ANTHROPOLOGIE DU TABAC

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ANTHROPOLOGIE
DU TABAC
Collection Santé, Sociétés et Cultures
dirigée par Jean Nadal et Michèle Bertrand
Peut-on être à l'écoute de la souffrance, en comprendre les racines et y
apporter des remèdes, hors d'un champ culturel et linguistique, d'un
imaginaire social, des mythes et des rituels?
Qu'en est-il alors du concept d'inconscient?
Pour répondre à ces questions, la collection Santé, Sociétés et Cultures
propose documents, témoignages et analyses qui se veulent être au plus
près de la recherche et de la confrontation interdisciplinaire.
Dernières
parutions:
Psychothérapie des femmes africaines, D. Lutz-Fuchs.
Les Racines criminelles, P. Delteil
Thérapies corporelles des psychoses, G. Pons
Carrefours sciences sociales et psychanalyse, B. Doray et JM Rennes
La décision sur soi, A. Lacrosse.
Psychopathologie de la Côte d'Ivoire, D. Tchichi.
La perception quotidienne de la santé et de la maladie, Flick Uwe.
Le père oblitéré, L. Lesel.
La démiurgie dans les sports et la danse, N. Midol
Sujet, parole et exclusion, F. Poché
L'interculturel de la psychosociologie à la psychologie clinique,
D.Paquette
Clinique de la reconstruction,. une expérience avec des réfugiés en exYougoslavie, A. Chauvenet, V. Despret, J-M. Lemaire.
Yo Garéï, G. Dorival.
Communication et expression des affects dans la démence de type
Alzheimer par la musicothérapie, S.Ogay
Adoption et culture:de lafiliation à l'affiliation sous la direction de S.
Dahoun.
Thérapiefamiliale et contextes socioculturels en Afrique Noire, G. Dimy
Tchetche.
Médecine des philosophes et philosophie médicale, Jacques Chazaud.
Psychiatrie en Afrique, l'expérience camerounaise, Léon Fodzo.
Santé, jeunesse et société. La prise en charge desjeunes 18-25 ans au sein
d'un Service de Prévention à l'hôpital, B. N. Richard
@ L'Harmattan,
1997
ISBN: 2-7384-5675-8
Textes réunis par
Sylvain BOUYER
Alain GAFFET
avec la collaboration de Christine DENIS
ANTHROPOLOGIE
DU TABAC
Éditions L'Harmattan
5-7, rue de l'École-Polytechnique
75005 Paris
L 'Harmattan
Inc.
55, rue Saint-Jacques
Montréal (Qc) - CANADA H2Y lK9
INTRODUCTION
Alain GAFFET*, Sylvain BOUYER**
Lorsqu'il introduisit le tabac en France, au milieu du XVIO
siècle, Jean Nicot ne se doutait pas que 'son' herbe occuperait, plus
de 4 siècles après, une telle place dans nos moeurs.
A usage personnel de détente -de vice diraient d'aucuns-, le
tabac sous toutes ses formes n'est cependant pas affaire strictement
individuelle, et sa pratique s'initie et se développe largement au 'cours
d'activités collectives. A l'inverse, si sa présence dans notre culture
quotidienne -que ce soit dans la publicité ou à travers l'art, par
exemple- en fait un objet a priori collectif, il est difficile d'ignorer
que son caractère social influe, peu ou prou, sur le comportement de
.
chacun, fumeur ou non, d'ailleurs.
Le découpage de ce recueil en deux parties, l'une consacrée aux
appropriations psychologiques individuelles du tabac, l'autre à ses
appropriations culturelles collectives, ne doit donc pas masquer
l'interaction, voire l'intrication, des comportements du fumeur et des
us et coutumes de la société.
Les pratiques individuelles du fumeur sont fortement
ancrées dans son environnement, et ses pratiques sont largement
influencées par son entourage. Cette idée générale traverse tous les
textes de la première partie, plus centrés sur le fumeur en tant que
sujet.
C'est
avec cette optique
HOUSSEMAND et Sylvain BOUYER
psychologiques relatifs aux facteurs
tabagisme de l'adolescent (p. 17),
sous-jacente
que Claude
passent en revue les travaux
qui interviennent dans le
et que Géraldine GRUET
* Maître de Conférences de Psychologie sociale à l'Université Nancy 2.
