Leçon onze Troisième série de démonstratifs; la conjugaison (suite) : le subjonctif; manière de rendre "avoir"; le présent habituel en hu-; le narratif (ou séquentiel) I) Troisième série de démonstratifs Il existe une troisième série de démonstratifs en swahili, qui se forme simplement à partir des démonstratifs proches, en remplaçant la voyelle finale par -o (avec un ou deux changements phonétiques ou orthographiques) cl. 1 huyu > huyo cl. 3 huu > huo cl. 5 hili > hilo cl. 7 hiki > hicho cl. 9 hii > hiyo cl. 11 huu > huo cl. 15 huku > huko cl. 16 hapa > hapo cl. 17 huku > huko cl. 18 humu > humo cl. 2 hawa > hao cl. 4 hii > hiyo cl. 6 haya > hayo cl. 8 hivi > hivyo cl. 10 hizi > hizo Au point de vue du sens, ce démonstratif se rapproche parfois du démonstratif éloigné, mais en général, il s'emploie surtout pour reprendre une entité (personne, objet, action, etc.) qui vient d'etre mentionnée dans le discours. Exemples : nilimwona mgeni jana; mgeni huyo alimjua baba yangu : j'ai vu un étranger hier; cet étranger connaissait mon père (on a huyo car on vient juste de mentionner l'étranger dans la phrase précédente) wamejenga nyumba nyingi mjini; nyumba hizo ni za wafanya kazi : on a construit beaucoup de maisons en ville; ces maisons sont pour les ouvriers (mfanya kazi, pl. wafanya kazi : ouvrier, travailleur, salarié; on dit aussi mfanyi kazi / wa-) II) Le subjonctif : formes positives Le subjonctif positif a la structure suivante : PS - Ø - Base -e On remarquera d'une part que la marque TAM est zéro, et d'autre part que la finale se change en -e (ceci ne vaut, bien entendu, que pour les verbes se terminant par -a à l'infinitif; les autres voyelles restent inchangées) Exemple avec le verbe -anguka "tomber" : 1sg. ni-anguk-e : que je tombe 2sg u-anguk-e : que tu tombes cl. 1 a-anguk-e : qu'il / elle tombe cl. 3 (mti) u-anguk-e : qu'il tombe cl. 5 (shoka) li-anguk-e : qu'elle tombe cl. 7 (kitabu) ki-anguk-e : qu'il tombe cl. 9 (chupa) i-anguk-e : qu'elle tombe cl. 11 (uma) u-anguk-e : qu'elle tombe Exemple avec -rudi "revenir" 1pl. tu-anguk-e : que nous tombions 2pl. mw-anguk-e : que vous tombiez cl. 2 wa- anguk-e : qu'ils / elles tombent cl. 4 (miti) i-anguk-e : qu'ils tombent cl. 6 (mashoka) ya-anguk-e : qu'elles tombent cl. 8 (vitabu) vi-anguk-e : qu'ils tombent cl. 10 (chupa) zi-anguk-e : qu'elles tombent cl. 10 (nyuma) zi-anguk-e : qu'elles tombent 1sg. ni-rudi : que je revienne 2sg. u-rudi : que tu reviennes cl. 1 a-rudi : qu'il / elle revienne etc. 1pl. tu-rudi : que nous revenions 2pl. m-rudi : que vous reveniez cl. 2 wa-rudi : qu'ils / elles reviennent A noter que les verbes monosyllabiques ne conservent pas le -ku- de l'infinitif, pas plus que -enda "aller" et -isha "se terminer, finir" Exemple avec -la "manger" 1sg. ni-l-e : que je mange 2sg. u-l-e : que tu manges cl. 1 a-l-e : qu'il / elle mange etc. 1pl. tu-l-e : que nous mangions 2pl. m-l-e : que vous mangiez cl. 2 wa-l-e : qu'ils / elles mangent Exemple avec -enda 1sg ni-end-e : que j'aille 2sg. u-end-e : que tu ailles cl. 1 a-end-e : qu'il / elle aille etc. 1pl. tu-end-e : que nous aillons 2pl. mw-end-e : que vous aillez cl. 2 wa-end-e : qu'ils / elles aillent II) Le subjonctif : formes négatives Le subjonctif négatif est très particulier par rapport aux formes négatives que nous avons déjà vues. En effet, celles-ci se caractérisaient par des préfixes négatifs de forme spécifique. Curieusement [mais le fait est commun à pratiquement toutes les langues bantu], le subjonctif négatif utilise les préfixes positifs ! Il présente donc la structure suivante : PS-si-Base-e (la finale des verbes en -i, -u, -e, reste bien entendu inchangée). Comme on le voit, il s'agit d'une structure identique à celle du subjonctif positif, sauf que la marque TAM est -si-, au lieu de zéro. Exemple avec -anguka 1sg. ni-si-anguk-e : que je ne tombe pas 2sg. u-si-anguk-e : que tu ne tombes pas cl. 1 a-si-anguk-e : qu'il ne tombe pas etc. 1pl. tu-si-anguk-e : que nous ne tombions pas 2pl. m-si-anguk-e : que vous ne tombiez pas cl. 2 wa-si-anguk-e : qu'ils ne tombent pas Exemple avec -rudi 1sg ni-si-rudi : que je ne revienne pas 2sg. u-si-rudi : que tu ne reviennes pas cl. 1 : a-si-rudi : qu'il ne revienne pas etc. 1pl. tu-si-rudi : que nous ne revenions pas 2pl. m-si-rudi : que vous ne reveniez pas cl. 2 : wa-si-rudi : qu'ils ne reviennent pas Exemple avec -la 1sg. ni-si-l-e : que je ne mange pas 2sg. u-si-l-e : que tu ne manges pas cl. 1 a-si-l-e : qu'elle ne mange pas etc. 1pl. tu-si-l-e : que nous ne mangions pas 2pl. m-si-l-e : que vous ne mangiez pas cl. 2wa-si-l-e : qu'elles ne mangent pas IV) Le subjonctif : emploi Deux points importants à noter avant l'étude des emplois généraux du subjonctif. Tout d'abord, la 1pl. du subjonctif sert à rendre la première personne du pluriel de l'impératif français : ingia : entre !; ingieni : entrez !; tuingie : entrons ! N.B. avec le verbe -enda "aller", il est important de distinguer : tuende : allons-y (toi et moi) tuendeni : allons-y (tous) mais cette opposition ne se retrouve pas souvent avec d'autres verbes. Par exemple, à la messe catholique, le prêtre s'adresse à l'ensemble des fidèles en disant : (na) tuombe "prions!" et non pas * tuombeni ! [le na facultatif préposé à l'impératif 1pl. est une forme archaïque d'emphase] Ensuite, le subjonctif négatif sert aussi comme impératif négatif, qui n'exsite pas en tant que forme indépendante en swahili standard : fanya kazi : travaille ! usifanye kazi : ne travaille pas ! fanyeni kazi : travaillez ! msifanye kazi : ne travaillez pas ! tufanye kazi : travaillons ! tusifanye kazi : ne travaillons pas ! tusile nyama, tule samaki : ne mangeons pas de viande, mangeons du poisson ! msiende sokoni leo : n'allez pas au marché aujourd'hui ! Le subjonctif s'emploie seul, le plus souvent en interrogation, là où le français utiliserait plutôt le présent de l'indicatif : niingie ? : j'entre ?, je peux / dois entrer ? watoto waondoke ? : les enfants doivent partir ? il faut que les enfants partent ? tusimalize kazi kwanza? : on ne finit pas le travail d'abord ? on ne doit pas finir le travail d'abord? ce ne serait pas mieux qu'on finisse le travail d'abord ? nile nyama au samaki ? : je mange la viande ou le poisson ? je dois manger la viande ou le poisson ? Mais la plupart du temps, le subjonctif dépend d'un autre élément de la phrase; ce peut-être un mot invariable (équivalent à une conjonction du français) qui sert à préciser le sens. On peut utiliser par exemple : lazima : il faut que sharti : idem afadhali : il vaut mieux, il est préférable de bora : idem (ne pas confondre afadhali avec tafadhali "s'il vous plaît") lazima tumalize kazi : il faut que nous terminions le travail sharti ufuate sheria : il faut que tu suives (= que tu obéisses à) la loi afadhali nisiingie : il vaut mieux que je n'entre pas bora watoto waondoke : il est préférable que les enfants s'en aillent Dans d'autres cas, le subjonctif est précédé d'un autre verbe dont il dépend (comme en français) mwambie apike nyama : dis-lui de cuire (de) la viande [noter qu'en français on emploie l'infinitif dans ce cas-là, encore que le subjonctif soit possible mais pas très naturel : "dis-lui qu'il cuise la viande"; par contre, en swahili, l'infinitif est absolument imposible dans ce type de phrase; on doit employer le subjonctif] mwambie asipike nyama : dis-lui de ne pas cuire (de) la viande waambieni waje kesho : dites-leur de venir demain ninataka ulete vitabu : je veux que tu apportes des livres mwite (ili) niseme naye : appelle-le pour que / afin que je parle avec lui ! kaa (ili) usome : assieds-toi pour lire ! simama (ili) asikuone : arrête-toi afin qu'il ne te voie pas ! simameni (ili) asiwaone : arrêtez-vous afin qu'il ne vous voie pas [Rappel : la marque d'objet -wa- sert aussi à rendre la 2e Pl] Dans cette dernière série de phrases, il est fréquent (mais pas obligatoire !) d'insérer