Innervation des chefs inférieur et moyen du trapèze

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UNIVERSITE DE NANTES
FACULTE DE MEDECINE
MASTER I SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES
UNITE D’ENSEIGNEMENT OPTIONNEL
MEMOIRE REALISE dans le cadre du CERTIFICAT d’ANATOMIE,
d’IMAGERIE et de MORPHOGENESE
2010-2011
UNIVERSITE DE NANTES
Innervation des chefs inférieur et moyen du trapèze
Par
François Ducournau
LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES
Président du jury :
Pr. R. ROBERT
Vice-Président :
Pr. J.M. ROGEZ
Enseignants :
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Laboratoire :
Pr. O. ARMSTRONG
Pr. O. BARON
Pr. G. BERRUT
Pr. C. BEAUVILLAIN
Pr. D. CROCHET
Dr. H. DESAL
Pr. B. DUPAS
Dr E. FRAMPAS
Dr A. HAMEL
Dr O. HAMEL
Pr. Y. HELOURY
Pr A. KERSAINT-GILLY
Pr. J. LE BORGNE
Dr M.D. LECLAIR
Pr. P.A. LEHUR
Pr. O. RODAT
S. LAGIER et Y. BLIN - Collaboration Technique
UNIVERSITE DE NANTES
FACULTE DE MEDECINE
MASTER I SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES
UNITE D’ENSEIGNEMENT OPTIONNEL
MEMOIRE REALISE dans le cadre du CERTIFICAT d’ANATOMIE,
d’IMAGERIE et de MORPHOGENESE
2010-2011
UNIVERSITE DE NANTES
Innervation des chefs inférieur et moyen du trapèze
Par
François Ducournau
LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES
Président du jury :
Pr. R. ROBERT
Vice-Président :
Pr. J.M. ROGEZ
Enseignants :
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Dr E. FRAMPAS
Dr A. HAMEL
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Pr. Y. HELOURY
Pr A. KERSAINT-GILLY
Pr. J. LE BORGNE
Dr M.D. LECLAIR
Pr. P.A. LEHUR
Pr. O. RODAT
S. LAGIER et Y. BLIN - Collaboration Technique
REMERCIEMENTS
A Monsieur le Professeur Jean-Michel Rogez
Il a su me transmettre sa passion de l’Anatomie dès les premiers cours. Sa personnalité
sans concessions force le respect et suscite l’admiration. Par ses encouragements
bienveillants, il m’a donné confiance et m’a galvanisé dans mon travail.
A Messieurs nos Professeurs d’Anatomie
Je vous remercie d’avoir su me faire partager l’amour de votre discipline.
A Messieurs Stéphane Lagier et Yvan Blin
Je vous remercie pour votre patience, votre aide, vos conseils et votre disponibilité.
INTRODUCTION
Si la description anatomique proprement dite du muscle trapèze est très détaillée dans
tous les ouvrages d’anatomie et notamment dans le Paturet1 (qui nous a servi de
référence), par contre la description de son innervation est beaucoup plus succincte
surtout dans sa portion intramusculaire et particulièrement en ce qui concerne les chefs
moyen et inférieur. Nous avons tenté de faire le point sur cette innervation, grâce à des
dissections anatomiques.
ETAT ACTUEL DES CONNAISSANCES
1.
Les différents chefs du trapèze
Le trapèze, ou muscle culcullaire,
est le muscle le plus superficiel du
cou et du dos. Large et aplati, il a
la forme d’un triangle. Au niveau
de la base de ce triangle, les
fibres musculaires sont attachées
par une lame fibreuse sur la ligne
des
épineuses,
de
la
protubérance occipitale externe
jusqu’à l’apophyse épineuse de la
onzième dorsale. Le sommet du
triangle répond à l’acromion. Les
deux trapèzes réunis par leur
base prennent alors l’aspect d’un
losange (Fig 1).
