Numéro 10 - Premier trimestre 2006 / 10th Issue - First quarter 2006 Institut de Recherches Scientifiques sur les Boissons ALCOOL ET TROUBLES MENTAUX Abus, dépendance, troubles thymiques et anxiété ALCOHOL AND MENTAL DISORDERS Abuse, dependence, mood disorders and anxiety Principaux résultats de l’étude NESARC (National Epidemiologic Survey on Alcohol and Related Conditions, Etats-Unis Enquête épidémiologique nationale sur l’alcoolisme et les affections apparentées) Avec une interview du Professeur Jean Adès, chef de service Psychiatrie adultes, CHU Louis Mourier (Colombes) par le Professeur Philip Gorwood, psychiatre au CHU Louis Mourier, (Colombes) et membre du comité scientifique de l’IREB NESARC main results (National Epidemiologic Survey on Alcohol and Related Conditions, USA) Including an interview with Professor Jean Adès, Head of the Adult Psychiatry Department, Louis Mourier University Hospital Centre (Colombes) by Professor Philip Gorwood, psychiatrist at the Louis Mourier University Hospital Centre, (Colombes) and member of the IREB Scientific Committee PRÉFACE P our les psychiatres, en première ligne dans la prise en charge des malades alcooliques, l’enquête NESARC constitue un évènement majeur. Elle remet en cause quelques repères jusqu’ici couramment admis. C’est la raison pour laquelle le professeur Gorwood (psychiatre et membre du comité scientifique de l’IREB) a souhaité interroger le professeur Adès, psychiatre, chef de service au CHU Louis Mourier de Colombes (92), au sujet de cette étude. Pour le lecteur non averti, il importe de rappeler que l’enquête fait appel à des notions parfois complexes mais correspondant à des éléments tangibles. Ainsi, “abus” et “dépendance” liés à une substance, ne sont pas à lire au sens commun ; en psychiatrie, ces notions renvoient à des critères précis qui permettent de “classer” les sujets dans la bonne catégorie. L’utilisation de ces critères s’avère néanmoins cruciale dans la mesure où il n’existe pas de tests biologiques permettant de dire si un sujet abuse d’une substance ou s’il en est dépendant. NESARC est une enquête réalisée auprès d’un échantillon de la population générale aux Etats-Unis. Elle n’a pas été réalisée auprès de malades alcooliques, c’est pourquoi les résultats peuvent paraître surprenants. L’enquête met en lumière deux idées majeures : - on peut être dépendant à une substance (notamment l’alcool) sans nécessairement avoir abusé de ce même produit ; - les troubles de l’humeur ou de l’anxiété peuvent perdurer même après le sevrage d’une substance, indiquant que le lien causal entre consommation d’une substance et trouble mental n’est pas systématique. Intéressante à bien des égards, elle pose également le problème de la définition d’un seuil au-delà duquel on peut considérer le sujet comme “malade”… Marie Choquet, Directeur de recherche INSERM et vice-présidente du comité scientifique de l’IREB. 1 NESARC NATIONAL EPIDEMIOLOGIC SURVEY ON ALCOHOL AND RELATED CONDITIONS 1 • POUR MIEUX COMPRENDRE… ■ NESARC est une étude épidémiologique qui a été conduite par le National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism, National Institutes of Health (NIAAA-NIH, EtatsUnis) en deux vagues, 2001-2002 et 2004-2005. L’étude a pour objectif de mesurer la prévalence et la comorbidité2 des troubles liés à l’utilisation de substances (essentiellement l’alcool) et les pathologies psychiatriques parmi lesquels les troubles thymiques3 et anxieux selon les critères du DSM-IV (Diagnostic and Stastistical manual of Mental disorders)4. Pour ce faire, l’étude distingue les troubles psychiatriques indépendants (préexistants et autonomes) de ceux induits par une substance (secondaires et consécutifs à la dépendance). Tous les troubles thymiques ou anxieux dus à des affections médicales (constatées par un médecin) ou provoqués par un deuil, ont été exclus. Les “substances” considérées sont les suivantes : alcool, médicaments, sédatifs, tranquillisants, opiacés, amphétamines, hallucinogènes, cannabis, cocaïne, solvant/inhalant. L’étude est basée sur 9 troubles thymiques et anxieux indépendants classés de la manière suivante : Troubles de l’humeur : • Dépression majeure • Dysthymie5 • Manie • Hypomanie6 Tout trouble anxieux : • Trouble panique avec agoraphobie7 • Trouble panique sans agoraphobie • Phobie sociale • Phobie spécifique • Trouble anxieux généralisé 1. Grant B.F., Stinson F.S., Dawson D.A., Chou S.P., Dufour M.C., Compton W., Pickering R.P., Kaplan K. Prevalence and Co-occurrence of Substance Use Disorders and Independent Mood and Anxiety Disorders. Results From the National Epidemiologic Survey on Alcohol and Related Conditions. Arch. Gen. Psychiatry 2004, vol.61 n°8, p. 807-816. 