Résister par l`art et la littérature. - college louise michel

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CNRD 2016.
Résister par l'art et la
littérature.
Combattre et survivre.
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Sommaire.
Avant-propos :
Introduction.
Partie I: Un artiste peut-il être un combattant dans la France occupée ?
I) Combattre avec les mots.
1.La presse clandestine.
2. Les éditions de minuit.
3. La poésie engagée.
II) L’art, un « instrument de guerre ».
1. La sculpture
2. La peinture
3. La musique
Partie II : Comment les artistes se sont-ils engagés dans la France libre ?
I)
Combattre avec les mots dans la France Libre.
1. Les émissions de la BBC
2. Les poètes en zone sud.
3. La littérature combattante des français libres.
II)
L’art, une arme idéologique.
1. La contre-propagande alliée
2. Dessins et peintures
3. Les chansons de la résistance
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Partie III : Peut-on survivre à l'enfermement et à la déportation par l'art et la littérature ?
I)
Créer dans les camps d'internement et le prisons
1. Prisons et camps en France
2. Les chants dans les prisons françaises.
3. Dessins et peintures
II)
Créer dans un camp de concentration
1. La nécessité de témoigner avec les mots.
2. La création artistique dans les camps nazis.
a.
La musique et le chant.
b.
Le théâtre
c.
les "objets humbles".
3. Témoigner par le dessin et la peinture.
a.
Créer, c'est survivre
b.
Les camps nazis avec les yeux d'enfants.
Conclusion;
Ressources.
Table des matières.
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Avant-propos :
En 1940, la demande d’armistice formulée par Philippe Pétain auprès de l’Allemagne d’ Hitler
marque une rupture dans l’histoire du XX° siècle. Dans un premier temps, les voix sont peu
nombreuses pour s’élever contre cette décision qui implique le sort des français.
Résister pour les artistes et tout d’abord un refus intellectuel.
Que signifie résister ?
Le mot résistance peut avoir plusieurs significations.
Il signifie en premier lieu refuser l’ordre établi ; qu'il soit d'ordre politique, économique, social, ou
culturel imposé par les occupants et le régime dictatorial de Vichy. Cette résistance est active et
passe par des actes.
Résister c’est aussi désobéir, s’insurger, tenir tête, ne pas participer à ce qui est proposé et imposé par
les occupants …. C’est le non consentement.
C’est aussi refuser d’être détruit, affaibli, supporter ce qui est pénible, vouloir survivre au delà des
conditions de détention et d'enfermement. C’est une résistance mentale et psychologique. C’est une
urgence de survie, conserver sa dignité, aider ses camarades à tenir, à résister. C’est aussi créer une
œuvre pour s’évader, pour sortir de la sordide réalité. C’est continuer de créer malgré les conditions
matérielles contraignantes, en dépit des interdits politiques et hors des «normes» esthétiques imposées
par les forces au pouvoir.
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Introduction.
Les nazis et l'art.
Des 1933 en Allemagne les nazis ont appliqué leur idéologie dans le domaine des arts.
Les expositions artistiques ont pour but de promouvoir un art allemand façonné par l'idéologie. Les
nazis veulent imposer leur loi à la vie culturelle française. La censure a pour but de détruire la culture
française basée sur les idéaux révolutionnaires. Les œuvres encouragées exaltent le travail, la famille,
la patrie et l'héroïsme.
Le régime de Vichy collaborationniste adopte naturellement la même orientation. Il affiche un antimodernisme en matière d’art mais, de façon ambiguë couvre les grands musées français pour les
préserver du pillage.
La difficile position de l'artiste.
Face à cette situation, quel choix se pose à l’artiste ? Fallait-il se taire ? Poser sa plume ? Éteindre sa
caméra ? Cesser de créer et de produire ? Contribuer à la propagande nazie ? Ou bien fallait-il affronter
la censure ? Donc, fallait-il continuer d'exercer son art ?
Certains font le choix de partir, de s’exiler, d’autres de se taire et les plus audacieux de produire dans
la clandestinité.
Cette forme de résistance est donc intellectuelle et morale.
Pour comprendre comment l’art et la littérature ont-ils été une arme de la résistance, il convient donc
de se demander comment les artistes ont-ils engagé leur art comme une arme dans la lutte contre
l’occupant ?
Il faut donc bien comprendre dans quels contextes les œuvres artistiques et littéraires ont été
produites :
- Dans la France occupée.
- Dans la France libre
- Dans les prisons et les camps.
C’est à travers ces trois contextes de production que nous allons essayer de comprendre comment les
artistes ont exprimé leur engagement.
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Partie I : Un artiste peut-il être un
combattant dans la France occupée ?
Qu'est-ce que la France occupée ?
Le 17 juin 1940, le maréchal Pétain annonce à la France qu’il « faut cesser le combat ». Le 18
juin 1940, le général de Gaulle lance son premier appel à la radio anglaise : "La France a perdu une
bataille, mais la France n'a pas perdu la guerre !". Il refuse d'accepter la défaite, d'être soumis et
encourage tous ceux qui pensent comme lui à résister à l'occupant.
La « France occupée » désigne la France occupée par les nazis suite à la signature de l’armistice signé
le 22 juin 1940 par le maréchal Pétain.
La France est divisée en deux, séparée par la ligne de démarcation.
-
Une zone dite « libre » au sud où se situe le gouvernement de Vichy.
-
Une zone occupée par l’Allemagne au nord.
À partir du 11 novembre 1942, la zone libre est à son tour occupée par les Allemands, qui ripostent au
débarquement allié en Afrique du Nord.
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Source : AJPN (Anonymes, Justes et Persécutés durant la période Nazie dans les communes
de France)
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I) Combattre avec les mots dans la France occupée.
La liberté d’expression a été étouffée dans la France occupée ; des écrivains et artistes ont
décidé d’engager leur art dans la lutte contre l’occupant en dénonçant à travers leurs écrits la
domination allemande.
1. La presse clandestine
En zone nord, la presse est directement sous tutelle de la Propaganda-Abteilung (direction de la
propagande), contrôlée par Goebbels(ministre allemand de la propagande), à laquelle se trouve
rapidement subordonnée l'Agence française d'information de presse.
Une presse clandestine spécialisée se développe ; elle est faite par des écrivains et des artistes
qui affichent leur solidarité avec les résistants. Par leurs publications, ils protestent, dénoncent
l’occupation, luttent contre la censure et témoignent de l’action des combattants de la résistance. Les
mots ont pour but d'informer et de réveiller l'opinion publique en apportant des éléments de réflexion
et d'autres lectures que la propagande allemande. Les premiers papiers, les premiers tracts circulent dès
l'été 1940, en zone occupée comme en zone libre. Les tracts privilégient les dessins, caricatures et les
phrases chocs.
Quelques titres de journaux clandestins parus à partir de 1940.
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Extrait de la Une du journal clandestin Combat dans lequel on raconte l'avancement de la guerre et la progression des
allemands aux résistants.
La recherche du papier, de l’encre, l’utilisation d’une imprimerie, la rédaction et la diffusion de
ces feuilles clandestines ne peuvent en effet être l’œuvre d’un seul homme, mais d’une équipe. Au
début, les textes sont écrits à la main ou dactylographiés. Ils se terminent alors souvent par la mention
"à copier et à faire circuler".
Certains journaux, comme Combat ou Défense de la France, créent leur propre imprimerie
clandestine, d'autres ont recours aux services d'imprimeurs. Par souci de sécurité, le travail ne peut
s'effectuer que de nuit, avec un minimum de personnel, car les imprimeries sont surveillées par la
police.
Les imprimeurs lyonnais réalisent un véritable coup d'éclat. Depuis le débarquement d'Afrique
du nord, la zone sud, dite "libre" est envahie par l'armée allemande le 11 novembre 1942.
Le 31 décembre 1943, le quotidien collaborationniste Le Nouvelliste est détourné par un groupe
d'imprimeurs et de résistants lyonnais qui publient un faux journal " le faux Nouvelliste" . Ce journal
est tiré à 30.000 exemplaires et distribué dans les kiosques et chez les marchands de journaux de Lyon
par des Groupes Francs de la Résistance lyonnaise, entre 5 et 7 heures du matin. .
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C'est Eugène Pons, imprimeur clandestin qui, aidé de résistants, imprime et publie ce faux journal qui
garde l'exacte mise en page du Nouvelliste, mais détourne chacun des articles. Nous avons rencontré
son petit-fils Bruno Canard, qui nous a raconté l'histoire de son grand père.
Eugène Pons est arrêté le 22 mai 1944 et emprisonné à la prison de Montluc. Il sera déporté à
Neuengamme un camp de concentration au sud d'Hambourg en Allemagne, où il meurt en 1945.
