Ces journées d’études internationales ont pour objectif d’amorcer une réflexion
interdisciplinaire sur la notion de pharmakôn, remède ou poison, et sur les ethnothéories des
processus physiologiques, techniques et symboliques qui gouvernent la transformation, la
guérison ou l’intoxication du corps humain et des organismes vivants. L’enjeu est ici de
mettre en regard les perspectives de l’ethnographie, de la linguistique et de l’anthropologie
de la nature avec les approches développées en ethnosciences, par des disciplines comme
l’ethnopharmacologie, la chimie des plantes et la botanique. Parce qu’il existe plusieurs
façon de rendre intelligibles les phénomènes biologiques et la classification du vivant, nous
réfléchirons sur les définitions emic et etic de catégories conceptuelles partagées, comme la
thérapeutique, la notion de materia medica, et celle de processus physiologique… Qu’est ce
qu’un corps ? Quels critères permettent aux sociétés humaines ou animales de distinguer un
remède d’un poison ? Comment chaque système articule t-il l’ordre biologique et l’ordre
social ? A quelles conditions – contextuelles ou épistémologiques – peut-on parler d’
« efficacité » ? Le recueil de la diversité des théories humaines sur les remèdes contribue à
un projet anthropologique plus vaste qui consiste à comparer parmi différentes aires
culturelles, les régimes de savoirs et les ethnothéories du pharmakôn : antidote ou poison.
Loin de s’épuiser dans l’ethnobotanique ou la biologie du vivant, l’anthropologie des
remèdes met en lumière l’articulation des savoirs thérapeutiques et classificatoires avec un
continuum de pratiques verbales et non-verbales de transmission culturelle : gloses secrètes
associées à la cure, gestes, rituels, performances orales - récits et séquences d’apprentissage.
Elle révèle ainsi que la plupart des sociétés humaines intègre le pharmakôn - remède ou
substance toxique - dans un processus plus général de transformation de la nature et de
construction du savoir thérapeutique et religieux dans un champ commun, réunissant un
réseau complexe d’acteurs humains et non-humains. En quoi ces modes de transformation
de la nature diffèrent-ils d’une société à l’autre ? De quels outils conceptuels dispose t-on
pour confronter pharmacopées humaines et animales ? Comment l’usage des psychotropes
vient-il enchâsser le processus de fabrication rituelle des corps dans une forme spécifique
de réflexivité ? L’étude du pharmakôn dévoilera dans une perspective sociologique et
historique les régimes d’appropriation des pharmacopées au travers de réseaux étendus de
transfert de connaissance à l’intérieur et en dehors du monde indigène, dans des contextes
locaux ou internationaux… L’ensemble de ces interrogations au cœur d’une réflexion
comparative sur la pluralité des formes de transformation de la nature a pour objet de
renouer, à travers l’étude anthropologique des remèdes, le dialogue entre sciences de la
nature et sciences humaines.
Ces journées d’études internationales ont reçu le soutien de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes –
Sorbonne, de la FMSH (Fondation de la Maison des Sciences de l’Homme), du Laboratoire
d’Anthropologie Sociale (LAS- UMR 7130 - Collège de France) et de l’Institut Français d’Etudes
Andines (IFEA Umifre 17 - CNRS USR 3337, Bogota) et de l’Association ARPIA (Association
pour la Recherche sur les Pharmacopées Indigènes d’Amazonie).
Comité scientifique :
Florence Brunois (Chercheure CNRS-LAS Collège de France), Andrea-Luz Gutierrez
Choquevilca (Maître de conférences à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes-Sorbonne,
LAS Collège de France / LESC UPO) & Céline Valadeau (Chercheure pensionnaire à
Illustration : Détail Peinture à l’huile sur toile, Pablo Amaringo « Opération à cœur
ouvert » (2006).