1 Préliminaires Cours d`histoire de la philosophie moderne. Avant d

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Préliminaires
Cours d’histoire de la philosophie moderne. Avant d’entrer dans le vif du sujet :
1. ce que c’est qu’un cours d’histoire de la philosophie,
2. ce que c’est qu’un cours d’histoire de la philosophie moderne,
3. ce qui sera fait dans ce cours, comment travailler.
1. Cours d’histoire de la philosophie
Faire de l’histoire de la philosophie ne va pas de soi.
Non seulement l’outillage intellectuel des hommes du passé est différent du nôtre, mais les
problèmes de Platon, d’Averroès et de Descartes ne sont pas toujours les nôtres — pour prendre des
exemples évidents, quand Platon propose une cité idéale, qu’Averroès s’interroge sur les rapports
de la raison et de la foi, ou que Descartes dégage les réquisits de la science de son temps, ils
avancent des thèses dont nous ne comprenons plus la nécessité, et qui souvent nous paraissent bien
peu rationnelles. De ce point de vue, ce serait une illusion de croire que lire les grands auteurs du
passé, c’est exactement la même chose que parler avec un contemporain.
C’est pourquoi il est arrivé qu’on compare la lecture d’auteurs comme Platon, Averroès ou
Descartes au travail d’un anthropologue qui cherche à comprendre les mœurs d’une peuplade
exotique ou à celui d’un historien qui s’efforce de restituer la sensibilité des hommes du passé.
L’anthropologue et l’historien sont curieux des hommes qu’ils étudient, ils s’enthousiasment
lorsqu’ils cherchent à comprendre leurs mœurs et le fonctionnement de leur société, mais ils
n’entendent pas tirer de cette étude des enseignements sur la manière dont, quant à eux, ils doivent
vivre ou penser ils n’entendent pas faire usage de ce qu’ils auront compris. Ce type de curiosité
et d’intérêt désintéressés non seulement sont indispensables à l’histoire de la philosophie, mais sont
constitutifs de ce qu’est la culture en général ; avoir une certaine culture, être cultivé, se cultiver,
c’est être capable de s’intéresser à des œuvres distantes dans le temps et dans l’espace, à des
œuvres qui ne nous disent rien au premier abord.
Mais il ne faut pas s’arrêter là. Si nous lisons les œuvres de Platon, Averroès ou Descartes, ce
n’est pas par goût de l’exotisme, ce n’est pas parce qu’ils appartiennent au grand musée des
philosophies premières (comme il y a un musée des arts premiers). Ils font partie des classiques de
la philosophie. C’est qu’ils se sont efforcés de défendre les thèses qui leur paraissaient les plus
assurées dans la situation historique qui étaient la leur, et défendre ces thèses, cela voulait dire
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trouver des arguments, dégager les hypothèses permettant de défendre ces thèses, voire même
formuler des positions qui n’étaient pas valables seulement pour eux, mais pour tout homme qui
voudrait bien examiner avec eux le problème qui était le leur. Autrement dit, s’il faut d’abord être
curieux par rapport aux philosophes du passé, il faut aussi les prendre au sérieux, ie. admettre qu’ils
ont cherché à établir des vérités. Une fois qu’on les a replacés dans leur temps et dans leur contexte,
il faut donc les lire, sinon totalement, du moins autant que possible, comme si ils étaient nos
contemporains.
On peut récapituler ce qui vient d’être dit sous forme de deux idées :
— Si on ne contextualise rien et qu’on fait comme si les auteurs du passé étaient nos
contemporains, alors on rencontre un problème de fait : que faire, en pratique, des éléments d’une
œuvre qui nous paraissent extra-philosophiques, ou dénués de fondement rationnel ? Problème de
droit tout aussi bien : pourquoi se tourner vers les textes du passé, puisqu’on n’y retrouvera jamais
que ce qu’on trouverait tout aussi bien chez un philosophe d’aujourd’hui ?
— Si on contextualise tout et qu’on fait comme si les auteurs du passé n’avaient vraiment rien
à voir avec nous, pensaient d’une manière toute autre que la nôtre, alors quel intérêt autre qu’une
curiosité semblable à celle d’un antiquaire ou d’un anthropologue pourrions-nous avoir pour ces
textes ? et, contrairement à l’antiquaire ou à l’anthropologue, sans doute ne pourrions-nous même
pas prétendre comprendre ces auteurs, puisque leur pensée fut si radicalement différente de la
nôtre.