2. Existence concomitante d'une affection ou d'un facteur qui n'est pas lié à la maladie pour laquelle une personne reçoit des soins, mais qui a des conséquences sur les chances de survie du malade. 3. Qui concerne les dispositions affectives, l'humeur en général. 4. Classification par catégorie des troubles mentaux fondés sur un ensemble de critères avec des propriétés définies. Elle est produite par l'Association Psychiatrique Américaine. 5. Forme de dépression chronique caractérisée par un trouble de l'humeur de type dépressif. 6. Etat d’excitation passager ou habituel qui se caractérise par une humeur expansive, la surabondance des idées et des propos et une certaine exubérance. 7. Peur irraisonnée liée au fait de se retrouver dans des grands espaces ou au milieu d’une foule (salles de cinéma, files d'attente, trains, bus). 2 • MIEUX ANALYSER LES LIENS COMPLEXES QUI UNISSENT PATHOLOGIE ADDICTIVE ET PATHOLOGIE PSYCHIATRIQUE L’étude a rassemblé plus de 40 000 sujets américains incluant les régions de l’Alaska, des Iles Hawaï et du district de Columbia. Tous ont été interrogés en face-à-face entre 2001 et 2002. Cette enquête est la plus large jamais réalisée sur ce sujet et dresse un tableau représentatif de la situation des Etats-Unis. Surtout, c’est la première étude à se focaliser sur la question de la comorbidité, en général mal exploitée dans les grandes études épidémiologiques américaines récentes (Epidemiological Catchment Area, National Comorbidity Survey). La présence d’une comorbidité addictive rend en effet les entretiens plus compliqués et plus longs du fait de la multiplicité des diagnostics dont la personne interrogée n’a pas forcément conscience. Les réponses sont également moins fiables eu égard au phénomène de déni souvent inhérent à la dépendance, mais également à cause du manque de maîtrise des dates, de la sévérité et de l’intrication des symptômes par les patients. Le taux de réponse globale a atteint les 81% et les tests de fiabilité se sont révélés concluants. Les enquêteurs devaient justifier de 5 années d’expérience et ont bénéficié de 10 jours de formation intensive. Les coordinateurs se sont chargés de la vérification des données et de la qualité du travail. L’étude NESARC a déjà fait l’objet d’une vingtaine de publications dans les plus grands journaux, dont une demi-douzaine d’articles dans les Archives of General Psychiatry et dans le JAMA (the Journal of the American Medical Association). Notons que l’un de ces articles a été traduit dans la version française des Archives of General Psychiatry, (www.jama-francais.com)8. • QU’EST-CE QUE “L’ABUS” ? QU’EST-CE QUE LA “DÉPENDANCE” ? Le DSM-IV propose une description extrêmement précise de ces deux notions, essentielles dans l’étude NESARC. Au sein de la catégorie “Troubles liés à une substance”, le manuel distingue les troubles induits par une substance (intoxication, sevrage, delirium, démence, trouble psychotique, trouble de l’humeur, etc.) et les troubles liés à l’utilisation d’une substance (abus ou dépendance). La dépendance à une substance se caractérise ainsi par un ensemble de manifestations comportementales et physiologiques indiquant que le sujet continue à utiliser la substance malgré des problèmes significatifs liés à la substance. La dépendance suppose 8. Grant B.F., Stinson F.S., Dawson D.A., Chou S.P., Dufour M.C., Compton W., Pickering R.P., Kaplan K. Prévalence et co-existence des troubles liés à l'utilisation d'une substance et des troubles anxieux et thymiques indépendants. Résultats de l'Enquête NESARC. Arch. Gen. Psychiatry janvier 2005, p. 77-89. 