Mini-revue Sang Thrombose Vaisseaux 2008 ; 20, n° 1 : 13-8 Alcool, métabolisme glucidique et diabète Jean Louis Schlienger, Alain Pradignac, Stéphane Vinzio Service de Médecine Interne et Nutrition, Hôpital de Hautepierre, Avenue Molière, 67098 Strasbourg Cedex <[email protected]> Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Les relations entre la consommation d’alcool et le diabète sont ambiguës. Les données épidémiologiques indiquent qu’une consommation modérée et régulière d’alcool est associée à une diminution de l’incidence du diabète de type 2 et à une amélioration de la sensibilité à l’insuline. Chez le diabétique comme dans la population générale, elle est associée à une réduction du risque cardiovasculaire et n’a guère d’effets métaboliques délétères lorsque la consommation se fait au cours d’un repas. Cet effet bénéfique pourrait être secondaire à une action sur la sensibilité à l’insuline et sur la répartition adipeuse. Il s’y ajoute les effets bien connus sur le profil lipidique caractérisé par une élévation du cholestérol HDL et sur les paramètres de la thrombose et de la fibrinolyse. En revanche, une consommation d’alcool excessive ou par accès augmente le risque de diabète, accentue la résistance à l’insuline, majore le risque cardiovasculaire et expose à des complications métaboliques chez le diabétique avec, notamment, un risque d’hypoglycémie dû à une inhibition de la néoglucogenèse. La consommation d’une boisson alcoolisée en quantité modérée et sur un mode régulier peut être tolérée chez les sujets à risque de diabète ou au cours du diabète de type 2. Mots clés : alcool, diabète, métabolisme glucidique doi: 10.1684/stv.2008.0233 L Tirés à part : J.L. Schlienger a consommation de boissons fermentées ou distillées contenant de l’alcool est un trait caractérisant de nombreuses sociétés à travers le monde. Elle n’en est pas moins source de débats et de polémiques car l’alcool est au cœur de plusieurs paradoxes. A la fois aliment énergétique, drogue et toxique, son usage a des conséquences notables sur la santé. Chacun connaît les effets délétères d’une consommation chronique excessive sur de nombreux appareils et organes dont le foie, le système nerveux, le tube digestif et le système cardiovasculaire sans compter les troubles du comportement aigus ou chroniques. Pourtant, il n’est plus douteux aujourd’hui que sa consommation régulière et modérée est bénéfique sur la morbimortalité coronarienne. La place des boissons alcoolisées en cas de troubles du métabolisme glucosé ou de diabète est également ambiguë. Il peut aggraver une intolérance glucosée et dans le diabète avéré être à l’origine de complications métaboliques. En revanche, une consommation régulière et modérée peut s’avérer bénéfique puisqu’elle est associée à une diminution de l’incidence du diabète non insulinoSTV, vol. 20, n° 1, janvier 2008 13 dépendant et du syndrome métabolique comme le suggèrent plusieurs études épidémiologiques et méta-analyses. Pour inattendues et contrastées que soient ces données, il convient d’en tenir compte afin d’en comprendre les mécanismes en faisant la part des données épidémiologiques et expérimentales d’une consommation d’usage et d’une consommation excessive aiguë ou chronique et du type de boisson alcoolisée. Définition d’une consommation modérée Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Toute définition est arbitraire puisqu’il n’y a pas de dose seuil de consommation d’alcool par jour. L’absence de frontière tranchée entre une consommation acceptable, voire souhaitable, et une consommation excessive et inacceptable tient à l’existence d’un continuum entre le normal et le pathologique avec une sensibilité individuelle liée à des variables mal connues en dehors de l’âge et du sexe. D’après les données épidémiologiques, la relation entre alcool et morbidité ou mortalité se fait selon une courbe en J avec un seuil de 3 verres d’une boisson alcoolisée chez l’homme et 2 verres chez la femme, pour la branche ascendante du J. La teneur en alcool des verres dévolus aux différentes boissons étant globalement constante, de l’ordre de 10 g, la consommation maximale acceptable par jour se situe à 30 g d’alcool chez les hommes et 20 g chez les femmes. Il s’agit là d’un consensus d’expert [1]. Effets métaboliques des boissons alcoolisées sur le métabolisme glucidique