Le Nouvelliste daté du 31 décembre 1943: les articles sont détournés par les résistants.
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Photographie d'Eugène Pons transmise par son petit-fils Bruno Canard et certificat d'attribution de la médaille
de la Résistance Française.
2. Les éditions de Minuit.
Les Editions de Minuit apparaissent au début de l’année 1942.
Jean Bruller un dessinateur connu fonde cette maison d’édition avec Pierre de Lescure. C’est dans
cette maison d’édition clandestine que les plus grands poètes de la résistance publieront : Louis
Aragon, Paul Eluard, Pierre Seghers…
En février 1942 est publié le premier ouvrage des Editions de Minuit, Le Silence de la mer écrit par
Jean Bruller sous le pseudonyme de Vercors. L’impression clandestine de ce livre a pris plus d’un
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mois ; en effet, il fallait trouver du papier acheté au marché noir et les plombs pour l’impression. C’est
dans la cuisine d’une amie de Vercors, Yvonne Desvignes, que les pages ont été assemblées pendant
plus d’un mois !
Le Silence de la mer commence à circuler sous le manteau puis à l’automne 1942, il est publié par les
services de propagande de La France Libre en plusieurs langues et diffusé à travers le monde.
Le seul fait de publier Le Silence de la mer est un acte de Résistance : c’est le premier livre à
paraître dans la France occupé.
Il deviendra le livre le plus célèbre de la Résistance française.
L’histoire débute en hiver 1940, la France est occupée par les nazis, et en province de la zone nord un
vieil homme et sa nièce sont contraints d’héberger un officier allemand, Werner von Ebrennac.
Pendant plusieurs mois, celui-ci essaye d’établir un contact avec ses « hôtes » seulement ils refusent de
dire un mot et s’enferment dans un mutisme profond.
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Selon Vercors face à la propagande allemande et à la tentation de collaborer avec l’ennemi, la seule
attitude digne pour un écrivain, un artiste, c’est au moins le silence, un silence qui ne signifiait pas
résignation, obéissance, mais, au contraire, mépris et rage.
Les Editions de Minuit poursuivent ensuite leur activité en publiant des manuscrits inédits d’auteurs
français comme Paul Eluard, Louis Aragon, François Mauriac ou André Gide.
3. La poésie engagée.
L'honneur des poètes est la deuxième publication des Editions de minuit ; c’est un recueil de
poèmes qui rassemble certains des plus forts poèmes de résistance. Il a été préparé par Pierre Seghers,
Paul Éluard et Jean Lescure et publié en 1943 par les Éditions de Minuit clandestines. Il rassemble les
écrits de poètes qui ont tous écrits sous pseudonyme ; ils illustrent la diversité de la Résistance
puisqu’on trouve aussi bien des communistes comme Eluard ou Aragon que des poètes chrétiens
comme Paul Vaille.
Un auteur emblématique de la résistance est Paul Eluard, qui en mai 1942 fait publier le poème
« Liberté. »
Il écrit ce poème en 1942 contre l’occupation allemande afin
de soutenir la résistance intérieure.
Des milliers d’exemplaires de ce poème sont parachutés en
1942 par les avions anglais au-dessus de la France.
Paul Eluard
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Extrait du manuscrit original du poème Liberté de Paul Éluard pour la publication du recueil Poésie
et vérité 1942 aux Éditions de la Main à Plume, 1942 Musée de la Résistance nationale à Champignysur-Marne .
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« Liberté »
Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom
Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom
Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom
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Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom
Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
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Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom
Sur l’absence sans désirs
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté.
Paul Éluard, Poésie et Vérité, Paris, Éditions de la main à la plume, 1942.
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Liberté est un poème dédié aux résistants. C'est un poème incantatoire destiné à frapper la
mémoire par l'imagination des répétitions. Le poème sera parachuté (avec les caisses de munitions )
par les avions anglais à des milliers d'exemplaires au dessus de la France.
Les grands écrivains connus et reconnus ont utilisé les mots comme une arme dans la guerre mais on
retrouve aussi des poèmes anonymes.
Le poème qui suit, aux apparences collaborationnistes, est en réalité un poème de la résistance. Il a été
fait par un auteur anonyme et si on le lit dans son intégralité l’auteur semble adhérer aux idéaux nazis.
Cependant, on remarque une démarcation au milieu.
Ce poème est composé d’alexandrins à 12 pieds. Ce sont « des vers brisés », c’est-à-dire qu’ils cachent
un texte avec une signification différente.
Si l'on procède à une lecture en deux parties (en lisant la partie de gauche, puis celle de droite), on
remarque alors que ce poème est en réalité un poème de la résistance dans lequel il clame la victoire
proche de l'Angleterre et donc des Alliés et la fin du nazisme d'Hitler.
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Aimons et admirons
le chancelier Hitler
L’éternelle Angleterre
est indigne de vivre
Maudissons écrasons
le peuple d’outremer
Le Nazi sur la terre
Soyons donc le soutien
Des boys navigateurs
À eux seuls appartient
La palme du vainqueur
sera seul à survivre
du Führer allemand
finira l’odyssée
un juste châtiment
attend la croix gammée.
Cet élan poétique, que ce soit par des poètes reconnus ou des anonymes manifestent la volonté de
refuser l’humiliation, témoigner des crimes commis par les nazis et entretenir l’espoir.
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II) L’art, « un instrument de guerre ».
« L’art est un instrument de guerre offensive et défensive contre l’ennemi » Picasso.
Les peintres ont été très exposés à la surveillance et la censure des nazis. Pourtant, les artistes
ont continué de créer afin d’exprimer leur opposition à la censure et à l’occupant de manière subtiles
en continuant tout simplement de peindre et d’autres en s’engageant dans la production d’œuvres
considérées comme subversives.
Un journal L’art français édite clandestinement en 1944 un album clandestin de lithographies,
Vaincre, pour dénoncer les crimes et appeler au combat.
Des galeristes continuent d’exposer des artistes modernes dans des arrière-salles de galeries comme
Nicolas de Staël, Jean Dubuffet ou Jean Fautrier.
1. La peinture.
Pablo Picasso bénéficiait d’une notoriété internationale et c’est sans doute pour cette raison
que les allemands n’ont pas osé s’attaquer directement à lui. Il peint dans son atelier parisien des
Grands-Augustins. Ses œuvres ont pourtant été censurées, ce qui ne l’a pas dissuadé de peindre les
horreurs de la guerre en évoquant de manière allégorique des natures mortes Natures mortes au crâne
ou des visages torturés évoquant la souffrance de l’occupation, de la guerre et le sacrifice de
l’innocence. Picasso comme Kandinsky représentent les courants d'art "dégénérés" et sont donc mis à
l'index mais ils continuent d'exposer dans des galeries privées.
« Je n’ai pas peint la guerre, disait Picasso, parce que je ne suis pas ce genre de peintre qui va
comme un photographe à la quête d’un sujet. Mais il n’y a pas de doute que la guerre existe dans
les tableaux que j’ai faits alors. »
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L’Aubade, 1942, Huile sur toile. 195 x 265 cm.
Musée National d'Art Moderne, Centre Georges Pompidou
Après Guernica de 1937, cette toile exprime sa radicale opposition à la guerre. Picasso évoque
l’univers carcéral : la chevelure de la femme allongée, le tissu rayé du divan, les barreaux de la chaise
sur laquelle est assise une musicienne qui peut faire penser à une geôlière. Et pourtant, l’espoir est là
dans la forme d’oiseau qui apparait sur le corps de la musicienne.
Picasso exprime sa vision de la guerre, qui est celle de l’horreur et de l’absence totale de liberté,
représentée par cet arrière-plan géométrique qui crée une fausse perspective. L’oiseau évoque
cependant l’espoir et Picasso livre ainsi un message d’espoir.
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Joseph Steib est un artiste peu connu avant la guerre mais son œuvre est très originale. Il a
peint plusieurs dizaines de tableaux dans sa cuisine en banlieue de Mulhouse. Il dénonce avec
virulence le nazisme, Hitler, l’occupation et développe son espoir d’un retour à la République
française. Il prend pour cible Adolf Hitler qu’il représente et peint les crimes nazis.
Son œuvre est surprenante, c’est un artiste hors-norme qui s’affranchit de l’esthétisme et pour lui,
peindre est sa forme de résistance. Il a fait une œuvre "civile": il n’a pas peint ses propres malheurs,
mais ceux de la collectivité.
Joseph Steib, La Dernière Scène, 1943, huile sur bois, CP.