3 l’apparition d’au moins trois des symptômes ci-dessous à un moment quelconque au cours d’une période continue de douze mois9 : 1) tolérance définie par l’un des symptômes suivants : a. besoin de quantités notablement plus fortes de la substance pour obtenir une intoxication ou l’effet désiré b. effet notablement diminué en cas d’utilisation continue d’une même quantité de la substance 2) sevrage caractérisé par l’une ou l’autre des manifestations suivantes : a. syndrome de sevrage caractéristique de la substance b. la même substance (ou une substance très proche) est prise pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage 3) la substance est souvent prise en quantité plus importante ou pendant une période plus prolongée que prévu 4) il y a un désir persistant, ou des efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler l’utilisation de la substance 5) beaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance (exemple : consultation de nombreux médecins ou déplacements sur de longues distances), à utiliser le produit (exemple : fumer sans discontinuer), ou à récupérer de ses effets 6) des activités sociales, professionnelles ou de loisirs importantes sont abandonnées ou réduites à cause de l’utilisation de la substance 7) l’utilisation de la substance est poursuivie bien que la personne sache avoir un problème psychologique ou physique persistant ou récurrent susceptible d’avoir été causé ou exacerbé par la substance (par exemple, poursuite de la prise de la cocaïne bien que la personne admette une dépression liée à la cocaïne, ou poursuite de la prise de boissons alcoolisées bien que le sujet reconnaisse l’aggravation d’un ulcère du fait de la consommation d’alcool). 9. American Psychiatric Association. DSM-IV : manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Masson ; 1996, 918 p. 4 L’abus d’une substance se caractérise par l’utilisation inadéquate d’une substance entraînant l’incapacité de la personne à remplir des obligations majeures, une utilisation dans des situations potentiellement dangereuses (conduite automobile, activités sportives, etc.). Contrairement à la dépendance, l’abus n’implique pas les critères de tolérance, de sevrage ou un mode compulsif d’utilisation. L’abus est caractérisé par la présence d’au moins une des manifestations suivantes au cours d’une période de douze mois : 1) utilisation répétée d’une substance conduisant à l’incapacité de remplir des obligations majeures, au travail, à l’école, ou à la maison (par exemple, absences répétées ou mauvaises performances au travail du fait de l’utilisation de la substance, absences, exclusions temporaires ou définitives de l’école, négligence des enfants ou des tâches ménagères) 2) utilisation répétée d’une substance dans des situations où cela peut être physiquement dangereux (par exemple, lors de la conduite d’une voiture ou en faisant fonctionner une machine alors qu’on est sous l’influence d’une substance) 3) problèmes judiciaires répétés liés à l’utilisation d’une substance (par exemple, arrestations pour comportement anormal en rapport avec l’utilisation de la substance) 4) utilisation de la substance malgré des problèmes interpersonnels ou sociaux, persistants ou récurrents, causés ou exacerbés par les effets de la substance (par exemple disputes avec le conjoint à propos des conséquences de l’intoxication, bagarres). 5 Interview Professeur Jean Adès, chef de service Psychiatrie adultes, CHU Louis Mourier (Colombes) • PHILIP GORWOOD : EN QUOI LA MÉTHODOLOGIE DU NESARC EST-ELLE À LA FOIS INTÉRESSANTE ET ORIGINALE ? ■ Jean Adès : NESARC est une grande étude épidémiologique portant sur plus de 43 000 sujets issus de la population générale. Cette étude est basée sur les critères du DSM-IV-TR et notamment ceux qui concernent les abus de substances. Elle a utilisé des catégories qui n’étaient pas dans la classification précédente (DSM-III) telles que les troubles anxieux et les troubles de l’humeur “induits par une substance”. Les études antérieures évaluant la prévalence des troubles anxieux ou des troubles dépressifs chez des sujets ayant un abus de substances ne faisaient pas aussi bien la distinction entre troubles induits (par une substance) et troubles indépendants. L’étude utilise pour ce faire un questionnaire spécifique nommé AUDADIS10, qui tient compte du problème de la comorbidité pour les abus de substances. De plus, l’étude a pour originalité de se