Rejet d`allogreffe cardiaque médié par les cellules T CD4

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Echos de la recherche
Classiquement, le rôle principal des lymphocytes CD4+ dans le
rejet aigu d’allogreffe est de favoriser la maturation et la multiplication des lymphocytes CD8+ qui sont, in fine, les cellules à l’origine de la dysfonction aiguë du greffon. Cependant, des observations chez l’animal ont montré que lorsque donneur et receveur
étaient identiques au niveau de la classe I, mais différents au
niveau de la classe II, le rejet était médié par les lymphocytes
CD4+. De même, un certain nombre de modèles de rejet cellulaire
en situation xénogénique ont souligné la capacité des lymphocytes CD4+ à rejeter différents types de greffe. Ce phénotype ne
permet cependant pas d’affirmer que le rejet est un phénomène
d’hypersensibilité retardée, car il existe des cellules CD4+ cytotoxiques. En plus de la controverse concernant le rôle des lymphocytes CD4+ (cellules auxiliaires ou effectrices) se pose la question de connaître leur mode de reconnaissance de l’alloantigène.
Les lymphocytes le reconnaissent-ils à la surface de la cellule allogénique du donneur présentant l’alloantigène (présentation
directe) ou l’allopeptide est il présenté par les cellules présentant
l’antigène (APC) du receveur (présentation indirecte).?
Les auteurs de la présente étude1 ont étudié un modèle
murin d’allogreffe cardiaque vascularisée pour répondre aux
deux questions suivantes : les cellules CD4+ sont-elles nécessaires
et suffisantes pour induire un rejet dans une combinaison donneur receveur différente au niveau de la classe I et II et si oui les
lymphocytes CD4+ utilisent-ils la voie directe ou indirecte de
reconnaissance de l’antigène ?
Des modèles classiques de transfert de populations lymphocytaires sélectionnées ont été réalisés, mais l’originalité du
modèle est d’utiliser des souches de souris extrêmement informatives : souris déficitaires en lymphocytes T et B (SCID et rag 1-/ )
souris déficitaires en classe II (CD2) et souris double déficitaire en
T,B et classe II (CD2B6 rag 1-/ -).
La déplétion par un anticorps monoclonal des cellules CD4+
permet la tolérance de la greffe de cœur de souris C57 Bl/6 (H-2b)
à des souris Balb/c (H-2d).
Le transfert à une souris SCID de CD4+ purifié provenant de
souris Balb/c entraîne le rejet d’une greffe de cœur C57Bl/6 ; une
population lymphocytaire dépourvue de CD4+ est sans effet. Les
lymphocytes CD4+ sont donc nécessaires et suffisants pour
induire le rejet dans cette combinaison.
Les CD4+ utilisent-ils la voie directe ou indirecte de reconnaissance ? Des souris SCID ont été greffées avec des cœurs de souris
C2D, dépourvues d’antigène de classe II de telle sorte que seul le
receveur exprime les antigènes de classe II. Dans ces conditions,
le transfert de CD4+ purifiés ne permet pas d’induire un rejet
illustrant la nécessité d’un mécanisme direct de reconnaissance
de l’alloantigène.
Cependant les CD4+ participent aussi au rejet de greffe par la
voie indirecte quand le receveur possède des CD8+ et des cellules
B. Ceci est illustré par la prévention du rejet par un anticorps
Néphrologie Vol. 22 n° 1 2001, p. 33
CD4, d’un cœur CD2 (dépourvu des antigènes de classe II) greffé
à une souris normale Balb/c.
Ainsi, dans le modèle artificiellement créé de souris receveuses immunodéficitaires en cellules T et B, les CD4 sont des
effecteurs du rejet vis-à-vis d’un cœur allogénique dépourvu
d’antigène de classe II, mais chez un animal immunocompétent,
la voie indirecte est également nécessaire.
Afin de mieux préciser l’importance de la présentation
directe, les auteurs ont fait l’expérience inverse à savoir une allogreffe d’un cœur portant la classe II, sur un receveur déficitaire
d’une part en classe II et d’autre part en cellule T et B, suivie du
transfert de CD4+ purifiés. Dans ces conditions, les CD4+ transférés sont capables de rejeter le cœur, donnant un argument supplémentaire pour dire que la présentation indirecte n’est pas
nécessaire pour le rejet de cœur par des cellules CD4+.
En définitive, cette étude qui démontre que des CD4+ rejettent une allogreffe de cœur par la voie directe a ses limites. La
plus importante est qu’il s’agit d’un modèle murin, quelque peu
artificiel, et l’extrapolation à l’homme n’est évidemment pas possible. Ensuite même dans des modèles murins, des résultats
contradictoires ont été observés. Auchincloss et coll.2 ont montré
que le rejet de peau pouvait être médié par des CD4+ utilisant la
voie de présentation indirecte. D’autres auteurs3,4 ont montré que
les CD8+ étaient indispensables au rejet d’îlots pancréatiques.
Enfin le mécanisme effecteur des CD4+ reste totalement inconnu.
Ce qu’il faut retenir est néanmoins que les CD4+ peuvent
seuls induire un rejet d’allogreffe en utilisant le processus de
reconnaissance direct de l’alloantigène et que les CD4+ peuvent
contribuer au rejet à la fois grâce à leur capacité de cellules auxiliaires et à leur propriétés effectrices.
Adresse de correspondance :
Pr Philippe Lang
Service de néphrologie
Hôpital Henri Mondor
1, avenue du Maréchal-de-Tassigny
F-94010 Créteil Cedex
Références
1.
Pietra BA, Wiseman A, Bolwerk A, Rizeq M, Gill RG. CD4 T cell-mediated
cardiac allograft rejection requires donor but not host MHC class II. J Clin
Invest 2000 ; 106 : 1003-10.
2.
Auchincloss H,Jr, et al. The role of « indirect » recognition in initiating
rejection of skin grafts from major histocompatibility complex class IIdeficient mice. Proc Natl Acad Sci USA 1993 ; 90 : 3373-7.
3.
Coulombe M, Yang H, Wolf LA, Gill RG. Tolerance to antigen-presenting
cell-depleted islet allografts is CD4T cell dependent. J Immunol 1999 ;
162 : 2503-10.
4.
Desai NM, et al. Islet allograft, islet xenograft, and skin allograft survival
in CD8+ T lymphocyte-deficient mice. Transplantion 1993 ; 55 : 718-22.
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échos de la recherche
● Rejet d’allogreffe cardiaque médié par les cellules
T CD4: rôle du MHC classe II du donneur
et non du receveur
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