**Maître de Conférences de Psychologie clinique à l'Université Nancy 2.
5
s'intéresse aux différentes facettes du tabagisme, aussi bien en ce qui
concerne les circonstances qui entourent la (les) premières cigarette(s)
et les significations psychologiques qu'on peut y lire, que par rapport
aux implications de la décision, mise en acte, d'arrêter de fumer
(p. 90). Et si la société incite parfois à l'arrêt du tabac, pour des
raisons souvent beaucoup moins simples et plus idéologiques qu'on
ne veut le faire croire, comme le montre Fernand GUYOT, elle ne
pourra réaliser efficacement son intention qu'en prenant en compte
les caractéristiques psychologiques de chaque fumeur particulier (p.
127). Cela ne signifie absolument pas qu'on puisse opposer les
fumeurs et les non-fumeurs selon une typologie de leur personnalité.
Les défenseurs de la pureté à laquelle s'attache l'abstinence tabagique
en seront pour leurs frais: Sylvain BOUYER confirme des travaux
classiques montrant l'absence de structure psychologique qui pourrait
« expliquer» qu'une partie de la population fume et l'autre non
(p. 25).
Mais dans sa composante individuelle, qu'elle en soit à des
débuts initiatiques ou qu'elle corresponde à une habitude solidement
installée, qui cherche parfois des argumentations 'rationnelles' pour
se justifier, l'activité tabagique ne se limite pas à un comportement
phénoménologiquement descriptible. Expression symbolique d'une
conception personnelle du rapport aux contingences spatiotemporelles, elle traduit, dans le langage que le fumeur, occasionnel
ou non, développe pour parler d'elle -véritable égérie de sa liberté par
rapport à l' espace-temps- tout un implicite, voire une fantasmatique
du sujet face à la mort, c'est-à-dire, en définitive, une philosophie de
la vie. C'est à cette réflexion que nous mène Alain GAFFET, d'une
part à travers l'analyse textuelle des discours de fumeurs sur leur
activité (p. 37 et p. 45), d'autre part dans l'étude qu'il a menée avec
Joël FLAMBEAU et Marc-Henri ROLLAND sur le rapport
dialectique qu'entretient le fumeur occasionnel au tabac (p. 63).
A une sorte d'interface entre les aspects individuels et les
composantes sociales, Sylvain BOUYER et Jocelyne TOURNOIS se
penchent sur les représentations que l'on peut avoir du fumeur, en
fonction du type d'activités (fumer la pipe, la cigarette ou le cigare,
par exemple), et en fonction du fait que l'on est soi-même fumeur ou
6
non-fumeur. Si beaucoup de leurs résultats confirment les images que
chacun de nous peut construire du fumeur (et du non-fumeur),
certaines données remettent en question les stéréotypes que l'on
pouvait avoir -ou dont la désirabilité sociale nous imprégnait- (p. 75).
La deuxième partie est articulée autour de différents aspects
culturels que prend le tabac dans la vie sociale.
Fumer est un acte de langage qui transmet des informations sur
l'univers de référence du fumeur et qui, dans le même temps,
transforme le contexte interlocutif.
Le signifié de la consommation du tabac ne doit pas nous faire perdre
de vue le corps du fumeur, rendu signifiant; tout espace de
signification n'est-il pas circulaire?
Les multiples composantes de l'acte de fumer sont des signes qui ont
la même structure sémiotique que les indicateurs verbaux: les objets
(et les lieux) fétiches qui permettent la réassurance personnelle, la
mise à distance du monde -le briquet, le paquet de cigarettes, la
flamme, la fumée, etc.-, sont autant de constituants d'un déguisement
symbolique qui se prolonge encore et en corps, en attestant de la
densité de cette quasi énigme symbolique. On aboutit à une entité
mixte indissociable, où corps individuel et corps social sont intriqués;
c'est une véritable interaction symbolique qui s'est construite, avec
comme enjeu un pacte a-social.