focaliser sur plusieurs minorités ethniques. • Ph.G. : CETTE MÉTHODE OFFRE DE NOUVELLES PERSPECTIVES D’ÉVALUATION ET REMET AU GOÛT DU JOUR LE PROBLÈME DE LA DISTINCTION ENTRE ABUS ET DÉPENDANCE À L’ALCOOL. QU’EN PENSEZ-VOUS ? ■ J.A. : Une partie de l’étude NESARC expose les différences épidémiologiques entre abus et dépendance. On voit alors qu’un certain nombre de sujets qui présentent des critères de dépendance au cours de leur vie, n’ont pas les critères de l’abus. C’est une donnée que je n’avais jamais vue auparavant, puisque l’idée selon laquelle on ne pouvait pas être dépendant si l’on n’était pas d’abord “abuseur” était fréquemment répandue. Dans un certain nombre de classifications, en France notamment, on note qu’il existait plusieurs étapes dans le comportement de l’alcoolodépendant : des sujets vont développer des comportements d’abus et certains d’entre eux vont devenir dépendants. Or, NESARC montre qu’un patient dépendant sur sept (14%) n’a pas les critères de l’abus. Il faudrait donc envisager une catégorie particulière, celle des sujets dépendants sans abus, aussi bien pour les travaux cliniques, épidémiologiques que génétiques. NESARC remarque également que ces “dépendances sans abus” sont beaucoup plus 10. Alcohol abuse and Alcoholism Use Disorder and Associated Disabilities Interview Schedule. 6 importantes au sein de certaines minorités ethniques aux Etats-Unis et notamment chez les femmes d’origine hispanique (30%). L’étude NESARC ne s’est pas hasardée à interpréter véritablement ce résultat, mais on peut néanmoins faire des hypothèses sur cette rapidité d’installation : soit c’est une question de temps : certains sujets développeraient une dépendance très rapidement ; soit ce sont des sujets qui, pour des raisons plus socioculturelles, se mettraient à consommer de l’alcool d’une manière particulière, développant ainsi une dépendance. • Ph.G. : QUELLE SERAIT CETTE NOUVELLE CLASSIFICATION QUI FERAIT BIEN LA DISTINCTION ENTRE ABUS ET DÉPENDANCE ? ■ J.A. : Il ne s’agit pas forcément d’une nouvelle classification. L’idée serait d’inclure dans les prochaines études, des sujets qui ont une dépendance avec les critères de l’abus et des sujets qui ont une dépendance sans les critères de l’abus. Cela représente une catégorie à part qui correspondrait peut-être à un phénotype11 plus homogène. Ceci n’avait jamais été vraiment décrit auparavant. • Ph.G. : LA DEUXIÈME GRANDE VAGUE DE RÉSULTATS CONCERNE LES LIENS COMPLEXES ENTRE LES TROUBLES DE L’HUMEUR, LES TROUBLES ANXIEUX, LES TROUBLES PSYCHIATRIQUES EN RÈGLE GÉNÉRALE ET L’ALCOOL. EST-CE QUE, LÀ AUSSI, NESARC EST VENUE BOULEVERSER LES PRÉCÉDENTS RÉSULTATS ? ■ J.A. : En partie. Si on part des résultats antérieurs, une idée reste très répandue : la plupart des troubles anxieux et des troubles dépressifs seraient associés à des abus de substances et notamment à une alcoolisation massive. Tout ceci avait été confirmé par des travaux sur la dépression et notamment par l’équipe de Schuckit. Cette dernière avait constaté que 80% des patients alcoolodépendants dépressifs entraient en rémission au moment de leur sevrage. D’autres études avaient déjà montré que l’on trouvait un certain nombre de troubles anxieux ou dépressifs primaires indépendants (notamment trouble bipolaire ou phobie sociale des troubles anxieux), chez les patients alcoolodépendants. Or, l’étude NESARC montre qu’à peu près 10 % des sujets abusant de substances ont des troubles de l’humeur indépendants et seulement 1 % présentent des troubles de l’humeur induits. Ce qui va à l’encontre de ce que nous pensions. On retrouve d’ailleurs le même résultat pour les troubles anxieux induits. Reste à démontrer si oui ou non, l’abus de substances est consécutif à la pathologie psychiatrique. 11. Le phénotype est l'ensemble des caractères anatomiques, morphologiques, physiologiques, éthologiques caractérisant un être vivant donné. 