la conjonction ili "afin que, pour que". V) Comment se rend le verbe "avoir" du français : Nous ne verrons que le présent pour le moment. La forme est très simple elle est construite ainsi : PS-na Au positif : 1sg. ni-na 1pl. tu-na 2sg. u-na 2pl. m-na cl. 1 a-na cl. 2 wa-na cl. 3 u-na cl. 4 i-na cl. 5 li-na cl. 6 ya-na etc. Au négatif : 1sg. si-na 2sg. hu-na cl. 1 ha-na cl. 3 hau-na etc. 1pl. hatu-na 2pl. ham-na cl. 2 hawa-na cl. 4 hai-na Exemples : nina pesa : j'ai de l'argent huna pesa : tu n'as pas d'argent hatuna kisu : nous n'avons pas de couteau mti una mizizi : l'arbre a des racines watu wengine hawana nyumba : certaines [litt. d'autres] personnes n'ont pas de maison VI) le présent habituel en huA côté du présent général que nous avons déjà vu (de forme PS-na- Base-a), on emploie (facultativement, en swahili standard contemporain) un autre présent qui indique l'habitude ou des actions très générales (alors que le présent en -na- se rapporte plutôt, à l'origine, à un progressif comparable à l'anglais be ...-ing, "être en train de...). Le présent habituel a une forme très différente de celles que nous avons eu l'habitude de voir, puisqu'il ne présente pas de préfixe sujet... Sa structure est donc simplement : hu-Base-a. Le ku- de l'infinitif ne se maintient pas (voir note plus bas). Comme il n'y a pas de préfixe sujet, il est nécessaire de mettre au moins un pronom personnel devant le verbe Exemple avec le verbe -soma : 1sg. mimi husoma : je lis (habituellement) 1pl. sisi husoma : nous lisons 2sg. wewe husoma : tu lis 2pl. nyinyi husoma : vous lisez cl. 1 yeye husoma : il / elle lit cl. 2 wao wasoma : ils / elles lisent etc. Exemple avec -nywa "boire" 1sg. mimi hunywa : je bois 2sg. wewe hunywa : tu bois cl. 1 yeye hunywa : il boit etc. 1pl. sisi hunywa : nous buvons 2pl. nyinyi hunywa : vous buvez cl. 2 wao hunywa : elles boivent ng'ombe hula nyasi : les vaches mangent de l'herbe [c'est toujours vrai : c'est ce dont elle se nourrissent normalement, contrairement à ng'ombe wanakula nyasi : les vaches sont en train de manger de l'herbe, en ce moment] watoto huenda shule kila siku : les enfants vont à l'école chaque jour kila mwaka baba yangu hulima shamba la mpunga : chaque année mon père cultive un champ de riz Cette forme est très usitée dans les proverbes : mpanda ovyo, hula ovyo : celui qui plante n'importe comment, mange n'importe comment haba na haba hujaza kibaba : litt. un petit peu et un petit peu remplissent le récipient (à peu près équivalent au proverbe français : les petits ruisseaux font les grandes rivières ou bien : petit à petit, l'oiseau fait son nid; noter -jaza "remplir") Note : le préfixe hu- est en fait étymologiquement une variante du ku- de l'infinitif, comme on s'en aperçoit dans divers dialectes. Il est donc normal qu'il n'y ait pas d'accord sujet (l'infinitif ne s'accorde pas) ni de ku- avec les verbes monosyllabiques puisque... il est déjà là (un peu camouflé). Pour ce qui est du négatif de cette forme, on utilise simplement le présent négatif que nous connaissons déjà : ng'ombe hula nyasi, hawali nyama : les vaches mangent de l'herbe, elles ne mangent pas de viande watoto hawaendi shule kila siku : les enfants ne vont pas à l'école tous les jours Remarque : dans la langue moderne, la forme en hu- tend à être moins employée et on dira aussi bien : watoto wanakwenda shule kila siku : les enfants vont à l'école tous les jours mais il est néanmoins utile de la connaître et de savoir l'employer à bon escient VII) Le narratif / séquentiel en -kaNous avons vu qu'il existe en swahili un passé général (indiqué par le TAM -li-). Mais cette forme ne s'emploie pas dans tous les cas où l'on emploierait le passé dans les langues européennes. En particulier, chaque fois qu'une action s'enchaîne à une autre (ce qui est souvent le cas dans les récits, les narrations...), le passé en -li- n'est employé que pour le premier verbe, les suivants se mettent à la forme