Le pouvoir hyperglycémiant des boissons alcoolisées a été souvent stipendié et a conduit à l’éviction des boissons alcoolisées chez le diabétique. En réalité, l’hyperglycémie induite dépend de la teneur en glucides de la boisson et non de sa teneur alcoolique. La teneur en glucides du vin rouge ou blanc ou des alcools forts est insignifiante. La bière apporte environ 40 g/L de glucides mais son impact sur la glycémie est modeste lorsqu’elle est consommée au cours d’un repas. Il existe peu de données concernant l’index glycémique des boissons alcoolisées. Vins rouge et blanc sont pratiquement dépourvus de glucides. Riche en glucides, la bière a un index glycémique de l’ordre de 70 %. L’alcool atténue l’hyperglycémie postprandiale en retardant la vidange gastrique. Administré en même temps qu’une boisson sucrée, il réduit la glycémie post-ingestive. La réduction du coenzyme NAD+ en NADH favorisée par l’alcool déshydrogénase et l’aldéhyde déshydrogénase entraîne une inhibition du cycle tricarboxylique hépatique 14 avec une mise en circulation excessive d’acétate ainsi qu’une inhibition de l’oxydation hépatique des acides gras par bêtaoxydation. Il en résulte un excès de production des triglycérides et un excès de réduction des pyruvates en lactates liés à l’excès de NADH. L’augmentation du rapport NADH/NAD+ freine la néoglucogenèse, élève la lactatémie et stimule la cétogenèse. En fait, l’alcool est un inhibiteur puissant de la néoglucogenèse ce qui conduit à une diminution de l’utilisation des substrats de la néoglucogenèse (lactates, acides aminés glucoformateurs et glycérol) et parfois à une hyperglycémie chez les sujets normaux et plus encore chez les diabétiques traités par insuline ou par insulino-secrétagogues. Les conséquences de l’alcool sur la tolérance au glucose sont contrastées et dépendent de la quantité d’alcool ingéré [2]. Effets dans le diabète La consommation de 40 g d’alcool au cours d’un repas standard chez les sujets diabétiques supprime la réponse des incrétines intestinales qui favorisent la sécrétion d’insuline - GLP1 (glucagon like peptide) et GIP (glucose dépendant insulinotropic peptide). Elle diminue l’élévation postprandiale des acides gras mais accroît les triglycérides à la phase postprandiale tardive du fait d’une diminution de leur clairance [3]. La consommation de deux verres de vin rouge lors d’un repas standard n’entraîne pas de modifications significatives des besoins insuliniques estimés à l’aide d’un pancréas artificiel [4]. Aucune différence de la glycémie, de l’insulinémie et des concentrations plasmatiques d’acides gras libres ou de triglycérides n’a été constatée après administration de 500 mL de bière avec ou sans alcool au cours d’un repas. De façon plus inattendue, l’administration d’alcool à la dose conséquente de 1 g/kg (apéritif, vin durant le repas et digestif) n’a pas entraîné de modifications notables du profil glycémique chez des diabétiques de type 1 ou de type 2 par rapport à une consommation d’eau minérale [5]. Dans le diabète de type 1, la consommation excessive d’alcool peut être à l’origine d’un déséquilibre glycémique du fait d’une hypoglycémie de survenue volontiers retardée. L’ingestion d’environ un litre de bière en soirée entraîne une diminution des glycémies avec un plus grand nombre d’épisodes hypoglycémiques le lendemain. Les études expérimentales colligées dans une revue systématique des effets de l’alcool sur l’équilibre glycémique fournissent des résultats rassurants avec néanmoins un effet hypoglycémiant retrouvé lorsque l’alcool est administré à jeun à des sujets traités par sulfonylurée [2]. L’hypoglycémie est la complication métabolique la plus sévère et la plus fréquente d’une alcoolisation excessive et peut même survenir chez des sujets non diabétiques en STV, vol. 20, n° 1, janvier 2008 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. situation de fragilité métabolique. L’administration de vin blanc à la dose de 0,75 g d’alcool/kg à des diabétiques insulino-dépendants diminue les glycémies matinales et post-prandiales et favorise la survenue d’hypoglycémies vers 10 h le matin [6]. L’hypoglycémie induite par l’alcool est réputée réfractaire à l’administration de glucagon. Elle peut être méconnue en raison d’une confusion possible entre les signes d’alerte de l’hypoglycémie et les symptômes de