— 330 — LE ROLE DU FLUOR DANS LE CHIMISME VOLCANIQU E (Mise au point ) par J . MOMOT . Le fluor, de numéro atomique 9, n'a été préparé dans un milie u rigoureusement anhydre par MOISSAN que vers les années 1886, en électrolysant une solution de fluorure acide de potassium KF, HF dan s l'acide fluorhydrique anhydre HF . Mais son existence avait, déjà, ét é soupçonnée par SCHEELE, dès la fin du XVIIIB siècle (Mém . Acad . Stockholm 1 (2) 1 . 1780) . Cet élément appartient à la deuxième période, sous-groupe des halogènes, du groupe VII du tableau de MENDELEEV . La répartition de s électrons autour du noyau est la suivante : 1S', 2S", 2p . 5 . Le rayon de l'atome, pris comme étant la demi-distance intermoléculaire de la molécule F, serait voisin de 0,67 A . Le rayon cristallin de l'ion F- est de 1,36 A (PAULING) . Celui de l'ion F 7 + : 0,07 A. La valeur trouvée intéressant l'affinité du fluor pour les électron s est, en général, plus grande que celle des autres halogènes . Cett e électro-négativité, d'après l'échelle de PAULING, est voisine de 4,1 eV. D'ailleurs, la table d'électro-négativités, établie par GORDY et THOMAS, montre bien que le fluor, étant l'élément le plus électro-négatif, ce t halogène peut se combiner avec tous les éléments connus, exceptio n faite, en principe, des gaz rares ; pourtant, il existerait, par exemple , des fluorures de xénon . (Studies M.E . Sloth E .M. J. Phys . Chem ., 1963 , 67, 4, 925-927) . Quant au potentiel d'ionisation en électron-volts, il est de 17,42 . Le processus de déplacement d'un élément de son composé par l e fluor est un phénomène exothermique . Le fluor a 5 isotopes dont les nombres de masse s'échelonnent de 16 à 19 . Par réactions nucléaires, le F' 8 peut être formé en bombardant d u magnésium à l'aide de protons et de deutérons . Mais , on peut également l'obtenir en soumettant des atomes d'oxygène, de fluor, d'aluminium, d e chlore, de cuivre, d'argent et d'or, à l'action de protons ayant une énergie de 420 MeV . D'après A .E . FERSMAN, l'écorce terrestre contiendrait 0,08 % de fluo r en poids ou 0,07 atome pour cent . Pour A .P. VINOGRADOV, la teneur en fluor dans la lithosphère serait de 0,028 atome pour cent . Suivant d'autres auteurs, il y aurait, pour cette même écorce terrestre, 0,078 % d e fluor à l'état combiné . Le fluor serait plus abondant que le chlore : 0,055 % . Les roches éruptives, les minéraux magmatiques contiendraient : 0,07 % de fluor, les roches et minéraux sédimentaires : 0,065 % . Teneur en p .p .m . du fluor du chlore — Roche d'origine ignée . . . . 600 31 4 — Météorites 28 1 000-1 50 0 La teneur en fluor des météorites est encore une question asse z obscure . Il est fort possible que d'assez fortes quantités de fluor aient été perdues par un processus de volatilisation au moment de l'entrée — 331 — de la météorite dans l'atmosphère terrestre . Cette perte par volatilisation est également valable pour les roches volcaniques, comme nou s le verrons . A .P . VINOGRADOV et V .V . DANILOVA notent que la présence du fluo r dans le sol est essentiellement due à la destruction de roches contenan t un total de 0,03 % de fluor . Le total en fluor des plaines russes, pa r exemple, est égal à 0,02 % environ . Certaines roches, on le sait, contiennent des minéraux assez riches en fluor : l'apatite ; des micas, comme les fluoro-annites, les fluorobiotites, la lépidolite, etc . Des tourmalines, des topazes également, etc. Le fluor entrant dans la composition de nombreux silicates naturels, l e remplacement isomorphique de 0- - ou OH- par une certaine quantit é de fluor est une opération fort probable de l'édifice cristallin de ce s silicates . Les gaz volcaniques sont assez riches en composés fluorés, surtou t dans la phase initiale des émanations, qui a lieu entre 500° et 800° 1 . E n principe, les émanations fumerolliennes , dont la température dépass e 500° C montrent des sublimés salins, tels que Nacl, Kcl, B 2 03 , des traces de chlore et de fluor, etc. Des observations faites au Japon montreraien t également que les quantités de Hcl, SO2 , H2 , HF