Dr. Angel ANGELIDIS
L’UKRAINE AU CŒUR DES ENJEUX
GEOECONOMIQUES ET GEOPOLITIQUES
ANNEXE 2 : LA BATAILLE DU DNIEPR DURANT LA SECONDE GUE
RRE
MONDIALE (24.08 23.12.1943)
Doc. AA – 05 / ANNEXE 2 (Version abrégée)
FR – 04 – 2014
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AA-05/ANNEXE 2 FR-04-2014 Angel ANGELIDIS «LA BATAILLE DU DNIEPR AOUT-DEC 1941»
Auteur: Dr. Angel ANGELIDIS
Docteur Ingénieur Agronome (Université Polytechnique de Madrid),
Docteur d’Etat ès Sciences Economiques (Université de Montpellier),
Ex-Chef de Division et Conseiller auprès du Parlement Européen,
Ex-professeur à l’Ecole Diplomatique de Madrid,
Comendador de la Real Orden de Isabel la Católica de España,
Académicien à vie, Institut Bibliographique Américain, USA,
Vice-Président de l’Institut de Gestion de Crises Géostratégiques, Thessalonique, Grèce.
De gauche à droite:
Βυζάντιο
v,
Αυτοκρατορικός
Θυρεός
κατά
τήν
π
ερίοδον
τών
Παλαιολόγων
(
Blason de
l’Empire Byzantin, Dynastie de Paléologues - Coat of Arms of the Byzantine Empire, Paleologos Dynasty -
Escudo del Imperio Bizantino, Dinastía de Paleólogos); Emblème du Patriarcat Orthodoxe de Constantinople -
Coat of arms of the Orthodox Patriarchate of Constantinople - Escudo del Patriarcado
Ortodoxo de
Constantinopla; Aigle bicéphale russe impériale et contemporaine - Russian double-
headed eagle Imperial and
contemporary - Águila bicéfala rusa imperial y contemporánea; Armoiries de l'Alcazar de Tolède, Espagne -
Coat of arms of the Alcazar of Toledo, Spain - Escudo del Alcázar de Toledo, España.
Editeur : Dr. Angel ANGELIDIS
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Impri à Bruxelles (2014).
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AA-05/ANNEXE 2 FR-04-2014 Angel ANGELIDIS «LA BATAILLE DU DNIEPR AOUT-DEC 1941»
L’UKRAINE AU CŒUR DES ENJEUX
GEOECONOMIQUES ET GEOPOLITIQUES
ANNEXE 2: LA BATAILLE DU DNIEPR DURANT LA SECONDE
GUERRE MONDIALE (24.08 23.12.1943)
Avant-propos
La guerre froide et les impératifs du réarmement allemand, à la lumière de la politique
américaine d’après-guerre visant un renforcement de l’OTAN vis-à-vis du Pacte de Varsovie,
ont amené à privilégier les événements du front occidental au détriment du front oriental de la
Seconde Guerre mondiale. En concentrant notre attention sur le cas d’importantes batailles,
comme celle du Dniepr (24.08 - 23.12.1943), on permet de redonner au front de l’Est - là où
la plupart de ses faits d’armes ont eu lieu - l’importance primordiale qu’il a eue au cours du
second conflit mondial, puisque le sort de la guerre s’y est véritablement joué. Non seulement
la Wehrmacht y a engagé l’essentiel de son effort de guerre1, mais elle y a subi
approximativement 85% de ses pertes, faisant ainsi de la Russie «le tombeau de l’armée
allemande». 2
La bataille du Dniepr (en russe: Битва за Днепр), (24 août 1943 23 décembre
1943) est une bataille de la Seconde Guerre mondiale, qui peut être considérée comme l'une
des plus gigantesques batailles de l'histoire, s'étendant sur un front continu de 1.400
kilomètres et mobilisant jusqu'à quatre millions de soldats des deux côtés. Durant cette
campagne qui a duré quatre mois, la rive gauche du Dniepr fut libérée de la présence militaire
allemande par les forces soviétiques, qui franchirent en force le fleuve et créèrent plusieurs
têtes de ponts sur sa rive droite, en libérant par la suite la capitale de l’Ukraine Kiev alors aux
mains des Allemands depuis l'été 1941.