Le cas de Charlotte Salomon est assez particulier. Cette jeune femme a réalisé un ensemble
autobiographique composé de plus de sept cents gouaches, textes et partitions musicales, évoquant sa
vie, plus précisément son enfance berlinoise, son exil et les drames subis par sa famille.
En 1933, alors que le régime nazi progresse et que les premières lois antisémites apparaissent,
Charlotte est obligée de quitter le lycée un an avant « l'Abitur » (l'équivalent du bac français en
Allemagne). Elle s’inscrit à l’Académie des Beaux-arts de Berlin, où là encore, elle est suivie par ce
même antisémitisme omniprésent, elle est même pressentie pour un premier prix au concours de sortie,
mais se le voit refusé car juive. En 1936, son père est arrêté et mis, de manière provisoire, dans un
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camp de concentration; Charlotte décide alors de quitter l’Allemagne peu après la Nuit de Cristal et se
réfugie dans le Sud de la France, à Villefranche-sur-Mer, où ses grands parents ont trouvé refuge.
Charlotte Salomon, Autoportrait, 1940.
Une fois là-bas, elle s’installe à la « Villa L’Ermitage », qui appartient à une américaine nommée
Ottilie Moore, qui accueille d’autres étrangers menacés par le nazisme.
En 1940, un nouveau drame marque sa vie. Suite à la tournure que prennent les évènements et
l’annonce des nouvelles lois concernant les Juifs dans la région, sa grand-mère se suicide à son tour et
Charlotte apprend alors que toutes les femmes de sa famille, y compris sa tante dont elle porte le
prénom, ont mis fin à leurs jours.
Peu de temps après, elle est internée avec son grand-père dans le camp de Gurs, dans les Pyrénées, où
ils restent quelques mois. Ils reviennent ensuite dans la région niçoise et c’est là que Charlotte, au bord
de la folie et sur les conseils d’un médecin, le Dr Moridis se met à concevoir les quelques 1300
gouaches qui vont constituer Leben ? Oder Theater ? (Vie ? Ou théâtre ?) dans lesquelles elle raconte
toute sa vie.
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Vie ? ou Théâtre ?
En 1942, son grand-père meurt à son tour à Nice. Un an plus tard, Charlotte épouse Alexandre Nagler,
un réfugié juif autrichien. Le couple est arrêté et envoyé à Drancy en septembre 1943, puis à
Auschwitz, où Charlotte est gazée peu après son arrivée.
Juste avant son arrestation, elle a le temps de remettre au Dr Moridis l’ensemble de ses gouaches en
lui disant : « Gardez-les bien, c’est toute ma vie ». L'œuvre de Charlotte Salomon appartient
aujourd'hui au Musée historique juif d'Amsterdam où on peut la voir.
Photographie de Charlotte à Villefranche-sur-Mer.
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2. La sculpture.
René Iché, La déchirée, Bronze clandestin, 1940-42. Mémorial Charles De Gaulle.
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La Déchirée est une œuvre du sculpteur français résistant René Iché. Il la réalisa pour
dénoncer d'une part l'Occupation de la France par les nazis, en juin 1940, et d'autre part le début de la
Collaboration de l'État français avec les Allemands, sous l'impulsion du maréchal Pétain.
Sculptée fin 1940 en bronze, l'œuvre représente une femme nue et aveugle, un bras tendu vers le ciel,
l'autre cachant un visage tourmenté : c'est une allégorie de la France déchirée appelant à l'aide, en ces
premiers mois d'Occupation. C'est une France humiliée mais qui lutte par tous les moyens et toutes les
formes.
Cette sculpture est amenée par Jean Cavaillès en février 1943 à Londres, et De Gaulle la met dans son
bureau. L'atelier de René Iché a servi de boîte aux lettres du réseau de résistance Libération Nord dont
Cavaillès en a été un des chefs.
Pablo Picasso n'est pas seulement un peintre, c'est un artiste complet et il a sculpté le sacrifice
de l’innocence avec l’Homme au mouton en 1944. Cette création qui est aujourd’hui installée au
cœur de Vallauris, l’agneau symbolisant le sacrifice des innocents.
Pablo Picasso, l’Homme au mouton, 1944.
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3. La musique.
La difficile position des artistes.
- Certains artistes ont poursuivit leurs activités comme si la situation ne les concernait pas
directement. C’est le cas d’Édith Piaf qui déclare en 1940 : « Mon vrai boulot, c’est de chanter. De
chanter quoi qu’il arrive »
La phrase de Tino Rossi « Ni poing levé, ni main tendue, j’ai chanté quel que soit le régime » résume
assez bien l’attitude des artistes sous l’Occupation.
- La seconde voie de comportement est celle du repli en zone sud.
C’est, par exemple, le choix de Ray Ventura ou de Maurice Chevalier qui, dès 1940, s’installe près de
Cannes avec sa compagne Nita Raya, d’origine juive. À partir de 1943, il cesse de se produire à Paris
et se retire de la vie publique.
- Certains décident de fuir l’Europe, comme Henri Salvador qui s’exile au Brésil en 1941.
- Et rares sont ceux qui ont résisté.
Joséphine Baker, dès le début de la guerre, se montre une ardente patriote. Devenue française
par son mariage, en 1937, avec Jean Lion (de son vrai nom Levy), un industriel juif, elle décide
d'entrer en résistance contre les nazis et refuse de chanter à Paris tant que les Allemands y seront. Sa
renommée lui permet d’agir comme agent de renseignement lors de réceptions données dans
différentes ambassades. Elle chante pour les troupes françaises et entre dans la Résistance comme
espionne au sein du 2e Bureau et sous-lieutenant des forces féminines de l'armée de l'air.
« C'est la France qui m'a
fait ce que je suis, je lui
garderai une reconnaissance
éternelle. »
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Les chants des maquis.
Certains résistants composent pour se donner du courage.
Dans la clandestinité, chaque maquis développe ses propres chants, inspirés des marches militaires
mais aussi d’anciennes chansons révolutionnaires. Ces chansons ont pour fonction de souder les
hommes, leur donner du courage, voire les aider à marcher en rythme !
Même s’il a été composé à Londres, donc dans la France Libre, le Chant des partisans est composé en
1942 par Anna Marly, Joseph Kessel et Maurice Druon. Il est repris par les maquisards et devient
l’hymne des combattants de la liberté..
(Le contexte de création de ce chant hautement symbolique de la résistance sera développé dans la
partie suivante)
La contrebande musicale.
Des musiciens reconnus se sont rassemblés dans une organisation de la résistance, le Front
national des musiciens crée en mai 1941 par Elsa Barraine et Roger Désormière. La contrebande
musicale était encouragée : il s’agissait de jouer devant les Allemands des fragments d’airs patriotiques
insérés dans d’autres œuvres. Plusieurs œuvres patriotiques ont été composées durant cette période,
notamment sur des œuvres de poètes interdits : Georges Auric composa six poèmes de Paul Éluard
(1940-41), et quatre Chants de la France malheureuse, sur des textes de Jules Supervielle (en exil),
Eluard et Louis Aragon.
A l’opéra Garnier, des groupes de résistants se sont ainsi constitués.
La chanson est un art populaire. Beaucoup d'airs anciens, traditionnels ou folkloriques sont repris et les
paroles détournées. Des chants officiels comme Maréchal, nous voilà! le sont aussi. Ces chants sont
entonnés dans des cercles privés et se répandent peu à peu "sous le manteau".
En conclusion, on peut donc dire que les artistes ont été des combattants dans la France occupée.
Les artistes sont devenus résistants en combattant la censure par le biais de la contrepropagande.
Si les initiatives sont isolées au début, ce sont par des actions collectives, minutieusement
organisées que les intellectuels et les artistes ont pu défendre la dignité humaine et les valeurs
républicaines.
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Partie II : Comment les artistes se sont-ils
engagés dans la France libre ?
Qu'est-ce que la "France Libre"?
La « France libre » désigne la résistance née suite à l’appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle qui
appel à poursuivre le combat.
C’est la résistance qui combat au grand jour dans l’illégalité, depuis Londres.
La France Libre diffuse dans les territoires qu’elle a rallié et les pays du monde libre toutes les
productions intellectuelles culturelles incarnant le refus de la collaboration avec le nazisme.
Source : Wikipédia
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I) Combattre avec les mots dans la France Libre.
1. Les émissions de la BBC.
Depuis les années 1930, la radio est largement écoutée par les français. C’est un support de
diffusion de l’information et de divertissement. Les radios libres qui émettent depuis l’extérieur ont un
rôle évidemment déterminant dans la diffusion auprès de la population française.
La radio française est mise au service de la collaboration et de l’occupant dès janvier 1940. Les seules
nouvelles françaises échappant à la propagande allemande et à la censure de Vichy sont diffusées
clandestinement par la BBC, la radio émise depuis Londres.