et B, augmenteraien t avec la température . De plus, certains gaz volcaniques du volcan Suelich (U .R.S.S .), ayant une température initiale élevée (500°-800°) contiendraient de l'HF . Le dégagement des vapeurs riches en Hcl, H 2 , CO , H 2O et HF est un phénomène qui se rencontre tout particulièrement le long des coulées de laves andésitiques et basaltiques de la région d u Kamchatka . Au Japon, la composition chimique de certains gaz volcaniques , montre la présence de Bore, chlore, fluor . La valeur en p .p .m . de ce dernier halogène peut atteindre 238 . Au cours des différentes phases du phénomène fumerollien, la présence du fluor reste constante . Les produits fumerolliens du volcanisme de l'île Vulcano et du Vésuve montrent une teneur en fluor qui peut s'élever à 5,16 % . Le s groupes volcaniques de la région de Katmaï exhalent annuellemen t 135 000 tonnes de FH . Le fluorure de silicium, le fluo-silicate d'ammonium ont été détecté s par SACCHI dans les fumerolles du Vésuve . Au cours de l'éruption du Paricutin, les produits fumerolliens dégagés contenaient de petite s quantités de (NH4 ) 2 SiF6 . A . GAUTHIER a trouvé, en 1913, 0,110 mgrs d e fluor libre dans les gaz du Vésuve . A Lardarello, en Toscane, les soffioni en renferment également . Il est présent dans les gaz volcanique s à réaction acide . De l'acide fluorhydrique a été signalé à l'état libre dans les fumerolles de volcans (Matteuci . C .R . 129-65-1899) (S .I . Naboko : Biill. Acad . Sci . U .R .S .S . Ser . Geol . 1-50-1945) . 1 . Donnons, à titre d'exemple, la composition chimique de vapeurs fumerolliennes de haute température (650°) issues d ' un volcan du Japon (Showa Shinzan . Usu . Hokkaido) . — H 2 O : 96,9 % en volumes . « La composante prédominante des gaz de fumerolles reste la vapeur d'eau surchauffée » . — Gaz acides : Hcl, HF, H 3 BO3 : 2, 1 H2S : 0, 7 H2 : 0,3, etc . — 332 — Pour le fluor et différents produits fluorés, les chiffres donnés pou r ces dosages sont d'une valeur très relative, en effet, comme les gaz magmatiques attaquent, bien souvent, les parois rocheuses, le fluor s e fixe, en grandes parties, avant de parvenir à l'air libre . Ainsi, les gaz d'origine volcanique contiennent, en général, de l'acid e fluorhydrique qui, en retombant sur le sol, augmente sa teneur moyen ne qui, nous le savons, oscille autour de 0,03 % . Dans les régions, ayan t ou ayant eu par le passé une activité volcanique on peut recueillir jus qu'à 2 gr . de fluor et de ses différents composés pour 100 m 2 de sol . C'es t ainsi que les sols des régions voisines du Vésuve et de l'Hékla montren t une plus forte proportion de fluor . SHEPHERD évalua à 0,70 % la teneur en fluor des roches volcanique s mais il faut, toutefois, noter que les laves perdant une grande partie d e leur fluor, élément volatil, donnent des chiffres beaucoup plus bas . D'après des études faites dans la région du Kamchatka, pour un total d e 28 échantillons de roches volcaniques analysées, la teneur en fluo r s'élèverait de 0,03 % à 0,06 % en moyenne . Au cours de ces mêmes études, on a pu remarquer que les amphiboles appartenant à des coulée s de roches basaltiques contenaient une assez forte proportion de fluor , Le fluor se trouverait, donc, tout spécialement, concentré dans le s amphiboles de ces laves basaltiques . Des verres volcaniques, riches en silice, du N .-O . des Etats-Unis montrent des valeurs assez considérables en chlore et en fluor qui peu vent varier de 0,25 à 0,30 % . Enfin, différentes combinaisons fluorées provenant de régions volcaniques ont été décrites . Vers 1872, SCACCHI a trouvé dans les laves d u Vésuve du fluorure de magnésium « F,Mg » et a appelé ce sel « belonite », il est analogue à la « sellaïte » « MgF 2 » . La « zamboninite » « CaF2i 2MgF2 » trouvée à l'Etna, aurait été formée par l'action d e vapeurs riches en fluor sur des composés magnésiens et calciques . L a « Ferrucite » qui est un fluo-borate de sodium « NaBF 4 » serait une production fumerollienne du Vésuve . Les laves d'un volcan russe du no m de Klyuchevsky contiendraient un