7 • Ph.G. : COMMENT PEUT-ON EXPLIQUER CLINIQUEMENT QUE LES PATIENTS SOUFFRANT D’ALCOOLODÉPENDANCE ET DÉPRIMÉS AMÉLIORENT LEUR ÉTAT MENTAL AU SEVRAGE ? ■ J.A. : Mon hypothèse personnelle est que nous ne portons pas assez d’attention aux éventuelles pathologies anxieuse ou dépressive prémorbides. Devant un sujet alcoolodépendant et déprimé, il convient de rechercher une pathologie anxieuse ou dépressive antérieure indépendante et ne pas se contenter d’une vision clinique parfois parcellaire. D’ailleurs, l’étude NESARC conclut sur la nécessité, face à un sujet dépressif, anxieux et présentant des signes d’abus de substances, de prendre en compte les deux. Autrement dit, et ce point ne fait pas consensus, l’abus de substances doit être pris en charge par un addictologue et la pathologie anxieuse ou dépressive par un psychiatre. Qu’en est-il de la France ? ■ Il n’existe malheureusement aucune étude épidémiologique de cette envergure sur la prévalence de l’alcoolodépendance, en France. En effet, les études françaises chiffrent principalement la consommation d’alcool et trop peu la maladie alcoolique en elle-même. Il serait par ailleurs difficile de transposer les résultats de NESARC à la France, pays dans lequel la consommation de boissons alcoolisées est plus importante. On peut donc simplement émettre l’hypothèse que les liens entre la consommation d’alcool et les troubles mentaux seraient plus perceptibles dans l’hexagone. 8 PREFACE F or psychiatrists, who are the first involved in the management of alcoholic patients, the NESARC is a major event. It calls into question some hitherto widely accepted tenets. This is why Professor Gorwood (psychiatrist and member of the IREB Scientific Committee) intended to interview Professor Adès, psychiatrist and head of department at the Louis Mourier University Hospital Centre in Colombes (92), about this survey. For the uninformed reader, it is important to remember that this survey involved notions which are sometimes complex but correspond to tangible elements. Thus “abuse” and “dependence”, when related to a substance, should not be given their normal meaning. In psychiatry, these notions refer to precise criteria classifying subjects into the appropriate category. Use of these criteria is nonetheless crucial, insofar as there is no biological test to tell us whether a subject suffers from substance abuse or dependence. NESARC was a survey conducted on a sample from the general population of the United States of America. It was not performed in alcoholic patients, so the results may sometimes appear surprising. The survey highlighted two important points: - one can be dependent on a substance (particularly alcohol) without necessarily abusing this substance; - mood or anxiety disorders may persist, even after withdrawal, suggesting that the causal relationship between consumption of a substance and mental disorders is not systematic. Interesting in many respects, it also raises the problem of defining a threshold above which a subject can be considered as “suffering from a disease”… Marie Choquet, INSERM Research director and Vice President of the IREB Scientific Committee. 9 NESARC NATIONAL EPIDEMIOLOGIC SURVEY ON ALCOHOL AND RELATED CONDITIONS 1 • FOR A CLEARER UNDERSTANDING… ■ NESARC was an epidemiologic survey carried out by the National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism at the National Institutes of Health (NIAAA-NIH, USA). It was carried out in two waves: in 2001-2002 and in 2004-2005. The aim of the study was to determine the prevalence and comorbidity2 of substance use disorders (essentially alcohol) and psychiatric conditions, including mood anxiety and disorders3, according to the criteria of DSM-IV (Diagnostic and Statistical manual of Mental disorders)4. To achieve this, the survey made a distinction between independent psychiatric disorders (pre-existing and autonomous) and disorders induced by a substance (secondary and consecutive to dependence). All mood or anxiety disorders due to medical conditions (observed by a physician), or provoked by someone’s death, were excluded. The “substances” considered were: alcohol, medications, sedatives, tranquillizers, opiates, amphetamines, hallucinogens, cannabis, cocaine, solvents/inhalants. The study was based on nine independent mood and anxiety disorders, classified as follows: Mood disorders: • Major depression • Dysthymia5 • Mania • Hypomania6 Any anxiety disorders: • Panic attacks with agoraphobia7 • Panic attacks without agoraphobia • Social phobia • Specific phobia • Generalised anxiety 1. Grant B.F., Stinson F.S., Dawson D.A., Chou S.P., Dufour M.C., Compton W., Pickering R.P., Kaplan K. Prevalence and Co-occurrence of Substance Use Disorders and Independent Mood and Anxiety Disorders. Results From the National Epidemiologic Survey on Alcohol and Related Conditions. Arch. Gen. Psychiatry 2004, vol.61 n°8, p. 807-816. 