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INTRODUCTION GENERALE
Démissions de médecins
, colères et révoltes
, suicides
attestent du malaise actuel qui règne
dans le secteur hospitalier.
A l’origine lieu d’accueil pour les indigents, au cours de siècles, la mission de l’hôpital a
évolué d’hôtelière vers le sanitaire. D’un système bureaucratique lourd, rigide donnant
néanmoins un sentiment de sécurité aux professionnels qui y travaillaient, il se voit instaurer
des méthodes de production industrielle, venues du privé, dans le cadre de ce qu’on appelle
le Nouveau Management public. La « santé n’a pas de prix », est un vieux luxe des trente
glorieuses qui n’est plus d’actualité. La santé a un prix, un coût, qui doit rester supportable
pour la communauté, dans un système de santé solidaire. Les réformes qui se succèdent,
depuis une décennie à vitesse accélérée, imposent réorganisation et prégnance de la logique
économique dans un hôpital sommé d’évoluer.
Ces mutations créent des peurs, des résistances, ainsi que des insatisfactions et de la
souffrance au travail.
Des études récentes portant sur les impacts du Nouveau Management Public en pointent les
limites, voire des effets délétères
. Parmi ces effets on retrouve une montée en puissance
d’insatisfactions, de la souffrance au travail pouvant conduire à l’épuisement professionnel
(burnout) et engendrant, en conséquence, un taux d’absentéisme inquiétant.
« La crise persistante du système de santé français connaît un nouvel épisode avec la fracassante démission
du professeur François Nicoli de l’Hôpital de la Timone, à Marseille. Dans sa lettre, le neurologue regrette que
‘’l’insuffisance flagrante et persistante des moyens médicaux et humains’’ alloués au service ne lui permette
plus ‘’de répondre aux exigences de la qualité des soins’’. Comme en témoignent aussi les grèves récurrentes
des infirmières, l’hôpital va mal. » (Le Monde diplomatique, 24 juin 2011)
"Madame la ministre, vous ne nous entendez pas !", clament par lettre ouverte le 21 février l'AMUF et
SAMU-Urgences de France. Un cri d'alarme alors que les services d'urgences se noient ces derniers mois dans
une crise "sans précédent", qui va jusqu'à pousser plusieurs chefs de renom à claquer la porte… Les services
d'urgences implosent dans tous les coins de l'Hexagone mais, plus que de la fatigue ou du dépit, c'est surtout du
renoncement par perte de repères qui ressort de la colère de ces chefferies en révolte. »
« Le médecin du service de pneumologie de l'hôpital de Nevers (Nièvre) s'est donné la mort la semaine
dernière dans la nuit du mardi 16 au mercredi 17 avril (2013) (…) Le pneumologue, qui n'était pas de garde
cette nuit-là, est revenu sur son lieu de travail pour mettre fin à ses jours. S'il n'a pas laissé de message pour
justifier son geste, il aurait toutefois pris soin vers 4 heures du matin de fermer son bureau, revêtir sa blouse et
prendre son stéthoscope avant de se trancher la gorge et "mourir en médecin". Cette mise en scène dramatique
semble symbolique mais il est encore trop tôt pour en tirer des conséquences »
« Un agent de sécurité du centre hospitalier de Béziers a tenté de mettre fin à ses jours, mardi en s'ouvrant les
veines » (juin 2012)
Abord de Chatillon & C. Desmarais, 2012, Le nouveau Management public crée-t-il les conditions de
nouvelles souffrances au travail ?, Management International, 17 p. (la communication au congrès de l'AGRH)