Éditorial mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie 2014 ; 16 (2) : 95-6 L’implantation : quid de l’embryon ou de l’endomètre ? Ou quid de l’œuf ou de la poule ? Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Human implantation : is the embryo or the endometrium that matters? Juan Felipe Velez de la Calle Clinique Pasteur, Unité FIV34, rue du Moulin à Poudre, 29200 Brest, France <[email protected]> N ous sommes des milliards à nous être posé la question qui hantait déjà les Grecs et en particulier Aristote : qui fut le premier, l’œuf ou la poule ? Aristote affirmait que : « Le devenir s’oppose à celui de l’essence, car ce qui est postérieur dans l’ordre de la génération est antérieur par nature et ce qui est premier par nature est dernier dans l’ordre de la génération ». De même, il écrivit encore dans son Traité des parties des animaux [1] : « Seul l’adulte, l’être achevé, peut logiquement être une cause génératrice. Un être encore imparfait comme un enfant ne le peut pas. . . ». Au total et selon les propos d’Aristote, il est impossible que l’embryon* détermine l’implantation ! *« Et je ne sais ce que me réserve le sort, Mais je suis et je resterai sans peur, Aussi étroit soit le chemin, Nombreux les châtiments infâmes, Je suis le maître de mon destin, Je suis le capitaine de mon âme » (W.E. Henley1 ) Verset du poème Invictus doi:10.1684/mte.2014.0520 Mais, est-ce aussi simple ? Toujours selon le philosophe et en prenant compte le paradoxe réversible, que l’on pourrait qualifier de linguistique, plutôt que scientifique : « N’existe que par rapport au plan de discussion dans lequel il est énoncé » [2]. Par conséquent, c’est l’œuf, car il est le premier dans la phrase ! C’est donc bien l’embryon* qui décide de l’implantation ! Cependant il ne faut pas non plus négliger un autre aspect très important. En effet, il existe une autre affirmation créationniste dont il faut parler : « Le coq, car Dieu créa ensuite la poule à partir d’une de ses côtes . . . ou de manière latérale : c’est l’autre, car c’est toujours l’autre qui crée. . . ». La question qui se pose donc, est-ce-que, le spermatozoïde aurait quelque chose à voir avec l’implantation ? A priori non, car Aristote affirmait aussi que : « C’est l’homme qui engendre l’homme », et non le sperme comme le croyaient les Pythagoriciens et Speusippe [2]. Dans tous les cas de figures, il est question du besoin primaire de se reproduire et dans lequel l’embryon* est une cellule reproductrice issue de la fécondation d’un ovocyte par un spermatozoïde. Les gamètes sont produits par un être vivant ayant atteint une certaine maturité dans son cycle de vie. Ce qui sous-entend l’existence préalable de cet être vivant. En produisant l’œuf, l’individu satisfait à l’un de ses besoins primaires, se reproduire. Il faut donc exister et mûrir avant de se reproduire. 1 W.E. Henley, écrivain britannique (1849-1908) écrivit de son lit d’hôpital le fameux poème Invictus (mot latin qui signifie invincible) comme une démonstration de sa résistance à la douleur qui suivit son amputation du pied consécutive à la tuberculose osseuse. Pour citer cet article : Velez de la Calle JF. L’implantation : quid de l’embryon ou de l’endomètre ? mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie 2014 ; 16 (2) : 95-6 doi:10.1684/mte.2014.0520 95 Éditorial Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Eh bien, c’est pourquoi j’ai demandé à un sélect groupe d’amis scientifiques regroupant différentes spécialités, de nous éclairer sur un problème qui est particulièrement complexe sur le plan sémantique et philosophique. À ce sujet, Carlos Simon [3] considère qu’il faut définir l’apport de l’embryon* vis-à-vis de l’endomètre dans le processus de