l’alcoolisation excessive. Dans le diabète de type 2, l’ingestion concomitante d’alcool et de glucides peut être à l’origine d’une hypoglycémie réactionnelle. La teneur en glucides de certaines boissons alcoolisées loin d’être compensatrice peut, au contraire, être l’élément facilitant d’une hypoglycémie réactionnelle. En revanche, la consommation modérée et régulière d’alcool au cours d’un repas ne modifie ni la glycémie ni les besoins en insuline des sujets diabétiques. Autres conséquences métaboliques de l’alcool dans le diabète L’hypertriglycéridémie alcoolo-induite survient chez des sujets prédisposés. Composée de VLDL de grande taille sans perturbation du LDL cholestérol, elle ne contribue guère à une majoration du risque cardiovasculaire d’autant qu’elle peut être associée à un taux de HDL augmenté par l’alcool. L’acidose lactique, beaucoup plus rare, peut être la conséquence d’une inhibition de la néoglucogenèse liée à l’alcool et d’un déficit en thiamine lors d’une période d’alcoolisation aiguë. Elle est favorisée par un traitement par metformine ou par une hépatopathie associée. L’acidose alcoolique est la conséquence d’une ingestion massive d’alcool qui interagit avec le métabolisme intermédiaire. Elle n’est pas favorisée par le diabète. La constatation d’une glycémie normale permet de distinguer l’acidocétose alcoolique de l’acidocétose diabétique. Consommation d’alcool et risque de diabète De nombreuses études épidémiologiques concluent à l’existence d’une relation favorable quelque peu inattendue entre une consommation modérée d’alcool et l’incidence du diabète de type 2 selon une courbe en J, suggérant qu’une consommation excessive a un effet néfaste. Une telle relation favorable avait été décrite dès 1988 dans une étude prospective de population [7]. D’autres études de population ont confirmé cette relation. Une revue systématique ayant pris en compte 32 études sélectionnées à partir de 974 références consacrées de près ou de loin à ce sujet entre 1996 et 2003 a montré que la consommation de une à trois boissons alcoolisées par jour était associée à une diminution de l’incidence du diabète de 33 à 56 % et à des maladies ischémiques du cœur chez les diabétiques de 34 à 55 %. En revanche, une consommation excessive est associée à un accroissement de l’incidence du diabète pouvant atteindre 43 % [8]. Deux méta-analyses ultérieures ont confirmé ces données. La méta-analyse de Carlson [9] décrit une diminution de l’incidence du diabète de type 2 de 28 % (RR : 0,72 ; 0,67-0,77), comparable chez les hommes et les femmes. Dans cette méta-analyse, une consommation importante n’accroît pas le risque de diabète mais s’avère non protectrice. Une autre méta-analyse [10] porte sur 15 études prospectives dont 10 étaient communes avec la précédente et rassemble 11 959 cas-incidents de diabète de type 2 chez 369 862 sujets suivis en moyenne pendant 12 ans. Les consommateurs d’alcool ont une incidence de diabète inférieure à celle des abstinents. Au-delà de 48 g/jour d’alcool, il n’existe plus d’effet significatif. La diminution du risque de l’ordre de 30 % apparaît plus nettement chez les femmes que chez les hommes. Elle n’est pas influencée par l’indice de corpulence. Quelques études ont permis de préciser cette relation. Dans une étude prospective menée chez 8000 hommes, la survenue d’un diabète de type 2 est plus fréquente chez les abstinents que chez les consommateurs (RR = 1,8) mais il existe une relation en U entre la quantité d’alcool consommée et l’incidence du diabète, le nadir se situant à hauteur du 2e quartile de consommation de la population soit 62 à 123 g d’alcool par semaine, correspondant à un à deux verres/jour [11]. Dans la cohorte des professionnels de santé, après un recul de 12 ans, la consommation d’au moins un verre d’une boisson alcoolisée est associée à une réduction significative du risque de diabète de type 2, le risque le plus faible étant observé pour une consommation de 5 à 6 verres par semaine (RR : 0,67 ; 0,51-0,89). Cette relation persiste chez les buveurs occasionnels et chez les femmes. Dans la cohorte des nurses, le RR est de 0,8 chez celles qui consomment 5 à 15 g/j d’alcool et de 0,6 chez celles dont la consommation est > 15 g [12]. A l’exception des spiritueux, toutes les boissons alcooliques semblent avoir le même effet favorable. L’effet protecteur