Dans
leur
convergence
vers
l’épaule les fibres musculaires se
différencient en trois chefs:
Fig1: Vue postérieure des trapèzes, d’après Paturet
a. Le chef supérieur regroupe les fibres musculaires qui, insérées sur l’occiput et le
ligament cervical postérieur se dirigent obliquement en bas et en dehors avant de
se fixer sur la clavicule.
b. Le chef moyen regroupe les fibres qui s'insèrent depuis C7 jusqu’à T3 - T4, se
dirigent transversalement et se fixent en dehors sur l’acromion et le tiers externe
de l’épine de la scapula. Etant donnée sa configuration horizontale, on
comprendra aisément que le chef moyen est un adducteur de la scapula. Il la
rapproche de l’axe vertébral entrainant, lors de sa contraction, un effacement de
l’épaule.
c. Le chef inférieur regroupe les fibres qui s’insèrent depuis T5 jusqu’à T11, se
dirigent obliquement en haut et en dehors
pour se fixer sur le tubercule du
trapèze par l’intermédiaire d’une lame aponévrotique aplatie, l’aponévrose
externe du trapèze. La contraction du chef inférieur abaisse l’extrémité interne de
l’épine en même temps qu’il rapprocher la scapula de l’axe médian du corps. Elle
induit une légère élévation du moignon de l’épaule par la bascule de l’omoplate.
2.
Innervation du chef moyen et du chef inférieur
Le trapèze est classiquement décrit comme un muscle possédant une double
innervation : une principale par la branche latérale de la onzième paire de nerfs
crâniens, et une secondaire par le nerf du trapèze, branche du plexus cervical antérieur.
Paturet1nous dit:
«La branche externe du spinal descend dans le creux sus claviculaire en avant du
trapèze et pénètre le muscle par sa face antérieure, très près de son bord superoexterne, à 2cm environ au-dessus de la clavicule, après s’être divisée en deux ou
trois rameaux ; elle se ramifie dans le muscle en un certain nombre de filets
divergents, dont les plus nombreux sont : les uns ascendants pour la partie
cervicale du muscle et les autres descendants pour sa partie dorsale.
Le nerf du trapèze est un long filet nerveux qui naît de la branche antérieure du
troisième nerf cervical ; il pénètre le trapèze un peu au-dessus du spinal ; ce nerf
peut être dédoublé, donnant une branche grêle accessoire, qui provient alors de la
branche antérieure du quatrième nerf cervical et la branche trapézienne
proprement dite ; les deux nerfs cheminent isolement jusqu’au trapèze ; parfois
aussi les deux branches se fusionnent en un tronc commun avant d’aborder le
muscle.»
D’après Paturet, le nerf du trapèze semble avoir un rôle uniquement proprioceptif.
Stacey2, lui, prouve, sur 32 cadavres, que le plexus cervical donne également une
innervation motrice au trapèze qui provient principalement des branches C3 et C4.
Cette observation est confirmée par Karuman3, à l’aide de techniques histochimiques
sur 18 spécimens et décèle même plus rarement une origine C2.
La description du Rouvière n’apporte aucun élément complémentaire.
Tous ces auteurs traitent de l’innervation du trapèze dans sa globalité. Aucun d’entre
eux n’individualise l’innervation spécifique des chefs ce qui rend difficile l’interprétation
de leur résultats pour la cible qui nous intéresse: les chef moyen et inférieur.
Deux auteurs émettent des hypothèses d’innervation spécifique:
1.
Walker4évoque que seule la partie supérieure du trapèze est innervée par le nerf
accessoire.
2.
Kierner5dans une étude portant sur 22 muscles émet l’idée inverse, que seules
les chefs supérieur et moyen sont innervés par les deux contingents nerveux et
que le chef inférieur n’est innervé que par le contingent spinal.
Nous voyons donc bien qu’il n’y a aucune unanimité quant à l’innervation spécifique des
chefs moyen et inférieur ce qui montre tout l'intérêt de notre étude.
HISTOIRE DE LA METHODE
Avant propos: Plutôt que d’écrire un chapitre «matériel et méthode» de façon formelle, il
nous a semblé plus instructif de décrire l’histoire de notre travail en dévoilant les échecs
et les astuces pour faire gagner du temps à ceux qui voudraient continuer notre étude.
C’est pour cela que nous avons décidé de raconter cette histoire en parlant à la
première personne du singulier.
Ce travail m’a été confié par Monsieur le Professeur Rogez.
Après avoir réalisé une bibliographie globale je me suis lancé dans le prélèvement et la
dissection des deux premiers trapèzes. Il s’agissait d’une femme caucasienne de 86
ans.
Pièce 1D: J’ai commencé par le côté droit. J’ai avant tout cherché à identifier le muscle
trapèze et le nerf spinal. Pour cela, j’ai pratiqué de la façon suivante
•
J’ai d’abord réalisé la dissection de la face dorsale du trapèze: après avoir fait une
incision de l’occiput jusqu'à la mastoïde, j’ai suivi la ligne supérieure du trapèze
jusqu’au moignon de l’épaule puis je suis descendu obliquement directement
jusqu’à T12. J’ai réséqué la peau et les tissus adipeux en réclinant progressivement
de la partie latérale vers la partie médiane. J’utilisais pour cela un bistouri équipé
d’une lame numéro 23, une pince à disséquer et des ciseaux courbes. J’ai découvert
ainsi le muscle recouvert dans sa moitié supérieure par une aponévrose que j’ai
réséquée dans un deuxième temps.
