par le fait que nous avons arrivés à la thèse précédente comme le
résultat d’une lecture de leur œuvres. Dans ce sens, les deux
philosophes sont également présentes dans notre travail même si
notre interprétation de Michel Henry est d’habitude particulièrement
critique.
De l’expérience éthique
L’expérience éthique est unique dans son genre : elle est irréductible à
toute autre. Elle nous est donnée comme chacune de nos expériences
fondamentales : sans pourquoi, arbitraire et violente comme l’ « il y a »
du mal ou de la bonheur. La phénoménologie le sait bien :
En phénoménologie – écrit Levinas dans un essai magistral sur la «
nature » de la pratique phénoménologique – on ne déduit plus, au
sens mathématique ou logique de ce terme. D’autre part, les faits
qu’ouvre la réduction phénoménologique, ne sont pas là pour
suggérer ou pour confirmer des hypothèses. Ni déduction, ni
induction. Les faits de la conscience ne conduisent à aucun principe qui les
explique.
Autrement dit, il s’agit, pour la phénoménologie de l’expérience
éthique, de la comprendre à partir de soi même et selon la vérité qui
lui est propre et qui nous affecte à sa propre façon, c’est-à dire jamais à
partir de principes qui se remonteraient au-delà du phénomène. Voici donc l’un
des traits fondamentales qu’appartient au cœur de la pratique
phénoménologique : son antiréductionnisme radicale, sa passion pour
demeurer dans le « plan d’immanence » de l’expérience vécu
.
Levinas, Emmanuel, « Réflexions sur la technique phénoménologique », dans Cahiers de
Royaumont: Husserl, Paris, Les Éditions de Minuit, 1959, p. 96-97.
Dans la philosophie de Husserl, l’antiréductionnisme s’affirme en face des deux « ennemies
» : le positivisme – dont on doit distinguer ses deux faces intimement enchevêtrées : le «
naturalisme » et le « formalisme » – et le psychologisme. Mais si ce dernier a été déjà réfuté
déjà par les Logische Untersuchungen, le dernier est encore vivant – et pas du tout seulement cela
: il a devenu le « sens commun » de notre époque et il domine partout. Comme l’écrit Natalie
Depraz : « Naturaliser la raison, c’est faire d’elle une réalité immanente à la nature et
dépourvue de sens: c’est la transformer en force brute et irrationnelle. Corrélativement,
mathématiser la nature, c’est en faire un objet idéal abstrait déconnecté de sa vitalité
première : Husserl renvoie dos à dos ces deux processus, abstrait et positiviste, qui sont les