Le tabac est un plaisir; avec lui, c'est tout un espace-temps de
liberté qui se construit, véritable contre-pouvoir des carcans
qu'impose parfois le groupe social. Alors, la chasse au plaisir est
ouverte; le classique trio répressif des institutions qui brandissent
comme emblèmes qui le code pénal, qui la Bible, qui le dictionnaire
médical, entre en jeu; tous ces Diafoirus se penchent affectueusement
sur le fumeur, sur ce signe qui, pour se construire, ne sacrifie pas le
corps... malgré les menaces institutionnelles.
Or les polémiques qui se développent dans la société autour du
tabac ne datent pas d'aujourd'hui. Leur persistance, dans termes quasi
identiques, à travers les siècles, serait d'ailleurs un indice que leur
fondement n'est pas scientifique, mais correspond la plupart du temps
à des réactions épidermiques, -fumées affectives ou volutes
7
idéologiques. Les arguments tombent nombreux pour dénigrer ce
comportement, ou, tout aussi bien, justifier son interdiction; parfois
même, les opposants avancent des prétextes scientifiques,
prophylactiques, voire moraux, pour y mettre un terme.
C'est ainsi que Jacques 1er d'Angleterre, dès l'introduction de
l'herbe à Nicot dans son nouveau royaume, saisit l'occasion pour, à
travers un pamphlet, le Misocapnie, asseoir son autorité politique et
économique (Eric MARTIN, p. 115). De nos jours, évolution
scientifique oblige, les arguments économiques
sont plus
sophistiqués, mais ce n'est pas pour autant que leur valeur relève
davantage qu'autrefois de la démonstration rationnelle, comme le
montre de façon incisive Fernand GUYOT (p. 127).
Si certaines personnes ne peuvent voir les fumeurs en peinture,
la peinture, elle, s'est immédiatement saisie de cette nouvelle
composante de la vie sociale pour l'intégrer dans son art. Et Claude
PETRY nous rappelle qu'
«
on imagine mal une peinture hollandaise
du XV//O siècle oÙ ne figure quelque pipe ». Dans la description
qu'elle nous propose de quelques oeuvres (p. 133), elle nous fait
découvrir la symbolique, souvent sexuelle, de la pipe dont ne se
séparent pas les personnages de Jan Steen, mais qui apparaissent aussi
dans des oeuvres de Georges de La Tour ou des frères Le Nain. Cette
pipe, on la retrouve qui accompagne Courbet dans plusieurs de ses
autoportaits. A la fin du XIXO siècle, la peinture se fait le miroir de
l'évolution des moeurs tabagiques, et c'est Manet. qui nous offre La
Gitane à la cigarette ou, plus tard, La prune.
Parmi les arts où le tabac s'est immiscé, la littérature tient une
place de choix. En France, le XIXO siècle, en particulier, a vu des
auteurs attachés aux vertus de ce plaisir dans leur vie personnelle, et
l'on pense à Flaubert et à sa correspondance, mais aussi .des
adversaires avérés de ce 'vice', parmi lesquels Balzac, et la
Physiologie du Cigare qu'on lui attribue, même si cette aversion
n'est pas nécessairement transférée sur les personnages produits par
son imagination. De ces auteurs et de leurs rapports au tabac, René
GUISE parle (p. 143), avec une verve et un humour dont il était seul
capable, lui qui, fin lettré spécialiste de cette période et fumeur
8
invétéré, savait le prix à payer parfois au plaisir de fumer. Cette
publication est d'ailleurs l'occasion de lui rendre un affectueux
hommage.
On ne peut pas parler de la présence du tabac dans la littérature
sans évoquer le personnage de Carmen, la célèbre cigarière espagnole.
C'est de ses compagnes de travail que nous entretient Marie ROIG
MIRANDA en évoquant le tabac dans le théâtre espagnol des XVIIo
et xvmo siècles (p. 157). Coïncidence, ou fidélité de l'Histoire, le
tabac revient en force en Espagne depuis quelques années -depuis le
retour de la démocratie?- dans le roman actuel. Ce personnage
secondaire, et pourtant tellement présent, tant physiquement que
symboliquement, Isabelle RECK nous le présente de façon telle que le
lecteur a parfois l'impression que c'est lui l'assassin, ou le coupable,
que c'est lui qui a cette épaisseur psychologique qu'il subtilise au
fumeur (p. 173).
Le 70 art, pour sa part, quand il prend dans sa toile les
volutes de fumée, c'est pour en faire autant le symbole d'une
caractéristique d'un personnage qu'un élément de la mise en scène.
