Évaluation des contraintes articulaires au niveau de la hanche au

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MÉMOIRE
Ann. Kinésithér., 1988, t. 15, n° 6, pp. 277-283
© Masson, Paris, 1988
Évaluation des contraintes articulaires au niveau de la hanche
au cours d'un exercice contre résistance en pouliethérapie.
P. WILLEMS, L. PLAGHKI, J.L. THONNARD, J. DE NA YER
Université Catholique
de Louvain,
Unité de Réadaptation
(Prof J. de Nayer), av. Mounier,
La pouliethérapie est indIquée notamment
pour le renforcement de la musculature de
membres dont la fragilité osseuse ou articulaire ne permet pas l'application de grandes
forces. Willems et Coll. (12) ont cependant
montré que dans le circuit résistant pour la
tonification des muscles abducteurs de hanche,
la force résistante pouvait varier de zéro à plus
de trois fois la charge suspendue au circuit.
Le but du présent travail est d'évaluer les
contraintes articulaires au niveau de la hanche
au cours d'un tel exercice thérapeutique. Les
auteurs montrent que, si aucune consigne de
vitesse d'exécution du mouvement n'est donnée
au patient, ces contraintes peuvent dépasser
celles de la station unipodale.
Introduction
Selon Rocher
(11), la pouliethérapie
comprend tous les procédés de mobilisation
active ou passive qui combinent l'utilisation de
systèmes «poids-poulies » avec la suspension
de membre à mobiliser. Dans ce cas, le membre
est soutenu par une ou plusieurs élingues de
suspension et le mouvement est exécuté dans un
plan horizontal. On dit alors que le membre
est en « apesanteur»
puisqu'aucune force musculaire n'est nécessaire pour le maintenir dans
ce plan. Cette technique est principalement
Tirés à part: P. WILLEMS, unité READ
Mounier, 53, B-1200 Bruxelles, Belgique.
- DCL 5375, av .
53, 1200 Bruxelles,
Belgique.
indiquée pour entretenir la mobilité articulaire
et renforcer la musculature de membres dont
la fragilité ne permet pas _l';:tpplication de
grandes forces (5).
Le circuit résistant pour muscles abducteurs
de hanche est très fréquemment
utilisé en
traumatologie et chirurgie orthopédique (ostéotomie, arthroplastie, etc ...), avant même que la
mise en charge sur le membre soit autorisée.
Selon la tradition clinique, ce type de circuit ne
présente aucun danger pour les membres fragilisés (2, 5, 11). Les raisons invoquées sont les
suivantes :
1) les contraintes articulaires liées au poids
du corps sont supprimées puisque le sujet est
en décubitus dorsal;
2) le membre étant soutenu au niveau du
genou et de la cheville, les contraintes liées à
la pesanteur sont négligeables;
3) les contraintes en compression liées à la
suspension sont faibles;
4) les contraintes imposées au membre et aux
diverses articulations par le circuit résistant sont
peu importantes étant donné que les charges ne
dépassent habituellement pas 4 kg.
Cependant, nous avons montré (12) que da~s
les conditions habituelles, la force résistante (R)
engendrée par le système de poids et de poulies
pouvait facilement varier de 0 à près de trois
fois la charge suspendue. De plus, la plupart des
thérapeutes ne tiennent pas compte des forces
engendrées par l'activité musculaire (Frl;), dans
l'évaluation
de la grandeur des contraintes
articulaires. On peut dès lors se demander si l~
variations importantes . de ----+
la force résistante R
et de la force musculaire Fm n'engendrent pas
,~
r
278
Ann. Kin ésith ér., 1988, t. 15, n° 6
des contraintes
articulaires
qui pourraient
constituer un danger potentiel pour des membres
fragilisés, principalement
lorsque l'appui est
contre-indiqué. Pour répondre à cette question,
nous avons évalué la grandeur des forces de
compression articulaire au niveau de la hanche
au cours d'un mouvement contre résistance et
nous les avons comparées aux forces rencontrées
lors de la station bipodale et unipodale.