2. Co-occurrence of a disorder or factor which is not linked to the disease for which a person is receiving care, but which has consequences on the chances of survival of that patient. 3. Which concerns emotional characteristics, mood in general. 4. Classification by category of mental disorders based on a series of criteria with defined properties. It is issued by the American Psychiatric Association. 5. Type of chronic depression characterised by a mood disorder with a depressive pattern. 6. State of transient or habitual excitation characterised by an expansive mood, an overabundance of ideas, volubility and a certain exuberance. 7. Unreasoned fear related to being in large open spaces or in the middle of a crowd (cinema, queues, trains, buses). 10 • IMPROVING ANALYSIS OF THE COMPLEX LINKS BETWEEN ADDICTIVE DISEASES AND PSYCHIATRIC DISORDERS The survey concerned more than 40,000 American citizens, including those in Alaska, Hawaii and the District of Columbia. Face-to-face interviews took place between 2001 and 2002. It was the largest survey ever carried out on this subject, and provides a representative picture of the situation in the United States. Above all, it was the first study to focus on the question of comorbidity, which has generally been poorly exploited during recent major American epidemiologic surveys (Epidemiological Catchment Area, National Comorbidity Survey). Indeed, interviews were more complicated and took more time due to the presence of an addictive comorbidity, because of the multiplicity of diagnoses of which the interviewee was not necessarily aware. The answers were also less reliable with respect to the denial often inherent in dependence, and also because of a lack of control by patients over the dates, severity and intricacy of symptoms. The overall response rate attained 81%, and tests of reliability proved to be conclusive. Survey agents were required to have five years' experience in the field, and underwent a 10-day intensive training course. The coordinators were responsible for checking the data and the quality of work. The NESARC has already been the subject of some twenty publications in the most renowned journals, including some six articles in the Archives of General Psychiatry and the JAMA (Journal of the American Medical Association). It should be noted that one of these articles was translated and published in the French version of the Archives of General Psychiatry, (www.jama-francais.com)8. • WHAT IS “ABUSE”? WHAT IS “DEPENDENCE”? The DSM-IV gives an extremely precise description of these two notions, essential to the NESARC. Within the category “substance-related disorders”, the manual makes a distinction between disorders induced by a substance (intoxication, withdrawal, delirium, dementia, psychotic disorders, mood disorders, etc.) and those related to the use of a substance (abuse or dependence). Substance dependence is characterised by a series of behavioural and psychological symptoms suggesting that the subject continues to use the substance despite significant, substance-related problems. Dependence entails the appearance of at least three of the symptoms listed below occurring at any time in the same 12-month period9: 8. Grant B.F., Stinson F.S., Dawson D.A., Chou S.P., Dufour M.C., Compton W., Pickering R.P., Kaplan K. Prévalence et co-existence des troubles liés à l'utilisation d'une substance et des troubles anxieux et thymiques indépendants. Résultats de l'Enquête NESARC. Arch. Gen. Psychiatry January 2005, p. 77-89. 