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Octobre-novembre-décembre 2006
FMI et Banque mondiale
peuvent-ils imposer
le libéralisme ?
L’Economie politique
11
Béatrice Hibou
p.
du produit intérieur brut (PIB), le poids de l’endettement public
extérieur représentait plus de 61 % du PIB et le service de la dette
plus de 14 %, le secteur public environ 20 %, avec certains secteurs
stratégiques, comme la banque, pouvant atteindre les 55 %. Ces
données traduisent un engagement direct et important de la bureau-
cratie étatique mais aussi des institutions publiques dans le monde
productif. Si, dans une analyse économique libérale classique, ce
poids de l’Etat ne peut être analysé qu’en termes d’échec de la
désétatisation, on doit au contraire le comprendre, dans une analyse
politique, comme révélateur des modes de gouvernement et d’un
ethos réformiste où l’Etat demeure central.
En creux, la fiscalité en fournit un excellent exemple
[3]
. La fai-
blesse de la pression fiscale (autour de 20 % du PIB seulement ces
dernières années) ne traduit en rien une philosophie libérale qui
voudrait concrétiser une baisse de l’intervention publique et une
orientation favorable aux profits, à la
compétitivité et à la libre détermina-
tion du secteur privé en général. Elle
traduit en revanche une orientation
des modalités d’intervention bien plus
subtile et intégrée aux logiques socio-
politiques que ne pourrait l’être une
taxation massive. De fait, la faible fis-
calité résulte avant tout de la pratique
généralisée de la fraude fiscale, le
manque à gagner fiscal dû à la fraude
et à l’évasion étant estimé à 50 % des recettes tirées des différents
impôts
[4]
. Parfois, cette tolérance est involontaire, expliquée par le
fonctionnement même de la chaîne des décisions. Il y a souvent loin,
dans le temps comme dans le contenu, entre discours présidentiel,
adoption de la loi, décrets d’application et réalité.
Cette situation est aggravée par des difficultés pratiques : insuf-
fisance d’imprimés, impossibilité de déclarer des résultats défici-
taires, absence de standardisation des comptes annuels, etc. Elle
est également alimentée par le poids grandissant du formalisme de
[3] Pour plus
de développements, voir
B. Hibou, « Fiscal trajectories
in Morocco and Tunisia »,
in S. Heydemann (ed.),
Networks of Privilege in the
Middle East. The Politics of
Economic Reform Revisited,
New York, Palgrave
Macmillan, 2004, p. 201-222.
[4] Entretiens, Tunis,
avril-mai 1997,
avril 1998, décembre 2001 ;
cité également
par Marchés tropicaux
et méditerranéens,
17 janvier 1997. Il faut bien
évidemment prendre
ce chiffre, très politique, avec
beaucoup de précaution,
notamment parce qu’il
permet de légitimer
les contrôles fiscaux.
En 2004, la fonction publique continuait
à absorber près de 40 % des recettes
de l’Etat, le poids de l’endettement public
extérieur représentait plus de 61 % du
PIB, le secteur public environ 20 %, avec
certains secteurs stratégiques, comme
la banque, pouvant atteindre les 55 %.
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