Comme souvent, il faut tenir les deux bouts — on doit à la fois contextualiser une thèse pour
ne pas attribuer à l’auteur qu’on étudie des problèmes qui n’étaient pas les siens et pour pouvoir
évaluer sa singularité par rapport à ses contemporains, et faire comme si l’auteur était notre
collègue, parce que, sans cela, on ne procède pas à une discussion philosophique de la thèse qui
était la sienne — pour citer un texte de Descartes qui sera bientôt commenté, « nous ne deviendrons
jamais philosophes, si nous avons lu tous les raisonnements de Platon et d’Aristote, et que nous
sommes incapables de porter un jugement assuré sur les sujets qu’on nous propose ; dans ce cas, en
effet, ce ne sont point des sciences que nous aurions apprises, semble-t-il, mais de l’histoire ».
Exemple : démonstration de l’existence de Dieu chez Descartes.
C’est quelque chose qui paraît à la plupart d’entre nous étrange, non seulement parce qu’un
certain nombre d’entre nous sont athées, mais surtout parce que, pour nous, athées et croyants
confondus, les convictions religieuses relèvent de la croyance privée, et ne trouvent pas à
s’exprimer dans des propositions qu’on pourrait démontrer comme on démontre que 2+2 = 4. Selon
nous donc, il y a deux domaines : le domaine du savoir objectif, rationnel, démontrable ; le domaine
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des convictions subjectives, dont on n’a pas à rendre raison et qui ne peuvent donner lieu à des
démonstrations. Réaction spontanée en ce sens devant une démonstration de l’existence de Dieu :
on n’en a rien à faire, c’est une erreur de catégorie de vouloir démontrer l’existence de Dieu, ce
dernier n’est pas un objet du savoir, mais un objet de conviction.
Aborder historiquement le texte de Descartes sur ce point, c’est commencer par se mettre en
tête que, à l’époque de Descartes
croire en Dieu était aussi naturel que, aujourd’hui, penser que la démocratie est un bon
régime politique. Cela n’est pas forcément réfléchi ;cela ne signifie pas que tous aient la même idée
de la démocratie.
— il était normal de proposer des démonstrations rationnelles de l’existence de Dieu :
« théologie rationnelle ». En ce sens, Dieu n’était pas seulement un objet de croyance, mais de
savoir.
Une fois qu’on a l’une et l’autre chose en tête, on peut se poser une question d’histoire de la
philosophie : quelle est la singularité de la démonstration de Descartes par rapport aux autres
démonstrations de l’existence de Dieu ? Essayer de caractériser cette singularité, puis de
comprendre ce qui en est la cause.
Mais aussi, évaluer pour ainsi dire philosophiquement ou théoriquement cette démonstration
— est-ce qu’elle est correcte formellement ? Est-ce qu’il est possible en général de prétendre
démontrer une existence ? Et on voit bien que, poser une question de ce genre, cela revient à se
demander ce qui est démontrable et ce qui ne l’est pas, et là, on fait de la philosophie, on réfléchit
sur la spécificité de l’existence, sur ce qui est démontrable et sur ce qui ne l’est pas.
2. Périodiser en histoire, c’est indiquer commence et finit la période. Pour périodiser, il
faut caractériser la riode dont il est question.
Les historiens de la philosophie font souvent commencer leur période « moderne » avec
Descartes, l’idée étant qu’il inaugure une nouvelle manière de pratiquer la philosophie, que ce soit
par son usage d’une langue vernaculaire, par la place qu’il accorde au sujet connaissant, par la
distinction qu’il instaure entre la matière et l’esprit, etc. Il y a aussi un choix à faire sur le moment
elle finit, selon les mutations qu’on juge importantes en histoire des idées, mais, ici, on se
contentera de quelques idées sur le bien fondé de cette caractérisation.
Comme les discours sur la radicalité de la rupture qu’aurait faite Descartes avec ses
prédécesseurs sont en général assez grandiloquents, il est assez naturel de se demander ce qu’il en a
vraiment été. Et, de manière assez peu surprenante, on s’est aperçu que Descartes n’était pas le
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novateur absolu qu’on prétendait qu’il avait été, et qu’il avait dans une certaine mesure prétendu
être : il participe aux débats de son temps, il hérite de certains concepts et de certaines structures de
pensée, etc.