séquentielle ou naarative (parfois appelée consécutif dans les grammaires). La structure de cette forme est : PS-ka-Base-a. Les verbes monosyllabiques plus -enda et -isha ne conservent pas le -ku- à cette forme. Exemple avec -anguka "tomber" 1sg. ni-ka-anguk-a : et je suis tombé 2sg. u-ka-anguk-a : et tu es... cl. 1 a-ka-anguk-a : et il est... cl. 3 u-ka-anguk-a cl. 5 li-ka-anguk-a cl. 7 ki-ka-anguk-a cl. 9 i-ka-anguk-a 1pl. tu-ka-anguk-a : et nous sommes tombés 2 pl. m-ka-anguk-a : et vous êtes... cl. 2 wa-ka-anguk-a : et ils sont... cl. 4 i-ka-anguk-a cl. 6 ya-ka-anguk-a cl. 8 vi-ka-anguk-a cl. 10 zi-ka-anguk-a cl. 11 u-ka-anguk-a Exemple avec -la : 1sg. ni-ka-l-a 2sg. u-ka-l-a cl. 1 a-ka-l-a etc. 1pl. tu-ka-l-a 2pl. m-ka-l-a cl. 2 wa-ka-l-a ulimtukana akakupiga : tu l'as insulté et il t'a frappé tuliondoka leo asubuhi, tukarudi jioni : nous sommes partis ce matin et nous sommes revenus ce soir mama alikwenda sokoni, akanunua ndizi, akarudi nyumbani, akapika, akala, akashiba : maman est allée au marché, elle a acheté des bananes, elle est revenue à la maison, elle a cuisiné, elle a mangé et elle a été rassasiée (-shiba : être rassasié) Noter que l'emploi de na est superflu; si on l'emploie pour indiquer un changement de sujet, comme dans la première phrase ci-dessus, il faut le faire suivre d'un nom ou d'un pronom : ulimtukana naye (< na yeye) akakupiga : tu l'as insulté et (lui) il t'a frappé On prendra bien garde à distinguer ce contexte, où une action s'enchaîne avec une autre dans un ordre temporel, d'une situation ou les actions sont accomplies en même temps par des sujets identiques ou différents; dans ce dernier cas, le deuxième verbe en swahili se met à l'infinitif: sisi hulima shamba na kufuga ng'ombe : nous cultivons les champs et élevons du bétail = tunalima shamba na kufuga ng'ombe nitapika viazi na kukaanga mayai : je ferai cuire des pommes de terre et je ferai frire des oeufs watu waliingia na kutoka : des gens entraient et sortaient (c.àd. qu'au même moment, il y avait des gens qui entraient et d'autres qui sortaient); à opposer à watu waliingia wakatoka : des gens sont entrés (et puis) ils sont sortis (c. à d. les mêmes personnes sont d'abord entrées, puis sorties par la suite) Curieusement si un des verbes séquentiels doit être à la forme négative, c'est le subjonctif négatif qu'on emploie, surtout s'il y a une idée de conséquence : tulikwenda kumwona Shabani, tukamkuta : nous sommes allés voir Shabani et nous l'avons trouvé tulikwenda kumwona Shabani, tusimkute : nous sommes allés voir Shabani (mais) nous ne l'avons pas trouvé - on peut dire aussi tulikwenda kumwona, lakini hatukumkuta, mais le subjonctif négatif est souvent employé dans la langue écrite. N.B. Une particularité du swahili : après le verbe -weza "pouvoir", on emploie la forme en -ka- encore plus souvent que l'infinitif : anaweza akaja kesho = anaweza kuja kesho : il peut venir demain Note : vous remarquerez, en entendant parler des Zanzibarites - par exemple Aziza - et même en lisant des textes écrits par des Zanzibarites, une forme en ka- apparemment sans sujet, comme dans l'exemple suivant : utamkuta Juma kasimama mlangoni Il ne s'agit pas du tout de la forme narrative en -ka-. C'est une forme dialectale, propre à Zanzibar et d'autres parlers swahili du sud qui est en réalité l'exact équivalent de ame-; la phrase ci-dessus s'énoncerait donc, en swahili standard "scolaire" : utamkuta Juma amesimama mlangoni : tu trouveras Juma debout / arrêté à la porte Cette tournure est si fréquente que par exemple dans l'ouvrage Nyota ya Rehema, étudié en deuxième année et écrit par l'auteur zanzibarite Mohamed Suleiman Mohamed, on ne trouve qu'une ou deux fois ame- et des dizaines de fois ka- (kaenda, kafanya, kalala, kaogopa, etc.), alors que nime-, ume-, wame- tume- etc. sont très fréquents. Il convient de connaître cet usage qui est très courant aussi à Dar-es-Salaam, même s'il n'est pas exactement standard.