l’implantation ou en d’autres mots, si le processus ne fonctionne pas (défaut d’implantation), où se trouvent les priorités en termes de diagnostic et de traitement ? Cet aspect a été largement discuté et de toute évidence, il n’offre pas de réponse unique. Globalement, au moment d’expliquer le défaut d’implantation, la notion d’embryon* a plus de poids que celle de l’endomètre. On peut évaluer la participation de l’endomètre au défaut d’implantation à environ 25 % des cas [4]. Nous parlons là d’un endomètre normal avec seulement une fenêtre implantatoire décalée, pour laquelle de très nombreux auteurs ont déjà proposé avec des fortunes diverses, des « variantes » des protocoles avec l’utilisation des œstradiols, progestérone et/ou autres hCG [5]. Il ne faut pas tenir compte dans cette analyse des anomalies telles les myomes, polypes et autres, pour lesquels nous connaissons déjà leur impact et leurs traitements. Selon ces études, la fenêtre implantatoire est décalée en général chez 15 % de patientes et dans 25 % des cas, pour celles qui présentent un défaut d’implantation [4]. En revanche, le défaut d’implantation d’origine embryonnaire est présent dans 75 % des cas [3]. En ce qui concerne l’embryon*, l’âge de la patiente est fondamental. Au-delà des 38 ans, les altérations chromosomiques augmentent pour atteindre jusqu’à 95 %* chez des patientes de 44 ans, alors que ces altérations représentent « à peine » 50 % chez les femmes de 30 ans. Dans la mesure où la science ne cesse d’évoluer, nous n’aurons jamais — malheureusement ou heureusement (?) — de conclusion finale, car nous sommes encore en présence d’un autre mystère : « Comment sait-on quand il faut arrêter avec les thèses, faire une synthèse et publier une conclusion ? ». Pour ce qui est de la conclusion, je me laisse de nouveau tenter par le créationnisme : « Au premier jour, il n’y avait rien du tout, Au second jour, il y eut la terre, Au troisième jour, il y eut les bêtes, dont la poule qui était contenue dans un œuf. . . »2 . Voilà pourquoi il vous faut lire ce numéro de notre revue car même les dogmes religieux n’arrivent pas à tout expliquer. Tout compte fait, les cinéphiles seront peut-être plus doués pour répondre à cette question existentielle, car dans la saga « Harry Potter », il existe aussi une question cruciale : « Qui est apparu le premier, le phénix ou la flamme ? », et la réponse est : « le cercle n’a aucun commencement. . . ». Ah ? Quelqu’un a parlé d’un cercle3 ? Un grand merci à tous les auteurs de leur excellente contribution et d’avoir accepté de répondre à mon invitation. Références 1. Aristote. Traité des parties des animaux, 343 Av JC, Livre II Chapitre 1.(646a24). 2. Aristote. Génération des animaux II, 332-300 Av JC, 1, 731b. 3. Ruiz-Alonso M, Blesa D, Diaz-Gimeno P, et al. The endometrial receptivity array (ERA) for diagnosis and personalised embryo transfer (Pet) as a treatment for patients with repeated implantation failure (RIF). Fertil Steril 2013 ; 100 : 818-24. 4. Rubio C, Bellver J, Rodrigo L, et al. Preimplantation genetic screening using fluorescence in situ hybridation in patients with repetitive implantation failure and advanced maternal age : two randomized trials. Fertil Steril 2013 ; 99 : 1400-7. 5. Zhang X, Chen CH, Confino E, et al. Increased endometrial thickness is associated with improved treatment outcome for selected patients undergoing in vitro fertilization-embryo transfer. Fertil Steril 2005 ; 83 : 336-40. 2 Auteur inconnu. Et comme a dit Claude Bernard : « Il semble que nous soyions dans un cercle vicieux et que l’homme soit condamné à ne pouvoir rien connaître ». (cité dans Le Petit Robert). 3 96 mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 16, n◦ 2, avril-mai-juin 2014