Conseil: pendant cette dissection j’ai pu vérifier qu’il était préférable de positionner le
tranchant du scalpel vers la peau, appuyant ainsi sur le muscle avec le bord non
tranchant du scalpel et évitant des incisions inopportunes.
•
J’ai ensuite recherché l’origine du spinal. Pour cela, j’ai réalisé une incision
horizontale partant de la mastoïde, contournant le creux masséter et suivant la
mandibule droite jusqu'à la partie médiane du menton avant de descendre jusqu’au
manubrium sternal. J’ai réséqué la peau jusqu'à la clavicule, mettant à nu les
éléments musculaires et vasculo-nerveux du cou. J’ai pu ainsi mettre en évidence le
nerf spinal au niveau de l’encoche masséter et ai pu vérifié qu’après avoir traversé le
muscle sterno-cleido-mastoidien, il s’enfonçait dans une gaine fibreuse appartenant
à la face antéro-supérieure du trapèze.
Hélas, en cherchant à suivre le
trajet
du
spinal,
malheureusement
je
l’ai
sectionné.
J’étais dépité et n’ai même pas
eu
le
simple
réflexe
de
photographier la dissection.
Pour
me
réconforter,
le
technicien du laboratoire m’a
conseillé
de
continuer
la
dissection du cou (Fig 2), ce qui
m’a permis de me comprendre
un peu mieux les rapports de
cette région complexe.
Fig 2: Vue latérale droite du cou après avoir
récliné le trapèze et le sterno-cleido-mastoïdien
Conseil: Pour un étudiant de troisième année, n’ayant jamais fait de dissection
anatomique, une telle aventure est enthousiasmante mais elle est par contre très
chronophage (j’ai consacré pas moins d’une cinquantaine d’heures pour disséquer ce
premier coté). Je peux très modestement conseiller de ne pas se décourager car
l’apprentissage de la dissection permet un abord beaucoup plus rapide des pièces
suivantes.
Pièce 1G: J’ai alors attaqué le coté gauche. J’avais en tête de refaire le même travail,
mais en plus propre et surtout sans sectionner le nerf spinal. Une de mes priorité était
d’identifier si de spinal innervait bien les chefs moyen et inférieur.
Mon expérience du coté droit m’a permis de mettre a jour le face dorsale du trapèze en
deux fois moins de temps tout en respectant beaucoup mieux les fibres musculaires. La
surface du trapèze gauche était beaucoup moins irrégulière et plus exempte de reliquats
fibrineux (Fig 3).
Fig 3: Pièce 1 Vue dorsale des deux trapèzes; la dissection apparaît
plus soignée
Comme précédemment j’ai réalisé un abord antéro latéral du cou pour mettre en
évidence le trajet du nerf spinal. Pour que l’exposition soit démonstrative, il est
nécessaire d’éliminer tous les tissus graisseux et aponévrotiques qui sont très
abondants dans cette région. L’identification des éléments vasculaires et des éléments
nerveux m’a été grandement facilitée par l’usage de lunettes grossissantes.
Conseil: il ne faut pas croire que l’apport des systèmes grossissants ralentisse le travail
de dissection; tout au contraire une meilleure identification rend le geste plus rapide et
précis. L’accoutumance est très rapide.
J’arrivais à identifier parfaitement le nerf
spinal (Fig 4).
Pour montrer l’entrée du spinal et suivre
son cheminement dans le trapèze, j’ai
décidé de sectionner le spinal le plus
haut possible, à la sortie du sternocleido-mastoidien, et de désinsérer le
trapèze de ses attaches osseuses,
conscient que ce faisant, j’étais obligé
de
couper
des
attaches
vasculo-
nerveuses et que je m'ôtais donc la
possibilité de suivre le trajet d’une
branche d’innervation basse.
J’ai pu alors observer la face antérieure
du trapèze. Toute la partie paravertébrale de la face antérieure du
trapèze est ponctuée d’entrées de
fibres nerveuses qui semblent traverser
perpendiculairement le muscle et sortir
à sa face postérieure. L’hypothèse la Fig 4: Pièce 1G Vue latérale du cou
plus plausible est qu’elles sont à
destinée cutanée.