Les enjeux
Après la bataille de Koursk (05.07-23.081943) et la contre-offensive de l'Armée rouge
à la mi-août 1943, Adolf Hitler réalisa que son armée est désormais non seulement inférieure
du point de vue numérique, mais aussi considérablement moins expérimentée qu'un an plus
tôt, en raison des pertes colossales subies à Stalingrad, puis à Koursk. Dès lors, une défense
1 Le 22 juin 1941, la Wehrmacht envahit l'URSS dans le cadre de l'Opération «Barbarossa». Elle mobilise 3,2
millions de soldats allemands et 600.000 soldats des états alliés de Hongrie, de Roumanie, de Finlande, de
Slovaquie et d'Italie. C'est à ce jour la plus grande offensive militaire de l'histoire; (cf. Alexander Lüdeke: «Der
Zweite Weltkrieg. Ursachen, Ausbruch, Verlauf, Folgen». Berlin 2007, ISBN 978-1-4054-8585-2, p. 118).
2 Cf. Philippe Masson, Histoire de l’armée allemande 1939-1945, Paris, Perrin, 1994, p. 474 ; (cf. aussi «Le
Feld-maréchal Erich von Manstein ou le virtuose de la stratégie au service du diable. Un allié ou une victime de
l’entreprise hitlérienne d’agression et de destruction en Europe, Benoît Lemay, Étudiant post-doctoral en
histoire, Paris IV-Sorbonne, article publié par l’Association québécoise d'histoire politique, Bulletin d’histoire
politique, volume 16, numéro 1).
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énergique est devenue la seule option sur le front de l'Est. L'enjeu stratégique est maintenant
focalisé sur la défense de la rive droite du Dniepr, car ce fleuve parfois large de plusieurs kms,
est un obstacle naturel considérable. Les ponts détruits, un courant assez fort, des collines
escarpées et prédominantes sur la rive droite, la stratégie de la terre brûlée par les Allemands
sur les deux rives, une aviation allemande omniprésente, sont les atouts stratégiques. Les
Allemands savaient qu'une fois le Dniepr traversé, il n'y aurait plus d'obstacle de la sorte
jusqu'en Allemagne excepté les Carpates. Donc, le 11.08.1943 l'ordre est donné de bâtir un
réseau de fortifications sur la rive droite du Dniepr, la future ligne «Panther-Wotan»3, et il est
demandé au Groupe d'Armées «Sud» de tenir coûte que coûte ces positions. Du côté
soviétique, Staline est déterminé à poursuivre la libération des régions occupées par les
allemands entamée depuis le début de l'année. La région industrielle de l'Ukraine et ses
ressources minières, dont le charbon du bassin de Donbass, est un objectif de choix.
L'offensive soviétique doit donc avoir lieu au sud.
La bataille du Dniepr est une combinaison de plusieurs opérations au sein de l'avance
de l'armée soviétique sur l’Ostfront. Au début de la bataille du Dniepr dans le secteur
stratégique du Sud-Ouest, les troupes soviétiques s'opposent à une force ennemie puissante
comprenant la 2e Armée du Groupe d’Armées «Centre», la 4e Armée Panzer, la 8e, la 1ère
Armée Panzer et la 6e Armée du Groupe d'Armées «Sud» (sous le commandement du
maréchal de champ Erich von Manstein)4, totalisant environ 1.250.000 hommes, 12.600
canons et mortiers, 2.100 chars et canons d'assaut et jusqu'à 2.000 avions.
