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JOURNÉE INTERCULTURELLE
NANTES, 9 NOVEMBRE 2013
CRÉDIT PHOTOS : DAVID RAVARY
Groupe de Nantes
Groupe de Bruxelles
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PRÉAMBULE
________________________________________• PIERRE SWAGTEN
Pierre Swagten, le férent de cette journée
d’études, précise l’historique des objectifs choisis :
passer des notions d’intégration et d’insertion du
monde musulman dans la culture européenne à la
nécessité d’échanges interculturels issus des
valeurs religieuses communes de ces deux
mondes.
Il est demandé aux Poursuivants du Groupe de
Nantes d’effectuer des déplacements à partir de
leurs habitudes culturelles, de s’ouvrir à celles de
leurs invités.
Conférence prononcée par le professeur Farid El
Asri, docteur en anthropologie de l’Université
catholique de Louvain
Intervenants : Jacques Weerts et des membres du
Groupe Poursuivre de Bruxelles qui participent au
Carrefour Interculturel et Intergénérationnel créé
par ce Groupe.
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1. Introduction
________________________________________• JACQUES WEERTS
De Belgique en Bretagne, nous voici, tous heureux de votre initiative à nous inviter pour partager un
peu…
Arlette et moi particulièrement, car s’il n’y avait pas eu Poursuivre Nantes, Nicole et Henri Bourgeau n’en
auraient pas fait partie, et nous n’aurions jamais entendu parler du Mouvement, et il n’y aurait pas eu de
Poursuivre à Bruxelles, et encore moins de Carrefour Interculturel ! Reconnaissance donc…
Il me plait de rappeler que, dans les ‘Sources et Esprit de Poursuivre’, un texte auquel a largement
contribué l’ami Michel qui vient de nous quitter, le Mouvement
"nous invite à lier le politique et le spirituel, dans l’ouverture à des
personnes de formation, conviction et appartenance diverses"
Voilà, pourrais-je dire ‘l’acte de naissance de notre Carrefour… Arlette qui l’a lancé vous en parlera dans
un instant.
_______________________________________ARLETTE WEERTS
Pourquoi un Carrefour Interculturel à Poursuivre Bruxelles ?
Bruxelles est une ville multiculturelle ; p. ex. dans les écoles primaires des quartiers défavorisés, il
peut y avoir dans une classe jusqu’à plus de 20 nationalités différentes.
Une grande majorité de musulmans n’ont pas l’occasion de côtoyer des Belges d’origine.
Dans l’esprit de Poursuivre, il nous a semblé important d’aller à la rencontre de ces compatriotes,
Belges et Européens, d’origine marocaine en majorité.
Pour Jacques et moi, c’était facile, vu les années passées dans des pays étrangers. Et nous avons été
heureux de voir d’autres Poursuivants nous rejoindre.
On parle beaucoup de « tolérance ». Il nous a semblé qu’il fallait dépasser ce terme pour arriver au
« respect ». J’aime bien cette phrase d’un penseur musulman européen actuel :
« Je puis tolérer et souffrir la présence de quelqu’un que je ne connais pas.
Mais je ne puis arriver à respecter l’autre si je n’essaye pas de le connaître.
Le respect donc, implique une approche active et proactive vis-à-vis des autres, plutôt qu’une attitude
passive. Nous avons à être curieux de la présence et de la personne de l’autre, et ensuite une fois que
nous l’avons reconnu, essayer de connaître l’autre».
Voilà donc l’esprit dans lequel a été conçu notre carrefour : « comprendre pour vivre ensemble »
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2. Exposé du Professeur Farid el Asri
Docteur en anthropologie de l’Université Catholique de Louvain, où sa thèse doctorale a porté sur
l’expression musicale de musulmans européens. Farid a aussi étudié l’histoire et la pensée juives, il est
licencié en langues et littérature orientales, enseignant en religion islamique, et j’en passe. Il a
beaucoup écrit et publié.
Ses centres d’intérêt : présence musulmane en Europe, identité plurielle, réformisme et re-
contextualisation des références religieuses, mémoire et histoire, notion de l’imaginaire, norme et
éthique, dialogue inter-convictionnel et inter-corréligionnaire, esthétique et art contemporain.
_______________________________________NASSIRA BELKADI
Insertion du monde musulman dans la culture européenne
Intervention du professeur Farid El Asri. 9 novembre 2013. Nantes.
Le professeur El Asri a articulé son intervention en 3 moments :
1. Sociologie des présences musulmanes en Europe ;
2. Imaginaires réciproques ;
3. Mise en perspective commune et éthique du dialogue.
1. Pour commencer, il est utile de dire que l’islam, bien que sur toutes les lèvres, est un célèbre inconnu.
Représentant 15 siècles de pensées, de réflexions philosophiques, de cultures et de mystique, la
tendance est cependant à la simplification et à la réduction exagérée du réel.
