Les Psaumes – Conférence de Carême 28.02.2013
Chanoine Georges Athanasiadès, cr Sanctuaire de Crételle / VS
Les Psaumes – des mots pour la prière
Introduction
St Augustin disait : "Mon psautier, c'est ma joie". C'est une grande joie pour moi que de parler des
psaumes! Pourquoi parler des psaumes ? Il y a une cinquantaine d'années, le pape Paul VI, lui-
même artiste, a demandé que pour la traduction des psaumes - qui sont des poèmes et dans lesquels
il y a aussi de la musique - l'équipe des traducteurs s'adjoigne un poète professionnel - Patrice de la
Tour du Pin - et un musicien professionnel moi-même. Il y a eu plusieurs étapes, notamment une
première mise en circulation dans des milieux ciblés avant de publier la version existante. Nous
étions 9 en tout, mais présents de façon parfois irrégulière. Les permanents étaient 5 : un exégète
réformé (le pasteur Jean Alexandre), un père jésuite (Joseph Gélineau), La Tour du Pin et moi, ainsi
qu'un des exégètes de l’équipe de la TOB.
Quand le psautier a paru, un journaliste a écrit un article stupide, parabole vivante du proverbe
"quand on veut noyer son chien on dit qu'il a la gale". Pour lui il n'y avait que le latin. Il prétendait
que nous avions « aplati » le texte. Il a fallu lui répondre. J'ai compté, dans la Bible, 2200 mots dans
le texte hébreu des psaumes, et dans notre traduction 2400. Nous avions donc même parfois enrichi
le texte ! Après avoir compté ces mots pour répondre à ce journaliste, j'ai eu l'idée du papier que je
vous ai remis ce soir.
> voir document placé en fin de texte, ci-dessous
Croire que Dieu est Notre Père
L'idée de ce document vient d'un précédent travail fait sur l'évangile de Jean. Quand on doit
compter les mots soi-même et non par un ordinateur - souvent un instrument de facili- il arrive
que des choses nous rentrent par les muscles dans le cerveau.
Jean a à la fois un vocabulaire très pauvre - statistiquement - et très riche. Dans le nouveau
testament grec il n'y a que 5000 mots grecs différents. Jean, qui n’a qu’un millier de mots différents,
avait un vocabulaire relativement pauvre par rapport à Paul (2500 mots) et Luc (2000 mots). Du
coup, quand un mot revient des dizaines et des dizaines de fois, cela doit nous interpeller.
Or, chez Jean, un mot est employé plus de cent fois : Père (118). Le deuxième mot est croire (98
fois). Puis vient disciple (près de 80 fois).
Un disciple, pour St Jean, c'est celui qui croit que Dieu est notre Père. Avec ces trois mots, on a le
début de notre Credo. Le Chrétien n'est pas celui qui croit en Dieu mais bien celui qui croit que
Dieu est Père, Père de Jésus et notre Père.
Compter les mots du psautier
Sur les 2200 mots hébreux du psautier, 800 n'arrivent qu'une fois. 300 arrivent deux fois. 200
n'arrivent que trois fois. La moitié du vocabulaire est donc rarissime. Les mots qui restent sont alors
très importants, ce sont des mots pour la prière, ils sont sur notre document.
Pourquoi les psaumes sont-ils la prière des Chrétiens ? Cela a été la prière des Juifs, et c'est
aujourd'hui celle des Chrétiens. Pourquoi ? Parce que c’était la prière de Jésus, évidemment. Ps 30,6
: "en tes mains, Seigneur, je remets mon esprit." C'est une phrase écrite 500 ans avant Jésus. Il a
pourtant cité ce verset du psaume, au moment de sa mort, en le chargeant (et non en le changeant) :
"En tes mains, PERE, je remets mon esprit." St Etienne a chargé davantage encore ce même texte
en mourant : "Seigneur JESUS, reçois mon esprit."
En voyant le mot Dieu dans les psaumes, nous pouvons donc penser au Père, nous pouvons penser à
Jésus, à l'Esprit... Ne prétendons pas que ce sont des prières antiques, vieilles, de l'Ancien
Testament : ce sont les prières de Jésus. En latin, on dirait que ce sont des prières Christi, De
Christo et ad Christum (du Christ, parlant de lui et s'adressant à lui).
DIEU
Le tétragramme YHWH apparaît environ 750 fois dans les psaumes, et 6000 fois dans la Bible.
