- 1 Expérience no 20 POLARIMETRIE 1. GENERALITES Polarisation de la lumière Les phénomènes d’interférence et de diffraction ont montré que la lumière se propage suivant les lois des ondes. Les phénomènes de polarisation permettent d’affirmer que ces ondes sont transversales. D’autre part, depuis Maxwell (1865), on sait que la lumière est de nature électromagnétique, c’est-à-dire qu’eller est une r superposition de champs électrique E et magnétique H variant périodiquement. La fig. 1 représente r r schématiquement le champ électrique E et le champ magnétique H (à variation sinusoïdale) d’une onde lumineuse plane et polarisée linéairement. Nous appellerons plan d’oscillation de la lumière rou plan de polar risation celui contenant le vecteur électrique E . Le vecteur H est perpendiculaire à ce plan et n’a pas besoin, en général, d’être pris en considération. La lumière naturelle n’est pas polarisée, c’est-à-dire que le vecr teur E qui oscille dans un plan perpendiculaire aux rayons lumineux prend au hasard toutes les positions possibles dans ce plan (fig. 2a). Une onde polarisée peut l’être de trois façons différentes: a) Si le vecteur électrique (ou vecteur lumineux) oscille parallèlement à une direction fixe en restant dans un même plan, le plan de polarisation, on dit que la polarisation est linéaire (fig. 2b et fig. 1). b) S’il tourne uniformément autour de la direction de propagation mais sans changer d’amplitude, on dit que la polarisation est circulaire (fig. 2c). c) Enfin, si l’amplitude varie sur une ellipse, la polarisation est dite elliptique (fig. 2d). Fig.2a. b c d Les cas b et c sont des cas particuliers du cas général d. Le vecteur lumineux peut toujours être décomposé en composantes prises sur des directions quelconques et en particulier, une onde - 2 polarisée linéairement peut être considérée comme superposition de deux ondes polarisées circulairement et tournant en sens inverse. Polarisation par double réfraction Dans un milieu isotrope, c’est-à-dire dont les propriétés sont les mêmes dans toutes les directions autour d’un point, tel le verre et les liquides, la propagation lumineuse est un phénomène simple et identique dans toutes les directions. La vitesse de propagation v est donnée par v = c/n, l’indice de réfraction n ayant en chaque point une seule valeur bien déterminée (si le milieu est homogène, n est le même en tous points), c = vitesse de la lumière dans le vide. Dans la plupart des solides qui sont des milieux cristallins, par conséquent anisotropes (à l’exclusion du système cubique), les circonstances sont plus complexes. Supposons qu’une onde plane, [C’est-à-dire dont les surfaces d’onde (lieu géométrique des points de même vecteur lumineux) sont des plans parallèles], se propage dans une direction donnée par la normale aux surfaces d’ondes. Cette direction est la direction de propagation et définit la direction du faisceau de rayons parallèles correspondant à l’onde plane dans le vide. Pour cette direction, on aura en général deux ondes possibles différentes qui se distingueront par leur vitesse de propagation définie par les deux indices de réfraction n1 et n2. Ces deux ondes sont de plus polarisées linéairement suivant des directions perpendiculaires l’une à l’autre. L’énergie portée par ces ondes ne se propage pas suivant la normale aux surfaces d’onde commune aux deux ondes mais dans deux directions S1 et S2 obliques (fig. 3). Fig.3 Fig.4 Si on limite l’étendue des surfaces d’ondes, on obtiendra deux faisceaux; ceux-ci auront donc des rayons de direction différente S1 et S2 (fig. 4). Pour tout cristal, il existe une direction telle que les deux faisceaux coïncident et que la polarisation disparaît. Cette direction pour laquelle la propagation est la même que pour un milieu isotrope, s’appelle axe optique (expression malheureuse pour indiquer une direction !). On distingue deux types de cristaux, les cristaux à un axe (spath d’Islande CaC03, quartz Si02, etc.) appartenant aux systèmes de plus grande symétrie (rhomboédrique, hexagonal) et les cristaux à deux axes (mica, feldspath, silicates, turquoise, etc.) appartenant aux systèmes de symétrie moindre (quadratique, orthorhombique, monoclinique et triclinique). Pour les cristaux uniaxes, un des rayons S1 est ordinaire, c’est-à-dire qu’il obéit aux lois ordinaires de la réfraction. L’autre rayon, ou rayon extraordinaire, ne suit pas ces lois; en particulier, le rayon réfracté n’est plus nécessairement dans le plan d’incidence et l’indice de réfraction n2 varie avec l’angle - 3 d’incidence. Pour les cristaux biaxes, les deux faisceaux sont extraordinaires. Une lame cristalline uniaxe, par exemple, fournit un moyen simple de polariser la lumière linéairement. Supposons qu’un faisceau de lumière parallèle non polarisée tombe normalement sur la face d’une telle lame. Sur l’autre face émergeront deux faisceaux séparés et polarisés linéairement dans des directions perpendiculaires. Il suffit alors de supprimer l’un des deux pour obtenir un faisceau polarisé linéairement (fig. 5). En pratique, la réalisation d’un polariseur consiste en un biprisme de spath d’Islande (prisme de nicol) où le rayon ordinaire s’élimine par réflexion totale (fig. 6). Fig.5 Fig.6 Actuellement on a tendance à remplacer les "Nicol" par des "plaques polaroïdes" composées d’une couche mince de substance cristalline à microcristaux orientés et qui ont la propriété d’absorber pratiquement en totalité l’un des faisceaux (dicroïsme, par exemple hérapathite = iodo-sulfate de quinine). Le dispositif composé de deux nicols ou lames polaroïdes fonctionnant l’un comme polarisateur, l’autre comme analyseur, permet de varier à volonté l’intensité d’un faisceau lumineux. L’intensité passante vaut J = J0cos2f. On voit qu’il y a extinction pour f = 90o, c’est-à-dire pour les nicols croisés (fig. 7). A=Aocosf comme JµA2 J=Jocos2f Fig.7 Rotation du plan de polarisation de la lumière Le quartz biréfringent, dans la direction de l’axe optique, ainsi - 4 que toute une série d’autres cristaux (chlorate de sodium, bromate de sodium, etc.) présentent une activité optique. Lorsqu’on éclaire le quartz dans la direction de l’axe optique ou l’un des autres cristaux dans n’importe quelle direction au moyen d’un faisceau de lumière polarisée, le plan de polarisation subit une rotation dans le cristal. L’angle de rotation dépend de la matière, de la longueur d’onde de la lumière et de la distance parcourue dans la matière étudiée. Cet effet peut être interprété comme biréfringence naturelle de rotation (voir appendice). La rotation du plan de polarisation est une conséquence de la structure cristalline ou moléculaire du corps. Il n’est donc pas nécessaire que celui-ci soit cristallisé pour que l’effet se produise. Pour les substances optiquement actives en solution, l’angle de rotation est proportionnel à la longueur du trajet dans le milieu et à la concentration de la substance. On définit généralement le pouvoir rotatoire spécifique [ a ]Tl (aussi constante de Verdet) comme suit: où T: température a T [ a ]l = a: rotation mesurés en degrés lc l: longueur d’onde [Å], souvent on note D pour la longueur d’onde du Na (raie D) l : longueur du trajet en dm (10 cm) c: concentration en g/ml Lorsque le plan de polarisation de la lumière vue par l’observateur tourne à droite, la substance est dite dextrogyre et lévogyre si ce plan tourne à gauche. La condition nécessaire pour l’existence d’une activité optique est que l’arrangement des atomes soit tel que le cristal ou la molécule et son image dans un miroir ne soient pas superposables (cristal dissymétrique). On