14EME CONGRÈS FRANCOPHONE DE TECHNIQUES LASER (CFTL2014) MARSEILLE, 15–19 SEPTEMBRE 2014 CARACTERISATION DE GOUTTES ET DE PARTICULES IRREGULIERES POUR LA DETECTION DES CONDITIONS GIVRANTES POUR L’AERONAUTIQUE Emmanuel Porcheron1*, Pascal Lemaitre1, Jeroen van Beeck2, Rosaria Vetrano2, Marc Brunel3, Gérard Grehan3, Laurent Paszkiewicz4, Manuel Thorez4 1 Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), BP 68, 91192 GIF SUR YVETTE 2 Institut von Karman (IVK), B-1640 RHODE-ST-GENESE, BELGIQUE 3 CNRS UMR 6614 – CORIA, BP 12, 76801 SAINT ETIENNE DU ROUVRAY 4 ZODIAC AEROSPACE INTERTECHNIQUE, 78373 PLAISIR *Correspondant: [email protected] Résumé : Afin d’améliorer le niveau de sûreté des avions civils vis-à-vis du risque de givrage de l’instrumentation et des moteurs, le projet HAIC (High Altitude Ice Crystal) coordonné par Airbus a été lancé en 2012 dans le cadre du 7ème PCRD. Une des composantes de ce projet concerne le développement de capteurs embarqués de nouvelle génération permettant de détecter et de caractériser les conditions givrantes dans une gamme de variation des paramètres plus étendue qu’auparavant, c’est-à-dire de quantifier en vol la présence concomitante de gouttes d’eau et de cristaux de glace dans une gamme de taille allant de quelques microns à plusieurs millimètres. 1 Introduction Le risque lié aux conditions givrantes que peuvent rencontrer les avions a été pris compte depuis des décennies par les constructeurs qui ont mis en place des équipements spécifiques ou des stratégies permettant de certifier les avions pour ce type de conditions de vol, lesquelles sont classifiées suivant des normes. Les conséquences du givrage pour l’avion peuvent être la réduction de la visibilité, la perte d’informations fournies par les capteurs extérieurs tels que les tubes Pitot, la diminution de la finesse aérodynamique et l’endommagement des moteurs. Les normes définissant l’enveloppe des conditions givrantes sont en cours d’évolution pour intégrer le risque lié à la présence de gouttes d’eau surfondue de taille plus importante (SLD pour Supercooled Large Drolet) et à la présence de cristaux de glace qui peuvent être rencontrés notamment à haute altitude. Cette évolution des normes nécessite en parallèle la conception de nouveaux capteurs embarqués capables de détecter et de quantifier les hydrométéores afin de déterminer la teneur en eau sous formes liquide (LWC) et solide (IWC) dans l’atmosphère. Ces données sont en effet indispensables pour renseigner les pilotes sur l’environnement de leur avion afin de pouvoir le cas échéant, changer de plan de vol pour éviter les zones à risque. C’est dans ce contexte qu’Airbus a lancé le projet HAIC (High Altitude Ice Crystal, [1]) dans le cadre du 7ème PCRD, pour notamment, concevoir des capteurs embarqués répondant aux spécifications des nouvelles normes anti-givrage. Un consortium composé de ZODIAC AEROSPACE, l’IVK, le CNRS et l’IRSN a été formé afin de développer un capteur dédié à la caractérisation des phases mixtes, gouttes et cristaux de glace, sur la base du concept mis au point dans le cadre du projet ALIDS [2]. L'objectif de cet article est de présenter une étude sur la caractérisation de particules irrégulières avec une technique interférométrique. La technique retenue est l’ILIDS (Interferometric Laser Imaging Droplet Sizing) introduite pour caractériser la taille des gouttes ou des bulles de gaz. 2 Les particules irrégulières Les conditions givrantes sont caractérisées par la présence de goutte d’eau surfondue et / ou de cristaux de glace, dans certaines gammes de granulométrie et de concentration. La caractérisation de la taille des gouttes ne pose pas de problème particulier hormis celui lié à la statistique de la mesure en vol étant donné que la concentration des gouttes décroit fortement en fonction de leur diamètre. Pour les particules irrégulières que sont les cristaux de glace, la caractérisation des dimensions est plus délicate étant donné la complexité des morphologies pouvant être rencontrées (Figure 1). GR-7.1 1 CONGRÈS FRANCOPHONE DE TECHNIQUES LASER MARSEILLE, 15–19 SEPTEMBRE 2014 indépendant de la taille de la goutte mais lié au défaut de mise au point. En utilisant l’optique géométrique, König et al. [4] et Mounaïm-Rousselle al. [6] ont déterminés la relation reliant le diamètre de la goutte et le nombre de franges d’interférences présentes sur chaque interférograme (Eq. 1). 