Rappelons que, par respect pour les Juifs, on ne prononce pas ces quatre lettres et on les remplace
par Adonaï (Seigneur) lors de la lecture. Les quatre lettres sont la carte de visite de Dieu. "Qui dois-
je annoncer pour dire qu'il faut libérer le peuple ?" disait Moïse. Et Dieu lui a répondu ces quatre
lettres traduisibles par : "Je suis qui je suis".
C'est une annonce matrimoniale, pourrait-on même dire. Car les relations entre Dieu et son peuple
sont en termes d'alliance, de lien conjugal. L'alliance est donc également un mot important. Suivent
Messie et Amour.
En 2500 versets, nous avons près de 1500 mentions de Dieu (Elohim, El, YHWH, Adonaï), donc un
verset sur deux. Dieu est à la fois le cœur et le choeur du psautier.
ALLIANCE
Alliance se dit BeRiT (hébreu) - diatèkè (grec) - testamentum (latin). C'est ce dernier mot qui a été
choisi par les auteurs de la Bible pour dire les relations entre Dieu et son peuple. Il a fallu Paul et
l'auteur de l'épître aux Hébreux pour expliquer ce qu'est un testament : il entre en vigueur le jour de
la mort du testateur : l'Alliance Nouvelle entre en fonction au jour de la mort de Jésus, c'est le
mystère pascal.
A l'origine, c'est un mot juridique, un contrat. Quand dans un couple on commence à parler de
contrat, dans un couple, ça sent l'avocat... Voilà pourquoi le mot se trouve rarement dans notre
relation entre Dieu et nous. Alliance ne se trouve que 20 fois...
AMOUR
Mais Amour se trouve 400 fois, avec ses dérivés, dans le psautier. Le terme juridique est rare, mais
tout ce qui fait que le couple vit se retrouve très souvent.
HEUREUX
Premier mot du premier psaume, il est aussi le premier mot du premier sermon de Jésus...
MESSIE
Le mot lui-même se trouve une dizaine de fois. Mais attention, MaSHiaH en hébreu, c'est l'oint.
Peu à peu, après tous les rois qui ont fait fausse route et qui avaient été oints, on dira que c'est le
Seigneur qui est le roi, et au bout de l'itinéraire ce sera bien r Jésus. Derrière ce mot on peut
toujours voir Jésus, raison pour laquelle je l'ai écrit de manière translucide sur notre feuille.
PRIER (colonne de gauche)
Nous avons ici les mots de la prière. Le mot psaume, du grec psalmos, signifie un poème mis en
musique. Le verbe grec psallein signifie pincer les cordes d'un instrument pour faire de la musique.
En hébreu c'est TeLiHiM : louange. Le psautier est un livre de louanges, les Juifs avaient le sens
exact de ce livre.
LOUER
Or le mot le plus fréquent, le verbe le plus fréquent de la prière, c'est justement louer. « Dis-moi
comment tu pries et je te dirai qui tu es », ai-je odemander un jour... Est-ce que notre prière est
faite de louange ou de demande ? Dieu n'a rien contre la demande, ceci dit... Mais la louange arrive
120 fois dont 28 fois rien que dans les 5 derniers psaumes.
Le plus petit de tous les psaumes (116), que nous prierons tout à l’heure ensemble, commence par le
mot "Louez"... Associé à bénir et à rendre grâce, louer est en tête du psautier pour dire la prière.
BENIR
Le verbe bénir a eu un itinéraire dommageable dans notre religion. Pendant trop longtemps, ce
verbe a eu un sens machinal, c'était faire un signe de croix, simplement. Je n'ai rien contre mais
c'est trop peu ! Il faut voir ce que veut dire le mot dans la Bible !
La première fois qu'il apparaît dans la Bible c'est lorsque Dieu bénit les deux premiers humains et
leur demande d'être féconds. Ils sont donc PRO-créateurs. Le Créateur leur a transmis sa puissance
de vie, et c'est cela bénir !
A la fin de la messe, lorsque le prêtre nous bénit, ça n'est pas pour nous dire qu'on peut partir, c'est
pour que nous recevions de Dieu son pouvoir de donner la vie. « Faites ce qu'il faut pour donner un
bout de vie lorsque vous sortirez de cette église », en somme !