distingue les différents stéréoisomères d’une molécule par la disposition spatiale des constituants. Deux stéréoisomères non superposables, l’un est l’image de l’autre dans un miroir, ont une activité optique inverse. On les appelle énantiomères ou antipodes optiques. Exemple: Les deux isomères optiquement actifs de l’acide tartrique. Un mélange à parts égales de deux énantiomères, qui est donc optiquement inactif, est dit racémique. Deux stéréomères (synonymes de stéréoisomères) non énantiomères sont dits diastéréomères (ou diastéréoisomères). - 5 Exemple: a - D - Glucose et b - D - Glucose (voir ci-dessous) En solution, un stéréomère peut se transformer en l’un de ses diastéréomères. Un mélange dans des proportions déterminées des deux diastéréomères caractérisera l’équilibre. Cet équilibre peut mettre un certain temps pour être atteint, le pouvoir de rotation change au cours du temps, on parle alors de mutarotation. Exemple: Un réaction chimique dans laquelle des molécules optiquement actives entrent en jeu pourra être suivie en observant le pouvoir spécifique de rotation au cours de la transformation. Exemple: Saccharose (sucrose) + eau _________ Æ glucose + fructose (dextrogyre) (dextrogyre) (lévogyre) appelés aussi: dextrose levulose _________ C12H22011 + H20 Æ C6H1206 + C6H1206 (H+) réaction ayant lieu en présence d’un acide catalyseur, HCl par exemple. Le saccharose (a-D - Glucopyranosyl - b-D - Fructofuranoside) a un o pouvoir spécifique de rotation [ a ]2D0 = 66,53o o o Le glucose en solution [ a ]2D0 = 52,7o; le fructose [ a ]2D0 = - 92,4o. Le mélange de glucose et fructose lorsque toutes les molécules de sucrose ont réagi a donc pouvoir de rotation négatif, on l’appelle parfois sucre inversé. La réaction est généralement, mais abusivement appelée inversion du sucre. (Le terme inversion est réservé au changement de la configuration absolue sur un centre d’asymétrie, ou sur tous les centres. (Voir réf.2, p. 176 et 278). - 6 Le polarimètre lampe à vapeur de Na Fig.8 La lumière d’une lampe à vapeur de sodium placée au foyer de la lentille d’entrée est polarisée par un prisme de nicol Nl. La partie supérieure du faisceau traverse un second nicol N2 légèrement tourné par rapport au premier de façon que la lumière qui en sort soit polarisée dans un plan légèrement différent du faisceau inférieur. Le champ de la lunette apparaît alors comme un disque divisé en deux parties d’inégale luminosité. La mise au point se fait sur la ligne de séparation des deux plages. En tournant le nicol N3, on peut rendre ces deux plages également lumineuses. La position a 1 du nicol N3 est alors lue sur le cadran C au moyen d’un vernier. L’introduction d’une substance active sur le chemin de la lumière provoque une rotation du plan de polarisation des deux faisceaux d’un même angle a, c’està-dire que les deux plages n’ont plus la même luminosité. Si l’on tourne le nicol N3 du même angle a, l’égalité est rétablie. Il sufFig.9 fit de lire le nouvel angle a2 sur le cadran et a sera donné par la différence des lectures a2-a1. La fig. 10 montre qu’il y a quatre positions 1, 1’, 2 et 2’ du nicol N3 pour lesquelles les deux plages paraîtront également éclairées. Nl est le plan de polarisation du premier nicol, N2 celui de second; l’axe de l’appareil est supposé perpendiculaire au plan du dessin. Dans une position intermédiaire 3 ou 4 par exemple, le champ inférieur qui est éclairé par une vibration lumineuse d’amplitude A paraît plus éclairé que le champ supérieur qui reçoit une vibration d’amplitude B. Si e est petit, la position 2 est beaucoup plus lumineuse que la position 1 et la lecture moins précise (sensibilité de l’oeil plus grande aux faibles éclairements: loi de Fechner). Il est avantageux d’adapter e à la substance étudiée et de mesurer en position 1. Il