Copie de Mise en page 1

publicité
Les anticoagulants oraux directs
© Espaceinfirmier.fr, Initiatives Santé 2016
Suivi thérapeutique
d’un patient sous AOD
À la suite d’une thrombose
veineuse, Mme B., 41 ans, est
traitée par Xarelto, à la posologie
actuelle de 20 mg par jour.
Profitant d’un passage à
votre cabinet pour un rappel de
vaccination, vous remarquez sa
mine pâle. Elle vous fait d’ailleurs
part de sa grande fatigue et
se plaint d’essoufflements.
Vous décidez de contrôler
sa tension qui est à 100-70 mmHg.
Cette baisse inexpliquée de
la pression artérielle et ces signes
évocateurs d’anémie doivent
faire orienter la patiente vers
une consultation médicale
rapide afin de contrôler son taux
d’hémoglobine et de rechercher
un saignement occulte.
SURVEILLANCE
CLINIQUE
Elle consiste à rechercher des signes
d’hémorragie (non seulement des saignements extériorisés, mais aussi des
signes de saignements occultes, lire
le tableau ci-contre sur les signes d’hémorragie), en particulier chez les
patients à risque (plus de 75 ans, insuffisants rénaux, poids inférieur à 50 kg)
et des troubles gastro-intestinaux
(dyspepsie, diarrhées, nausées).
SURVEILLANCE
BIOLOGIQUE
Avant mise sous
traitement
Avant la mise en route du traitement,
il faut évaluer la fonction rénale (afin
de déceler une insuffisance rénale
sévère qui contre-indiquerait une initiation de traitement par dabigatran,
mais aussi d’adapter la posologie des
xabans à la clairance rénale), la fonction hépatique et doser l’hémoglobine.
Au cours du traitement
Ú D’une façon générale, l’utilisation
des AOD ne nécessite pas de suivi
de l’activité anticoagulante en routine. L’INR n’est pas adapté pour
surveiller l’effet anticoagulant des
AOD. Mais certains tests de routine
peuvent être effectués en cas de suspicion de surdosage, comme la
mesure de l’activité anti-Xa pour
l’apixaban et le rivaroxaban, et le
temps de thrombine dilué, le temps
d’écarine ou le temps de céphaline
activée pour le dabigatran. Il existe
des tests spécifiques de mesure du
taux plasmatique des AOD. Cependant, leur indication et leur interprétation ne font pas l’objet de
recommandations consensuelles à
ce jour et ils sont peu accessibles en
pratique courante.
Ú Un bilan hépatique avec contrôle
du taux de transaminases et de
gamma-GT permet de rechercher
d’éventuels effets indésirables hépatiques liés aux AOD et une éventuelle
altération de la fonction hépatique.
Ú La fonction rénale et le dosage
de l’hémoglobine doivent être évalués au moins une fois par an (voire
beaucoup plus fréquemment en cas
d’altération de la fonction rénale)
et, si besoin, en cas d’événements
intercurrents.
CARNET DE SUIVI
Ú Un carnet de suivi (téléchargeable
sur www.live-mtve.org) a été élaboré
par la Ligue française contre la maladie veineuse thrombo-embolique et
le Groupe interdisciplinaire Trousseau sur les antithrombotiques (Gita).
Ú Il rappelle au patient les notions
importantes pour utiliser correctement son traitement et
optimiser l’observance.
Le patient peut en outre
y consigner la posologie de son traitement,
les éventuels médicaments associés et la
survenue d’incident
ou d’accident.
À DIRE AU PATIENT
Pour éviter les accidents
hémorragiques
■ Prévenir les situations
à risque de blessure
Ú Déconseiller la pratique de sports
violents (rugby, sports de combat) ou
à risque de chutes (équitation, ski...).
Ú Conseiller le port de gants et de
protections adéquates pour jardiner
et bricoler.
■ Bannir l’automédication
Ú Certains médicaments peuvent
modifier l’action de l’AOD : déconseiller au patient la pratique de l’au-
■■■
Les signes d’hémorragie
Saignements visibles
Saignements occultes
- gingivorragies
- épistaxis
- Hématomes
- Hémorragie conjonctivale
- Hématurie (présence de sang dans les
urines)
- Hémoptysie (crachats sanglants)
- Hématémèse (vomissements de sang)
- rectorragies (sang rouge dans les selles)
- melæna (sang noir dans les selles)
- ménorragies (règles anormalement
abondantes)
- Saignements de plaies instoppables
- fatigue
- Dyspnée
- Pâleur
- Sensation de malaise
- Céphalées inhabituelles, ne cédant pas
au traitement
OCTObre 2016 - N° 329 - l’infirmière libérale magazine
43
Cahier de
formation n° 94
© Espaceinfirmier.fr, Initiatives Santé 2016
■ Signaler son traitement
Ú Dire au patient de porter sur soi
la “carte d’identifiant”, mentionnant
son traitement anticoagulant, fournie
par le prescripteur.