Méthodes
DESCRIPTION D'UN CIRCUIT POUR MUSCLES
ABDUCATEURS DE HANCHE
Le patient est installé en décubitus dorsal dans une cage
grillagée (dite « cage de Rocher») dont les parois servent
de surface d'ancrage aux poulies et aux élingues de
suspension. Le membre est soutenu par deux élingues
fixées au plafond de la cage de Rocher à l'aplomb de
l'articulation
à mobiliser (fig. 1 - point A). Elles
soutiennent le membre, l'une au niveau du genou et l'autre
au niveau du pied (fig. 1 - points B et C). Le membre
se déplace dans un plan horizontal. Il est soustrait à
l'action de la pesanteur. Le filin du circuit résistant est
habituellement placé à l'extrémité dis tale du membre à
mobiliser à la face interne du pied (fig. 1 - point T). La
première poulie (fig. 1 - point D) est fixée à la cage dans
le plan du mouvement de manière à ce que le filin soit
FIG. 1. - Circuit résistant pour
abducateurs de hanche.
la tonification
des muscles
perpendiculaire au membre lorsque celui-ci est à 0 degré
d'abduction. Une seconde poulie (fig. 1 - point E) est
attachée au plafond de la cage ..
MODÉLISATION ET BILAN DES FORCES
EXTÉRIEURES AU SYSTÈME
Le calcul des contraintes imposées au membre inférieur
lors d'un mouvement d'abduction
de hanche contre
résistance a été réalisé à partir du modèle présenté à la
figure 2.
Le membre inférieur est divisé en 8 segments; 7 cônes
tronqués homogènes et un coin pour le pied (8). Les
données anthropométriques
telles que la densité, la
distance entre le centre de rotation et le centre de gravité,
etc ... proviennent de Winter (15). Le moment d'inertie
de chacun des cônes est calculé suivant un procédé décrit
par Hanavan (7). Le centre de rotation de la hanche est
situé en un point (fig. 2 - point 0) considéré comme fixe,
au centre de la surface délimitant l'extrémité proximale
du membre inférieur. Cette surface est située dans un plan
passant par le bord supérieur du grand trochanter. Les
forces extérieures au système agissant sur le membre sont
au nombre de six.
-'>
A. La force résistante R
->
La force résistante R est la force engendrée par le
système de poids et de poulies. Elles est appliquée au
niveau du point de fixation du filin sur la bottine, à la
face interne du pied (fig. 2 - point T). La plupart des
auteurs (IJ, 5, 6, 9, Il) ont toujours postulé que la force
résistante R est égale à la charge et qu'elle reste constante
au cours du mouvement. Willems et coll. (12) ont montré
que la grandeur de R varie de façon importante au cours
du mouvement et que ces variations sont liées aux forces
de frottement dans les poulies et à la force d'inertie que
la charge oppose à l'accélération du mouvement.
Ann. Kin ésith ér., 1988, t. 15, n° 6
279
~
B. Le poids du membre (Pm)
Le poids du membre est représenté à la figure 2 par
le vecteur Pri;:. Il est appliqué au niveau du centre de
gravité du membre (fig. 2 - point 0').
C.
forces liées à la suspension du membre
---+ Les ----+
(Fg et Fj)
pg et Fj sont les forces apparaissant dans les élingues
suite à la suspension du membre. Elles sont dirigées dans
l'axe des élingues. La grandeur de ces forces est évaluée
à partir des équations suivantes :
Fj
Fg
= (1-rj). mj. glsin Sj
= [(1-rc). mc + rj. mj].
glsin Sc
(1)
(2)
sont les masses de la jambe et de la
cUisse ;
: sont les rapports entre la distance <
extrémité
proximale
du segment centre de gravité > et la longueur
totale du segment;
: sont les angles entre les élingues et l'axe
du membre;
: est égal à 9,81 mis 2.
