REVUE MÉDICALE SUISSE
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27 avril 2016
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aux déficits qui limitent leur autonomie dans la vie de tous les
jours.10 La plupart de ces problèmes n’étaient cependant pas
traités de manière satisfaisante car non identifiés par les équipes
en charge du patient. De manière similaire, la majorité des
centres de réhabilitation se montrent plutôt réticents à accueil-
lir des patients cancéreux. Ceci est lié à plusieurs facteurs,
comme l’absence d’expérience, le fait que cette population de
patients soit inhabituelle pour les centres de réhabilitation, le
manque de coordination entre les centres oncologiques et les
centres de réhabilitation, les coûts prétendument plus élevés
pour les patients oncologiques, la peur de l’instabilité de ces
patients sur le plan médical, leur mauvais pronostic et l’im-
pression d’inadéquation d’une prise en charge de réhabilitation
lors de la phase de traitement de la tumeur.11 Ces observations
sont certainement valables et probablement encore plus per-
tinentes pour les patients neuro-oncologiques.
Réhabilitation en phase aiguë
Les patients en cours de traitement oncologique peuvent béné-
ficier d’une réhabilitation aiguë. Dans une série de 55 patients
oncologiques sous chimiothérapie en milieu hospitalier, 84%
montraient des déficits pouvant être améliorés par une prise
en charge adéquate: déconditionnement (76%), troubles de la
mobilité (58%), limitation du périmètre de marche (42%), dé-
ficit dans la capacité à effectuer les activités de la vie courante
(22%). La prise en charge de ces déficits a amélioré significa-
tivement les scores d’indépendance fonctionnelle chez ces pa-
tients.12 Il est intéressant de noter que l’évaluation clinique de
routine ne reflète que de manière très incomplète les déficits
fonctionnels des patients.12 Ceux souffrant de tumeurs céré-
brales bénéficient également d’une neuroréhabilitation inten-
sive avec des améliorations significatives de plus de 30% sur
les échelles de Barthel et de la mesure de l’indépendance
fonctionnelle (MIF).13
Comme pour les autres patients, la réhabilitation neuro-onco-
logique vise à améliorer la qualité de vie des patients, pour une
participation maximale avec un minimum de dépendance,
quelle que soit leur espérance de vie.14 Dans ce con texte, il est
important de se concentrer sur les changements et les capacités
fonctionnelles des patients plutôt que sur le nombre de mois
qu’ils leur restent à vivre. La complexité de prise en charge de
ces patients neuro-oncologiques nécessite une spécialisation
accrue au sein de toutes les professions qui s’en occupent.6
NEURORÉHABILITATION NEUROONCOLOGIQUE
AIGUË AU CHUV
Introduction
En neuro-oncologie, la majorité des patients présente des
symptômes directement liés à leur tumeur cérébrale de façon
aiguë et sont généralement pris en charge par la voie des urgen-
ces de l’hôpital. Une intervention neurochirurgicale est néces-
saire pour établir le diagnostic de tumeur et/ou permettre de
réduire la compression cérébrale et limiter les déficits neuro-
logiques. Pour la majorité des tumeurs cérébrales primaires et
secondaires, un complément de traitement par radiothérapie
et/ou chimiothérapie sera nécessaire après une période de repos,
idéalement entre trois et cinq semaines, pour permettre une
cicatrisation optimale. La majorité des patients est indépen-
dante au décours de cette intervention et peut rentrer à domi-
cile. Certains présentent des déficits neurologiques significa-
tifs et sont pris en charge par les équipes de neuroréhabilita-
tion ambulatoire. Une minorité de patients qui, en raison de
leur déficit, ne peut pas rentrer à domicile pose un problème
organisationnel important, puisque ces patients attendent en
général de manière assez longue une éventuelle place dans un
centre de neuroréhabilitation. Lorsqu’une place se libère, il
ne reste pas assez de temps pour bénéficier d’une réhabilitation
jusqu’à la reprise du traitement oncologique. Il nous semblait
donc essentiel d’aborder la problématique de ces patients
particulièrement difficiles, en raison de déficits neurologiques
et fonctionnels plus importants, en général accompagnés d’une
situation oncologique complexe.
Objectifs
L’intention de cette filière de neuroréhabilitation neuro-onco-
logique a été de fournir une filière qui permette une prise en
charge multiprofessionnelle des patients souffrant de tumeurs
du système nerveux et nécessitant une neuroréhabilitation
intensive en milieu stationnaire. Cette filière doit permettre
d’optimiser la prise en charge des patients, aussi bien sur le
plan de la neuroréhabilitation que de la prise en charge onco-
logique depuis la phase aiguë, postaiguë, pendant les traite-
ments oncologiques et au retour à domicile.
Mise en place
Après l’identification des facteurs du ralentissement du flux,
nous avons recherché un partenaire volontaire et disposé à
collaborer en termes de filière et à développer les compé-
tences nécessaires à cette prise en charge spécifique (tableau 1).
La clinique La Lignière, à Gland, a été choisie car reconnue
pour ses compétences de neurorééducation. Elle s’est engagée
à mettre à disposition trois lits, réservés spécifiquement aux
patients neuro-oncologiques. Cette garantie permet un trans-
fert le plus rapide possible après l’intervention neurochirurgi-
cale. Les patients bénéficient ainsi d’une neuroréhabilitation
précoce et optimale entre l’intervention chirurgicale et le dé-
but des traitements oncologiques adjuvants. Comme ces pa-
tients neuro-oncologiques sont particulièrement complexes,
une décision interdisciplinaire rapide est essentielle. Elle a dû
être formalisée entre les équipes de neurochirurgie, de neuro-
réhabilitation aiguë et de neuro-oncologie. Les critères d’in-
clusion et les interfaces ont été définis: personnes atteintes
d’une tumeur affectant le système nerveux, opérées ou non,
présentant un potentiel de réadaptation, en vue d’une aug-
mentation des capacités fonctionnelles de participation avec
réintégration sociale, séjournant soit dans les services de neu-
rochirurgie ou de neurologie, de médecine interne ou d’onco-
logie du CHUV, soit ultérieurement dans d’autres institutions
hospitalières ou encore à domicile.
Pour assurer cette interface et pour permettre un suivi continu
des patients, une infirmière spécialisée a été recrutée pour
cette filière. Son travail consiste à aider à identifier les pa-
tients potentiels pour cette réhabilitation neuro-oncologique
intensive. Elle permet aussi de coordonner de manière effi-
cace les trajets du patient au sein de la filière et à assurer une
transmission des documents. Elle apporte les informations
nécessaires à la prise en charge du patient aux différents par-
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