Des meurtriers malades mentaux graves et ceux indemnes de troubles psychiatriques 307
immigrés, sans emploi (53 %), isolés, vivant seuls au moment
des faits (49 %). Ils ont des antécédents psychiatriques dans
deux tiers des cas, des antécédents médicaux dans un cin-
quième des cas et des antécédents judiciaires dans plus
d’un tiers des cas. Ils ont vécu dans plus de 50 % des cas
un événement de vie significatif dans leur enfance :
•décès d’un parent ;
•placement en foyer ;
•maltraitance physique ou sexuelle.
L’éthylisme paternel et le suicide représentent les anté-
cédents familiaux psychiatriques les plus fréquemment
constatés. Moins d’un cinquième des meurtriers présentent
une pathologie mentale grave (schizophrénie n= 14 [295.30
à 295.60]), délire paranoïaque n= 8 [297.1], trouble de
l’humeur n= 15 [296.2x]), un dixième souffre d’une patho-
logie mentale «organique »(débilité mentale n= 11 [317 à
319]), démence n= 5 [294.8], tableau neurologique n=5)et
plus d’un tiers a un diagnostic de trouble de la personnalité
(n= 44 [301.20] à [301.9]) ou d’abus ou de dépendance à
l’alcool (n= 35 [305.0] ou [303.90]). Un tiers des meurtriers
de cette série est indemne de trouble psychiatrique (n=73
[V71.09]).
Le meurtre, associé à un délit dans 20 % des cas, est
commis préférentiellement le soir (59 %), au domicile de
la victime (70 %), au moyen d’une arme à feu (36 %),
d’une arme blanche (21 %) ou par strangulation (9,6 %) dans
un contexte d’alcoolisation (50 %), de dispute (49 %) et
d’altercation physique (28 %), ou plus rarement dans un
moment délirant (14 % des cas). La victime est connue (83 %).
L’irresponsabilité pénale est prononcée pour un cinquième
des meurtriers de notre série.
Caractérisation sociodémographique, clinique et
criminologique des auteurs présentant une maladie
mentale grave versus ceux qui en sont indemnes
L’auteur du crime. Les meurtriers présentant une mala-
die mentale grave (n= 37) et ceux exempts de trouble
mental (n= 73) ont les mêmes caractéristiques sociodémo-
graphiques et socioculturelles à l’exception de quelques
variables portant sur l’âge, les antécédents psychiatriques,
la clinique psychiatrique et les comorbidités (Tableau 1). Les
malades mentaux meurtriers sont plus âgés (37,8 ans versus
31,7 ans [2 : 925,30 ; p= 0,023]) et la moitié des auteurs
vivent seuls (54,1 % versus 46,6 % [2 : 0,550 ; p= 0,546]) au
moment des faits. Les antécédents psychiatriques person-
nels sont deux fois plus fréquents en cas de trouble mental
de l’auteur (81,1 % versus 32,9 % [2 : 22,83 ; p< 0,0001]).
Plus de la moitié des meurtriers malades mentaux ont eu un
contact dans leur vie avec des structures de soins en psy-
chiatrie. En revanche, les antécédents de violence contre
les personnes sont identiques dans les deux groupes (18,9 %
versus 23,9 % [2 : 0,355 ; p= 0,631]). Les malades men-
taux sévères présentent plus fréquemment une comorbidité
(48,6 % versus 1,4 % [2 : 38,49 ; p< 0,0001]) ou deux comor-
bidités (5,4 % versus 0 % [2 : 4,01 ; p= 0,134]) de l’axe I ou
II du DSM-IV par rapport à ceux indemnes de troubles psy-
chiatriques. Il s’agit alors essentiellement d’un alcoolisme
(42,9 % des schizophrènes ; 13,3 % des sujets souffrant d’un
trouble de l’humeur et 62,5 % des délirants paranoïaques)
Figure 1 Principaux thèmes des meurtriers malades mentaux
graves et délirants.
ou d’un trouble de la personnalité (7,1 % des schizophrènes ;
6,7 % des sujets souffrants d’un trouble de l’humeur et 0 %
chez les paranoïaques).
Le meurtre. Eu égard à l’éventuelle pathologie mentale
de l’auteur, le modus operandi est différent (Tableau 2). Les
malades mentaux préméditent moins souvent que les sujets
indemnes de trouble psychiatrique leur crime comme peut
nous le laisser supposer la moins grande fréquence d’une
qualification juridique des faits en assassinat (meurtre avec
préméditation) dans ce groupe (21,6 % versus 39,7 % [2:
8,77 ; p= 0,063]). Sans être le moyen privilégié du meurtre,
les malades mentaux tuent plus souvent leur victime par
strangulation que les sujets sans pathologie avérée (10,8 %
versus 4,2 %). Dans les deux groupes, le nombre de coups
portés à l’encontre de la victime est élevé ; l’acharnement
serait plus spécifique des meurtriers souffrant d’un trouble
mental sévère (10,8 % versus 1,5 % [2 : 4,52 ; p= 0,053]).
Le comportement et les affects de l’auteur au moment
du crime donnent des indices sur l’état mental du sujet au
moment des faits. La dépression (33,3 % versus 1,4 % [2:
22,49 ; p< 0,0001]), le délire (58,3 % versus 0 % [2 : 50,92 ;
p< 0,0001]), l’exaltation (5,6 % versus 0 %) et les idées sui-
cidaires (33,3 % versus 4,3 % [2 :16,51 ; p< 0,0001]) sont
caractéristiques de la clinique des malades mentaux avant
leur crime, tandis que les sujets sans pathologie mentale
se disputent (52,9 % versus 16,7 % [2 : 12,91 ; p< 0,0001])
ou ont une altercation physique (27,1 % versus 2,8 % [2:
9,2 ; p= 0,003]) dans les minutes précédant le crime. Les
principaux thèmes délirants de malades mentaux sévères
sont résumés dans la Fig. 1. Les mécanismes sont alors
multiples, variés et intriqués : interprétatifs, intuitifs et
imaginatifs ; 35 % des meurtriers malades mentaux sont hal-
lucinés au moment des faits, dont 78 % des schizophrènes. La
présence d’injonctions hallucinatoires est relativement rare
(5 %). La clinique dépressive ou délirante et les violences
interpersonnelles aboutissent à des sentiments de colère
(13,9 % versus 37,1 % [2 : 6,21 ; p= 0,014]), de passion (8,3 %
versus 11,4 % [2 : 0,245 ; p= 0,746]) ou de peur (13,9 % ver-
sus 24,3 % [2 : 1,56 ; p= 0,312]). Dans un tiers des cas, le
meurtrier est alcoolisé au moment des faits (33,3 % ver-
sus 35,5 % [2 : 0,046 ; p= 1,000]). Le comportement après
le crime caractérise le meurtrier souffrant d’un trouble