Ú Éduquer le patient à signaler son
traitement à tout professionnel médical et paramédical.
Il est nécessaire de signaler son traitement avant de subir une intervention chirurgicale ou un acte invasif
afin que le médecin puisse décider
Point de vue
« Attention à la fonction rénale
en cas de forte chaleur ! »
Pr Ludovic Drouet, responsable du Centre de référence
et d’éducation des antithrombotiques d’Île-de-France
Dr
tomédication et l’encourager à
demander l’avis d’un médecin ou
d’un pharmacien avant de prendre
un nouveau médicament.
Ú En particulier, rappeler au patient
de ne pas prendre de sa propre initiative de l’aspirine ou des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et
que l’antalgique/antipyrétique de première intention est le paracétamol.
Ú La prise de millepertuis (plante
améliorant l’humeur) est déconseillée
car c’est un inducteur enzymatique
qui peut diminuer les concentrations
plasmatiques et l’efficacité des AOD
et exposer à un risque thrombotique.
Le cas échéant, la prise de millepertuis doit être signalée au médecin.
« il est important que les infirmières libérales s’assurent
que la clairance de la créatinine soit contrôlée régulièrement, en
particulier en cas d’affections intercurrentes ou de forte chaleur. Une règle
pratique de fréquence de contrôles systématiques de la clairance renale
est fréquemment utilisée par les gériatres: la fréquence mensuelle
est donnée par le premier chiffre de la clairance (par exemple, pour une
clairance à 40 ml/min, c’est tous les quatre mois). Chez un sujet âgé,
il faut aussi s’assurer qu’il ne prend pas en automédication des ainS, non
seulement susceptibles d’augmenter le risque hémorragique, mais aussi
d’altérer la fonction rénale. il faut préconiser la prise de paracétamol. »
de la conduite à tenir et de l’arrêt du
traitement. Par ailleurs, les injections
intramusculaires et les infiltrations
sont contre-indiquées. De même, le
patient doit alerter son dentiste et
son médecin avant de subir une intervention bucco-dentaire. « Il est d’autant plus important que le patient
signale son traitement avant tout acte
invasif que tous les AOD ne modifient
pas les tests globaux de coagulation »,
souligne le Pr Ludovic Drouet.
En cas de chirurgie
programmée
la gestion péri-opératoire
des aOD dépend du risque
hémorragique lié au geste
et à la poursuite de l’aOD,
mais il doit prendre aussi
en compte le risque
thrombotique du patient
augmenté par l’arrêt
de l’aOD. D’après les
propositions du giHP
(groupe d’intérêt en
hémostase périopératoire),
actualisées en septembre
2015:
44
➜ en cas de risque
hémorragique faible
(chirurgie cutanée,
chirurgie de la cataracte,
certains actes
bucco-dentaires,
d’endoscopie digestive
ou de rhumatologie...):
pas de prise de l’aOD la
veille au soir ni le matin
de l’intervention. reprise
de l’aOD à l’heure
habituelle et au moins six
heures après l’acte invasif
l’infirmière libérale magazine - N° 329 - OCTObre 2016
■ Informer sans affoler
« Lors des dispensations, j’insiste sur
le risque hémorragique, je renseigne
sur les signes cliniques qui nécessitent
une consultation et je remets au
patient les fiches d’information éditées
par les fabricants. Il faut aussi être
particulièrement vigilant sur les interactions avec des médicaments accessibles sans ordonnance tels que l’aspirine ou certains AINS, comme
l’ibuprofène notamment, ainsi que le
(en l’absence d’accident
hémorragique);
➜ en cas de risque
hémorragique modéré
ou majeur, c’est-à-dire
considéré comme
élevé (biopsie, chirurgie
abdominale ou
thoracique, neurochirurgie
intra-crânienne…): arrêt
de l’aOD trois à cinq jours
avant l’intervention
(en fonction de l’aOD
et de la fonction rénale
du patient). la reprise
de l’aOD est possible
six heures (aOD dans
la prévention de
la maladie TeV) ou 24 à
72 heures (aOD aux doses
curatives, dans la fa ou le
traitement de la TVP/eP)
après l’intervention,
si l’hémostase le permet.