Ecran, miroir, corps, cadre et lumière, ce sont tous ces rôles de la
cigarette que retrace Michèle LAGNY à travers l'analyse de
nombreux films (p. 199). Et de nous rappeler, en conclusion, que « la
fumée de cigarette aide à construire l'espace de simulacre qu'est
l'image filmique. C'est pourquoi, malgré toutes les sollicitations, si
justifiées soient-elles, médicalement et socialement, le cinéma ne peut
pas suivre les campagnes antitabac ».
Depuis que Lucky Luke, le cow-boy de papier inventé par Morris!,
pour être accepté aux Etats-Unis comme héros «clean» dans les
adaptations télévisuelles de ses aventures, a été contraint de troquer
son éternelle cigarette roulée contre un brin d' herbe, on peut imaginer
que les ligues anti-tabagiques s'emparent
de la censure
1 Clin d'oeil du destin? Ce personnage prompt à rouler une cigarette entre deux cases
de ses aventures ou avant de remplir un nouveau phylactère, quitte à se faire parfois
aider par son Jolly Jumper de compagnon chevalin, voit son créateur porter le nom
d'une marque de cigarettes américaines!
9
hollywoodienne pour interdire la diffusion de certains films
classiques qui n'auraient pas été expurgés. Mais quel sens pourraient
bien avoir alors Humphrey Bogart sans sa cigarette ou Orson Welles
sans son cigare?
Cette censure est au centre de la question publicitaire.
Légalement interdite2, la publicité, après avoir pendant plus de 50 ans
vanté un produit en s'appuyarit directement sur les valeurs successives
en vogue dans la société française (la patrie et ses défenseurs, le
colonialisme et l'exotisme, etc.), a dû se faire plus subtile, pour
évoquer indirectement les qualités d'un produit qui ne pouvait plus
dire son nom. La transparence de la lecture y a peut-être perdu, mais
l'esthétique publicitaire y a souvent gagné. C'est ce mouvement que
nous invitent à décrypter Eric CAPELLa (p. 215), en mettant plutôt
l'accent sur l'aspect social du phénomène, et Alain GAFFET et ses
collaboratrices (p. 225), en se plaçant plutôt du point de vue du
spectateur que l'affiche publicitaire cherche à séduire en le flattant
dans ses motivations parfois les plus profondes.
La publicité que suscite le tabac sous toutes ses formes n'est pas
la seule 'oeuvre' esthétique inspirée par cet objet. Philippe MARTIN
nous fait revivre, dans un vivant raccourci historique, l'épopée des
têtes de pipes, dont en France, un seul artisan essaie de maintenir la
tradition en reproduisant d'anciens modèles. La pipe, simple objet
usuel, par le façonnage de son fourneau en tête, est devenue un
véritable art populaire, où se reflètent les moeurs sociales, mais aussi
l'actualité politique et les idéologies successives de notre pays
(p. 239).
Avant de laisser le lecteur visiter, à travers ce recueil, ce
qu'on pourrait appeler un musée anthropologique du tabac, nous lui
devons une précision.
2Après la loi du 9 juillet 1976 qui prohibait la publicité dans les publications pour la
jeunesse, la loi du 10 janvier 1991 spécifie que «toute propagande ou publicité,
directe ou indirecte, en faveur du tabac ou de produits de tabac [...] est
interdite [...] ».
10
Loin de nous l'idée de nous faire les thuriféraires du tabac ou de
le vouer aux gémonies: l'un de nous fume, l'autre non. Nous avons
simplement voulu, à travers ce recueil, évoquer quelques aspects de
cet objet qui, comme la langue d'Esope, est, suivant les circonstances
et surtout selon les personnes, la meilleure ou la pire des choses, mais
qui, qu'on s'en félicite ou qu'on le regrette, .fait actuellement partie
intégrante de notre culture.
Et si, filtrées entre les lignes, le lecteur attentif réussissait à
entrevoir quelques volutes de tolérance, nous n'en serions que plus
heureux.
Il
PREMIERE PARTIE
LE TABAC.
SON APPROPRIATION
PSYCHOLOGIQUE
INDIVIDUELLE
«... Je prends un billet de
première
classe et monte en wagon. Je
m'installe et je fume ... J'étais seul dans le
compartiment.