3 La ligne «Panther-Wota, aussi appelée «mur de l'est» (Ostwall), était une ligne défensive allemande,
construite sur le front de l'Est, fin 1943, à la suite de la bataille de Koursk où la progression allemande vers l’est
fut stoppée. Inspirée par la «ligne Hindenburg» de la Première Guerre mondiale, Hitler ordonna sa construction
le 11 août 1943 sur les 1.400 km de la rive occidentale du Dniepr. La ligne comprenait 180 km de barbelés,
6.000 fortifications de campagne, dont 800 bunkers bétonnés et 30 km de fossés antichars dans la zone du
Groupe d'Armées «Nord». Plus de 50.000 travailleurs forcés ont été réquisitionnés pour sa construction. Début
septembre 1943, lorsque le groupe d'Armées «Sud» a commencé son repli derrière cette ligne, celle-ci n'est pas
encore achevée. Les efforts se concentrent donc sur les lieux où le franchissement par l'Armée rouge était le plus
vraisemblable, c'est-à-dire Krementchoug, Zaporojie et Nikopol, les autres passages étant plus légèrement
fortifiés. Le 7 septembre, pour tenter de gagner du temps, les unités de la Wehrmacht et de la Waffen-SS
reçoivent l'ordre de se livrer systématiquement au pillage et au déplacement des civils. On espère ainsi, par une
politique de terre brûlée, provoquer des problèmes logistiques pour l'Armée rouge. Fin septembre 1943, alors
que l'armée allemande n'avait pas encore complètement repassé le fleuve, les avant-gardes soviétiques avaient
déjà enfoncé la ligne en une vingtaine d'endroits (voir infra). Au début de 1944, la seule partie de la ligne qui
restait à la Wehrmacht était la portion tout au nord, entre le lac Peïpous et la mer Baltique. Elle fut à son tour
enfoncée lors de la bataille de Narva. Les dernières sections de la ligne «PantherWotan» furent prises par les
forces soviétiques au début de 1945.
4 Fritz Erich Georg Eduard von Lewinski - sans doute d’origine en partie slave, sinon juive- connu sous
son nom d'adoption d'Erich von Manstein - est né le 24 novembre 1887 à Berlin, et mort le 9 juin 1973 à
Irschenhausen en Bavière. Il est considéré comme l'un des plus brillants généraux et stratèges allemands de la
Seconde Guerre mondiale. En raison de ses origines familiales aristocratiques prussiennes aux très lointaines
traditions militaires, Manstein est voué dès l’enfance au métier des armes comme son oncle Paul von
Hindenburg, feld-maréchal et commandant en chef de l’armée impériale de 1916 à 1918. L’idée du «coup de
faucille» est la première et sans doute la plus célèbre des intuitions remarquables de von Manstein. Ses
campagnes militaires montrent à l’œuvre un génie opérationnel hors du commun qui est toujours prêt à innover,
que ce soit lors des préparatifs de la campagne de France en 1939-1940, en Crimée en 1941-1942 (là où il
méritera son bâton de Generalfeldmarschall), lors de la bataille de Stalingrad (où il dirige l'Opération
«Wintergewitte visant à rompre l'encerclement de la 6e armée allemande), lors de la grande contre-attaque
dans la région de Kharkov à l’hiver 1943, ou lors de l’opération «Zitadelle» visant à réduire le saillant de Koursk
à l’été 1943. Le 29 octobre 1942, Gero, son fils aîné, leutnant au Grenadier-Régiment (mot.) 51, est tué lors d’un
bombardement aérien près du lac Ilmen. Von Manstein s'est souvent opposé à Hitler, notamment lors de la
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Le 24 août 1943, sur une longueur de 1.400 kilomètres, entre Smolensk et la mer
d'Azov, cinq Fronts de l'Armée rouge s'ébranlent en direction de l'ouest. Du nord au sud,
participent à l'offensive le Front du Centre, celui de Voronej, celui de la Steppe, celui du Sud-
ouest, et enfin celui du Sud5. Ils regroupent 243 divisions appartenant à quarante-cinq armées,
dont quatre de chars et cinq aériennes, soit au total 2.650.000 hommes, équipés de 51.000
pièces d'artillerie, de 2.400 blindés et de 2.800 avions. Les Fronts du Centre et de Voronej
avaient pour objectif Kiev, le Front des Steppes devait atteindre Krementchoug, le Front du
Sud-Ouest devait libérer Dniepropetrovsk et Zaporojie et le Front du Sud devait s'emparer de
Melitopol. Les Allemands ne peuvent espérer résister longtemps à ce déferlement de forces
soviétiques sur le terrain ouvert des steppes. Hitler se range finalement à l'avis d'Erich von
Manstein et ordonne, le 15 septembre 1943, le repli derrière le fleuve.
