Couv HS 24-fiscLBO 2/06/08 16:38 Page 3 Hors-série N° H26 - Lundi 9 juin - ISSN / 1772-9742 - 21 € e d i u g Le O B L u d x u a c t fis e s ue q i d uri j s t ec Asp s e i r é s s r o h s Le taire n e s t, cière régletm n voca a a , e i n enc en dro es fi Cris bsolesicn, docteucriés p. 53 et o in Gauv & asso alité Actu Ala tier Par re Pelle v Lefè GUIDE LBO ASPECTS JURIDIQUES ET FISCAUX D’UN LBO P our faire simple, il est possible de décrire une opération de LBO comme étant une opération par laquelle un ou plusieurs investisseurs font l’acquisition d’une entreprise (la société cible) via une société holding qui s’endette autant que la capacité de remboursement de la société cible le permet. La société holding sera capitalisée par les investisseurs, uniquement à hauteur du solde du prix d’acquisition majoré des coûts d’acquisition (y compris les coûts de la dette). C’est dans cette société holding que pourront investir les dirigeants et salariés de la société cible, l’investissement de ceuxci, ainsi que les «incentives» qui leur sont proposés, constituant ce qui est couramment appelé le «management package». Dans la réalisation d’une opération de LBO, il est habituel que plusieurs cabinets d’avocats interviennent ; ils représentent respectivement les investisseurs acquéreurs, le vendeur, les banques seniors, les mezzaneurs, et enfin les dirigeants investisseurs. Le rôle du cabinet d’avocats choisi par les investisseurs est multiple. Le LBO est d’abord une opération d’acquisition dans laquelle les avocats interviennent pour réaliser l’audit juridique et fiscal, pour rédiger le contrat d’acquisition et la garantie de passif et pour analyser et résoudre les différentes questions réglementaires devant être traitées préalablement à la réalisation de l’acquisition (droit des concentrations français et/ou européen, consultation des comités d’entreprise, etc.). Le cabinet d’avocats interviendra également pour déterminer la structuration fiscale et juridique de l’opération, et pour décrire le schéma de la remontée des cash-flows de la société cible vers la holding. Les autres opérations auxquelles le cabinet d’avocats prête sa plume sont ensuite, notamment : – la négociation et la rédaction des contrats de prêts bancaires et mezzanines avec les différentes garanties et sûretés qui sont consenties aux banques ; – la rédaction du (ou des) pacte(s) d’actionnaires qui définiront les relations, non seulement entre les actionnaires, mais également entre les actionnaires et la direction de la société cible ; – les différents actes susceptibles de constituer le «management package» (émission de valeurs composées telles qu’ABSA ou BSA, contrat d’option, plan de stock-options, établissement de FCPE). D’un point de vue juridique et fiscal, l’acquisition par LBO est une opération complexe et fait appel à des domaines du droit très diversifiés. L’objet du présent cahier est donc de décrire les principales questions d’ordre juridique et fiscal qui se posent dans le cadre de ces opérations, en présentant à chaque fois à ses lecteurs le dernier état de l’analyse juridique. Pour des raisons de simplicité, seules seront traitées les questions liées à l’acquisition d’une société cible française. Jean-Luc Bédos, responsable du pôle private equity du cabinet Lefèvre Pelletier & Associés ■ Sommaire ■ 1 Actualité des principales étapes d’une opération d’acquisition par LBO 1.1 Une accélération du calendrier 1.2 Les audits de la cible et «vendor due diligence» 1.3 Des term-sheets bancaires de plus en plus complets 1.4 Les «build-up» 1.5 Rééquilibrage des rapports entre investisseurs et managers 2 La structuration fiscale du LBO 2.1 La mise en place d’une structure d’acquisition 2.1.1 La mise en place d’une intégration fiscale 2.1.2 La déductibilité des coûts de financement 2.1.3 La déductibilité des coûts d’acquisition non financiers 2.2 La gestion des flux de résultat p.7 p.7 p.8 p.8 p.9 p.9 p.10 p.10 p.10 p.10 p.13 p.13 p.13 p.14 2.2.1 Les flux entre la société cible et la société holding 2.2.2 La fiscalité des investisseurs 3 Financement d’une opération de LBO p.16 p.16 p.16 p.17 p.17 p.18 p.18 3.1 Les modes de financement proposés 3.1.1 La dette senior 3.1.2 La dette mezzanine 3.1.3 La tranche «second lien» 3.1.4 Les obligations «high yield» 3.1.5 Le refinancement des dettes de la société cible 3.2 Les techniques contractuelles utilisées p.19 p.19 p.19 p.20 3.2.1 Les clauses usuelles 3.2.2 L’organisation de la subordination 3.2.3 Les mécanismes de «debt push down» 3.3 Les garanties accordées 3.3.1 Gage de compte d’instruments financiers 3.3.2 Délégations 3.3 Cessions de créances professionnelles à titre de garantie 3.4 La fiducie 3.4 Les risques