2) l'insertion distale du muscle est située sur la surface
délimitant l'extrémité proximale du membre, 4,5 cm en
dehors du centre de rotation (fig. 2 - point B),
3) lorsque le membre est à a degré d'abduction, le
muscle forme un angle de 159° avec l'axe du membre.
Sa longueur est alors de 15,5 cm.
La grandeur de la force engendrée par le « muscle
équivalent»
est calculée à partir de l'équation
Fm
1. a = -----
Lr . R
bm
où - 1 : est le moment d'inertie du membre par rapport
à l'axe de rotation;
- a : est l'accélération angulaire du membre;
- Lr: est le bras de levier effectif de la force résistante.
- bm : est le bras de levier effectif de la force
musculaire de fu.
où - mj et mc:
rj et rc
- Sj et Sc
- g
D.
~ La force des muscles abducteurs de hanche
(Fm)
Selon Fick (cité par Pauwels) (10), les muscles
produisant une force en abduction peuvent être divisés
en deux groupes : - 1 - les muscles pelvi-trochantériens,
c-à-d. le muscle Moyen Fessier, le muscle Petit Fessier
et le muscle Pyramidal, et - 2 -les muscles pel vi-cruraux,
c-à-d. le Tenseur du Fascia Lata, le muscle Droit
Antérieur et le muscle Couturier.
Il est actuellement impossible de mesurer directement
la grandeur de la force développée par chacun de ces
muscles, à moins d'utiliser des techniques invasives. D'un
point de vue expérimental, nous pouvons uniquement
mesurer la grandeur de la résultante des moments
musculaires (13). Il est dès lors impossible d'évaluer la
participation relative de chacun de ces muscles à partir
de ce moment résultant, puisque le système est indéterminé. On doit donc se résoudre à réduire le groupe des
muscles abducteurs. de hanche à un seul muscle appelé
« muscle abducteur
équivalent»,
dont l'activité est
représentative de l'ensemble (3). La force engendrée par
le muscle----+équivalent est représentée à la figure 2 par le
vecteur Fm.
En nous basant sur les travaux de Fick (dans Pauwels)
(10) et ceux de Dostal (4), nous avons déterminé les
caractéristiques
du muscle abducteur
« équivalent»
comme suit :
1) le muscle équivalent est situé dans le plan frontal
passant par le centre de rotation de la hanche,
----+
E. Les forces de réaction articu~aire (Fc)
Les forces appliquées sur le membre vont engendrer
des forces de réaction articulaire, réparties sur la surface
de la tête fémorale. La résultante des forces de réaction
Ce vecteur
est représentée à la figure 2 par le vecteur
est appliqué au niveau du centre de rotation de la hanche
(fig. 2 - Point 0). Il est déterminé à partir des autres forces
par l'équation :
&.
----+
Fc
-;
--+
----+
= m.a-R-Pm-Fg-FJ-Fm
----+
-t
----+
où - m : est la masse du membre ;
- a: est l'accélération du centre de gravité du membre.
PROCÉDÉS DE CALCUL
Les programmes
de calcul ont été réalisés sur un
DAI-PC. Nous avons calculé les forces de réaction
articulaire au niveau de la hanche au cours de mouvements résistés par des charges de 2 et 4 kg. Les données
nécessaires aux calculs sont :
1) les dimensions
anthropométriques
du membre
inférieur,
2) la grandeur des variables mécaniques du mouvement
contre résistance à un instant donné du mouvement,
c-à-d. :
- le déplacement angulaire (8),
- la vitesse angulaire (w),
- l'accélération angulaire (a),
- la force résistante (R),
3) la distance entre la première poulie et le membre
à 0° d'abduction,
4) la distance entre le point 0 et le plafond de la cage.
Ces données ont été déterminées à partir de mesures
expérimentales réalisées au cours de deux études précédentes (12, 13).
