Partage de responsabilité entre praticiens en clinique

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Partage de responsabilité entre praticiens en clinique
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Chroniques
juridiques 2005
Partage de
responsabilité entre
praticiens en clinique
Le Cardiologue n°281 (avril
2005)
Publié le samedi 11 février 2006
Modifié le jeudi 6 avril 2006
Fichier PDF créé le lundi 10 avril 2006
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Partage de responsabilité entre praticiens en clinique
L'exercice en clinique repose naturellement sur un travail d'équipe où chaque participant
reste personnellement lié aux exigences juridiques de son activité dans la limite de ses
compétences. Scellée par le Code de déontologie, mais également par tous les contrats
d'exercice libéral, l'indépendance de chaque praticien est la règle.
Les médecins libéraux vivent souvent leur exercice en clinique comme la continuation de leur
expérience de l'hôpital public, profondément marquée par une dilution des responsabilités. Or, si le
praticien hospitalier voit rarement sa responsabilité personnelle engagée, puisque agissant pour le
compte du service public, il n'en est pas de même pour le praticien libéral qui doit assumer
directement sa responsabilité civile professionnelle (indemnisation des victimes), en plus des
responsabilités pénales (amendes ou prison) ou ordinales.
1 - Principes juridiques du partage de responsabilité entre
praticiens libéraux
Outre les devoirs classiques des médecins (obligation de moyens et d'information, soins
consciencieux...), un certain nombre d'articles du code de déontologie illustrent parfaitement l'esprit
avec lequel sont réglés juridiquement les litiges, où un partage de responsabilité est envisagé :
art. 5 : « Le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que
ce soit » ;
art. 32 : « Dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer
personnellement au patient des soins consciencieux, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers
compétents » ;
art. 69 : « L'exercice de la médecine est personnel ; chaque médecin est responsable de ses
décisions et de ses actes » ;
art. 64 : « Lorsque plusieurs médecins collaborent à l'examen ou au traitement d'un malade, ils
doivent se tenir mutuellement informés ; chacun des praticiens assume ses responsabilités
personnelles et veille à l'information du malade. Chacun des médecins peut librement refuser de
prêter son concours, ou le retirer, à condition de ne pas nuire au malade et d'en avertir ses
confrères ».
En clinique privée, les patients sont habituellement adressés nominativement à un médecin référent,
dont le rôle est de coordonner les soins du patient, l'orientant vers tel ou tel spécialiste après s'être
assuré de l'accord du patient. Ce médecin doit être consulté pour la prise de décision d'explorations
ou de traitements.
Dans la pratique, force est de constater que la grande majorité des complications faisant retenir la
responsabilité des praticiens en clinique est le résultat d'un défaut de coordination, plus qu'une
difficulté proprement médicale. Faute de discussion ou d'établissement de protocoles d'organisation
de service, personne ne connaît clairement les limites de sa propre responsabilité, se reposant à tort
sur ses confrères.
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2 - Situations à risque médico-légal en cardiologie
a) Consultations pré-opératoires : trop souvent, les cardiologues sont consultés la veille d'une
intervention non cardiologique, les mettant dans une situation délicate s'ils découvrent une anomalie.
Sous la pression combinée du chirurgien, de l'anesthésiste et parfois du patient, ils donneront leur
accord, alors qu'à froid ils auraient demandé un complément d'investigation.
b) Les avis « entre deux portes » sont à proscrire, car ils engagent régulièrement la responsabilité
des deux praticiens. Le solliciteur applique maladroitement une mesure dont il ne contrôle pas les
subtilités, mais se couvrira en notant le nom du spécialiste consulté. Celui consulté donne une
consigne, qui peut s'avérer délétère par une connaissance imparfaite du terrain.