est plus apparent chez les sujets à haut risque de diabète en raison de la présence d’un surpoids ou d’un syndrome métabolique. Cet effet persiste après ajustement sur l’insulinémie et le HDL cholestérol. Une étude finlandaise de paires de jumeaux (n = 11501) menée sur une période de 20 ans aboutit aux mêmes conclusions chez les hommes et chez les femmes pour des consommations quotidiennes respectivement de 5 à 30 g/j et 5 à 20g/j. Les STV, vol. 20, n° 1, janvier 2008 15 sujets de poids normal ont un risque de diabète plus élevé lorsque la consommation est excessive. Une consommation compulsive ou par accès est associée à un risque de diabète plus élevé chez les femmes (RR : 2,1 ; 1,0-4,4). L’analyse par paires de jumeaux ayant une consommation d’alcool différente montre que le risque de diabète est moindre chez le jumeau consommateur par rapport au jumeau de la paire abstinent ou faible consommateur (RR : 0,50 ; 0,2-1,5) [13]. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Syndrome métabolique Dans l’enquête de population nord américaine NHANES III, la consommation d’alcool est associée à une moindre prévalence du syndrome métabolique (SM) que chez les abstinents (RR : 0,50 ; 0,45-0,71) après ajustement sur le sexe, l’âge, l’ethnie, le niveau d’éducation, la consommation de tabac, les revenus, le style alimentaire et l’activité physique. La protection s’accroît paradoxalement avec le niveau des consommations qui est corrélé inversement avec trois des composantes majeures du SM : HDL cholestérol bas, triglycérides élevés et tour de taille. Les buveurs de vin et de bière présentent une association favorable avec le HDL-C, les triglycérides et l’hyperinsulinémie. D’autres études de population ont suggéré un effet bénéfique de l’alcool en termes de prévention du SM. Une étude transversale comparant les consommateurs à ceux qui ont toujours été abstinents met en évidence après une analyse multivariée, un odds ratio qui diminue avec la consommation de 1,12 à 0,66 pour une consommation de moins de 2,5 g/j d’alcool à 24 g/j. Au-delà de ce seuil, l’OR est de 0,8. L’effet protecteur de l’alcool est plus marqué chez les femmes que chez les hommes. Cette réduction de prévalence du SM est observée quel que soit le type de boissons alcoolisées [14]. Consommation modérée d’alcool et risque cardiovasculaire chez le diabétique de type 2 Le diabète de type 2 est à ce point associé au risque cardiovasculaire qu’il peut être considéré comme un équivalent de maladie cardiovasculaire davantage que comme un simple facteur de risque. Dans la population générale, de très nombreuses études épidémiologiques et des métaanalyses ont validé l’existence d’une relation bénéfique entre la consommation modérée d’alcool et la morbimortalité cardio et cérébro-vasculaire. Quatre études de cohorte se sont attachées à préciser le risque cardiovasculaire dans le diabète selon la consommation d’alcool. La relation est 16 significativement favorable dans 3 études sur 4 et la relation persiste après ajustement sur d’autres facteurs de risque. L’analyse en sous-groupe effectuée dans la cohorte des médecins démontre un bénéfice comparable chez les sujets diabétiques et non diabétiques [15]. Dans la cohorte des professionnels de santé, les hommes présentant un diabète de type 2 bénéficient d’une consommation d’au moins 2 verres de boissons alcoolisées par jour par rapport aux abstinents (RR : 0,59). Une réduction comparable du risque cardiovasculaire est notée dans l’étude des Nurses (RR : 0,48). Effet des modalités de consommation et nature des boissons alcooliques Les quantités d’alcool considérées comme favorables sont comparables pour la prévention du diabète et celle des maladies cardiovasculaires. La régularité et la modération de la consommation sont les clés de la prévention. La consommation « à la française » est la plus recommandable alors que la consommation de quantités comparables d’alcool en fin de semaine à la scandinave ou à l’anglo-saxonne est plutôt délétère. L’effet nocif sur le risque cardiovasculaire d’une consommation par accès est établi dans plusieurs études de cohorte ; il est probable pour la prévention du diabète. Un effet spécifique de la nature de la boisson alcoolisée a été recherché bien qu’il existe de nombreux arguments en faveur d’un effet intrinsèque de l’alcool. Un effet plus