fluoro-aluminate complexe qui répondrait à la composition chimique suivante : Na Ca Mg A13 F, h , 4 H 2O, etc . Divers fluorures d'aluminium , de calcium et de magnésium ont ét é déterminés dans les régions volcaniques de l'U .R.S .S . Le fluor, étant un élément fort actif, les sels de cet halogène son t nombreux et d'une très grande diversité chimique . Pour les éléments du groupe I de la classification de MENDELEEV, on obtient ces fluorures par voie humide en faisant agir l'acide fluorhydrique sur les hydroxydes et les carbonates de ces éléments . Avec un certain nombre de fluorures métalliques, le fluor peut donner des fluorures de valences supérieures . BODE a observé que l'action du fluor à 140°-220° sur les halogénures de K, Rb, Cs, donne les fluorures perhalogénés, suivants : KF2 , RbF3 , CsF3 . Pour le groupe II, le fluorure de Beryllium diffère des autres fluorures de ce groupe par sa solubilité dans l'eau . Tous les éléments du groupe III donnent des trifluorures . Le trifluorure de base se classe à part des autres fluorures de ce groupe par s a nature gazeuse . Quant au trifluorure d'aluminium, il est obtenu par — 333 — l'action du fluor ou de l'acide fluorhydrique sur le métal à haute température ou par fusion du fluorure de solium avec un sulfate d'aluminium . Le fluorure d'aluminium se dissout dans l'acide fluorhydrique pour former l'acide H 3A1F, . Le radical (A1F,) - - - a été étudié aux rayons X ; ces fluoro-aluminates présentent une structure octoédrique , six d,Sp3 liaisons étant distribuées autour de l'atome d'aluminium . L e fluorure d'aluminium tri-hydraté a de nombreux isomères : A1F3 (11 2 0)3 , A1F (112 0)5, AlF, (11 2 0), etc. expérimentalement leur existence n'a pa s été prouvée . Mais A1F3i 3,5 H0O existe sous deux formes «insoluble» e t « soluble » . Les structures cristallines des fluoro-aluminates se présentent sous forme de couches, d'écailles , de chaînes d'octoédres d'AlF,- - accolées les unes aux autres par leurs atomes de fluor . Les fluorures du groupe IV . Il existe un tétrafluorure de carbone e t un hexafluoroéthane qui sont des substances très stables par rappor t aux deux fluorures de silicium : SiF4 et Si,F 2 . Le carbone se combine plus ou moins facilement au fluor suivan t la variété considérée . Le graphite brûle au rouge sombre dans une atmosphère fluorée . W . et G . RÜDORFF auraient obtenu, par action sur du graphite d'acide anhydre en milieu oxydant ou en présence de fluor, u n composé cristallisé de formule C4F . MOISSAN n'avait décrit, autrefois , aucune réaction ni entre le fluor et l'oxyde de carbone, ni entre le fluor et l'anhydride carbonique . Il existe pourtant de l'oxy-fluoro-chlorure d e carbone : COFcl, de l'oxy-fluorure de carbone : COF 2 , etc . Notons également l'existence de fluorure de cyanogène FCN et de difluorure d e carbone CF, . Pour ce groupe IV, la propriété la plus caractéristique du fluor es t l'attaque de la silice (SiO 2 ) avec formation de fluorure de siliciu m (SiF,) et d'eau . La silice précipitée est attaquée beaucoup plus facilemen t que le quartz . Chez ce dernier une facette parallèle à l'axe principal es t rapidement attaquée, alors que les faces du rhomboèdre primitif ou le s facettes perpendiculaires à l'axe principal sont pratiquement inaltérées . Les vitesses d'attaque sont différentes suivant l'état cristallin . Ajouton s que le silicium cristallisé s'enflamme spontanément au contact du fluo r en donnant du fluorure de silicium . Le rôle du fluor dans la genèse des minéraux silicatés naturels es t particulièrement important . De plus, la formation des silicates dans le s phénomènes post-volcaniques ou intéressant de près les phénomènes volcaniques, en particulier la cristallisation du quartz en phase pneumatolytique, est à rattacher à des réactions gazeuses en milieu hétérogène . La réaction d'équilibre de la silice avec la vapeur d'eau et d u tétrafluorure de silicium comme produit formé a été particulièremen t SiF4 + 2 H 2O , étudié par F . BAUR . Suivant l'équation : SiO 2 + 4 11F nous avons le rapport : C .SiF, . C 2 .H2 O C 