Il n'est pas interdit de fumer,
mais cela n'est pas davantage permis ... La
glace était baissée. Tout à coup, juste au
moment du départ, deux dames avec un
bichon viennent s'asseoir en face de moL..
Naturellement,
je fume comme si de rien
n'était.
A
vrai
dire,
j'ai
un
moment
d'hésitation,
mais je continue quand même
de fumer en me tournant vers la fenêtre,
puisqu'elle est ouverte. Le bichon est sur les
genoux de la dame en bleu clair... Je reste
coi puisqu'elles
ne disent rien. Si elles
avaient parlé pour me prévenir ou me prier
de cesser, alors bien... Et voilà que tout à
coup, sans avertissement...
la dame en bleu
clair, comme
hors d'elle, m'arrache
mon
cigare des mains et le jette par la fenêtre. Je
la regarde, hébété... Alors, sans proférer un
mot, avec une politesse exquise et peu
commune,
avec raffinement
pour ainsi dire,
j'allonge
deux doigts vers le chien, je le
saisis délicatement
par la nuque et je
l'envoie
par la fenêtre
rejoindre
mon
cigare!... Car si les cigares sont interdits en
wagons,
à plus forte raison les chiens
doivent-ils l'être.
»
L'Idiot
Dostoïevski
L'ADOLESCENT
ET LE TABAGISME
Claude HOUSSEMAND*,
Sylvain BOUYER**
INTRODUCTION
Pour mettre en évidence un éventuel terrain propice au
tabagisme, nous nous sommes proposé de recenser à travers
différentes études effectuées dans le monde les causes attribuées à ce
comportement. Puisque le tabagisme débute généralement pendant
l'adolescence, il était primordial de nous intéresser à cette période de
la vie pour vérifier si des caractéristiques particulières chez des jeunes
pouvaient être éventuellement considérées comme des prédicteurs du
tabagisme.
Cette revue de question a permis de comparer différentes études
portant sur ce sujet, et de mettre ainsi en évidence en quoi elles
convergeaient ou divergeaient à propos de l'influence qu'avaient
différents facteurs habituellement reconnus comme «causes» du
tabagisme. Si les divergences s'avéraient importantes, il faudrait
admettre que le tabagisme résulte d'interactions entre différents
facteurs, et que ces interactions dépendent de la population dans
laquelle on les étudie. Il ne serait plus possible, dès lors, d'accepter le
consensus classique comme une explication générale sur les
déterminants du tabagisme, mais de le limiter à une population
donnée et à une période particulière.
Pour réaliser cette revue de question, nous avons utilisé
différents types de recherche bibliographique. Globalement, deux
techniques principales peuvent être retenues. D'un côté, on trouve un
* Doctorant au Laboratoire de Psychologie de l'Université Nancy 2.
** Maitre de Conférences de Psychologie clinique à l'Université Nancy 2.
17
mode de recherche par revues spécialisées (Psychological Abstracts
et Current Contents), de l'autre, un mode de recherche informatique
par banques de données (Psychinfo et Pascal).
Dans cette recension bibliographique -non exhaustive-, nous
n'avons retenu que les études les plus importantes qui utilisaient des
concepts (<<déterminants») communs, pour pouvoir permettre une
comparaison entre les différentes recherches.
LES DETERMINANTS
Si les travaux consacrés aux déterminants du tabagisme chez
l'adolescent s'intéressent souvent à des caractéristiques différentes,
on peut cependant remarquer que la plupart des déterminants
présumés du tabagisme se retrouvent fréquemment d'une étude à
l' autre.
CLASSIFICATION
DES DETERMINANTS
Une première comparaison nous a permis de classer les
déterminants du tabagisme selon trois dimensions distinctes.
Les déterminants d'ordre personnel: ils regroupent des
caractéristiques comme le sexe, l'âge, les comportements des
adolescents qui sont en rapport avec le tabagisme, les images.
Les déterminants d'ordre familial: on trouve, dans cette.
catégorie, le tabagisme parental, le type de structure familiale, le style
éducatif, les rapports parents/enfant.
Les déterminants
d'ordre social: ce sont la catégorie
socioprofessionnelle, le statut scolaire, le lieu d'habitation.
