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SYNTHÈSE
Quelle imagerie dans les myopathies
inflammatoires ?
S. Pavy*
L
es myopathies inflammatoires de l’adulte regroupent plusieurs entités : la dermatomyosite, la
polymyosite, la myosite à inclusion, la myopathie
nécrosante auto-immune et les myosites associées
aux connectivites. À l’exception de la myosite à inclusion, le tableau clinique de ces myopathies inflammatoires est caractérisé par l’apparition subaiguë
d’un déficit musculaire proximal et symétrique. L’élévation importante des CPK témoigne de l’atteinte
des fibres musculaires (processus de nécrose-régénération). Dans tous les cas, le diagnostic repose sur
la biopsie musculaire montrant des lésions histologiques distinctes pour chaque entité (1).
Figure 1. Coupe axiale de cuisse, ES T1 saturation de graisse
avec injection de gadolinium. Aspect inflammatoire des
muscles droits fémoraux (droit antérieur). Image au diagnostic d’une polymyosite.
Exploration de l’atteinte
des muscles squelettiques
Dans certaines présentations cliniques (atteinte
prédominant sur les muscles spinaux avec nuque
tombante, par exemple) ou en cas de forme frustre
ou de patient vu précocement, le rendement diagnostique de la biopsie musculaire peut être nettement amélioré par la réalisation préalable d’une
imagerie ou d’un électromyogramme.
IRM des muscles squelettiques
* Service de rhumatologie, hôpital
universitaire de Bicêtre, Le KremlinBicêtre.
En IRM, les muscles les plus inflammatoires apparaissent en hypersignal en séquence T2 du fait de la
présence de l’œdème inflammatoire intra- ou périmusculaire, alors que les muscles peu ou non atteints
restent en isosignal. La graisse pouvant conduire
à des faux positifs, le recours à des séquences T2
avec suppression de graisse ou séquences STIR est
nécessaire (figures 1 et 2). Dans la dermatomyosite,
l’IRM peut également montrer un œdème cutané,
sous-cutané ou des fascias.
Réalisée en première intention aux bras ou aux
cuisses – les sites habituels de biopsie étant le deltoïde et le quadriceps –, l’IRM permet de guider la
biopsie musculaire sur la zone la plus inflammatoire
et, ainsi, de diminuer les faux négatifs de 10 à 25 %
selon les séries (2).
La place de l’IRM dans l’évaluation de l’activité de la
myosite reste discutée. Plusieurs études ont montré
4 | La Lettre du Rhumatologue • Suppl. 2 au n° 355 - octobre 2009
Figure 2. Coupe axiale de cuisse, ES STIR. Aspect inflammatoire des muscles grand droit. Image au diagnostic d’une
polymyosite (même patiente que figure 1).
une bonne corrélation entre l’activité clinique de la
myosite, l’évolution du taux de CPK et la régression de
l’hypersignal musculaire 3 à 6 mois après l’instauration
du traitement immunosuppresseur (2). Cependant, en
pratique quotidienne, le contrôle de l’IRM musculaire
n’est habituellement pas nécessaire après la phase initiale du traitement, car l’évaluation clinique du déficit
musculaire et le taux sérique des CPK sont suffisants
pour apprécier la réponse au traitement. L’imagerie par
IRM se révèle plus utile à un stade ultérieur (figures 3A,
B et C) si une dissociation entre la force musculaire et
le taux de CPK apparaît. Les séquences STIR, T2 avec
suppression de graisse et T1 peuvent permettre, à ce
stade, de différencier une dégénération graisseuse liée
à la corticothérapie prolongée d’une rechute inflammatoire de la myosite.
Des techniques d’IRM corps entier et de spectroscopie
de résonance magnétique sont à l’étude dans certains
centres. Leur rôle dans le diagnostic ou l’évaluation
des myopathies inflammatoires n’est pas défini.
Échographie des muscles squelettiques
L’échographie conventionnelle est peu utilisée dans
le cadre des myosites. La sensibilité et la spécificité
SYNTHÈSE
A
B
C
Figures 3A, B et C. Coupes axiales de cuisse, réévaluation d’une patiente suivie pour polymyosite depuis 10 ans avec
aggravation récente du déficit moteur. L’examen IRM montre une involution graisseuse avec fibrose des muscles de la loge
postérieure en ES T2 (C), sans signal inflammatoire en STIR (B) et ES T2 (A).
de l’échographie conventionnelle ont été rapportées
comme étant légèrement inférieures à celles de l’EMG
ou du dosage des CPK (3). L’utilisation d’agents de
contraste permettant de quantifier la perfusion musculaire augmenterait de façon significative la sensibilité
et la spécificité de l’échographie pour évaluer l’activité
inflammatoire au sein des muscles (4). Cette technique
encore en développement pourrait être une bonne
alternative à l’IRM du fait de son caractère fonctionnel.