280 Ann. Kinésithér., 1988, t. 15, n° 6
Résultats
ÉVOLUTION DES CONTRAINTES
ARTICULAIRES AU COURS DU MOUVEMENT
La figure 3 représente l'évolution temporelle
des variables cinématiques (8, -+co, a) et de la
grandeur de la force résistante R au cours d'un
mouvement d'abduction de hanche. La charge
suspendue au circuit est de 2 kg. Aucune
consigne de vitesse n'est donnée au sujet.
Le mouvement est exécuté en 1,20 seconde.
R
20
N
a
o
Le sujet maintient ensuite le membre à 47°
d'abduction (soit 0,827 rad). La vitesse angulaire
maximale de 780/s (soit 1,37 radis) est atteinte
après 0,7 seconde. L'accélération angulaire ( a)
atteint un maximum de 197°/s2 (soit 3,45 rad/s2)
après 0,44 seconde. La décélération maximale
de 247°/s2 (soit 4,31 rad/s2) est obtenue après
0,96 seconde.
Le tracé du haut représente la grandeur de
la force résistante R. La ligne en traits discontinus représente la charge de 2 kg. On
observe que R n'est pas égale à cette charge et
qu'elle varie de manière importante au cours du
mouvement. Durant la phase d'accélération du
membre, R atteint un maximum de 37,2 N (soit
190 % de la charge), et un minimum de 13,8 N
(soit 70 % de la charge) durant la phase de
décélération. Ces variations de la force résistante
sont liées à la force d'inertie engendrée par la
charge et aux forces de frottement dynamique
(12).
La figure 4 représente l'évolution temporelle
de la grandeur de la force de compression
articulaire au niveau de la hanche (Fe) au cours
de ce mouvement. Dans l'exemple décrit, la
longueur du membre inférieur est de 88,6 cm,
sa masse est de 12 kg et son moment d'inertie
autour de l'axe vertical est de 2,037 kg.m2•
•
Fe/PC
Fe (N)
1200
2
[ ~nd ",-'
800
1.5
.5
1
rad
400
e
o
o
sec.
0.5
l
.6
1.2
..48
0--1 LO .2
1.0
11
0
t (sec)
FIG. 3. - Évolution temporelle du déplacement angulaire (8),
de la vitesse angulaire (w), de l'accélération angulaire (a) et de
la grandeur de la force résistante (R) au cours d'un mouvement
d'abduction de hanche dans un circuit résistant en pouliethérapie.
La charge suspendue au circuit est de 2 kg.
1
1
FIG. 4. - Évolution de la grandeur de la force de réaction
articulaire (Fc) au cours du mOUi'emi?1l, d~ri! à la Fig. 3. Fc
est exprimé en N et par roppon ait poiIi_, du corps (PC).
1-
1
Ann. Kin ésithér., 1988, t. 15, nO 6
----+
j
La force de compression Fe. dépend
princi~
paIement de la force
musculaIre Fm. En effet,
----+
.
la grandeur de Fm est de l'ordre de 20 fOIS
supérieure à la grandeur des forces engendrées
par le circuit résistant et par la force d'inertie
du membre (équation 4). Ceci est lié au fait que
le bras de levier de ~ est beaucoup plus petit
que le bras de levier des autres forces.
----+ Puisque
la grandeur de la force musculaire Fm varie en
fonction de l'accélération angulaire et de R qui dépend lui-même de a - (équation 3), ----+
la
grandeur de la force de réaction articulaire Fc
variera également en phase avec a. Ceci est
illustré à la figure 4. Avant le départ du
mouvement, Fe est de 374 N. Cette force atteint
un maximum de 916 N soit plus de 1,5 fois le
poids du corps lorsque l'accélération du membre
est maximale. Fc décroît ensuite et atteint un
minimum de 60 N lors de la phase de
décélération du mouvement. Lorsque le membre
est maintenu en abduction maximale, Fc est
égale à 314 N, soit environ 0,6 fois le poids du
corps.