.
.
.
LES DETERMINANTS
D'ORDRE
PERSONNEL
LE SEXE
La plupart des études générales qui s'intéressent aux différences
de tabagisme entre les sexes montrent que les hommes fument plus
18
que les femmes. Cependant, des recherches qui se consacrent plus
spécifiquement
aux
adolescents
obtiennent
des
résultats
contradictoires:
si certaines ne dégagent aucune différence
significative entre les sexes, d'autres montrent que les adolescentes
fument plus que les adolescents.
L'AGE
L'âge a une influence importante sur le comportement tabagique,
et cette conclusion se retrouve dans toutes les recherches. Non
seulement il existe une période critique -comprise entre 12 et 16 anspendant laquelle le tabagisme va s'installer, mais en plus l'âge auquel
l'adolescent commence à fumer va déterminer sa consommation
quotidienne ultérieure: un tabagisme précoce caractérise les «gros»
consommateurs.
COMPORTEMENTS
DES
ADOLESCENTS
EN
RAPPORT AVEC LE TABAGISME
Des comportements particuliers au cours de l'adolescence
permettent de distinguer les futurs fumeurs et les futurs non-fumeurs.
On relève, entre autres, qu'un fort esprit de rébellion et un faible
contrôle de l'impulsivité permettent de prédire un tabagisme à l'âge
adulte. Certaines variables de pattern antisocial pendant l'adolescence
semblent également être impliquées dans le tabagisme, et plus
particulièrement dans son déclenchement. Par ailleurs, l'homme
fumeur serait celui qui aurait essayé le plus de projeter une image
masculine pendant l'adolescence, alors que la femme fumeuse serait
celle qui aurait tenté de rejeter le plus sa féminité à cette période. En
outre, les adolescents fumeurs seraient moins responsables, et plus
tolérants vis-à-vis des comportements déviants (dont le tabagisme),
que leurs pairs non-fumeurs. Enfin, des symptômes psychosomatiques
apparaissent plus fréquemment chez l'adolescent fumeur.
LES IMAGES
On peut résumer les corrélations qui ont été relevées entre image
de soi, image du fumeur (c'est-à-dire la représentation et la
perception, réelles ou imaginaires, qu'une personne se fait d' ellemême et de l'autre, en l'occurrence le fumeur, ici) et tabagisme en ces
19
termes: plus l'image de soi est appréciée, moins l'intention de fumer
est importante; plus l'image du fumeur est dévalorisée, moins
l'intention de fumer est importante. L'intention de fumer est donc
d'autant plus importante que l'image de soi est dépréciée et que
l'image du fumeur est valorisée.
LES DETERMINANTS
D'ORDRE
FAMILIAL
LE TABAGISME PARENTAL
Dans la plupart des recherches qui s'intéressent à ce facteur, on
retrouve le consensus de la littérature consacrée à l'éducation
sanitaire: le tabagisme des parents influe sur celui des enfants. Pour
résumer, et en négligeant les variations qu'on relève à propos de
l'influence différentielle des pères et des mères, on notera que le taux
d'enfants fumeurs est plus important dans les familles où les parents
fument que dans celles où ils ne fument pas.
LA STRUCTURE FAMILIALE
Cette variable, dont l'indicateur est le nombre de parents vivant
au foyer, est corrélée avec le tabagisme de l'adolescent: le tabagisme
des enfants est inversement proportionnel au nombre de parents avec
lesquels il vit.
LE STYLE EDUCATIF
Les orientations éducatives semblent être un facteur déterminant
du tabagisme des enfants. Au début de l'adolescence, tous les parents
semblent manifester la même attitude à l'égard du tabac,
l'interdiction. Quand le tabagisme en est à s,es débuts, on remarque
que les critiques des parents sont proportionnelles à la consommation
tabagique des enfants. Puis, lorsque le tabagisme est installé, les
parents sont d'autant plus libéraux (envers la consommation de tabac)
que les enfants sont plus fumeurs: l'interdiction des parents en ce qui
concerne le tabac est inversement proportionnelle à la consommation
des enfants.
LES RAPPORTS
TI
PARENTSŒNFANT
est généralement reconnu dans les études que les enfants
fumeurs sont également ceux qui ont les moins bonnes relations avec
20
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