Les phases de la bataille
La première phase de la bataille du Dniepr a commencé le 26 août 1943, quand les
forces du Front du Centre ont déclenché l'offensive. Plus de succès obtiennent les troupes de
la 60e armée du général I. D. Chernyakhovsky6, qui réussit à percer les défenses allemandes
sur le secteur secondaire, au sud de Sevsk. Le commandant du Front général K. K.
Rokossovsky7 jette dans la brèche les troupes de choc, ce qui constitue un avantage
retraite qui a suivi la bataille de Koursk, en suggérant qu'un militaire (lui-même) dirige désormais (à la place
d’Hitler) la guerre sur le front de l'Est. Le 30 mars 1944, von Manstein est relevé de ses fonctions par Hitler.
Bien qu'il n'ait pas été impliqué dans le complot du 20 juillet 1944, il semble qu'il en ait deviné l'existence, et il
prend soin de s'éclipser à la campagne pour ne pas être soupçonné. Croyant toujours en la victoire de
l'Allemagne, il achète un domaine en Prusse-Orientale à l'automne 1944. À la fin de janvier 1945, il rassemble sa
famille qui habite à Liegnitz (désormais Legnica, en Pologne) et l'installe dans l'Ouest de l'Allemagne. Manstein
fut l'un des derniers officiers nazis à passer en jugement pour crimes de guerre, devant un tribunal militaire
anglais à Hambourg, en 1949. Le procès eut ainsi une dimension politique car en pleine guerre froide: l'URSS et
la Pologne demandaient son extradition, tandis qu'au Royaume-Uni des personnalités aussi influentes que
Winston Churchill ou Bernard Montgomery lui exprirent leur sympathie. Von Manstein fut condamné à dix-
huit ans de prison, peine réduite par la suite à douze ans. Finalement libéré en 1953, von Manstein devient
conseiller militaire auprès du gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne. Il procèdé à la publication
de ses propres mémoires de guerre, «Victoires perdues» (titre original «Verlorene Siege», en 1955. Ce dernier
texte est, avec ceux de Heinz Guderian et de Liddell Hart (historien militaire anglais), un des principaux
documents visant exonérer la Wehrmacht de toute implication dans le déclenchement de la guerre et dans les
crimes qui y furent commis, créant ainsi le «mythe» d'une Wehrmacht «propre».
5 A partir du 20 octobre 1943, les Fronts de Voronej, des Steppes, du Sud-Ouest et du Sud deviennent
respectivement les 1er, 2e, 3e et 4e Front Ukrainiens.
6 Ivan Danilovitch Tcherniakhovski (Иван Данилович Черняховский), né le 29 juin 1906 à Oksaniko,
(aujourd'hui en Ukraine) et décédé le 18 février 1945 à Pieniężno, en Prusse-Orientale (aujourd'hui en Pologne),
est un militaire soviétique. Il assura d’août à septembre 1941 la défense de Novgorod, puis il se replia
successivement pour faire barrage aux Allemands sur la route de Leningrad. Il se fit remarquer par son habilité
dans la conduite des blindés et fut appuyé par le général Vatoutine pour prendre le commandement de la 60e
armée (front de Voronej) en août 1942. Il a été nommé commandant du troisième front biélorusse au printemps
1944. Il participa alors à l'opération «Bagration», puis s'empara de Vitebsk et de Vilnius le 1er juillet 1944. Il prit
ensuite Kovno le 1er août. Il pénétra en Prusse-Orientale et prit Tilsitt le 20 janvier 1945. Il fut tué avant la
bataille de Königsberg, sur la ligne du front près de Mehlsack, le 18 février 1945, au moment de l'encerclement
d'Heiligenbeil. Il n’avait que 39 ans.
7 Konstantin Konstantinovitch Rokossovski (Константин Константинович Рокоссовский), le 21
décembre 1896 à Velikié Louki (selon son autobiographie), mort à Moscou le 3 août 1968, est un brillant officier
supérieur soviétique qui fut commandant dans l'Armée rouge pendant la Seconde Guerre mondiale et ministre de
la Défense en Pologne après la guerre. Il participe à la bataille de Smolensk et à la défense de Moscou en
1941/42. Fin septembre 1942, lors de la mise en place de l’opération «Uranus», il est nommé à la tête du Front
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