13 - Juin 2005 - N°10
Addictions
guments plaident en faveur
du rôle significatif de la séro-
tonine, son recaptage et son
transport, dans la préférence
pour l’alcool. Son gène pour-
rait être plus spécifiquement
associé à certains sous-types
de l’alcoolo-dépendance , un
de ses allèles étant lié à la
sévérité et au nombre de ten-
tatives de suicide dans des
populations d’alcooliques.
➜
➜GABA
L'anxiété, et parfois les
convulsions, observées au
cours du sevrage pourraient
être expliquées quant à elles par
l'action de l'éthanol sur le
récepteur GABAA. L’alcool facili-
te en effet la fixation du GABA
sur son récepteur, empêchant
la propagation normale des
informations dans le réseau
neuronal. En recherche anima-
le, on a montré que l’aversion à
l’éthanol, comme l’impact de
l’alcool sur la coordination
motrice et l’induction de som-
meil variait d’une lignée de rats
à l’autre en fonction de leur
génotype pour une sous-unité
du récepteur GABAA. Cette
sous-unité a particulièrement
retenu l’attention depuis
qu'une étude réalisée chez des
Indiens d’Amérique (très tou-
chés par l’alcoolo-dépendance)
a montré qu’une des régions du
génome transmise en même
temps que l’alcoolo-dépendan-
ce comportait ce gène.
➜
➜Enzymes
Enfin, les enzymes hépatiques
impliqués dans le métabolis-
me de l'alcool intéressent éga-
lement les chercheurs, dans la
mesure où la plus ou moins
grande capacité d’un individu
à métaboliser l’éthanol va
avoir un impact sur ses moda-
lités de consommation, et par
conséquence sur le risque
d’alcoolisme qui le menace.
L’alcool est dégradé au niveau
du foie par l’action d’un enzy-
me, l’ALDH, qui le transforme
en acétaldéhyde, toxique pour
l’organisme. L’acétaldéhyde
est dégradé à son tour en acé-
tate, jusqu’à élimination totale
de l’alcool dans l’organisme.
On a montré l’existence d’une
pense potentielle pour les sti-
muli environnementaux (tels
l'alimentation, les rapports
sexuels…). On l'a souvent inti-
tulée (à tort) la molécule du
plaisir, alors qu'en fait elle ne
fait que signaler (au sens
propre) de manière anticipa-
toire l'arrivée d'une récom-
pense à venir. L'alcool a la
particularité de faire se libérer
directement de la dopamine.
L'ensemble des études cas-
témoins portant sur plus de
1300 malades et 1 300 témoins
montrent une association
significative entre l'allèle A1 du
récepteur D2 et l'alcoolisme.
Le risque relatif d'alcoolisme
est trois fois plus élevé pour les
porteurs de cet allèle A1. Il est
vraisemblable que l'allèle A1
joue un rôle dans plusieurs
pathologies évoquant l’alcoo-
lo-dépendance, dans la mesu-
re où il est retrouvé dans les
toxicomanies comorbides.
De nombreuses données sug-
gèrent par ailleurs l’implica-
tion du gène du récepteur D2
de la dopamine dans les sys-
tèmes de récompense et la
vulnérabilité aux addictions. A
petites doses, l'éthanol a un
effet excitant sur les neurones
dopaminergiques de l'aire teg-
mentale ventrale (région du
cerveau associée au plaisir),
générant ainsi une "récom-
pense pharmacologique" qui
renforce à son tour un com-
portement de recherche d'al-
cool. Noble et al. (1991) a
montré que l’allèle A1 est
fortement associé à une hypo-
sensibilité (baisse de l’affinité)
des récepteurs D2 à la dopami-
ne. Les sujets souffrant d’al-
coolo-dépendance seraient
donc particulièrement peu
sensibles aux effets de récom-
pense liés à la dopamine, en
partie du fait de leur consom-
mation d’alcool, et en partie du
fait de l’existence dans leur
génome de l’allèle A1 du D2.
Ces données sont compa-
tibles avec une étude de
cohorte portant sur des
enfants à haut risque d’alcoo-
lisme qui montre que le fac-
teur le plus prédisposant est
leur tolérance initiale à l’al-
cool, aptitude qui, en termes
biologiques, se traduit par
une hyposensibilité des
récepteurs D2.
Par ailleurs, des données
convergentes suggèrent le rôle
d’un gène de la dopamine
dans les accidents de sevrage
d’alcool (crises convulsives de
sevrage et de delirium tre-
mens). Ce qui tendrait à mon-
trer que indépendamment du
phénomène de la dépendance
à l’alcool, certains facteurs
génétiques peuvent aussi aug-
menter les complications liées à
la maladie.
➜
➜Sérotonine
Autre neuromédiateur clef
dans la régulation des com-
portements, la sérotonine,
impliquée dans l’impulsivité
et les passages à l’acte vio-
lents. Un grand nombre d’ar-
De nombreux marqueurs génétiques ont été testés dans la
maladie alcoolique.
Vin et musique...chez les Beethoven
Chez les Beethoven, l'alcool fut à la fois source de
revenus et de pathologie. L'arrière-arrière grand-père,
puis le grand-père, excellent musicien, de Beethoven
tenaient un commerce de vins dont ils étaient
eux-mêmes consommateurs intempérants. Sa grand-
mère paternelle mourut d'alcoolisme. Quant à son père,
ténor réputé, il était plus connu encore pour ses excès
de boisson. Ludwig lui-même mourut à 57 ans d'une
cirrhose du foie.