Du fait de l’ablation en bloc du trapèze, je n’ai identifié aucune fibre nerveuse, autre que
le spinal, correspondant à un contingent moteur cité dans la bibliographie.
Mais encore une fois ma priorité était au nerf spinal. Avant de rentrer dans le muscle, le
spinal pénètre au sein d’une bourse fibro-graisseuse située 2 à 3 centimètres au dessus
de la clavicule. Il chemine alors le long de la face antérieure du muscle qu’il va pénétrer
à l’union du chef supérieur et du chef moyen. J’ai pu le suivre tout au long de son
parcours extra-musculaire.
Afin de déterminer à quels chefs il se distribuait, j’ai eut l’idée lumineuse de l’injecter au
tétra-oxyde d’osmium. Cette idée m’a en fait été suggérée par un histologiste qui m’a
expliqué que ce produit, extrêmement dangereux, fixe la phosphomyéline et permet de
colorer en noir les nerfs myélinisés. J’emportais la pièce au laboratoire d’histologie et
l’injectais sous hotte en respectant de nombreuses précautions. En fait j’appris par la
suite que cette technique n’a d'intérêt que pour des micro-fibres nerveuses; dans le cas
de notre pièce musculaire le tétra-oxyde d’osmium a diffusé et coloré toutes les fibres
musculaires adjacentes au nerf rendant la pièce inexploitable. L’idée lumineuse s’est
révélée désastreuse.
Au terme de ces deux dissections je n’avais répondu à aucune des problématiques de
mon sujet, même si l’identification du spinal et son suivi dans son trajet extra-musculaire
m’ont été précieux par la suite.
Ne sachant comment avancer plus intelligemment dans mon travail je prenant rendezvous avec Professeur Rogez qui me prodigua les conseils suivants:
o Chercher d’abord à mieux individualiser les trois chefs
o Commencer la dissection par le bord libre inférieur du trapèze puis progresser
peu à peu jusqu’à trouver un pédicule vasculo-nerveux
o Si un pédicule apparait, le disséquer et le mettre en évidence en libérant le
bord médial du trapèze
J’attaquais donc un deuxième corps; il s’agissait d’un homme caucasien de 71 ans qui
avait du être sportif dans la jeunesse.
Conseil: une pièce anatomique d’un homme musclé est de loin préférable si l’on veut
mettre en évidence un élément musculo-tendineux.
Pièce 2G: Je m’attachais sur ce troisième trapèze à suivre le premier conseil de
Monsieur Rogez: mieux individualiser les trois chefs.
Pour cela, j’ai réalisé deux incisions, l’une verticale suivant la ligne des épines
vertébrales, l’autre horizontale, reliant le moignon de l’épaule à T2. Les deux triangles
de peau supérieur et inférieur ainsi délimités, peuvent être réclinés, en haut et en
dehors pour le premier, et
en bas et en dehors pour
le
second,
avec
une
charnière latérale que l’on
peut repousser aussi loin
que nécessaire, facilitant
donc
l’exposition
du
muscle (Fig 5).
Un soin tout spécial a été
porté sur l’ablation des
aponévroses.
La mise en évidence du
Fig 5: Lignes d’incision cutanées et sens de dissection
permettant une exposition aussi large que désirée
trapèze n’a duré qu’une
journée, ce qui a permis de prendre des photographies sans que le corps ne soit
formolé.
J’ai ensuite continué en disséquant le bord libre inférieur du trapèze en suivant ainsi les
conseils de mon Maître.
Conseil: afin de séparer le trapèze des tissus sous-jacents (essentiellement musculo
fibreux), ne pas hésiter à utiliser les doigts qui respectent le plan de clivage sans
risquer de sectionner un nerf.
Pièce 2D: Afin de pouvoir suivre le trajet des branches nerveuses perforantes et de voir
si chacune d’entre elles est réellement à destinée cutanée, j’ai décidé de conserver la
peau recouvrant le trapèze.
J’ai ainsi réalisé une incision oblique reliant le creux axillaire à T12, passant donc sur le
bord latéral du trapèze.
J’ai utilisé la même façon de disséquer la face profonde du trapèze que pour le muscle
précèdent en réclinant le trapèze de bas en haut; par contre, chaque fois que je mettais
en évidence un rameau nerveux sur la face antérieur du trapèze, je pouvais suivre son
trajet jusqu’à sa terminaison même si elle était cutanée (puisque la peau était là). Une
fois avoir récliné les chefs inférieur et moyen jusqu’à l’entrée du spinal, je suivais le
trajet du nerf en enlevant la surface musculaire antérieure au nerf.