Les Britanniques décident de recruter une équipe entièrement française: le 6 septembre 1940 naît
l’émission « Les Français parlent aux Français » qui propose aux auditeurs causeries, témoignages,
reportages, chroniques, chansons ou slogans (comme « Radio-Paris ment, Radio-Paris ment, RadioParis est allemand » sur l’air de « la Cucaracha ».).
Pierre Dac est un humoriste et un comédien français qui rejoint Londres en 1941.
L’une de ses spécialités lors de ses interventions à la BBC est la parodie de chansons populaires dont
les textes modifiés se moquent des Allemands et des collaborateurs. Partant d’airs connus elles sont du
coup facilement mémorisées par la population.
Pierre Dac parodie Ca fait d'excellents Français, un des plus grands succès de Maurice Chevalier.
Il y raille l'attitude du chanteur à l'égard des Allemands. Celui ci étant soupçonné d'être un
collaborateur pendant la guerre à cause de la propagande nazie.
La parodie est donc aussi un moyen de lutte intellectuelle contre l’occupant.
Pierre Dac.
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En complément les Alliés éditent une petite
brochure illustrée qui reprend les plus célèbres de
ses parodies et qui est larguée par avions sur la
France.
En 1943, la Royal Air Force parachute sur la France
un livret regroupant ces parodies
Le créateur de cette chansonnette
Passait jadis pour un vrai chevalier,
Mais à côté de cette racaille honteuse
D'autre encore parmi tant de grosses têtes
Dont la conscience est un billet d'mille francs
Ont dans l'épreuve complètement perdu pied
Il y a la France, fière digne et douloureuse
On les croyait très bien, ils étaient moches
Toute la France et ses millions de braves gens
Et c'est ainsi qu'ils se sont révélés
Parmi ceux-ci est une élite rude
En préférant faire des sourire aux boches
Vivant symbole des vertus du pays
Par calcul ou par stupidité
Qui préférant tout à la servitude
Armes à la main a pris l'maquis
Et tout ça, ça fait
De mauvais français
Et tout ça ça fait
Pour lesquels il n'est
D'excellents français
Que le porte-monnaie
Des hommes au grand cœur
Faut savoir être opportuniste
Sans projet, sans peur
Afin d'sauvegarder
Qui combattent pour que notre France
Ses petits intérêts
Soit toujours à l'avant garde de l'honneur
Et ils se sont mis
N'ayant simplement
A grands coups d'Vichy
Pour tout ralliement
Au régime collaborationniste
Qu'un seul mot, rien qu'un seul : Résistance
Bien sûr maintenant
Étroitement unis
Ça devient gênant
Comme des amis
Oui ceux-là ce sont de vrais
De bons et d'excellents français !
31
2. Les poètes en zone sud.
Louis Aragon est un poète, romancier et
journaliste français, né le 3 octobre 1897 et
mort le 24 décembre 1982 à Paris.
En 1940, il se fait capturer, du fait de son
engagement politique communiste. Il parvient
à s’échapper et à se réfugier en zone libre.
Aragon écrit le poème La rose et le réséda à
l'âge de 46 ans. Auparavant, il avait déjà
combattu pendant la première guerre mondiale.
Par conséquent, il connaît bien les horreurs de
la guerre comme la solidarité entre soldats et
son œuvre rend compte de son expérience
Louis Aragon.
Les deux fleurs, la rose rouge et le réséda symbolisent par leurs couleurs deux appartenances
politico-religieuses : le rouge est la couleur des socialismes, généralement athées, le blanc, celle de la
monarchie et plus généralement celle du catholicisme qui lui est associé dans l'histoire de France.
La Rose et le Réséda est publié une première fois dans la revue Le Mot d'Ordre en mars 1943. Il a été
ensuite publié de nouveau en 1944, dans un recueil intitulé La Diane française qui rassemble des
poèmes écrits dans la clandestinité pendant la guerre ou à la libération.
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« La Rose et le Réséda »
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
Tous deux adoraient la belle prisonnière des soldats
Lequel montait à l’échelle et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
Qu’importe comment s’appelle cette clarté sur leur pas
Que l’un fut de la chapelle et l’autre s’y dérobât
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles des lèvres du cœur des bras
Et tous les deux disaient qu’elle vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles au cœur du commun combat
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
Du haut de la citadelle la sentinelle tira
Par deux fois et l’un chancelle l’autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
Ils sont en prison Lequel a le plus triste grabat
Lequel plus que l’autre gèle lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
Un rebelle est un rebelle deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l’aube cruelle passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
Répétant le nom de celle qu’aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
Il coule, il coule, il se mêle à la terre qu’il aima
Pour qu’à la saison nouvelle mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
L’un court et l’autre a des ailes de Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle le double amour qui brûla
L’alouette et l’hirondelle la rose et le réséda
Louis Aragon, mars 1943 (repris dans La Diane française, 1944)
Ce poème engagé est avant tout un hymne à l'unité face à l'adversité, que l'on partage ou non les
convictions de l'auteur. L'objectif d'Aragon dans ce poème est semblable à celle d'Eluard dans
Liberté : c’est une manifestation hostile au nazisme et à la collaboration.
Aragon fait de la poésie une arme qui doit toucher immédiatement.
33
3. La littérature combattante des français libres.
Les intellectuels français exilés se donnent pour mission de défendre les valeurs humanistes de
la culture française face à la barbarie nazie. Ils expriment aussi la nostalgie de la France et de ses
valeurs républicaines. George Bernanos au Brésil, Jules Romain aux Etats-Unis et au Mexique...
- Roger Caillois fonde à Buenos Aires en Argentine une revue littéraire, Lettres françaises,
supplément de la revue Sur, en et soutient le combat allié contre les forces de l’Axe.
- En 1939, Max-Pol Fouchet fonde Fontaine, une revue
de la poésie et des lettres françaises. A partir de 1941, la
revue devient mensuelle et publie des écrivains résistants
installés à Alger. Elle devient rapidement la tribune de la
résistance intellectuelle. Des écrivains engagés comme
Georges Bernanos, Aragon, Jules Supervielle, Max
Jacob, Henri Michaux, René Char, Jean Lescure ...seront
publiés
- Étienne Beaulieu adresse depuis Brazzaville au Congo le 3 mai 1941 un poème à son fils de quatre
ans, qui se trouve alors en France occupée avec sa mère. L’auteur exprime la douleur qu’il ressent, du
fait de cette séparation, et le sentiment du devoir à accomplir pour libérer la France.
34
35
- George Bernanos a engagé son art depuis le
Brésil pour marquer sa solidarité avec la France
Libre. Ses écrits sont publiés en 1942 dans Ecrits
de combat; il se montre incisif à l'égard de Pétain
et défend sans relâche les valeurs et idéaux de la
République.
36
II) L'art, une arme idéologique.
1. La contre-propagande alliée.
Afin de contrer la propagande allemande et collaborationniste, les alliés Anglo-américains ont
mené une intense guerre psychologique en larguant sur l’Europe occupée des millions de tracts de
propagande à l’attention des populations civiles.
Les tracts et les journaux alliés sont ramassés, lus et passent de main en main. Certains sont même
placardés dans les lieux publics. Les dessins dénoncent le STO (Service du Travail Obligatoire), le
pillage des matières premières ...Certaines caricatures sont reproduites sur des tracts ou des papillons à
coller sur les murs.
La presse alliée aéroportée les largue pour mener une guerre psychologique
Hitler, Laval y sont caricaturés. On utilise l’humour. Les nazis pourchassent ces caricaturistes et
certains sont arrêtés et déportés.
Papillon parachuté par les alliés représentant
Hitler sous les traits d'une guillotine.
Papillon parachuté par les alliés représentant la Croix gammée nazie
avec des bottes avec l'inscription "Raus" (Dehors!)
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Le dessin et la caricature ont été utilisés pour frapper les esprits, donner du courage et faire passer des
messages. En voici d'autres exemples.
Papillon réalisé par le
service de diffusion
clandestine de la France
libre en 1942.
Les services de la France
combattante à Londres l'ont
parachuté sur le sol
français en mai et juin
1944.
38
Cette affiche de propagande anglaise montre
un pied écrasant la croix gammée et un appel
de l'armée anglaise. Les anglais cherchaient à
recruter des hommes âgés de 30 à 50 ans pour
travailler comme auxiliaire militaire et ainsi se
battre contre les forces de l'Axe.
Cette bande dessinée représente des militaires
américains. L'un d'eux raconte la fois où il
aurait frappé Hitler. Cette BD tourne donc en
ridicule Hitler et, à travers lui, tout le régime
nazi.