Ce mot a retrouvé de la vie lors de l'offertoire, dans notre liturgie (bénédiction ascendante cette fois,
nous bénissons le Seigneur, c'est une action de grâce). Il en est fait mention près de 80 fois dans le
psautier !
RENDRE GRÂCE
Le verbe rendre grâce (YaDa’) est très vaste en hébreu. Les latins l'avaient traduit par confitemini
Domino. Le mot français confesser s'est hélas tellement rétréci, ensuite, pour ne plus prendre que la
seule forme de SE confesser !
90% des fois, l’hébreu YaDa’ est traduit en français par rendre grâce. Il y a donc un sens qui doit se
déployer, voire se dédoubler en plusieurs mots. Au confiteor de la messe, vous penserez à moi ! Car
dans la formule « je confesse à Dieu tout puissant... » j'ai insisté pour le mot suivant : « je
RECONNAIS devant mes frères ». Je voulais que le mot retrouve un peu de sa richesse originale.
ECOUTER / GARDER
Les verbes écouter et garder sont employés tous deux environs 75 fois. Or ils sont étonnamment
proches en hébreu : SH’Ma et SH’MaR. C'est un couple très important qui se trouve dans toute la
Bible et qui arrivera jusqu'à Jésus : "Heureux ceux qui entendent la Parole et qui la gardent !" dira-
t-il. C'est exactement l'attitude de Marie. Elle a tellement bien gardé cette parole qu'un beau jour
elle l'a mis au monde.
CRAINDRE
N'ayons pas peur de ce verbe craindre ! On nous avait suppliés de supprimer le mot, à un moment
de la traduction, sous prétexte qu'il donnerait une mauvaise idée de Dieu. Tout faux ! Si un mot est
difficile il faut l'expliquer, pas le supprimer ! Le mot craindre ne signifie pas la peur mais le
respect.
Chez Isaïe, il y a 6 dons de l'Esprit. Les traducteurs grecs ont eu peur de traduire le dernier par
phobos, peur. Ils ont donc dédoublé le mot (comme je l'ai fait pour le confiteor), en traduisant
l'hébreu par crainte et piété, d'où les sept dons, au final.
SE SOUVENIR
Voilà un verbe très important, lui aussi. Présent jusque dans l'Eucharistie, qui est un mémorial, ne
l'oublions pas !
CHANTER / JOUER
Ces verbes se trouvent quelques dizaines de fois, logique pour ces psaumes.
APPELER / CRIER
Le petit + situé au-dessus de ces deux verbes nous montre que les mots qui précèdent sont certes
très beaux mais qu'on peut aussi prier de manière douloureuse, parfois. On peut crier, appeler, et
Dieu nous dit, d’ailleurs, qu'il faut le faire.
Jésus nous a appris à prier, à frapper pour qu'on nous ouvre. N'ayons pas peur de casser la tête
parfois de nos prochains, ou de Dieu, par la violence d’une prière !
JUSTE / MECHANT (pied de page)
Le premier psaume nous montre un monde coupé en deux, il y a des justes et des méchants. Il y a
un vaste choix de mots pour dire juste et méchant, environ 200 fois pour chacune de ces deux idées.
C'est vrai que, concernant le vocabulaire des méchants, nous avons un peu « aplati », sur ce point le
journaliste avait raison... mais on ne pouvait quand même pas dire "les salauds" dans un texte
destiné à être proclamé dans nos célébrations !
Entre justes et méchants, il y a un combat.
COMBAT (colonne de droite)
Rappelons qu'en hébreu, Jésus signifie Dieu sauve ! A chaque fois que le mot sauver apparaît,
n'oublions pas Jésus !
Il y a 200 mentions du vocabulaire du salut, dans les psaumes. Toute une série de mots traduisent
les ennemis, ceux d'hier comme ceux d'aujourd'hui. On y retrouve aussi le vocabulaire
eschatologique, celui du jour du Seigneur, arrivé depuis 2000 ans et toujours en devenir.
Le Psaume 116
Le psaume 116 a beau être le plus petit, nous allons voir qu’il y a tout dedans ! Prions-le pour
terminer ce moment passé ensemble :
"Louez le Seigneur tous les peuples !
Fêtez-le tous les pays !
Son Amour envers nous s'est montré le plus fort !
Eternelle est la fidélité du Seigneur !"
Notes prises par l’abbé Vincent Lafargue
1 / 6 100%