RESULTATS
A. Les différents chefs du trapèze
La pièce 2G nous a permis d’individualiser les trois chefs du trapèze (fig 6 et 6bis ), en
nous reportant aux descriptions classiques énoncées par Paturet corroborées par
certaines différences morphologiques qui nous a semblé bon de souligner.
La chose qui semble se dégager lorsque l’on examine le trapèze dans son ensemble est
le caractère particulièrement massif et charnu du chef moyen qui apparait comme
dominateur par rapport aux chefs supérieur et inférieur. Ce caractère dominateur est
surligné par des insertions tendineuses très robustes et très larges avec notamment le
triangle aponévrotique supérieur du coté médial qui suggèrent l’importance des
contraintes mécaniques appliquées par ce chef. Les faisceaux musculaires sont denses
et compacts laissant supposer l'existence de différents plans musculaires.
Les chefs supérieur et inférieur semblent se définir aussi bien par leur insertion et
l’orientation de leur fibres que par leur discrétion de leur épaisseur et de leurs attaches
tendineuses.
Le chef supérieur se différencie d’autant plus du chef moyen que ses fibres, plongeant
en avant du chef moyen en direction du tiers externe de la clavicule, ont une orientation
complètement différente.
En revanche, les fibres du chef inférieur s’écartent progressivement de l’axe transverse
sans solution de continuité et se verticalisent au fur et à mesure qu’elles s’écartent du
chef moyen. Ce chef s’individualise donc surtout grâce à son insertion tendineuse plus
frêle par rapport à celle du chef moyen et grâce son épaisseur moindre, composées de
la juxtaposition de fibres grêles et aplaties rappelant l’aspect d’une aile de raie.
Fig 6: Vue dorsale de la pièce 2G
Fig 6 bis: Colorisation des 3 chefs
jaune=supérieur, bleu=moyen, vert=inférieur
Os occipital
Acromion
Epine de la scapula
Aponévrose externe
Grand triangle aponévrotique
Rhomboïde
T11
B. Innervation des chefs moyen et inférieur
1. Le nerf accessoire (XI paire des nerfs crâniens)
Le nerf spinal chemine le long de la face antérieure du chef supérieur et des deux tiers
du chef moyen auquel il destine de nombreuses branches. Puis il se divise en deux
branches (Fig 7) qui pénètrent le muscle.
Fig 7: Pièce 2G: Vue latérale gauche du cheminement du
spinal sur la face antérieur du trapèze récliné vers l’axe medial
Insertion acromioépineuse du chef moyen
réclinée en dedans
Chef moyen
Branches destinées au
chef moyen
Nerf spinal
Entrée intramusculaire
du spinal
En fait, le nerf spinal rentre dans le muscle au niveau d’un dédoublement aponévrotique
séparant les fibres superficielles et profondes du chef moyen. Après avoir séparé les
deux plans et enlevé le plan superficiel, nous pouvons voir que le spinal progresse d
dans
le chef moyen et le chef inférieur en abandonnant de nombreuses branches (Fig 8) qui
semblent de poursuivre jusqu’aux fibres les plus inférieures du chef caudal.
Fig 8: Pièce 2G: trajet extra et intra musculaire du spinal
Entrée intra musculaire
du spinal
Chef moyen
Chef inférieur
Il est difficile de suivre toutes les ramifications nerveuses car au fil des divisions elles
deviennent si fines qu’on peut les confondre avec des structures fibrineuses (Fig 9).
Fig 9: Pièce 2D: Distribution du spinal aux chefs moyen et inférieur d’un trapèze droit
récliné et retourné en dedans et en haut, comme indiqué ci dessous.
Cependant, dans leur trajet terminal les branches de divisions du spinal s’insinuent
entre les fibres
bres musculaires qu’elles semblent innerver. En écartant ces fibres on voit
mieux ces ramifications nerveuses. Au niveau du chef moyen, les branches de divisions
naissent perpendiculairement par rapport à l’axe du spinal (Fig 9bis).
Fig 9 bis: Pièce 2D: Ramifications nerveuses au niveau du chef moyen; le point de
soie noire correspond à l’entrée intramusculaire du spinal au milieu du chef moyen.
Chef moyen
Point d’entrée intramusculaire du spinal
Chef inférieur
Au niveau du chef inférieur, les ramifications nerveuses naissent plus obliquement,
suivant ainsi le sens des fibres (Fig 9 ter).
Fig 9 ter: Pièce 2D: Ramifications nerveuses du spinal au niveau du chef inférieur.