On peut donc penser que cela a permis aux
américains de rire. Le but est de les pousser à
s'engager dans l'armée et qu'il serait facile
d'arriver à bout du nazisme
39
La propagande américaine tourne aussi en
dérision Hitler. Cette caricature le montre en
train de pécher à la ligne.
On le voit attirer un poisson sur lequel il est
écrit « flotte française » avec un vers sur lequel
est inscrit le mot « promesses » alors qu'il
pointe sur le poisson une arme sur laquelle
nous pouvons lire le mot « menaces ».
Grâce à cette image, les américains peuvent se
rendre compte que les allemands contrôlent
une partie de la France en lui promettant de
nombreuses choses mais qu'en réalité, derrière
ces promesses les Français agissent sous la
contrainte, sous la menace.
2. Dessins et peintures
Entre 1940 et 1945, un grand nombre d'écrivains et d'artistes français ont quitté la France
occupée pour New York, capitale intellectuelle du monde libre; s'y sont retrouvés retrouvèrent André
Breton, Claude Lévi-Strauss, Boris Souvarine, Jacques Maritain, Jules Romains, Duchamp, Léger,
Saint-Exupéry, Saint-John Perse, Max Ernst, Le Corbusier, Pierre Lazareff...parmi les plus connus.
Ils ont pu s’exiler et ont continué de créer à l’étranger mais peu d’entre eux ont pu (ou voulu)
influencer l’opinion publique française pendant l’occupation.
Certains artistes ont cependant évoqué la guerre dans leurs œuvres. C’est le cas de Marc Chagall.
Marc Chagall (1887-1985) est un peintre russe qui a été témoin des deux guerres mondiales. En 1941,
il est arrêté : le journaliste Varian Fry l’aide à partir aux Etats-Unis à New-York où il passe le reste des
années de guerre. A travers sa peinture, il évoque la mort, les blessures, l’exode et les villages en
flammes ; c’est donc une dénonciation des horreurs de la guerre en mettant l'accent sur la fragilité et la
vulnérabilité des populations civiles.
40
Marc Chagall, "Obsession", 1943 Paris, Centre Georges Pompidou .
Un chariot emporte des fugitifs ( Chagall avait appris la destruction de la ville de Vitebsk).
Marc Chagall, La guerre, 1943, Huile sur toile, 106 x 76 cm.
41
3. Les chansons de la résistance.
Le simple fait de chanter a été un acte résistant pendant la guerre. Entonner la Marseillaise est un acte de
résistance depuis la France Libre mais aussi dans la France occupée. Ce chant rappelle l'attachement des
français à la démocratie et aux valeurs de la République.
Certains résistants composent dans la clandestinité un chant pour affirmer leur solidarité avec ceux qui luttent.
Chaque maquis développe ses propres cants inspirés des marches militaires mais aussi d'anciennes chansons
révolutionnaires. Ces chansons ont pour fonction de souder les hommes, leur donner du courage, voire les aider
à marcher en rythme!
Le «Chant des partisans» est composé en 1942 par Anna Marly, Joseph Kessel et Maurice Druon. A
l’origine, il s'agit d'une composition en russe de la chanteuse Anna Marly. La mélodie devient un chant
engagé avec le texte écrit par Joseph Kessel (écrivain, journaliste français, un des premiers grands
reporters, académicien) et son neveu Maurice Druon (écrivain et académicien).
La première version a été enregistrée par Germaine Sablon et diffusée régulièrement sur les ondes de
la BBC. Les paroles ont été publiées clandestinement dans les Cahiers de la libération à l’automne 1943.
Largué par la Royal Air Force sur la France occupée,.
42
1943, c’est l’année de naissance du Conseil National de la Résistance sous l’autorité de Jean Moulin.
Avec une organisation structurée, la Résistance obtient avec le chant des partisans un hymne. Chanté à
voix basse, sifflé sourdement, ce chant devient l'hymne des combattants de la liberté. Les
« Partisans » désignent les hommes et des femmes qui se sont battus pour libérer la France de
l'oppression allemande.
Le manuscrit, trois feuillets d’un cahier d’écolier où le chant est rédigé à l’encre bleue est classé monument
historique depuis 2006.
43
Les artistes de la France Libre dénoncent l'occupation de la France et la
collaboration, parfois de manière décalée, en parodiant des œuvres connues et
symboliques en les réutilisant comme des chansons, comme des poèmes. Ils mettent à
profit leur savoir, leur compétences dans ces différents domaines. Ils se servent des
mots comme une arme : la résistance est donc intellectuelle et morale.
44
Partie III : Peut-on survivre à l'enfermement et
à la déportation par l'art et la littérature ?
Tous les écrits produits par les détenus dans les camps de concentration relèvent de l’exploit,
tant physique et matériel que moral et intellectuel.
Écrire était pour ces prisonniers le seul et unique moyen de s’évader, et de s’exiler de l’enfer
qu’ils étaient en train de vivre. Ces écrits ont été découverts pour la plupart après la libération, enfouis
ou cachés dans les anciens camps dans les fentes des murs ou des planchers, sous les paillasses des
châlits, dans les tuyauteries… Les caches étaient risquées car les nazis faisaient des fouilles régulières
dans les baraquements.
Les supports étaient variés ; de multiples matériaux pouvaient faire office de supports : papiers
de cigarette, bouts de pansements, revers de bordereaux administratifs, morceaux de sacs de ciments…
Les pinceaux pouvaient être des fétus de pailles provenant des paillasses de lit, les crayons subtilisés
aux nazis… Trouver du matériel représentait un risque majeur mais la nécessité décrire de dessiner
était plus forte.
45
I) Créer dans les camps d'internement et les prisons.
1. Les prisons et les camps en France.
Carte établie par Anne Grynberg dans Les camps de la honte, édition La découverte, 1999.
Les premiers camps d'internement français ont été ouverts en janvier 1939 dans le sud-ouest de
la France pour accueillir les républicains espagnols qui fuyaient la dictature de Franco; le plus grand a
été celui de Gurs dans les Basses-Pyrénées.
A partir de mai 1940, les camps accueillent des prisonniers mais aussi des juifs étrangers, provenant
notamment d'Allemagne. Entre 1940 et 1944, les camps ont été multipliés sur l'ensemble du territoire.
Y étaient internés les victimes des législations antisémites et de manière générale de persécutions
raciales, ainsi que les opposants au régime de Vichy, comme par exemple les résistants ou les
communistes. Certains de ces camps ont été le point de départ vers les camps d'extermination .
46
Dans les camps et les prisons françaises, des artistes ont résisté grâce et par leur art. Ils ont continué de
créer malgré les risques encourus et les conditions difficiles. Créer, c'était vivre!
Le camp des Milles (Aix-en-provence) a été surnommé «le camp des artistes » du fait de
l'enfermement de nombreux peintres, écrivains, musiciens, architectes et scientifiques. Beaucoup
bénéficiaient déjà d'une renommée internationale et d'autres seront reconnus qu'après la guerre. Malgré
les privations et le manque de moyens, la production artistique a été abondante entre 1939 et 1940
mais aussi jusqu'à l'été 1942, avec une intensité variable.
Photo du Camp des Milles. (source : http://www.galerie-alain-paire.com/)
Une grande fresque a été réalisée par des artistes anonymes dans le réfectoire des gardiens. Elle forme
une suite de tableaux aux titres évocateurs : Les Moissons et les Vendanges, Rêve de nourriture, Le
Banquet de la nature …
47
2) Les chants dans les prisons françaises.
Dans les camps et les prisons où doit régner le silence, les chants entonnés en cœur expriment,
plus que toute autre forme d’expression, une résistance collective au règlement, à l’emprisonnement.
Le chant des patriotes emprisonnés à Eysses a été écrit entre 1943 et 1944. Les paroles sont de Paul
Deguilhem et la musique de Hippolyte Lambert. Il s'intitule "Debout!"
Paul Deguilhem, employé SNCF à Arles, est arrêté le 7 juin 1941 pour propagande communiste et
distribution de tracts. Condamné à 10 ans de travaux forcés en juin 1941, il arrive à Eysses en octobre
1943. Il est déporté à Dachau le 16 juin 1944 avec l’ensemble des 1200 détenus patriotes et il y meurt le
6 février 1945.
Ce chant est un acte de Résistance à l’ennemi, à l’emprisonnement (« que les murs épais s’écroulent »)
et un appel au rétablissement de la République (« Pour notre République il faut vaincre »).
La devise de la République française, Liberté-Egalité-Fraternité, transparait à travers ce chant.
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Photographie disponible sur le Musée de la résistance en ligne.
Dépôt MRN, fonds Alicale d'Eysses (carton n°14).