protecteur du vin a néanmoins été mis en exergue pour la morbimortalité cardiovasculaire dans certaines études mais il semble que ce soit moins par l’intermédiaire des composants spécifiques du vin (polyphénols) que par le style de vie qui caractérise les buveurs de vin rouge dans les populations majoritairement consommatrices de bière qui constituent la plupart des études. Dans le domaine du diabète, la relation paraît liée à la consommation d’alcool et non à la nature de la boisson. Dans certaines études, un moindre risque de diabète est constaté pour la bière et le vin par rapport aux spiritueux alors que dans l’étude des professionnels de santé, il n’est observé aucun effet de la nature des boissons alcoolisées sur le risque de diabète [1]. L’analyse de l’impact du style de vie sur le risque de diabète confirme le rôle favorable de la consommation d’alcool. La mise au point d’un score prédictif à partir de la cohorte EPIC, validé auprès d’autres cohortes, intègre le paramètre de consommation modérée d’alcool et lui affecte une pondération de – 20 points sur un total allant de 300 à 700 points alors que, par exemple, la consommation de pain complet (50 g/jour) ou une heure d’activité physique heb- STV, vol. 20, n° 1, janvier 2008 domadaire ne comptent respectivement que pour – 9 et – 2 points dans ce score [16]. Mécanismes Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Diabète de type 2 Les mécanismes responsables d’un effet positif des boissons alcoolisées sur la prévention du risque cardiovasculaire et du diabète de type 2 sont multiples et cohérents quoique spéculatifs dans la mesure où il n’existe pas d’études d’intervention permettant d’établir une relation de causalité formelle. L’amélioration de la sensibilité à l’insuline est l’explication retenue. Dans l’étude DESIR, il existe une relation inverse entre la consommation d’alcool et l’insulinémie basale après ajustement sur plusieurs facteurs de confusion [17]. Dans l’étude IRAS, c’est une relation en forme de courbe en U entre la consommation d’alcool et l’insulinosensibilité qui est décrite [18]. Les concentrations d’insuline ou de peptide C sont plus basses chez des consommateurs réguliers et modérés que chez les abstinents et il existe une relation en J entre la consommation d’alcool et l’insulinémie à jeun ou un index d’insulinorésistance. En revanche, une consommation excessive perturbe la sensibilité à l’insuline [19]. Expérimentalement, l’ingestion de 40 g d’alcool au cours d’une épreuve d’hyperglycémie provoquée améliore un index de sensibilité à l’insuline sans modifier l’insulinosécrétion. La réalisation d’un clamp hyperinsulinique euglycémique confirme l’amélioration de la consommation périphérique du glucose chez les consommateurs par rapport aux abstinents [4]. La relation favorable entre la consommation d’alcool et la sensibilité à l’insuline pourrait être médiée en partie par l’impact de l’alcool sur l’obésité abdominale. En effet, par rapport aux abstinents, les consommateurs réguliers présentent une diminution de la graisse totale et abdominale (p = 0,03). Evaluée chez des paires de jumeaux, cette relation apparaît indépendante de toute interaction génétique ou environnementale et est particulièrement significative chez les sujets ayant une prédisposition génétique à l’obésité abdominale. La prévention du diabète de type 2 imputée à l’alcool pourrait donc s’exercer par le biais d’une action sur l’obésité abdominale ou plus généralement sur la répartition adipeuse [20]. Risque cardiovasculaire Le diabète de type 2 étant souvent considéré comme l’équivalent d’une maladie cardiovasculaire, il est intéressant de rappeler qu’une consommation modérée d’alcool agit favorablement sur plusieurs composantes du risque de macroangiopathie et de dysfonction endothéliale. La diminution du risque cardiovasculaire est principalement attribuée à une augmentation franche et constante de la concentration du cholestérol-HDL. Celle-ci, due à un effet alcool, n’expliquerait cependant que 50 % de l’effet protecteur. D’autres facteurs protecteurs au premier rang desquels figurent les facteurs de thrombogenèse sont à considérer. Une consommation modérée et régulière est associée à un profil favorable de la coagulation et de la fibrinolyse : diminution des taux de fibrinogène, du facteur VII et du facteur de Von Willebrand, diminution