Fe
Force de Compression
(N)
-HaneheFe/PC
1800
3
2.5
1300
2
•
800
•
CJ4 Kg
1.5
.2 Kg
234
5
6
7
Acc. Ang. - rad.see-z
FIG. 5. - Relation entre la grandeur de la force de réaction
articulaire (Fc) maximale et l'accélération angulaire maximale.
Fc est exprimée en N et par rapport au poids du corps (PC).
281
INFLUENCE DE LA CHARGE
ET DE L' ACCÉLÉRATION MAXIMALE
DU MOUVEMENT
Les charges habituellement utilisées en clinique sont comprises entre 1 et 4 kg. Pour ce type
de charge, lorsqu'aucune consigne de vitesse
n'est donnée au patient, le mouvement est
exécuté dans des temps allant de 0,8 à 1,6 seconde. Dans ce cas, l'accélération angulaire
maximale varie de 1,5 à 7 rad/s2 (14). Lafigure 5
représente la grandeur des forces de compression
au niveau de la hanche en fonction de l'accélération angulaire maximale du mouvement. Les
points représentent les valeurs de Fc calculées
chez un même sujet, à partir des valeurs
expérimentales de e, (ù, a et de R pour des
charges de 2 kg (.) et de 4 kg' (c::J).
Fc varie de 650 N à près de 1 300 N pour
une charge de 2 kg, et de 1200 N à 1 750 N
environ pour une charge de 4 kg. Ces contraintes
sont plus importantes avec une charge de 2 kg
et une grande accélération qu'avec une charge
de 4 kg et une accélération faible.
INFLUENCE DE LA LONGUEUR DU BRAS
DE LEVIER MUSCULAIRE
Lorsque le bras de levier musculaire (bm) est
modifié, comme cela peut survenir par exemple
dans certaines dysplasies, ou après une ostéotomie de la hanche, l'intensité de la force de
compression articulaire va être modifiée.
Si bm augmente de 1 cm, la valeur maximale
de la force de compression articulaire Fc au
cours du mouvement décroît de 20 % environ
(de 935 à 793 N); et si bm diminue de 1 cm,
Fc augmente d'environ la même valeur (de 935
à 1165 N) .
----+
La grandeur de la force Fc dépend principalement
----+ de la force musculaire Fm. La grandeur
de Fm peut être évaluée par le rapport du
moment musculaire et du bras de levier bm
(équation 3).
En première approximation, on peut donc
affirmer que, pour un moment musculaire
donné, la force musculaire et la force de
compression sont inversement proportionnelles
à la grandeur du bras de levier bm.
282
Ann. Kin ésithér., 1988, t. 15, n° 6
Discussion
Nous avons évalué la grandeur des forces de
réaction articulaire au niveau de la hanche au
cours d'un mouvement d'abduction contre résistance.
Ces contraintes résultent principalement des
forces musculaires. La force développée par les
muscles va dépendre du poids suspendu au filin,
mais aussi des forces de frottement dans les
poulies et des forces d'inertie engendrées par la
charge et par le membre inférieur (12, 13, 14).
Ces composantes dynamiques peuvent engendrer des forces de compression articulaire trois
fois plus grandes que celles mesurées lors d'une
contraction statique contre une même charge.