9. American Psychiatric Association. DSM-IV - Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders. 4th ed. American Psychiatric Association; 1994, 886 p. 11 1) tolerance, as defined by either of the following: a. need for markedly increased amounts of the substance to achieve intoxication or desired effect b. markedly diminished effect with continued use of the same amount of the substance 2) withdrawal, as manifested by either of the following: a. the characteristic withdrawal syndrome for the substance b. the same (or a closely related) substance is taken to relieve or avoid withdrawal symptoms 3) the substance is often taken in larger amounts or over a longer period than was intended 4) there is a persistent desire or unsuccessful efforts to cut down or control substance use 5) a great deal of time is spent in activities necessary to obtain the substance (e.g., visiting multiple doctors or driving long distances), use the substance (e.g., chain-smoking), or recover from its effects 6) important social, occupational, or recreational activities are given up or reduced because of substance use 7) the substance use is continued despite knowledge of having a persistent or recurrent physical or psychological problem that is likely to have been caused or exacerbated by the substance (e.g., current cocaine use despite recognition of cocaine-induced depression, or continued drinking despite recognition that an ulcer was made worse by alcohol consumption). 12 Substance abuse is characterised by the inappropriate use of a substance which results in a failure to fulfill major role obligations, or use in potentially hazardous situations (driving an automobile, sports activities, etc.). Unlike dependence, criteria of tolerance, withdrawal or a compulsive mode of use are not met with abuse. Abuse is characterised by the manifestation of one or more of the following, occurring within: 1) recurrent substance use resulting in a failure to fulfill major role obligations at work, school, or home (e.g., repeated absences or poor work performance related to substance use; substance-related absences, suspensions, or expulsions from school; neglect of children or household) 2) recurrent substance use in situations in which it is physically hazardous (e.g., driving an automobile or operating a machine when impaired by substance use) 3) recurrent substance-related legal problems (e.g., arrests for substance-related disorderly conduct) 4) continued substance use despite having persistent or recurrent social or interpersonal problems caused or exacerbated by the effects of the substance (e.g., arguments with spouse about consequences of intoxication, physical fights). 13 Interview Professor Jean Adès, Head of the Adult Psychiatric Department, Louis Mourier University Hospital Centre (Colombes). • PHILIP GORWOOD: WHY IS THE NESARC METHODOLOGY BOTH INTERESTING AND ORIGINAL? ■ Jean Adès : NESARC was a major epidemiologic survey involving more than 43,000 subjects from the general population. This study was based on DSM-IV-TR criteria, and particularly those concerning substance abuse. The latter refers to categories not included in the previous classification (DSM-III), such as anxiety or mood disorders “induced by a substance”. Previous studies assessing the prevalence of anxiety or depressive disorders in subjects abusing substances had not made such a clear distinction between disorders induced (by a substance) and independent disorders. To achieve this, a specific questionnaire was used. It is called AUDADIS10 and took account of the problem of comorbidity with substance abuse. Furthermore, the originality of the study lies in its focus on several ethnic minorities. • Ph.G.: THIS METHOD OFFERS NEW PERSPECTIVES FOR EVALUATION AND REVIVES THE PROBLEM OF A DISTINCTION BETWEEN ALCOHOL ABUSE AND DEPENDENCE. WHAT IS YOUR OPINION? ■ J.A. : Part of the NESARC survey revealed epidemiologic differences between abuse and dependence. It was possible to see that a certain number of subjects who met with dependence criteria during their life did not meet with abuse criteria. I have never observed this point before, because it was widely thought that one cannot be dependent if one had not previously been an “abuser”. In a certain number of classification systems, particularly in France, there were several stages in the alcohol-dependent subject’s behaviour: subjects would develop abusive behaviour and some of them would become dependent. But the NESARC showed that one in seven dependent subjects (14%) did not meet with abuse criteria. It is therefore necessary to consider a specific category for dependent subjects without abuse, for use in clinical, epidemiologic and genetic studies. 