juridiques encourus p.21 p.21 p.22 p.22 p.22 p.23 p.23 p.24 p.24 p.25 3.4.1 Prohibition de l’assistance financière 3.4.2 L’abus lié aux conventions de trésorerie 3.4.3 La fusion rapide 3.4.4 La responsabilité des prêteurs 4 Le management package 4.1 Evolutions, critères et contraintes 4.1.1 Le management package, une question devenue centrale dans les négociations 4.1.2 Structure de l’investissement des managers 4.1.3 Eléments de mesure de la performance d’un LBO 3 p.26 p.26 p.26 p.26 p.27 ■ Sommaire ■ 4.2 Les supports des management packages 4.2.1 Les accords contractuels 4.2.2 Mécanismes légaux d’intéressements des salariés et mandataires sociaux : outils d’intéressement du deuxième cercle de managers 4.2.3 Emission de valeurs mobilières 4.3 Eléments de précaution 3.1 Des mécanismes devant impliquer un risque d’investisseur 3.2 Des mécanismes devant être anticipatifs 4.4 Principales évolutions récentes 4.4.1 Une évaluation des packages 4.4.2 Vers un package pour tous les salariés ? 4.4.3 Des managers prêteurs 4.4.4 Des managers surreprésentés au capital (mécanisme dit de «reverse ratchet») p.28 p.28 p.30 p.31 p.34 p.34 p.34 p.34 p.34 p.35 p.36 p.36 5 Les pactes d’actionnaires p.37 p.37 5.1.1 Pour les actionnaires financiers, le statut classique de l’actionnaire est insuffisant p.37 5.1.2 La participation directe des actionnaires financiers à la gestion n’est pas une option p.37 5.1.3 La tentative de création d’un statut d’actionnaire «impliqué», sans être «substitué» au management p.37 5.1 Protection des actionnaires financiers : une liberté «encadrée» des dirigeants 5.2 L’organisation du contrôle du capital 5.2.1 Clauses de confidentialité et de non-concurrence 5.2.2 Clauses d’exclusion 5.2.3 Restrictions aux transferts de valeurs mobilières 5.2.4 Clauses de sortie 5.3 La sortie du LBO : un exercice délicat p.39 p.39 p.39 p.39 p.40 p.41 p.41 p.41 p.41 5.3.1 L’introduction de la société en bourse 5.3.2 La cession industrielle de la société 5.3.3 Le LBO secondaire 6 La soumission des acquisitions par LBO au contrôle des concentrations en France p.43 6.1 Des règles spécifiques de calcul des seuils de chiffre d’affaires entraînant une notification 6.2 Toutes les acquisitions ne sont pas soumises au contrôle des concentrations 6.3 Des allègements de procédure sont possibles 6.3.1 Analyse concurrentielle 6.3.2 Instruction du dossier de notification p.43 p.44 p.44 p.44 p.44 6.4 Anticiper les problèmes de concurrence p.45 7. Traitement du LBO en difficultés p.46 p.46 p.46 p.46 p.48 p.49 p.50 7.1 Les contraintes spécifiques aux opérations de LBO 7.2 Les critères de choix entre des solutions variées 7.2.1 Mandat ad hoc et conciliation 7.2.2 Sauvegarde 7.2.3 Redressement judiciaire 7.2.4 Liquidation judiciaire 5 1-Actualité des principales étapes d’une opération d’acquisition par LBO A u début des années 2000, le marché des fusions-acquisitions a été marqué par deux phénomènes : – pour des raisons différentes, un grand nombre d’opérations de transfert d’entreprises ont pris la forme de LBO conduits par des fonds d’investissement ; – de plus en plus d’opérations de transfert d’entreprises prennent place entre deux fonds d’investissement (on parle alors de «LBO secondaire»), ou constituent principalement une opération de recapitalisation où les actionnaires financiers opérateurs de la première acquisition en LBO conservent le contrôle ou une participation substantielle dans le groupe objet de l’acquisition. Ces deux phénomènes ont conduit à un accroissement du nombre et à une «accélération» des calendriers des acquisitions sous forme de LBO. Ainsi, si dans les années 1990, il était habituel de considérer qu’une opération d’acquisition par LBO pouvait prendre entre trois et six mois, il n’était pas rare depuis 2000 que de telles opérations soient «bouclées» en moins d’un mois. Toutefois, depuis l’été 2007, un troisième facteur doit être pris en compte : les banques et les mezzaneurs, faisant face à un retournement de marché, ont sensiblement allongé leurs délais de prise de décision, ce qui ralentit d’autant le calendrier de l’ensemble de l’opération. Le descriptif qui suit de ces différentes étapes porte essentiellement sur les opérations dites de «mid-cap» (soit une valorisation d’entreprise allant de 30 millions à 500 millions d’euros). étape de «short list» à laquelle ne participaient que les candidats présélectionnés, suivie, enfin, d’une période d’exclusivité réservée à un seul acheteur potentiel), il est de plus en plus courant que la période de teasing soit supprimée, et que les acheteurs potentiels soient amenés, dès une première étape, non seulement à faire connaître leur intérêt pour l’acquisition, mais également l’intégralité