2N d cos( / 2) m ² 2m cos( / 2) 1 m sin( / 2) 1 (1) Le diamètre de la gouttelette (d) est lié au nombre de franges (N) par un facteur qui dépend de l'angle d'ouverture du système de collection de la lumière () liée aux paramètres du récepteur optique, de l'angle de diffusion (), de l'indice de réfraction de la gouttelette (m) et de la longueur d'onde du laser (). Figure 1. Exemple de morphologie de cristaux pouvant être rencontrée en haute atmosphère [3]. 3 Principe de la technique ILIDS L’ILIDS, dont le principe est présenté sur le Figure 2, a été introduite par König et al. [4], et encore amélioré par Glover et al. [5] pour l'acquisition d'image et le traitement des données. Figure 2. Principe de la technique ILIDS. Le principe de la technique repose sur la collection de la lumière diffusée par des gouttes éclairées par un plan laser. Une goutte est éclairée par une nappe laser et la lumière diffusée est collectée à un angle de diffusion () à l’aide d’une optique de réception caractérisée par un angle de collection (). Les deux points lumineux appelés points de Gloire observables sur la Figure 2 associés aux rayons réfléchis et réfractés dans la goute peuvent être observés dans le foyer au plan focal [7]. Si l’on observe la goutte en dehors du point focal, les points de Gloire vont alors se comporter comme deux fentes d’Young desquelles les rayons vont interférer entre eux du fait de leur différence de marche, générant ainsi un réseau de franges d’interférences verticales. Ainsi, chaque gouttelette est associée à un interférograme inscrit dans une tache circulaire dont le diamètre est 4 Application de la technique ILIDS aux particules irrégulières Lorsque l’on applique l’ILIDS à une particule irrégulière, tel qu’un cristal, une figure d’interférence de type speckle est observée (Figure 2, Figure 3). Cette différence de signature permet donc dans un premier temps de discriminer dans l’écoulement les gouttes des particules irrégulières comme les cristaux de glace. Le speckle se produit lorsqu’un faisceau cohérent illumine une surface rugueuse dont les irrégularités sont à l’échelle de la longueur d’onde, ou un milieu fortement diffusant de forme complexe. Ce phénomène est dû aux interférences créées par les rayons diffractés ou diffusés en chaque point de la surface de l’objet, et dans toutes les directions. Chaque onde diffusée possèdera une phase spatiale et un module qui lui sont propre, l’amplitude résultante au plan image correspond à la somme de toutes ces ondes et possède une phase et un module aléatoirement répartis dans le plan d’observation. L’intensité lumineuse récoltée est distribuée de façon complexe dans l’espace, ce qui donne cet aspect granuleux de speckle composé d’une multitude de spots ou « grains de speckle » brillants et sombres (Figure 3). GR-7.2 Figure 3. Image de speckle formée par un éclairage cohérent. 2 CONGRÈS FRANCOPHONE DE TECHNIQUES LASER MARSEILLE, 15–19 SEPTEMBRE 2014 La principale caractéristique du speckle est la taille de ses grains. Il a été montré par Brunel et al. [9, 10] qu’il existait une relation entre la taille des grains de speckle et la dimension caractéristique principale de la particule irrégulières. Pour une configuration optique donnée, cette dimension peut s’exprimer par une fonction décroissante de la taille du gain de speckle. Sur la figure 5 est présentée l’image ombroscopique d’un cristal de sel dont la dimension principale est égale à 600 µm. L’image ILIDS est quant à elle présentée sur la Figure 6. Elle fait apparaitre une structure de type speckle. 