Au dos de ce papier figurent les notes du musicien, Hippolyte Lambert, ainsi qu’une dédicace
particulière, renforçant encore l’idée d’unité et de patriotisme «(...) à la mémoire de tous les
camarades tombés pour que vive la France ».
Le chant des emprisonnés d’Eysses encourage le groupe à la cohésion et à la combativité. Il ne
contient aucune allusion au régime de détention, ni à la souffrance endurée; c'est avant tout un hymne à
la République qui se veut rassembleur. C'est un acte de résistance par le chant.
49
3) Dessins et peintures.
Le camp de Gurs est situé en Béarn. Il a été l'un des plus vastes lieu d'internement que la
France ait connu à cette époque : 2 km de long sur 500 mètres de large. Ce camp a servi de lieu
d’internement administratif du 2 avril 1939 au 31 décembre 1945.
Des dizaines d’internés ont dessiné et peint dans les baraques. La plupart sont des artistes anonymes,
qui livrent dans leurs dessins des témoignages évocateurs et émouvants. A côté d’eux, on trouve aussi
des artistes confirmés.
Gurs devient de 1940 à 1942, un véritable foyer de création artistique.
Horst Rosenthal, juif allemand, est l’auteur de deux carnets Mickey au camp de Gurs réalisé en 1941
et La journée d’un hébergé au camp de Gurs fait en 1942.
Ses dessins humoristiques l'ont rendu célèbre dans tout le camp.
50
Horst Rosenthal est assassiné à Auschwitz en septembre 1942.
Ces dessins sont réalisés sur papier à l'encre et à l'aquarelle. Ils expriment la volonté de créer et de
témoigner de façon humoristique de l'absurdité, de la misère et de l'horreur des camps. La vie
quotidienne y apparait dans les moindres détails: les arrivées incessantes de nouveaux internés, les
barbelés, les trains, les représailles, la boue, la toilette en public, la faim, la solitude, l'attente,
l'angoisse du lendemain, les enfants...le dénuement, le transport des cadavres et les déportations au
petit matin.
Les mots et le dessin décrivent la souffrance mais rendent hommage à la dignité humaine que
les nazis et Vichy ont voulu anéantir.. Ces artistes donnent libre cours à leur créativité, parfois avec
humour ou ironie, pour préserver leur dignité, tromper l’ennui, entretenir leur moral comme celui de
leurs camarades. C'est un acte de résistance, c'est résister à la destruction programmée par les nazis de
l'humanité des détenu
51
II) Créer dans un camp de concentration.
Dans ce contexte, résister est une urgence de survie, pour conserver sa dignité, aider ses
camarades à tenir et à résister.
C’est aussi créer une œuvre pour s’évader, pour sortir de la sordide réalité.
C’est donc le plus souvent une lutte morale pour combattre la déshumanisation et l’oubli des victimes.
Souce: Wikipédia.
1. La nécessité de témoigner avec les mots.
Les poèmes écrits dans les camps décrivent avec précision les atroces conditions de vie mais aussi
l’espoir de revoir leurs proches et de sortir de cet enfer.
Il y a deux types de poèmes:

ceux qui témoignent de l’enfer concentrationnaire

et ceux qui n’ont aucun lien avec l’univers concentrationnaire et qui permettent à leurs
auteurs de s’évader intellectuellement pendant quelque temps et de retrouver leur dignité
d’hommes.
52
Jean Cayrol est un écrivain français qui s’est engagé dans la résistance mais a été arrêté en 1942 par
dénonciation. Il a été déporté N.N (Nacht und Nebel) au camp de concentration de Mathausen-Gusen.
Il a écrit en cachette des poèmes sur de petits carnets. Ces textes écrits lorsqu’il a été déporté ont été
publiés dans un recueil Alerte aux ombres 1944-1945.
Il a survécu à l’enfer concentrationnaire. Dans ses poèmes, il évoque le souvenir de l'être aimé, la nuit, la
brume. Il continue de rêver. La poésie est donc un moyen de s'évader, de s'échapper de l'enfer du quotidien.
Sa poésie témoigne de son expérience. En 1946, il publie Poèmes de la nuit et du brouillard.
ET NUNC
Nous porterons la France au-delà de la mort
Au-delà du visage mourant du premier preux,
Au-delà de la haine, au-delà de nos corps
Qui n’attendent plus rien que de passer à Dieu.
Nous porterons la France au-delà de la peur
Marquée sur son front mort d’une couronne impure.
Nous porterons la France au-delà du reproche
Dans le calme enchanté de l’ultime blessure.
Nous porterons la France au-delà du vieil Arbre
Où l’ange va lustrer la guerre et ses deux ailes
Où le fruit revenu dans le manteau du sacre
Laisse fuir de son grain et l’éclair et l’orage.
Nous porterons la France sur le bord de nos plages
Où le vent soufflera son haleine d’étoiles
Où les bêtes fuiront l’humidité des bois
Où la nuit lèvera son voile vers le large.
Le jour de la colère a sonné dans les bois,
Nous porterons la France au vieux pas du cheval.
La couronne de ronces a suffi pour sa foi,
L’écume des cuirasses cuit les eaux du val.
Nous porterons la France de village en village.
Saluez donc bien bas sa robe déchirée.
Voici le tour de France, et puis tournez la page...
Les cloches de l’Histoire sonnent à toute volée.
Jean Cayrol – Mauthausen
53
Le poème suivant est de Stanislas Radinecky. Il exprime l'usure des déportés soumis à des cadences
de travail très dures, la faim, le délabrement physique et les privations. Epuisés, les déportés perdent
goût à la vie et eut moral flanche.
DORA
Tel du bétail,
Nous dormons dans des trous.
Pour nous, le soleil ne brille pas.
Pour nous, aucune étoile ne s’allume.
Pour nous, il n’y a que des roches abruptes,
Des murs froids et morts.
Les machines à forer la montagne grondent sans répit.
C’est infernal.
L’air est lourd,
Et, dans les ténèbres des galeries,
La poussière empoisonnée
Colle comme un meurtrier à nos talons,
Comme un couteau tranchant
Elle entaille nos poumons,
Enlève les couleurs de nos joues,
Brouille nos yeux
Et couvre nos vêtements et nos cheveux
D’un gris uniforme.
Nous n’avons pas le temps de nous plaindre
Encore moins d’enlever de nos yeux
Cette poussière collante.
Nous ne sommes que des ombres,
Des silhouettes aux joues creuses
Qui vont au-devant de la mort dans les catacombes.
Le désespoir, l’angoisse
Rongent sans cesse nos coeurs comme des loups affamés.
Des prières expirent
Et se brisent sur les rochers insensibles.
Stanislas Radinecky – Dora
54
2. La pratique artistique dans les camps nazis.
a) La musique et le chant.
Le Verfügbar aux Enfers » est une opérette écrite à Ravensbrück par Germaine Tillon. C’est le texte le
plus singulier qui nous soit parvenu des camps de la mort.
Germaine Tillon rentre en résistance dès1940; elle a été une des responsables du réseau du Musée de
l’Homme jusqu’à son arrestation sur dénonciation en août 1942. Après plusieurs mois à la prison de
Fresnes, Germaine Tillon arrive à Ravensbrück, un camp de déportation destiné aux femmes, en 1943.
Elle porte le triangle rouge, celui des détenus politiques.
Germaine Tillon refuse de se prêter aux tâches et corvées. Elle profite de la complicité de ses
codétenues qui la cachent pour écrire cette opérette: le Verfügbar aux Enfers.
“Verfügbar”en allemand signifie “disponible” et se rapporte à ces femmes qui se devaient d’effectuer
toutes les basses besognes au sein du camp. C'est une œuvre comique qui traite d'un sujet dramatique.
Elle décide de se servir du rire comme moyen d’évasion de la condition de déportée. Chaque soir, elle
55
lisait ce qu’elle avait écrit à ses compagnes d’infortune, que cela faisait rire. Le texte a été caché dans
une caisse et une de ses camarades, Jacqueline d’Alincourt, prendra le manuscrit de l’opérette. Il n'a
été publié que récemment, en 2005; Germaine Tillon s'était opposée à sa publication. "Qui pourrait
comprendre comment des déportées ont pu rire des atrocités qu’elles subissaient ? "
Le "chant des marais" ou "chant des déportés".
Créé en 1934 en Allemagne, il devient pour tous les déportés un hymne et un symbole.
D’abord encouragé par les SS comme chant de travail, il est interdit dès que son caractère subversif a
été reconnu.
Diffusé de camp en camp au gré des transferts de détenus et traduit dans différentes langues, le Chant des
Marais est un chant de détresse et pourtant de résistance, de dignité et d’espérance.