c) Le relais des anticoagulants est une cause récurrente de litiges. Chez les patients sous AVK, se
pose la question de l'opportunité du traitement substitutif par héparine, de la dose prescrite et du
type d'héparine. De nombreux médecins ont été condamnés pour un manque de coordination. Un
cardiologue s'est vu reprocher d'avoir donné son accord à une substitution par HBPM en vue d'une
intervention de cataracte chez une patiente obèse porteuse d'une valve de Starr mitrale, en AC/FA,
ayant déjà fait des accidents ischémiques transitoires, qui se compliquera d'un accident vasculaire
massif. Outre le fait de ne pas avoir informé du risque élevé d'AVC que comportaient ces
manipulations thérapeutiques, le choix de l'HBPM sur ce terrain et l'absence de vérification de l'anti
Xa lui seront reprochés. La coordination entre cardiologues, anesthésistes et chirurgiens fait trop
souvent défaut, aboutissant à des accidents au décours de l'intervention soit par interruption de
l'héparine avant que les AVK soient à nouveau efficaces, soit par l'utilisation de doses insuffisantes
par crainte de saignements. Un ophtalmologue se verra condamné pour avoir repoussé d'un mois
son intervention, sans avoir demandé à son patient de reprendre un traitement anticoagulant efficace
ou de ne pas l'avoir orienté vers son cardiologue, provoquant une hémiplégie.
d) La prescription d'actes invasifs engage à la fois le prescripteur et celui qui le réalise, que ce soit
sur l'indication, l'information et la préparation du patient, selon le degré de compétence de chacun.
e) La surveillance post-interventionnelle est un autre domaine de responsabilité conjointe.
L'opérateur se doit de donner des consignes claires (écrites) de surveillance et de traitement et de
faire part des difficultés rencontrées pendant l'intervention. De façon corollaire, les médecins chargés
de la surveillance doivent avertir l'opérateur, en cas de complications, pour qu'il puisse donner les
orientations les plus pertinentes ou reprendre le patient.
f) Gestion de la sortie : faisant la transition entre une surveillance hospitalière étroite et le retour à la
vie « civile », la sortie est une période délicate qui engendre trop souvent de nombreuses
réclamations. Outre la justification de la sortie, ce sont surtout les modalités de sortie qui sont
contestées. Pour des questions d'organisation, les comptes rendus et les ordonnances sont
habituellement dictés la veille de la sortie. Malheureusement, l'examen du patient ou l'analyse des
examens (biologie, ECG...) le matin même du départ font parfois défaut, alors que l'état du patient
s'est dégradé pendant la nuit ou que le traitement devait être réajusté. Le tribunal s'intéressera à
savoir qui est le prescripteur et qui est celui qui était chargé de voir le patient le jour de la sortie, et
se réfèrera au planning (liste d'astreinte). En cas de traitement anticoagulant, la surveillance
biologique a t-elle été prescrite, avec consigne de revoir rapidement le médecin traitant avec les
résultats ?
Lors d'une hospitalisation pour une stimulation ventriculaire, une radiographie pulmonaire a été
prescrite systématiquement par le cardiologue à l'admission. À la sortie, cette radiographie qui
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présentait une lésion cancéreuse n'a été vue ni par le prescripteur, ni par le cardiologue autorisant la
sortie et le radiologue n'aura pas sensibilisé les cardiologues à cette lésion suspecte. Les trois
praticiens se verront condamnés pour avoir par leur négligence entraîné un retard diagnostique et
thérapeutique. La règle est donc de prescrire à bon escient en s'assurant de la récupération du
résultat ou à défaut de s'abstenir de prescrire un examen inutile !
Mesures préventives et conclusions
Elles reposent avant tout sur la concertation des différents acteurs médicaux et paramédicaux, afin
d'établir un mode de fonctionnement en commun. La formalisation de protocoles permettra de
préciser les rôles de chacun : prescription, surveillance, recueil d'examens, sortie...
Seule une traçabilité rigoureuse permettra de prévenir un certain nombre d'accidents par défaut
d'organisation, mais également d'établir avec précision les responsabilités de chacun : observations
détaillées, allergies et contre-indications clairement signalées, identification des prescripteurs,
consignes de surveillance, listes de gardes réactualisées.
Enfin, à chaque fois qu'un praticien pense que sa mission se termine, il doit impérativement s'assurer
que le relais va être pris par un de ses confrères, auquel il fera des transmissions pertinentes
garantes de la continuité des soins.
INFOFLASH
L'accès au dossier médical par le patient ou ses ayants droit a été simplifié par la Loi KOUCHNER (loi n° 2002- 303 du 4 mars 2002 : article L1111-7). Il peut désormais se faire directement, sans passer par un médecin. La demande doit être satisfaite dans les huit jours (deux mois pour les informations de plus de cinq ans). La consultation est gratuite sur place. La copie et l'envoi sont à la charge du patient. Seuls les documents formalisés sont transmis : comptes rendus, prescriptions et courriers échangés.
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