Exploration d’atteintes
viscérales associées
Atteinte pulmonaire
La pneumopathie interstitielle constitue la manifestation extramusculaire principale des myosites liées
aux anticorps antisynthétases (anti-JO1, anti-PL7,
anti-PL12, anti-OJ, anti-EJ). Selon les séries, elle est
présente au diagnostic initial dans 75 à 90 % des cas,
mais elle peut survenir tout au long de l’évolution de
la myosite. L’évolution vers une fibrose extensive en
l’absence de traitement conditionne le pronostic du
syndrome des antisynthétases. Des pneumopathies
interstitielles peuvent également être associées aux
myopathies nécrosantes auto-immunes (présence
de l’anticorps anti-SRP) et aux myosites liées aux
connectivites. La fréquence et la sévérité de cette
atteinte pulmonaire justifient la réalisation systématique d’un scanner thoracique en coupe millimétrique lors du diagnostic d’une polymyosite. Au stade
précoce d’alvéolite, il permet de visualiser les infiltrats
des bases pulmonaires en verre dépoli. Des images
réticulaires, kystiques et microkystiques sous-pleuraux réalisent un aspect en rayon de miel (figure 4).
Plus tardivement, la fibrose se traduit par des images
de rétraction et des bronchectasies de traction. Le
retentissement fonctionnel de ces pneumopathies
nécessite la réalisation d’explorations fonctionnelles
respiratoires se traduisant par une diminution de la
diffusion du monoxyde de carbone (DLCO) puis, en
cas de fibrose évoluée, d’un syndrome restrictif.
Atteinte cardiaque
L’atteinte cardiaque au cours des myopathies
inflammatoires est rarement symptomatique. Les
arythmies et les troubles de la conduction sont les
manifestations cardiaques le plus fréquemment
retrouvés (5). L’échocardiographie systématique
montre, dans plus d’un tiers des cas, des dysfonctions
ventriculaires gauches. L’IRM cardiaque peut visualiser une prise diffuse de gadolinium témoignant
d’une myocardite le plus souvent silencieuse (6).
En pratique, en l’­a bsence d’antécédent cardiovasculaire ou d’anomalie à l’électrocardiogramme,
la recherche d’une atteinte cardiaque infraclinique
n’est pas nécessaire.
Recherche d’une néoplasie sous-jacente
Un cancer est associé à une dermatomyosite dans
environ 30 % des cas, l’association aux autres myosites étant plus rare. Selon une étude scandinave, les
cancers associés aux myosites étaient, par ordre de
fréquence, les cancers des ovaires, du poumon, du
pancréas, les lymphomes, les cancers de l’estomac
et du côlon (7). La fréquence de cette association
nécessite la recherche d’une néoplasie sous-jacente
lors du diagnostic de dermatomyosite. Une tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne, complétée par une mammographie chez la femme, sont
les imageries à réaliser en première intention. En cas
de doute sur un ovaire ou sur l’utérus, une échographie ou une IRM du pelvis peut être nécessaire.
L’intérêt du Pet scan dans le dépistage systématique
des néoplasies associées aux dermatomyosites n’a
pas encore été évalué.
Conclusion
Si le diagnostic des myopathies inflammatoires
repose sur la clinique et l’histologie musculaire, les
examens d’imagerie ont une place importante pour
évaluer l’étendue de l’atteinte musculaire et pour préciser les éventuelles atteintes viscérales associées. ◾
Figure 4. Scanner thoracique :
pneumopathie interstitielle
avec opacités réticulaires et
kystiques, syndrome des antisynthétases.
Références bibliographiques
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Actualités des myopathies
inflammatoires : nouvelles
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2. Tomasova Studynkova J,
Charvat F, Jarosova K, Vencovsky J. The role of MRI in
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Rheumatology (Oxford)
2007;46(7):1174-9.
3. Reimers CD, Fleckenstein JL,
Witt TN, Muller-Felber W,
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dermatomyositis and polymyositis. Rheumatology (Oxford)
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related myocarditis evaluated by magnetic resonance imaging. Ann Rheum
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7. Hill CL, Zhang Y, Sigurgeirsson B et al. Frequency of
specific cancer types in dermatomyositis and polymyositis: a
population-based study. Lancet
2001;357(9250):96-100.
La Lettre du Rhumatologue • Suppl. 2 au n° 355 - octobre 2009 | 5
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