Le chant des marais
Loin vers l’infini s’étendent
Des grands près marécageux.
Pas un seul oiseau ne chante
Sur les arbres secs et creux.
REFRAIN
O, terre de détresse
Où nous devons sans cesse
Piocher.
Dans le camp morne et sauvage
Entouré de murs de fer
Il nous semble vivre en cage
Au milieu d'un grand désert
Bruit des pas et bruit des armes,
Sentinelles jour et nuit,
Et du sang, des cris, des larmes,
La mort pour celui qui fuit.
56
Mais un jour dans notre vie,
Le printemps refleurira
Libre enfin, ô ma patrie,
Je dirai tu es à moi.
REFRAIN
O, terre d’allégresse
Où nous pourrons sans cesse
Aimer.
La musique et le chant ont été des moyens de lutter moralement et intellectuellement contre la
barbarie. Elles dénoncent l'inhumanité et aident à survivre.
Des artistes ont illustré la présence de la musique à travers leurs dessins. C'est le cas de Léon Delarbre
qui a représenté Maurice Hewitt, un violoniste et un chef d'orchestre célèbre avec un violon dans le
camp de Buchenwald.
Dessin de Léon Delarbre
Portait au crayon de Maurice Hewitt, Violon du quator Capet.
57
b) Le théâtre.
Charlotte Delbo a été une collaboratrice de Louis Jouvet avant la guerre. En tournée au Brésil en 1941,
elle quitte la compagnie pour regagner la France, afin de rejoindre son mari, Georges Dudach, acquis à
la Résistance. Ils sont arrêtés en février 1942, Georges est fusillé au Mont Valérien et Charlotte déportée à
Auschwitz.
Charlotte Delbo à Auschwitz, (Photo DR collection privée).
« Chacun témoigne avec ses armes. », dit-elle.
Avec ses codétenues, Charlotte imagine de jouer un spectacle à l'intérieur du camp. Elle passe ainsi
beaucoup de temps à se remémorer des poèmes (elle arrivera à en « reconstituer » 57) et les textes de
théâtre. Elle est ensuite envoyée à Ravensbrück le 7 janvier 1944. Elle réussit à y organiser des
représentations de pièces de théâtre dont elle reconstitue le texte de mémoire.
Le théâtre et la poésie ont été des moyens de survie pour Charlotte Delbo. En déportation , elle
imagine la façon dont elle témoignera, avec ses armes, de l'enfer qu'elle a vécu. En 1946, elle écrit
Aucun de nous ne reviendra, témoignage de son expérience concentrationnaire. Elle ne le publiera
toutefois qu'en 1965.
58
c) Les "objets humbles".
Les créations les plus étonnantes sont des objets, œuvres fabriqués avec les «moyens du bord». Roger
Payen peint en 1943-44 sur le revers d’une boite d’allumettes des barreaux et à l’arrière-plan la cour de
la prison.
Cette œuvre est intitulée «Vue de la cellule».
Il crée aussi en 1944 une maquette de la «cellule 11-22 de la prison de la santé» dans une autre boite
d’allumettes.
59
Les objets, créés par les déportés peuvent être interprétée comme un acte de résistance : les matériaux
sont souvent troqués contre de la nourriture et assemblés sur le temps de repos.
La création peut être une urgence tout aussi vitale que se nourrir ou dormir. Créer un objet pour l'offrir
atteste aussi du maintien d'une sociabilité dans l'univers déshumanisé du camp.
3. Témoigner par le dessin et la peinture.
a) Créer, c'est survivre.
.
La pratique artistique est en théorie impossible dans un camp. Détenir du papier ou un crayon
peut conduire à la mort. Pourtant, des détenus arrivent à récupérer des feuilles en subtilisant journaux
ou documents administratifs dans les bureaux. Il existe dans chaque camp un marché parallèle, où en
échange d’une ration alimentaire on peut obtenir certaines choses.
Voici quelques exemples de dessins réalisés dans les camps nazis.
Maurice De La Pintière est étudiant aux Beaux Arts pendant la guerre, il tient une chronique
mordante sur l’actualité politique. Il entre en Résistance et est arrêté le 23 juin 1943. Il est déporté à
Buchenwald puis Dora et, il témoigne de l’univers concentrationnaire dans ses dessins.
« Dans cet enfer sordide, c’est l’art (...) qui me permet d’échapper un peu, le temps d’une
respiration, à l’atmosphère intolérable des sous-sols. En août 1944, un kapo surnommé « La
grenouille », me désigne avec d’autres camarades pour peindre le Block 13, puis la cantine. (...)
J’en profite pour immortaliser des scènes humoristiques voire caustiques, dont les gardiens, fort
heureusement, ne saisissent pas toujours le sens. Ainsi le micro par où sont transmis les ordres de
l’Arbeit Statitick devient la bouche du diable. Les nains qui l’entourent se bouchent les oreilles,
pleurent et bâillent. C’est ma manière de résister. »
60
Aout 1944. Esquisse du block 13.
Boris Taslitzky est un résistant, emprisonné par Vichy pour avoir réalisé des dessins subversifs. Il est
ensuite déporté en Allemagne au camp de Buchenwald. Dès qu'il le peut, dans les circonstances les
plus critiques, il dessine. Il dessine pour témoigner, il dessine pour résister : « Créer, c'est résister ! »
Il a réalisé près de 200 croquis et dessins et 5 aquarelles sur la vie dans les camps. Il rentre en France
et ses travaux sont publiés en 1945 dans un recueil préfacé par Louis Aragon 111 dessins faits à
Buchenwald.
29 Russes sont pendus sur la place d’appel en présence de leur camarades, d’officiers, de sousofficiers et de soldats allemands venus en spectateurs, Dora, 21 mars 1945.
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Henri Gayot (1904-1981) a été professeur de dessin, peintre, illustrateur, écrivain, résistant au groupe
" honneur et patrie " sous le pseudonyme de " le normand » . Il a été déporté au camp du Struthof
(camp allemand crée Alsace annexée au Reich). Il a laissé aussi de nombreux dessins de ses années
d’enfermement.
Tentative d'évasion - gravure de Henri Gayot, déporté du KL-Natzweiler
Ce dessin est la représentation d'un SS poussant un homme dans « le ravin de la mort » alors qu'il était
chargé d'amener les brouettes pleines de pierres et de terre depuis la butte à aplanir jusqu'au ravin à
combler.
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Les détenus rassemblés dans le froid sur la place d’appel au KLN dessin Henri Gayot
Fumée s’échappant d’un four crématoire. KL Natzweiller.
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Ludovic de la Chapelle a lui aussi dessiné l'intérieur de la vie des camps et plus particulièrement les
baraquements; on distingue nettement les châlits en bois du camp de Natzweiller
Dessin de Ludovic de la Chapelle, déporte au K.L Natzweiller
Felix Nussbaum est un juif allemand contraint à l’exil avec l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Arrêté en
1940, il est détenu en France à Saint Cyprien mais il s’évade. Il retourne à Bruxelles, où il reste caché,
avec son épouse Felka Platek, une artiste juive polonaise. Il est finalement déporté avec elle à
Auschwitz, le 31 juillet 1944, et assassiné.
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Felix Nussbaum, Autoportrait dans le camp, 1940. Osnabrück, Felix-Nussbaum-Haus,
« Si je meurs, ne laissez pas mes peintures me suivre, mais montrez-les aux hommes. »
Nussbaum appartient ainsi aux artistes de l’art dit concentrationnaire, expression qui désigne les
œuvres d’art réalisées dans les camps ou dont le sujet porte sur les camps.
Ces artistes ont en commun la volonté de témoigner, de montrer ce qu'il ont vécu, de dénoncer la
deshumanisation programmée par les nazis. leurs productions sont essentielles et constituent des
preuves historiques de cette tragique période de l'histoire. Son talent d’artiste lui impose le devoir de
rapporter un témoignage précis et objectif de la vie dans les camps
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David Olère est sans doute l'artiste le plus connu. Arrêté par la police française, le 20 février 1943,
parce que juif, il est interné à Drancy, puis déporté vers Auschwitz. Il y est désigné membre du
Sonderkommando chargé de brûler les cadavres au sortir de la chambre à gaz.
Ses dessins constituent un témoignage exceptionnel sur l'extermination systématique et programmée
des juifs d'Europe. Certains de ses dessins ont été fait immédiatement de retour de déportation.
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Viktor Siminski a dessiné l'unique représentation de l'intérieur de la chambre à gaz. Comment savaitil? Siminski est un résistant polonais; il arrive à Sachsenhausen en 1940 et y reste jusqu'en 1945. Il a
été considéré comme un chroniqueur des camps. Il n'a pas vu la scène, car seuls les SS le pouvaient
mais certains détenus savaient.
b) Les camps nazis avec les yeux d'enfants.