10. Alcohol abuse and Alcoholism Use Disorder and Associated Disabilities Interview Schedule. 14 The NESARC authors also observed that these cases of “dependence without abuse” were much more numerous in certain ethnic minorities in the United States, and particularly amongst women of Hispanic origin (30%). The NESARC did not try to interpret this finding in depth, but some hypotheses can nonetheless be advanced concerning this rapidity of onset: either a question of time, where certain subjects will develop dependence very rapidly, or subjects who, for more sociological and cultural reasons, start consuming alcohol in a particular fashion and thus develop dependence. • Ph.G.: WHAT WOULD THIS NEW CLASSIFICATION BE IF A CLEAR DISTINCTION BETWEEN ABUSE AND DEPENDENCE WERE NECESSARY? ■ J.A. : It may not be necessary to make a new classification. The idea would be to include subjects meeting with dependence and abuse criteria and those meeting with dependence but not with abuse criteria, in future studies. This represents a separate category which may correspond to a more homogeneous phenotype11, and has never previously been described properly. • Ph.G.: THE SECOND MAJOR WAVE OF RESULTS CONCERNED THE COMPLEX LINKS BETWEEN MOOD DISORDERS, ANXIETY, PSYCHIATRIC DISORDERS IN GENERAL AND ALCOHOL. HAS THE NESARC, ONCE AGAIN, OVERTURNED ALL PREVIOUS RESULTS? ■ J.A. : Partly, yes. Based on previous results, one idea was very widespread: most anxiety and depressive disorders would be associated with substance abuse, and particularly massive alcoholism. This has been confirmed by work on depression, and particularly by Schuckit's team, who observed that 80% of depressive, alcohol-dependent patients went into remission at the time of withdrawal. Other studies had already shown that a certain number of primary and independent anxiety or depressive disorders (particularly bipolar disorders or social phobia related to anxiety disorders) were found in alcohol-dependent patients. The NESARC showed that around 10% of subjects abusing substances suffered from independent mood disorders and only 1% presented with induced mood disorders. This is the opposite to what we had thought. Indeed, the same result was found for induced anxiety disorders. It remains to be shown whether or not substance abuse occurs consecutively to psychiatric disease. 11. The phenotype is the whole series of anatomical, morphological, physiological and ethological factors characterising a given living being. 15 • Ph.G.: HOW CAN WE EXPLAIN CLINICALLY THAT DEPRESSED, ALCOHOL-DEPENDENT PATIENTS SEE AN IMPROVEMENT IN THEIR MENTAL STATE DURING WITHDRAWAL? ■ J.A. : My own hypothesis is that we do not pay enough attention to the possibility of pre-morbid anxiety or depressive disorders. Faced with a depressive, alcohol-dependent subject, it is necessary to determine the presence of a prior, independent anxiety or depressive condition and not restrict oneself to a clinical, perhaps partial, view. Furthermore, the NESARC concluded as to the need, in depressive, anxious patients presenting with signs of substance abuse, to take both into account. In other words, and although consensus has not been reached on this point, substance abuse must be managed by a specialist in addiction disorders, and anxiety or depression by a psychiatrist. What is the situation in France? ■ Unfortunately, no epidemiologic studies on this scale have been performed on the prevalence of alcohol dependence in France. Indeed, French studies have mainly focused on alcohol consumption, and little attention has been paid to alcoholic disease itself. In fact, it would be difficult to transpose the results of the NESARC to the situation in France, where the consumption of alcoholic drinks is higher. We can only put forward the hypothesis that the links between alcohol consumption and mental disorders may be more easily perceptible in France. 16 Institut de Recherches Scientifiques sur les Boissons 19, avenue Trudaine - 75009 Paris 33 Tél. : + (1) 48 74 82 19 - Fax : +33 (1) 48 78 17 56 e-mail : [email protected] Base documentaire de l’Ireb consultable sur Internet : www.ireb.com ISSN 1628-2744