de la viscosité sanguine et moindre activité plaquettaire. A l’inverse, une consommation excessive ou compulsive entraîne d’une part une diminution de la capacité fibrinolytique par élévation relative du PAI 1 et de l’antigène TPA par rapport à l’activité TPA et d’autre part, un rebond d’hyperagrégabilité. Ce mode de consommation favorise de plus un état procoagulant susceptible d’expliquer l’augmentation de l’incidence des accidents vasculaires cérébraux et des infarctus du myocarde chez les buveurs excessifs ou par accès. Par ailleurs, l’amélioration de l’insulino-sensibilité est également un élément positif intervenant sur l’endothélium vasculaire [21]. Une méta-analyse portant sur les études expérimentales ayant évalué les effets d’une ingestion standardisée d’alcool sur les paramètres lipidiques et de l’hémostase a conclu que la consommation de 30 g/jour d’alcool, sous quelque forme que ce soit, était associée à une diminution du risque cardiovasculaire de 24,7 % principalement médiée par l’augmentation du cholestérol HDL et la diminution du fibrinogène plasmatique [22]. Effet antioxydant La consommation de vin rouge, riche en polyphénols, pourrait réduire le risque cardiovasculaire en améliorant le stress oxydatif chez le diabétique. Elle améliore le statut antioxydant qui est particulièrement altéré dans cette maladie ainsi qu’en témoigne l’augmentation de la production des espèces réactives de l’oxygène susceptible d’altérer les biomolécules, les membranes et l’endothélium vasculaire. Conclusion Les effets de la consommation d’alcool sur le métabolisme glucidique et le diabète sont complexes et dépendent des modalités de consommation plus que de la nature des boissons ingérées. Une consommation excessive est responsable d’une élévation de la glycémie et d’un contrôle médiocre du diabète avec de surcroît le risque d’induire une hypoglycémie paradoxale. Une consommation modérée et régulière peut au contraire être considérée comme un fac- STV, vol. 20, n° 1, janvier 2008 17 4. Gin H, Morlat P, Raynaud JM, Aubertin J. Short term effect of red wine consumed during meals on insulin requiremment and glucose tolerance in diabetic patients. Diabetes Care 1992 ; 15 : 546-8. Abstract Alcohol, carbohydrate metabolism and diabetes Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Relations between alcohol consumption and health are ambiguous. Many epidemiological data have shown an association between regular and moderate alcohol consumption and decrease in incidence of type 2 diabetes mellitus and improvement in insulin sensitivity. In diabetes, as well as in general population, it is also associated with a decreased risk of coronary heart disease and ischemic stroke. Furthermore mild to moderate alcohol consumption which is associated with a lower prevalence of metabolic syndrome has no deleterious effect on glucose metabolism. It seems that ethanol content of alcoholic beverages is mainly responsible for these beneficial effects by acting on adipose tissue, fasting insulin, lipids, fibrinolysis and hemostatic parameters. On the other hand, heavy or binge drinking was associated with higher blood glucose levels, a poor compliance to diabetes management and, paradoxically, an increased risk of hypoglycaemia due to inhibition of neoglucogenesis. In conclusion, regular and moderate alcohol consumption may be allowed in patients at risk of diabetes and in diabetic patients. Key words: alcohol, diabetes, carbohydrate metabolism teur préventif de la survenue du diabète de type 2 du fait de modifications bénéfiques au métabolisme glucosé et de la sensibilité à l’insuline. Ce mode de consommation est également associé à une réduction du risque cardiovasculaire au cours du diabète par une action favorable sur les profils lipidique et hémostatique. Une consommation modérée et régulière au cours d’un repas standard peut donc être tolérée notamment chez les patients à risque de diabète et chez les diabétiques de type 2. ■ 6. Turner BC, Jenkins E, Kerr D, Sherwin RS, Cavan DA. The effect of evening alcohol consumption on next-morning glucose control in type 1 diabetes. Diabetes Care 2001 ; 24 : 551-4. 7. Balkau B, Randianjohany A, Papoz L. A prospective population-based study of alcohol use and non insulin dependent diabetes mellitus. 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