Les dessins d'enfants sont des témoignages très rares et extrêmement émouvant de la vie dans
l'enfer des camps.
Thomas Geve est un juif allemand. Il est arrêté en 1943 avec sa mère et est déporté à Auschwitz. Il a
alors 13 ans. C’est à Buchenwald, d’où il sera libéré en avril 1945 qu’il décide de témoigner de ce
qu’il a vécu par le dessin. Il réussit à se procurer 6 crayons et du papier. Trop faible pour être évacué
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tout de suite. Il demande à un camarade de lui trouver du papier et des crayons. Pendant un mois,
Thomas Geve reste à l’infirmerie de Buchenwald et fait 79 dessins résumant ce qu’il a vu, entendu,
retenu durant sa détention à Auschwitz, à Gross-Rosen et à Buchenwald.
Les 79 dessins réalisés dans le camp de Buchenwald par Thomas Geve sont conservés à Yad Vashem
en Israël depuis 1985.
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Le camp de Teresin, Theresienstadt en allemand est transformé en 1941 par les autorités nazis en camp
de "rassemblement et de transfert" pour les juifs de Bohème-Moravie. Dès décembre 1941, des enfants
et leurs familles sont déportées à Teresin. Au total, plus de 9 000 enfants de moins de dix-huit ans
seront envoyés dans ce camp ghetto; parmi eux, il y avait des orphelins et des enfants séparés de leur
famille.
Les nazis interdisaient toute forme d'enseignement mais ils ont autorisés "l'organisation de temps
libres", c'est ainsi que les jeux et les loisirs culturels ont été autorisés. Les dessins des enfants évoquent
la vie dans le camp mais plus nombreux sont ceux qui ont pour sujet la vie à l'extérieur du camp, les
contes...Les animaux sont très présents dans les dessins des plus petits.
Les adultes ayant en charge les enfants ont tenté de leur faire "oublier momentanément" le camp. le
dessin est devenu un moyen de s'évader de l'horreur du quotidien, de rêver.
De 1942 à 1944, ce sot 6 363 enfants de moins de quinze ans qui ont été déportés de Theresienstadt
vers Auschwitz. Les dessins et les écrits sont pour la plupart les dernières traces de leur brève
existence.
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Malgré tout ces efforts pour témoigner, lutter et résister, la plupart des déportés, hommes, femmes et
enfants n'ont pas eu la chance de survivre. Ils ont été assassinés.
70
Conclusion.
Nombre d'artistes survivants des camps (Primo Levi, David Olère, Elie Wiesel...) utiliseront leur art
après la guerre pour témoigner et apporter des preuves des crimes contre l'humanité perpétrés par les
nazis et du génocide des juifs d'Europe et des tziganes.
La résistance a été multiple. Au niveau artistique, c'est avant tout une lutte intellectuelle et morale
qu'ont mené les écrivains et les peintres: combattre avec les mots, survivre grâce aux arts, et
surtout témoigner.
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Sources :
Ouvrages
Sylvain Chimello, La Résistance en chantant 1939-1945, Éditions Autrement, 2004, page .
Littérature et résistance, Presses Universitaires de Reims, 2000.
Bruno Giner Survivre et mourir en musique dans les camps nazis, Berg International, 2011.
Manuel d'Histoire 3ème, éditions Hatier, programme 2012.
Histoire junior n°22, n°17
Article: « L'héritage de la Résistance dans la création littéraire » (colloque, 16 novembre 2006)
Publications pour le concours
Fondation de la Résistance : version numérique de la brochure nationale du CNRD 2015-2016
Brochure publiée par le Département de l'Hérault (Conseil Général) : ressources documentaires et
bibliographiques proposés par le Service Educatif du Centre Régional de la Résistance et de la
Déportation de Castelnau-le-Lez et les Archives Départementales de l'Hérault, 2015.
« L'héritage de la Résistance dans la création littéraire » (colloque, 16 novembre 2006)
- « Déportation et production littéraire et artistique », Mémoire vivante n°31, décembre 2001
Sitographie:
https://www.reseau-canope.
CNRD, le site du Ministère
http://eduscol.education.fr/cid45607/concours-national-resistance-deportation.html
72
La brochure de la Fondation de la Résistance (sommaire sur ce blog, le 15.10.2015)
http://www.fondationresistance.org/catalogue/index.html
Musée de la Résistance en ligne
http://museedelaresistanceenligne.org/pedago_espace.php?pave=4&concours=a
www.france-libre.net
www.musee-resistance.com
www.fmd.asso.fr
www.concours-resistance.org
www.fondationresistance.org
www.charles-de-gaulle.org
archives.herault.fr
www.memorial-caen.fr
www.defense.gouv.fr/onac
www.ina.fr/
http://fresques.ina.fr/jalons/parcours/CnRD-resistance-art-et-litterature/resister-par-l-art-et-lalitterature.html
Musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne
www.defense.gouv.fr/content/download/100763/978321/file/MC23.pdf
http://www.itineraire-jean-moulin.fr/expo/9
http://www.memorial-charlesdegaulle.fr/UserFiles_degaulle/file/DP_Romanin.pdf
http://museedelaresistanceenligne.org/media3957-iLe-Nouvelliste-i-31-dA#fiche-tab
http://www.musee-resistance-chateaubriant.fr/spip.php?article101
http://campgurs.com/default.asp?type=S&savoirplus=1&idsection=1
http://www.ghetto-theresienstadt.info/terezinstadtplan.htm#l410
http://images.google.fr/imgres?
73
http://webetab.ac-bordeaux.fr/college
arthez/fileadmin/0640005H/fichiers_publics/Docs_peda/Hist_des_arts/HDA_3e/Art_officiel_en_Alle
magne_2.pdf
http://www.ajpn.org/images/France-1942
http://1poeme1image.over-blog.com/article-32083930.html
http://www.copiedouble.com/node/928
http://bacdefrancais.net/poesie.php
http://www.saintaugustin78.com//userfiles/Fiche%203eCr%C3%A9ation%20&%20camps%20de%20concentration.pdf
http://www.cndp.fr/crdp-reims/ressources/brochures/blphg/bul27/resistance.htm
http://www.lyc-valdedurance.ac-aix-marseille.fr/spip/spip.php?article1305
http://images.google.fr/imgres?imgurl=http%3A%2F......fr/cnrd/axes/2016/3
http://images.google.fr/imgres?imgurl=http%3A%2F......fr/cnrd/axes/2016/3
Film:
Parce que j’étais peintre. L’art rescapé des camps nazis, film de Christophe Cognet, 105 min, 2013.
74
Table des matières.
Avant-propos .......................................................................................................................................4
Introduction..........................................................................................................................................5
Partie I: Un artiste peut-il être un combattant dans la France occupée ?...............6
I) Combattre avec les mots dans la France occupé...........................................................8
1.La presse clandestine............................... ......................................................8
2. Les éditions de minuit..................................................................................11
3. La poésie engagée.......................................................................................13
II) L’art, un « instrument de guerre ».............................................................................20
1. La peinture..................................................................................................20
2. La sculpture................................................................................................25
3. La musique.................................................................................................27
Partie II : Comment les artistes se sont-ils engagés dans la France libre ?.................................29
I) Combattre avec les mots dans la France Libre...........................................................30
1. Les émissions de la BBC..........................................................................30
2. Les poètes en zone sud.............................................................................32
3. La littérature combattante des français libres...........................................34
II) L’art, une arme idéologique........................................................................................37
1. La contre-propagande alliée.....................................................................37
2. Dessins et peintures...................................................................................40
3. Les chansons de la résistance....................................................................42
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Partie III : Peut-on survivre à l'enfermement et à la déportation par l'art et la littérature ?.......45
I) Créer dans les camps d'internement et le prisons..................................................46
1. Prisons et camps en France..................................................................46
2. Les chants dans les prisons françaises.................................................48
3. Dessins et peintures.............................................................................50
II) Créer dans un camp de concentration...................................................................52
1. La nécessité de témoigner avec les mots.............................................52
2. La création artistique dans les camps nazis.........................................55
a.
La musique et le chant.....................................................55
b.
Le théâtre.........................................................................57
c.
les "objets humbles"........................................................59
3. Témoigner par le dessin et la peinture................................................60
a. Créer, c'est survivre...............................................................60
b. Les camps nazis avec les yeux d'enfants...............................67
Conclusion..............................................................................................................................................71
Ressources..............................................................................................................................................72
Table des matières.................................................................................................................................74
76
" Créer, c'est résister ! "
Boris Taslitzky
77
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