4 .HF qui est constant à une température donnée . C : étant la concentration moléculaire des produits réagissant par litre , si le quartz solide (SiO 2 ) est en équilibre avec le mélange gazeux . A température élevée, l'hydrolyse du SiF 4 dans la vapeur d'eau donne la réaction d'équilibre suivante : — 334 — SIF4 gaz + 2 H2O gaz »»'''; SiO2 solide + 4 HF gaz . Avec du tétrafluorure de silicium dissous en phase aqueuse, nous avon s du SiO2 hydraté . Il est possible de calculer que l'enthalpie d'hydrolyse du tétrafluorure de silicium avec la formation de quartz B est de 22,54 kcal, tandi s que, avec la formation d'acide silicique amorphe, elle est de — 27,7 kcal , Les fluosilicates sont des sels fort divers et d'une très grande complexité . Il existe des fluosilicates alcalins, alcalino-terreux (Ca SiF6 , 2 H 2O, en particulier) et de cations divers, Cu, Mn, Ni, Co, Fe (l e fluosilicate ferreux, par exemple, FeSiF 6 , 6 112 0), etc . L'équilibre de dissociation de SiF,- - en tétrafluorure de silicium e t F- à l'état d'ion est le suivant : SiFs - - '<» ,%H SiF 4 + 2F- . L'existence d e silico-fluoro-hydroxy-complexes [(Si F, OH)]- - ou [SiF, (OHM- - est à signaler . Il en est de même des systèmes : HF — HZSiF6 — HD, HOSiF , — H 2O et HF — H0O, etc . Les fluosilicates contiennent l'ion octaédriqu e (SiFs )- - . (A suivre) . BIBLIOGRAPHI E Hervé HARANT et Daniel JARRY . — Guide du Naturaliste dans le Midi d e la France . II : La garrigue, le maquis, les cultures . Editions Delachaux et Niestlé, Neuchâtel (Suisse) . Nous avons, lors de la parution de la première partie de ce Guide, signal é son intérêt pour tous ceux qui ont l'occasion de se pencher sur la richesse et l a diversité de la flore et de la faune méditerranéennes . Le deuxième volume, d'un chapitre à l'autre, nous entraîne d'abord dans la garrigue languedocienne avec ses associations végétales caractéristiques, ses sclérophytes . ses plantes à essences et sa faune où voisinent Gastéropodes, Myriapodes, Arachnides (Scorpions e n particulier), Insectes (les Orthoptéroïdes sont particulièrement intéressants) e t Vertébrés . Les plantes acclimatées en Provence et sur la Côte-d'Azur (Palmiers , Agaves . Yuccas, Cactées et bien d'autres qui donnent une touche d'exotisme à ces régions baignées de lumière) sont ensuite étudiées, ainsi que la vie végétal e dans les bosquets et bois méditerranéens. L'influence humaine, sur cette terre d e vieille civilisation, n'est évidemment pas oubliée et nous voici au milieu de s Figuiers, des Oliviers, des Vignes et des plantes à parfum avec bien entendu u n regard de naturaliste sur la végétation adventice . Nous visitons, avec les touristes, les parcs et les jardins mais nous n'omettons pas la faune, parfois curieuse , qui se glisse dans les maisons et leurs dépendances : ainsi ces larves de Diptère s (appartenant au genre Vermileo) qui présentent une convergence singulière ave c certaines larves de Fourmilions . Afin d'établir un « calendrier » de la natur e méditerranéenne les Auteurs nous proposent successivement une promenad e automnale dans les environs d'une ville, puis le long d'un chemin en hiver pou r assister ensuite aux floraisons bleues et jaunes du printemps et à la « fête d e lumière » du plein été . Quelques itinéraires nous sont proposés, avec indicatio n des récoltes possibles, de la Côte Vermeille à l'Estérel : le massif de la Sainte Baume, dont la forêt célèbre au pied d'une magnifique falaise calcaire est u n pélerinage que tout naturaliste se doit d'avoir fait, figure en bonne place dan s ce programme d'excursions ; à ce propos le rappel de la phrase de GIoNo : « I l n'y a pas de plus puissant moyen d'approche et de fréquentation que la march e à pied » n'est pas inutile. Naturellement tout ceci est très abondamment illustré (photographies et trè s nombreux dessins) et s'accompagne d'un petit lexique patois (provençal o u languedocien) qui permet au lecteur non averti d'apprendre par exemple qu'u n « Biju » est une Ascidie comestible et que le « Prégadiou » n'est autre que l a Mante Religieuse . J. FIASSON .