Durant la fenêtre
thérapeutique
post-chirurgicale,
un relais par héparine
peut être envisagé en cas
de risque thrombotique
élevé et/ou de nécessité
d’anticoagulation
prophylactique
post-chirurgicale.
Les anticoagulants oraux directs
millepertuis. Le tout est d’informer
le patient sans l’affoler ! », nuance le
Dr Stéphane Tchikirian, pharmacien.
■ Surveiller et consulter
© Espaceinfirmier.fr, Initiatives Santé 2016
Ú Conseiller au patient de vérifier
qu’il n’y ait pas de sang dans ses
urines ou dans ses selles.
Ú Inciter le patient à prendre contact
avec son médecin en cas de blessure,
de chute et systématiquement en
cas de choc sur la tête.
Ú La survenue de signes cliniques
de saignements visibles ou d’hémorragie occulte impose une consultation médicale. En cas d’hémorragie
importante, faire le 15 et signaler le
traitement AOD à l’urgentiste.
En cas de voyage
Ú Dire au patient de conserver sur
lui son ordonnance (rédigée en DCI)
et sa carte mentionnant son traitement. Penser à emporter une quantité suffisante de médicaments. Garder son AOD dans son bagage à
main, de façon à ne pas se trouver
sans traitement à l’étranger en cas
de perte de valise.
Ú Conserver au mieux des horaires
réguliers de prise (une ou deux
heures d’écart restent acceptables).
Question de patient
Avec mon traitement anticoagulant, vais-je pouvoir me faire
vacciner contre la grippe? Dans le carnet-conseil, j’ai lu que
les injections intramusculaires étaient contre-indiquées.
Les injections intramusculaires sont en effet contre-indiquées en cas
de traitement anticoagulant, mais la vaccination anti-grippale est
tout à fait réalisable par voie sous-cutanée profonde.
Ú « Lorsque nos patients sous AOD
partent en vacances, ils sont ravis de
ne pas avoir à prévoir une prise de
sang pendant leur séjour, eux qui ont
déjà un capital veineux en mauvais
état et qui oubliaient de reprendre
rendez-vous avec les laboratoires
quand leurs résultats d’INR n’étaient
pas bons. Les familles sont également
rassurées et partent l’esprit plus libre
avec leurs parents. Mais nous leur
rappelons l’intérêt de prendre les
AOD à heures régulières, de ne surtout pas les oublier (en vacances, certaines prises de médicaments sont
souvent oubliées) et de signaler toute
apparition d’hématomes ou de saignements anormaux », souligne
Cécile Vouloir, infirmière en Service
de soins infirmiers à domicile à RueilMalmaison (Hauts-de-Seine). <
Point de vue
« Attention aux saignements,
même mineurs ! »
Dr
Dr Rachid Mahamdia, gériatre, praticien hospitalier,
groupe hospitalier Sainte-Périne, AP-HP
« l’idel doit évaluer la capacité du patient à gérer
lui-même son traitement et surveiller l’observance thérapeutique
car le saut de prise peut exposer à un risque d’inefficacité compte tenu
de la courte demi-vie des aOD. elle doit aussi veiller à une bonne
hydratation, notamment en cas de forte chaleur qui risque d’entraîner
une déshydratation et d’altérer la fonction rénale, et rendre par
conséquent le patient inéligible au traitement. Une idel doit être attentive
en cas de signes hémorragiques, même mineurs (ecchymoses,
hématomes, épistaxis, gingivorragies), car ces signes peuvent être
annonciateurs de complications plus graves. »
Mémento à
l’usage des Idels
Administration
l’idel doit être à même
de repérer un schéma
thérapeutique inapproprié
qui doit l’amener à prendre
contact avec les prescripteur:
➜ pas de posologie supérieure
à deux prises par jour et
jamais plus de deux comprimés
par prise;
➜ l’aOD ne doit pas être
associé à un autre
anticoagulant (sauf en période
de chevauchement lors
des relais aOD/aVK).
Surveillance
l’idel doit être particulièrement
vigilante chez le sujet âgé,
de faible poids ou en cas d’ir.
S’assurer que la fonction rénale
du patient est bien contrôlée
au moins une fois par an.
Éducation du patient
l’absence de surveillance
biologique de routine ne devant
pas amener à banaliser
le traitement, l’idel doit
éduquer le patient à:
➜ être bien observant;
➜ ne pas pratiquer
l’automédication;
➜ alerter son dentiste ou
le chirurgien avant toute
intervention;
➜ avoir dans son portefeuille
une carte d’identifiant.
OCTObre 2016 - N° 329 - l’infirmière libérale magazine
45
Téléchargement