5 Mesure ILIDS et analyse des images L’objet de cette partie est la validation expérimentale de l’approche théorique proposée par [9, 10]. Des mesures ILIDS sont donc réalisées sur des simulants de cristaux de glace, à savoir des cristaux de quartz et des cristaux de sel, couvrant une large gamme de distributions granulométriques. Le système ILIDS utilisé est l’instrument aéroporté ALIDS développé pour caractériser les gouttes dans les nuages [2, 11] présenté sur la Figure 4. Figure 6. Image ILIDS du cristal de sel présenté sur la Figure 5. A partir de cette image défocalisée il est possible de déterminer la taille de grain des speckle en utilisant la fonction d’autocorrélation R(x,y) (2) calculée en utilisant le théorème de Wiener-Khintchine (Figure 7). R( x , y ) TF 1 TF A( u, v ) 2 (2) Où A(u , v ) est l’amplitude du champ mesuré par la caméra dans la zone d’interrogation et TF la transformée de Fourier calculée numériquement à l’aide de l’algorithme de Cooley et al. [12]. Figure 4. Design 3D de la sonde aéroportée ALIDS basée sur la technique ILIDS. Deux autres techniques sont utilisées pour effectuer une mesure comparative, l’ombroscopie pour les cristaux les plus gros (taille supérieure à 200 µm) et la visualisation par microscope à balayage électronique (MEB) pour les cristaux plus petits. Si pour les plus gros cristaux, une comparaison ILIDS / ombroscopie peut être faite sur quelques échantillons, cristaux par cristaux, il est nécessaire de multiplier les inter-comparaisons dans le cas de la plus petite gamme de taille afin d’avoir une bonne statistique de mesure. image 5 5 10 10 15 15 20 20 25 5 10 15 20 25 25 5 10 15 20 25 Figure 7. Détermination de la taille de grain de speckle. La comparaison des mesures issues des deux techniques donne un accord à 10% près. . 600 µm Le même type de traitement est effectué pour les cristaux qui correspondent à la plus petite gamme de taille (5 à 200 µm), comme présenté sur la Figure 8, cependant la comparaison rigoureuse des distributions granulométriques issues des mesures ILIDS et des mesures MEB est en cours et n’est pas présentée dans cet article. Figure 5. Image d’un cristal de sel obtenue par ombroscopie. GR-7.3 3 CONGRÈS FRANCOPHONE DE TECHNIQUES LASER MARSEILLE, 15–19 SEPTEMBRE 2014 [4] G. König, K. Anders and A. Frohn, A new light-scattering technique to measure the diameter of periodically generated moving droplets J. Aerosol Sci. 17 157 (1986). 100 µm [5] A.R. Glover, S.M. Skippon and R.D Boyle, Interferometric laser imaging for droplet sizing: a method for droplet-size measurement in sparse spray systems Appl Opt 34 8409 (1995). [6] C. Mounaïm-Rousselle, O. Pajot, Droplet Sizing by Mie Scattering Interferometry in a Spark Ignition Engine. Part. & Part. Syst. Charact. 16 160 (1999). [7] van de Hulst, H.C., 1981, Light scattering by small particles. Dover Publications, pp.13-249. [8] C. Mounaïm-Rousselle, O. Pajot, Droplet Sizing by Mie Scattering Interferometry in a Spark Ignition Engine. Part. & Part. Syst. Charact. 16 160 (1999). Figure 8. Images ILIDS et MEB obtenues pour la plus petites gamme de taille de cristaux. 6 Conclusion Le domaine d’application de la technique interférométrique en défaut de mise au point a été étendu aux particules irrégulières telles que les particules à structure cristalline. L’ILIDS permet donc de discriminer dans un écoulement multiphasique des gouttes et des cristaux et une analyse théorique a permis de montrer la possibilité de mesurer la dimension caractéristique principale d’une particule non sphérique. Cette technique couplée à d’autres diagnostics est cours d’implémentation dans un capteur embarqué destiné à la détection des conditions givrantes pour les avions. [9] M. Brunel, H. Shen, S. Coëtmellec, G. Gréhan and T. Delobel, Determination of the Size of Irregular Particles Using Interferometric Out-of-Focus Imaging, International Journal of Optics, Article ID 143904 (2014). [10] M. Brunel, S. Coëtmellec, G. Gréhan and H. Shen, Interferometric out-of-focus imaging simulator for irregular rough particles, J. Europ. Opt. Soc. Rap. Public. 9, 14008 (2014). [11] A. Quérel, P. Lemaitre, M. Brunel, E. Porcheron and G. Gréhan, Real-time global interferometric laser imaging for the droplet sizing (ILIDS) algorithm for airborne research, Meas. Sci. Technol. 21 (2010). [12] J.W. Cooley, J.W. Tukey, An algorithm for machine computation of complex Fourier series Math. Comput. 19 297 (1965). Remerciements : Le travail fait l’objet du WP4.4 du projet HAIC (High Altitude Ice Crystal) coordonné par Airbus et soutenu par le 7ème PCRD (Contrat N°31314). Références [1] HAIC, http://www.haic.eu/ [2] E. Porcheron, P. Lemaitre, J. van Beeck, R. Vetrano, M. Brunel, G. Gréhan, L. Guiraud, Développement du spectromètre aéroporté ALIDS pour mesurer la taille des gouttes dans les nuages, CFTL 2014. [3] M. Wendish, J.L. Brenguier, Airborne measurements for environmental research, Wiley-VCH, 2012. GR-7.4 4