Chef moyen
Chef inférieur
2. Innervation à partir du plexus cervical
A aucun moment dans nos dissections nous n’avons vu de branches nerveuses venant
du chef supérieur et descendant dans l’épaisseur musculaire des chefs moyens et
inférieurs, en dehors des branches de ramification du nerf spinal.
3. Innervation par d’autres branches nerveuses
Durant nos dissections nous avons pu rencontrer deux sortes de ramifications
nerveuses qui pénétraient les chefs moyen et inférieur du trapèze:
a. Des rameaux perforants para-vertébraux:
Nous avons noté l'existence de rameaux perforants émergeant à moins de trois
centimètres de la colonne vertébrale et perforant le trapèze sur les quatre pièces
que nous avons disséquées (Fig 10).
Rhomboïde
Rameau
perforant
Trapèze recline
en dedans
Fig 10: Pièce 2G: Rameau nerveux perforant l’aponévrose du
rhomboïde avant de rentrer dans le trapèze.
C’est pour suivre la destinée de ces rameaux perforants que nous avons décidé
de conserver la peau pour la pièce 2D (Fig 11). Cela nous a permis de voir que:
Ces rameaux se destinent principalement au tissu cutané après s’être
divisés en au moins deux branches médiale et latérale (Fig 11bis)
Certains abandonnent une branche qui rentre dans le trapèze (Fig 11ter)
Fig 11 Bis
Fig 11 Ter
Fig 11: Pièce 2D: Image précédemment décrite (Fig 9). On note deux
rameaux perforants para-vertébraux
para
b. Des rameaux latéraux
Nous avons enfin rencontré sur les les deux bords latéraux des deux dernières
pièces, deux ramifications nerveuses ne provenant d’aucun tronc sus-nommés:
•
L’une (pièce 2G), venant d’une région antérieure au rhomboïde
et le contournant par son bord inférieur, qui pénètre le trapèze à
5 cm de l’axe médian et 9 cm de son bord inférieur (Fig 12).
Ayant, sur cette pièce, préalablement enlevé la peau et le tissu
adipeux, je ne peux pas dire la destinée de ce rameau nerveux
Rhomboïde
Rameau nerveuxlatéral
Fig 12: pièce 2G: trapèze récliné en dedans. Branche
latérale antérieure
Pediculevasculaire
•
L’autre (pièce 2D), se distribuait en une branche à destinée
cutanée et en une autre branche qui, longeant le bord libre
latéral inférieur du trapèze, lui abandonnait de nombreux petits
rameaux nerveux (Fig 13).
Branche latérale du
bord libre
Fig 13: pièce 2D: branche latérale du bord libre
DISCUSSION
A.
Les différents chefs du trapèze
La distinction entre le chef supérieur et le chef moyen est très bien marqué car les fibres
musculaires du chef supérieur croisent celles du chef moyen comme s’il s’agissait de
deux muscles distincts. En revanche la séparation entre le chef moyen et le chef
inférieur est beaucoup plus subtile car le changement d’obliquité des fibres se fait
progressivement. A partir de quelle orientation passe-t-on du chef moyen au chef
inférieur ? Doit-on se fier simplement aux zones d’insertion ? Tout cela semble bien
théorique.
Nous avons,par contre, été frappés par un aspect morphologique remarquable du chef
moyen : son épaisseur tout à fait importante par rapport aux deux autres chefs. Ces
données n’apparaissent pas dans la description que fait Paturet1où les trois chefs
supérieur, moyen et inferieur ne sont distinguésque par l’orientation de leurs fibres.
Certes nous avons retrouvé cette différence dans l’orientation des fibres mais nous
avons noté à chaque fois que ce chef moyen possède des fibres beaucoup plus
épaisses et charnues que les autres chefs. Par ailleurs nous avons pu voir qu’il se
distribue sur deux plans reliant l’épine de la scapula au rachis, aisément
individualisables lors d’une dissection étant donné qu’ils sont séparés par un fin tissu
aponévrotique.
Cette différence de volume concernant le chef moyen par rapport aux chefs supérieur et
inférieur, doit avoir une explication. Notre hypothèse est qu’elle peut trouver son origine
dans la phylogénie : Chez le quadrupède pur, comme le félin, les scapulas sont
parallèles et sagittales car les mouvements des membres antérieurs sont concentrés
dans un plan antéro-posterieur. Chez l’animal qui ajoute à ces fonctions de mobilité
d’autres fonctions plus élaborées, comme le gorille, les scapulas se frontalisentet se
positionnent dans une angulation intermédiaire. L’homme s’étant redressé pour devenir
un bipède strict, il n’a plus besoin de ses appuis antérieurs pour se déplacer et peut
donc utiliser ses membres supérieurs pour d’autres fonctions plus complexes
nécessitant une très grande liberté dans les trois dimensions. Le chef moyen prend
alors un rôle majeuren projetant les épaules en arrière et positionnant les scapulas sur
un plan frontal.