Certes, pour parler d’ « islam », l’on peut avoir besoin de rendre un discours simple mais il s’agit
également d’éviter de réduire cette complexité à peau de chagrin.
Partir du point de vue méthodologique mettant en avant les multiples couches constituant l’islam est un
bon début.
Il est de même nécessaire de distinguer les spasmes de l’islam vivant, vécu par les musulmans et
l’islam en tant que civilisation. Il y a clairement l’islam & ses principes, et les musulmans & leurs
pratiques. Les tensions côtoient les équilibres.
La quête de sens, fondement de base de toute spiritualité, alimente des pratiques plus ou moins en
adéquation avec les principes. Il y a, dès lors, des expressions très diverses et des tensions internes
concernant ces pratiques. On aura, dès lors, à l’esprit les nuances socio-anthropologiques qui traversent
le monde musulman.
Le professeur continua, en rappelant que les présences musulmanes en Europe ne sont pas nouvelles :
on songe aux Balkans et à l’Espagne andalouse. Cependant, l’immigration de populations de culture
musulmane pour des raisons économiques et en tant que minorité est une nouvelle donne.
Celle-ci peut être répartie comme suit :
- La 1ère génération arrivée dans les années 50-60, était constituée d’hommes jeunes venus travailler et
convaincus de retourner un jour…
- Cette même génération, assez discrète, et regroupée près des usines et autres mines put amener
femme et enfants dans les années 70.
On constate une féminisation et un rajeunissement de cette immigration issue du Maghreb, de
Turquie et d’Afrique subsaharienne, essentiellement.
- Les 2èmes et 3èmes générations ne sont plus des immigrés, mais des enfants nés en Europe et pétris de
différentes cultures.
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Le professeur El Asri a évoqué ensuite différents éléments-clés nous permettant de comprendre ces
présences musulmanes :
La 1ère génération percevait l’Europe comme radicalement autre ;
Les politiques ont géré cette immigration de manière trop légère et sans vision à long terme ;
Les « pères » ont toujours eu la nostalgie du retour ;
Dans un tel contexte, cette génération déracinée et sentant que le séjour en Europe serait plus long
que prévu, s’est sentie coupable ;
« Que transmettre à nos enfants ? » ; « Qui sommes-nous ? » ; « Que seront nos enfants ? » ;
La recherche de référentiels qui fédèrent était important : langue, religion, régions d’origine ;
Le développement de lieux représentant ces référentiels pouvait commencer : cafés, amicales et
mosquées ;
La peur de l’effacement de la culture d’origine était un moteur pour cette 1ère génération…
Et la 2ème génération, comment réagit-elle ?
Années 80-90 : elle a grandi, maîtrise la langue du pays qui l’a vue grandir et se demande quelle est
son identité ?
Elle se questionne sur ce que les parents ont transmis : c’est quoi l’islam finalement ? Elle entre ainsi
dans des débats critiques internes. Elle s’intéresse aux principes de l’islam. Elle est en recherche…
La visibilité des présences musulmanes commence vraiment ces années-là… car cette jeunesse, de
par son engouement pour l’islam, est plus visible.
Les questionnements sur l’islam se sont donc développés à travers le prisme de problématiques et de
symboles (le foulard, les minarets, le halal…).
Et pourquoi ces questionnements si emportés ? Sans doute, parce que les sociétés européennes
sentent qu’elles se transforment…
2. Cette réflexion permit au professeur El Asri d’enchaîner sur la question des imaginaires réciproques.
La question première est celle-ci : pourquoi cette présence musulmane est vue comme hostile ? 2 aspects
peuvent expliquer cet état de fait :
La donne numérique et démographique créant une cartographie en mouvement. 20% de musulmans
à Bruxelles, essentiellement constitués de jeunes, cela demande réflexion.
La donne psychologique, moteur des peurs et réflexes inquiets, basant ses références sur 2
fondements remontant au Moyen-âge européen : l’islam est lié à une violence outrancière + l’islam
permet une sexualité permissive.
Du Sarrasin au Maure en passant par le combattant serrant son cimeterre entre les dents. Du harem
aux Mille et Une nuits en aboutissant au statut de la femme, pris entre rejet et fantasme.
Au Moyen-âge, l’Europe chrétienne s’est construite et a trouvé dans l’islam l’ennemi contre lequel se
fédérer…
Et depuis ? Tant qu’une certaine homogénéité des sociétés européennes était de mise, l’islam restait
l’autre.
Ces dernières années, il est clair que cette homogénéité n’est plus. Les frontières identitaires sont
remises en question. Qui sommes-nous, se demandent les Européens. Les références judéo-
chrétiennes et gréco-romaines sont-elles les seules ? Qui sont ces jeunes qui se disent être comme
nous, mais qui vivent certaines références différentes de nous ?
Et ces jeunes de rétorquer : Est-ce possible d’être comme vous, sans être vous ?
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