Il est également intéressant de remarquer que
les contraintes liées à la suspension axiale du
membre sont peu importantes (de l'ordre de
50 N).
Le circuit résistant pour muscles abducteurs
de hanche est fréquemment indiqué pour renforcer la musculature ou pour entretenir la mobilité
de la hanche, avant même que l'appui sur le
membre ne soit autorisé. On peut se demander
si les contraintes imposées à l'articulation de la
hanche ne présentent pas un danger potentiel
pour ces membres fragilisés. Pour répondre à
cette question, nous avons comparé les forces
de réaction articulaire rencontrées en pouliethérapie avec celles engendrées lors de la station
bipodale et unipodale. Comme le montre le
tableau 1, la grandeur des forces de réaction
articulaire est toujours plus grande en pouliethérapie qu'en station bipodale, même si le mouvement est exécuté contre une charge légère,
avec une faible accélération (2 kg, accélération maximale de 1.5 rad/s2). Si la charge est
plus lourde et si l'accélération est importante
TABLEAU
Forces de réaction
articulaire
Pouliethérapie
2 kg
a = 1,5 radis
4 kg
a 7,0 radis
Station bipodale
Station unipodale
=
2
2
(4 kg, accélération maximale de 7 rad/s2), ces
contraintes peuvent même dépasser celles rencontrées en station unipodale.
Les muscles abducteurs (et principalement le
muscle Moyen Fessier) vont également engendrer des contraintes importantes au niveau du
col fémoral. Dans notre modèle, nous avons posé
que l'axe du fémur passe par l'axe mécanique
du membre. Le modèle ne nous permet donc
pas de calculer la grandeur des contraintes dans
le col fémoral.
Nous pouvons cependant évaluer ces
contraintes par le modèle présenté à la figure 6.
Le col a une longueur de l'ordre de 5 cm et il
forme un angle de 1320 (fig. 6 - angle 13) avec
un axe vertical (10). Les forces de contrainte
dans le---+
col peuvent
être décomposées
en deux
----+
---+
. /
forces (Fn et Ft). La force normale (Fn) est situe
dans l'axe du col fémoral et la force tranchante
-
F~
-Ft
l
Fc (N)
700
1 750
176
1500
FIG. 6. - Diagramme des forces agissant sur le col fémoral au
cours du mouvement d'abduction de hanche contre résistance.
1
Ann. Kin ésithér. , 1988, t. 15, n° 6
283
----+
(Ft) lui est perpendiculaire. On peut évaluer la
grandeur de ces forces à partir des équations :
Ft = Fc.sin 8
(5)
(6)
Fn = Fc.cos 8
où 8 est l'angle entre la force de compression
articulaire et l'axe du col. Si on néglige la masse
et le moment d'inertie du col fémoral, ces forces
sont constantes sur toute sa longueur. -+
La grandeur du moment fléchissant Mf au
niveau du point A peut alors être évaluée par :
Mf = < OA > .Ft
(7)
où < OA > est la distance entre le point 0 et
le point A.
Le tableau II présente la grandeur de ces
forces de contrainte au niveau du point A pour
une charge de 2 kg et une accélération de
1.5 rad/s2 et pour une charge de 4 kg et une
accélération de 7 rad/s2• Comme pour la force
de compression articulaire au niveau de la
hanche, ces forces sont toujours plus grandes
qu'en station bipodale, et si la charge et
l'accélération du mouvement sont importantes,
les contraintes peuvent dépasser celles rencontrées en station unipodale.
Il faut remarquer que dans chacune de' ces
situations, nous avons supposé que seuls les
muscles abducteurs sont actifs. En pratique, si
d'autres muscles sont actifs, les contraintes du
membre seront plus importantes que celles que
nous avons évaluées.
TABLEAU II
65
483
131
24
907
6= au
Contraintes
Ft
37
820
aMf
7,0
1,5niveau
radis
(N.m)
(N)
2 kg
22
1 434
605
Fn
118
1263
(N)
Conclusion
Au cours d'un mouvement d'abduction de
hanche contre résistance, les forces de contrainte
au niveau de la hanche et du col fémoral peuvent
facilement dépasser celles observées lors de la
station bipodale. Nous avons également montré
que ces contraintes pouvaient même dépasser
celles de la station unipodale à condition
d'exécuter le mouvement avec une charge lourde
(4 kg) et à vitesse rapide. Après un traumatisme
ou une intervention chirurgicale au niveau de
la hanche, et tant que l'appui sur le membre est
contre-indiqué, il convient donc de travailler
avec des charges légères, et surtout de donner
au patient la consigne d'exécuter les mouvements à vitesse lente.
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