B. Innervation des chefs moyen et inférieur
L’innervation des chefs inférieur et moyen du trapèze n’est pas systématiséeavec
précision dans la littérature; elle est, la plupart du temps, décrite pour l’ensemble du
muscle, sans individualiser les différents chefs. La plupart des auteurs, comme Paturet1,
Stacey2 ou Karuman3décrivent deux contingents entrant assez haut dans le trapèze - la
branche latérale du spinal et le nerf du trapèze – mais sans préciser la distribution des
branches aux parties plus inférieures du muscle.
Ilparait tout à fait logique que l’innervation du chef supérieur soit assurée par le spinal
(onzième paire des nerfs crâniens connectée aux nerfs oculo-moteurs et assurant ainsi
l’oculocéphalogirie) ou par le nerf trapézien (qui a une action motrice sur le moignon de
l’épaule), compte tenu de la situation de ce chef supérieur. Par contre il pourrait paraitre
tout aussi logique compte tenu des dimensions de ce muscle qu’un contingent dorsal
participe à l’innervation des zones plus caudales.
C’est en tout cas avec cette idée de rechercher un autre contingent que nous avons
effectué ce travail.
Notre travail a principalement dégagé les points suivants :
1. Le spinal se distribue sur toute la hauteur des chefs moyens et inferieur : cette
affirmation est tout à fait en contradiction avec l’affirmation de Walker4 qui
prétend que seule la partie supérieure du trapèze est innervée par le nerf
accessoire. Il n’est pas possible que nous ayons pu confondre le nerf
accessoire avec la branche trapézienne étant donné que nous avons identifié
le nerf accessoire grâce à son origine au niveau du foramen jugulaire et que
nous l’avons suivi pas à pas dans son parcours pré-trapèzien puis intratrapézien.
2. Nous n’avons pas vu d’autre entrée de gros troncs nerveux susceptibles
d’être attribués à la branche trapézienne du plexus cervical profond au niveau
des chefs moyen et inférieur : cela ne veut pas dire que la branche
trapézienne ne participe pas à l’innervation de ces chefs. En effet, il est
classiquement décrit que la distribution de cette branche est variable d’un
sujet à l’autre et même d’un côté à l’autre sur un même sujet6. De plus, et
surtout, nous avons constater qu’au fur et a mesure de la progression caudale
du spinal, ses branches de division diminuaient de diamètre et s’insinuaient
entre les fibres musculaires si bien qu’on aurait pu ne pas les remarquer si
l’on ne suivaient pas leur parcours depuis le tronc principal ou de ses
premières branches de division. On peut très bien admettre, étant donné que
la description classique du nerf du trapèze situe son entrée au dessus du nerf
spinal, que nous soyons passés à côté de ses branches de division. Nos
constatations sont donc tout à fait compatibles avec celles de Kierner5 qui dit
que seules les chefs supérieur et moyen sont innervés par les deux
contingents nerveux et que le chef inférieur n’est innervé que par le contingent
spinal.A noter que les études électro physiologiques après section du spinal
et/ou des branches cervicales montrent que la contribution du plexus cervical,
au moins sur le plan moteur, n’a pas de rôle notable7.
3. Nous avons individualisé des pénétrations de ramifications nerveuses non
décrites classiquement qui semblent se distribuer aux chefs inférieur et
moyen. L’existence de rameaux para-vertébraux est décrite dans la
littérature8 : des branches d’origine intercostale se divisent en deux branches
médiale et latérale avant de perforer le trapèze et de se distribuer à la peau.
Ce que nous avons vu et qui n’est pas décrit, c’est que ces fibres nerveuses
perforantes peuvent abandonner, dans leur trajet trans-musculaire, des
branches qui pénètrent le muscle et semblent donc lui être destinées. Cela
semble donner raison à Gadbled9qui soupçonnait l’existence d’une branche
d’innervation intercostale destiné au chef inferieur et moyen du trapèze. Bien
sûr, rien ne nous permet d’extrapoler sur le rôle éventuel de ces branches. La
découverte d’un rameau nerveux extrêmement grêle, longeant le bord latéral
libre du trapèze, et dont aucun auteur ne fait mention, ne peut être discuté ici
étant donné que nous l’avons découvert sur le quatrième et dernier trapèze et
que donc nous n’avons pas pu vérifier la reproductibilité de sa présence. Il
peut tout à fait s’agir d’une simple variation anatomique.
