comme la dépoldérisation.
Réfugiés
M. van Ypersele indique aussi qu’une
solution adaptée à une région précise
ne conviendra pas nécessairement à une
autre région : “Les spécificités géogra-
phiques locales sont essentielles. Il sera ainsi
impossible de protéger le Bangladesh par
des mesures identiques à celles prises aux
Pays-Bas. La situation est complexe aussi
pour les États insulaires menacés. Cela tient
d’une part au fait que leurs moyens fi nan-
ciers sont moindres et d’autre part à des
raisons techniques. Ces États prônent prin-
cipalement une réduction plus rapide des
émissions de gaz à effet de serre. Plusieurs
tentent d’organiser le déplacement de leur
population vers d’autres contrées. Les popu-
lations menacées acceptent cependant avec
diffi culté d’abandonner leur terre, leur île.
Sans oublier que peu de nations semblent
enclines à les accueillir.”
Des décennies d’efforts… en vain ?
Le 19 juin, la Banque mondiale a publié
le rapport Turn Down The Heat, indiquant
que l’impact du changement climatique
se traduira par de graves problèmes dans
les régions qui sont déjà pauvres ou qui
étaient actuellement en train de sortir de
la pauvreté. Pour le président de la BM,
Jim Yong Kim, le plus préoccupant est le
fait qu’une augmentation de deux degrés
– que nous pourrions déjà atteindre d’ici
2030 ou 2040 – empêcherait de réaliser
l’objectif d’éradication de la pauvreté
dans le monde et que des décennies
d’aboutissements dans des projets de
développement n’auraient dans ce cas
servi à rien. Une perspective qui n’en-
chante personne…
KOEN VANDEPOPULIERE
Les Sundarbans sont gravement touchés par le changement climatique. Cette région située à
l'embouchure du Gange au Bangladesh et au Bengale occidental en Inde fait partie du plus grand
delta du monde.
© Agence européenne pour l’environnement
New York
consacrera
20 milliards
de dollars aux
préparatifs visant
à faire face à
l'élévation du
niveau de la mer.
dimension 3 I SEPTEMBRE-OCTOBRE 2013 19
EAUEAU