existe d’autres types de polarimètres, mais qui fonctionnent tous sur un principe analogue. Fig. 10 2. Exercices 1) Déterminer l’angle de rotation du plan de polarisation de la lumière polarisée en fonction de la concentration d’une solution - 7 de saccharose et en fonction de l’épaisseur l de la matière trao versée. En tirer le pouvoir rotatoire spécifique du sucre [ a ]2D0 (constante de verdet) pour la longueur d’onde de sodium (raie D). o a = [ a ]2D0 l c = longueur du milieu liquide (dm) c = concentration (g/cm3) La lecture de l’angle correspondant à l’égalité d’éclairement des deux plages se fera au vernier au dixième de degré. (Pour toutes les mesures, 3 lectures sont exigées, on prendra ensuite la moyenne). Utiliser le grand polarimètre horizontal. l 1.a) Détermination du zéro (ao): placer le tube en plastique vide (muni de ses deux bouchons) entre les deux nicols et déterminer la position d’égal éclairement (minimum) en tournant l’analyseur dans un sens et dans l’autre. Prendre la moyenne d’une dizaine de mesures ( a o ). Calculer s a o et s a o . 1.b) Détermination de la rotation: préparer successivement 3 solutions de saccharose de concentrations connues (5, 10, et 15 g pour 100 cm3 de solution). Le tube de plastique transparent étant rempli de la solution à mesurer et placé dans l’appareil (éviter la formation de bulles d’air), mettre la lunette au point et déterminer l’angle a d’égal éclairement (minimum). Procéder à 3 déterminations de a pour chaque longueur l et en prendre la moyenne a . Mesurer a pour les longueurs suivantes: 20, 18, 16,..6, 4, 2 cm. 1)Tracer les droites a = a (c)pour l = 20 cm; puis 2) a = a ( l ) pour chaque concentration et finalement 3)a = a ( l .c), ce qui permet de grouper toutes les mesures sur un seul o graphique. De chaque graphique tirer [ a ]2D0 et une estimation de a o par l’ordonnée à l’origine. Comparer avec la valeur trouvée sous 1a. Pour s a à reporter en barres d’erreur sur les graphiques, on utilisera l’erreur statistique de la moyenne arithmétique avec N = 3. Pour tous les étudiants sauf les médecins: calculer par moindres carrés, les coefficients de la droite a = f( l ) pour c=15 g/cm3. Comparer avec la détermination graphique. Si vous avez le temps, repétez la mesure avec 0.1g/cm3 de fructose D (-) et faites un graphique pour a = a (l). APPENDICE La rotation du plan de polarisation peut s’interpréter comme biré† fringence de rotation. En effet, une onde polarisée linéairement x est équivalente à la superposition de deux ondes polarisées circulairement en sens inverse x + et x -. Suivant le sens de rotation du vecteur électrique lumineux, la propagation dans le milieu optique actif se fera avec des vitesses différentes correspondant à des indices de réfraction n+ et n- différents. - 8 - Après avoir traversé une épaisseur de matière, l’onde de plus faible vitesse aura mis un temps de Dt supérieur et aura un vecteur tournant décalé d’un certain angle w D t en avant du vecteur de l’autre onde. Les deux vecteurs x + et x - auront de nouveau pour résultante un vecteur vibrant linéairement mais suivant une droite tournée d’un angle a par rapport à la position primitive. On voit immédiatement que wDt a = 2 l l 1 comme Dt = = l (n+-n-) v+ vc wl (n+-n-) 2c (n+-n-) s’appelle biréfringence de rotation. donc a= N.B. Cette discussion est valable en dehors d’une bande d’absorption. Au voisinage d’une bande d’absorption de nouveaux effets interviennent, dichroïsme circulaire, effet Cotton, dispersion anormale, etc., voir réf. 1 par exemple. REFERENCES [1] C.R. Noller Chemistry of Organic Compounds, W.B. Saunders Company [2] D.J. Cram, A.S. Hammond, Organic Chemistry, Mc Graw-Hill, NewYork, 1964 [3] J. Rossel, Physique Générale, Edition du Griffon [4] International critical tables II 21 août 2003 JJC_nd