Bien sûr, comme il est classique de le dire, les résultats de cette étude mériteraient
d’être renforcés par des études plus larges.
CONCLUSION
Nous avons réalisé une étude anatomique descriptive portant sur l’innervation des chefs
moyen et inférieur du trapèze humain en utilisant la dissection de deux cadavres, c’est à
dire quatre muscles. Nous n’avons pas la prétention, vus notre expérience et le nombre
de dissections, de contredire les résultats d’études plus approfondies et faisant appel à
des moyens plus importants. Néanmoins nous avons pu mettre en évidence que le
spinal se distribuait sur toutela hauteur des chefs moyen et inférieur, grâce à un réseau
dense de ramifications qui s’insinuent entre les fuseaux musculaires. De plus, nous
émettons l’hypothèse qu’il pourrait y avoir un contingent additionnel venant des rameaux
intercostaux, dont le rôle reste à déterminer.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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2. Stacey R.J, O’Leary S.T, Hamlyn P.J. The innervation of the trapezius muscle: a cervical motorsupply.
Journal of Cranio Maxillo-Facial Surgery (1995 ) 23, 250 - 251
3. Karuman P.M, FRCS, and Khee-CheeSoo, FRACS. Motor Innervation of the Trapezius Muscle; a
HistochemicalStudy. Head Neck. 1996 May-Jun;18(3):254-8
4. Walker HK, Hall WD, Hurst JW. Cranial Nerve XI: The Spinal Accessory Nerve. ClinicalMethods: The
History, Physical, and LaboratoryExaminations. 3rd edition. Boston: Butterworths; 1990. Chapter 64.
5. Kierner AC, Zelenka I, Burian M. How do the cervical plexus and the spinal accessory nerve contribute to
the innervation of the trapezius muscle? ArchOtolaryngol Head Neck Surg. 2001 Oct;127(10):1230-2.
6. Soo KC, Hamlyn PJ, Pegington J, Westbury G. Anatomy of the accessory nerve and its cervical
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8. Hoernschemeyer D, Farjoodi P, Cheng J, Sponseller P. A study of the cutaneous nerves encountered
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9. Gadbled G. Le muscle trapèze. M.S.B.M. Nantes 1997-1998
Innervation des chefs inférieur et moyen du trapèze
François Ducournau, Olivier Hamel, Antoine Hamel, Stéphane Ploteau, StephaneLagier,
Yvan Blin, Roger Robert, Jean-Michel Rogez.
Laboratoire d’Anatomie – Faculté de Médecine de Nantes.
BUT : Nous avons cherché à identifier les différents chefs du trapèze. La littérature
faisant état de descriptions discordantes quant à la distribution du spinal et du nerf
trapézien au sein des chefs moyen et inférieur, nous avons voulu voir si une dissection
anatomique pouvait éclairer cette discution.
MATERIEL ET METHODES :
Les quatre trapèzes de deux cadavres humains formolés ont permis de réaliser ces
dissections.
Quatre abords ont été réalisés :
•
•
•
•
Les deux premiers trapèzes ont été mis à jour après ablation de la peau pour
l’identification des chefs
Un abord au niveau du triangle sus-claviculaire a permis l’identification du nerf spinal
et de son trajet jusqu’à son entrée musculaire
Une incision para-vertébrale avec trait de refend transversale a permis une
exposition encore plus large du trapèze
Une incision oblique suivant le bord latéral libre du trapèze avec réclinaison en bloc
du muscle et de sa peau a permis le suivi des rameaux perforants
RESULTATS
Nous avons remarqué le caractère spécialement charnu du chef moyen.
Le spinal se distribue sur toute la hauteur des chefs moyen et inférieur du trapèze grâce
à un réseau dense de ramifications qui s’insinuent entre les fibres musculaires
Nous avons remarqué que certains nerfs intercostaux, perforant le trapèze pour se
destiner à la peau, peuvent abandonner quelques rameaux à destinée trapézienne.
CONCLUSION
Le rôle du spinal est prépondérant dans l’innervation des chefs moyen et inférieur du
trapèze. On peut imaginer que des rôles accessoires soient dédiés à la branche
trapézienne du plexus cervical et à des rameaux perforants intercostaux.
Mots-Clés : Trapèze, Muscle, Innervation, Dissection
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