Donc : rupture ou continuité ? renouvellement radical ou achèvement d’une réforme déjà
commencée ? Question qu’on retrouve régulièrement chez les historiens des idées, mais question
sans intérêt. D’une part, il est vraisemblable qu’elle ne se détachera jamais totalement de ses
arrières-plans idéologiques. D’autre part, elle est foncièrement insoluble : il n’y a de rupture que sur
fond de continuité ; il peut y avoir rupture en un point et continuien un autre ; même à supposer
qu’on ait effectivement répertorié l’ensemble des points de rupture ou de continuité, il resterait à les
pondérer, puis à se demander si la configuration globale qu’ils constituent tend plutôt à la rupture,
ou plutôt à la continuité. Dans le cas de Descartes, et plus généralement d’un certain nombre
d’auteurs ordinairement pris comme exemple de « modernes » la fois par opposition aux anciens
et par rapport aux contemporains, ceux d’aujourd’hui), deux points sont cependant remarquables,
qui ne relèvent pas de l’histoire de la philosophie en un sens étroit seulement :
— les « modernes » eux-mêmes, aussi bien en science qu’en philosophie, ont pensé leur
entreprise intellectuelle en termes d’une bataille entre deux camps, celui des anciens et celui des
modernes. Il est possible que les « anciens » et « modernes » se soient alors fait illusion sur leur
propre situation historique, qu’ils aient été dominés par leur génie polémique plutôt qu’habités par
un souci d’exactitude et de rigueur. Néanmoins, l’opposition entre anciens et modernes a bien été
significative pour eux, et, à ce titre elle a eu des effets réels.
par-delà le monde des idées qui nous occupe, un certain nombre d’événements à partir de
la première moitié du XVIe siècle : invention de l’imprimerie, diffusion des textes de l’Antiquité,
découverte de l’Amérique, bouleversements religieux (Réforme) et politiques (avènement de
monarchies européennes. Ces bouleversements-là ont des conséquences pour le savoir : imprimerie
et textes anciens ; monarchie absolue et commerce des livres sous l’Ancien Régime, etc.
En somme, une question générale : qu’entend-on par nouveauté ou discontinuité ? Deux
remarques sur la modernité, pour insister sur le fait qu’elle n’est pas nécessairement (ou pas
seulement) une question d’idées, mais aussi de rhétorique et de pratiques.
… en tout cas, Descartes appartient à l’histoire de la philosophie moderne et ses œuvres
constituent un passage obligatoire en histoire de la philosophie.
3. Comment travailler
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Il est difficile de faire tenir en 24 + 12 heures un cours ambitionnant d’introduire à l’œuvre
d’un philosophe comme Descartes.
Les outils pour cela :
i) cours + cours de méthodo. Objectifs de chacun :
cours : donner des points de repère, une sorte de panorama, mais toujours en rapport avec
des textes précis. De manière générale, ne jamais parler de Descartes (ou d’un philosophe) en
général, mais toujours d’un texte particulier. Ce n’est pas spécifique à l’histoire de la philosophie :
au début on a l’impression que tout se ressemble, puis on apprend à voir et reconnaître les
différences. Pascal.
— méthodo : suivre le développement d’un texte plus particulier. Recoupement avec le cours,
mais objectifs différents.
ii) feuille de route, plan du cours. A regarder. L’objectif est de permettre à chacun un travail
régulier. Importance de la lecture. Le mieux est de lire les textes avant le cours, semaine après
semaine, et puis de les relire ensuite. Lire plusieurs fois, prendre des notes, essayer d’y faire son
chemin. Comment lire un texte :
1. Dégager l’enjeu du texte, sa structure, ses arguments. Résumer dans ses propres mots.
2. (Se) poser des questions (parce quelque chose n’a pas été compris, même une question de
vocabulaire ou d’histoire de la philosophie ; parce qu’on est surpris, qu’on trouve qu’un énoncé est
idiot, problématique ou difficile à défendre ; parce qu’on a des objections à faire ; parce qu’on
aimerait savoir ce que d’autres pensent de tel ou tel point). Ce qui est important : essayer d’avoir un
rapport vivant au texte, de trouver quelque chose par quoi on s’y accroche. Rapport subjectif de
plaisir ou d’intérêt au texte, qu’il ne faut pas gommer, même si, à la fin, il sera intégré à une
discussion générale.
iii) Cours en ligne : usage et mésusages. NB. Il y a plus sur le cours en ligne que ce qu’on a le
temps de faire. Insister : ne se substitue pas à la présence en cours, qui permet discussion,
questions.
iv) Travaux écrits.
— Il est possible de rendre d’autres choses.
— Questions de cours
— CC. Pourquoi il faut le faire :
° apprentissage, entraînement,
° utile pour la note
En quoi consiste un commentaire ou une explication.
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