des conditions dans lesquelles cette opération pourrait prendre place. Il est aussi courant que les vendeurs établissent, dès le début du processus de vente, non seulement un «information memorandum», mais aussi une synthèse d’audit comptable, commercial et juridique (dite «vendor due diligence») et un projet de contrat d’acquisition. Ainsi, en même temps qu’il transmet une offre détaillée, l’acquéreur intéressé doit faire connaître ses commentaires sur le projet de contrat d’acquisition, ainsi que les points spécifiques d’audit pour lesquels il désire recevoir un complément d’information. La lettre d’intention est souvent accompagnée des «termsheets» du financement, tant senior que mezzaneur, ceci afin de conforter les vendeurs sur la faisabilité rapide de l’opération. Il faut remarquer que cette accélération du calendrier répond à l’attente aussi bien du vendeur que de l’acquéreur. Le vendeur veut céder et percevoir son prix le plus rapidement possible. L’acquéreur, fonds d’investissement, préfère entrer dans un processus court où il limitera ses coûts (notamment s’il n’est finalement pas retenu). D’un point de vue juridique, la principale question concernera le caractère irrévocable ou pas («binding» ou «non binding») de la lettre d’offre. En l’occurrence, même si vendeur et acquéreur ont, a priori, des intérêts divergents (l’acquéreur cherchant, à ce stade, à s’engager ad minima), il est rare, en droit français, qu’une lettre d’offre constitue un réel engagement irrévocable d’acquérir. Il revient donc au vendeur et à ses conseils d’apprécier le degré de «volonté de faire» de chaque candidat acquéreur. Pour ce dernier, l’équilibre à trouver consiste à présenter une offre la plus complète et négociée possible (comprenant non seulement les conditions de prix, mais aussi les principales stipulations du pacte d’actionnaires et du management package, ainsi que les term-sheets bancaires), tout en se préservant encore quelques portes de sorties, sans oublier les conditions suspensives habituelles dont la réalisation ne dépend pas de l’une ou 1.1 Une accélération du calendrier D ans nombre d’opérations, le ou les vendeurs commencent par saisir une banque d’affaires ou un intermédiaire financier afin que ceux-ci «mettent» sur le marché soit un groupe de sociétés, soit une branche/division d’un grand groupe. Si, il y a quelques années, ce processus de mise sur le marché était structuré autour de trois étapes (une première étape de «teasing» afin d’intéresser le plus grand nombre d’acheteurs individuels ou financiers possible ; puis une 7 l’autre des parties (avis des comités d’entreprise concernés, saisine des autorités européennes ou nationales en matière de respect du droit des concentrations, par exemple). Cette obligation de présenter rapidement une offre la plus complète possible a amené les acquéreurs, afin de limiter leurs risques, à structurer leur prix d’acquisition de façon de plus en plus conditionnée (conditions de niveau de trésorerie, de résultats, de BFR nominatif, etc.) et de plus en plus étalé dans le temps (earn out, crédit vendeur, complément de prix, etc.). – les questions de droit social ; – les questions relatives au droit immobilier (propriété des immeubles, baux commerciaux, etc.). Les audits juridiques en matière immobilière révèlent très souvent des problèmes non traités (problème de surface réelle, défaut de certificat de conformité, baux commerciaux peu équilibrés, etc.). L’audit de nature fiscale doit faire apparaître relativement aisément le niveau de risques pris, en la matière, par la société. Pour ce qui concerne le calendrier des audits, il y a une dizaine d’années, un audit ne commençait à être conduit, soit une fois qu’il n’existait plus qu’un nombre limité d’acquéreurs («short list»), soit même une fois qu’un accord sur les grands principes avait été trouvé entre le vendeur et l’acquéreur. Il n’était pas rare qu’un contrat d’acquisition soit signé avec, comme condition suspensive, la réalisation satisfaisante des audits (tout en évitant, en droit français, le caractère potestatif d’une telle clause). Les audits devant être de plus en plus souvent conduits concomitamment avec les premières étapes d’une acquisition, il est pratiquement inenvisageable, à l’heure actuelle, de voir la conduite des audits constituer une condition suspensive à l’opération. A notre sens, si les risques strictement juridiques peuvent être couverts par un texte correct de garantie de passif, en revanche, pour ce qui concerne les aspects financiers et comptables, il est important de couvrir ces risques par des clauses, intégrées dans le contrat d’acquisition, spécifiques. Les deux clauses les plus répandues sont (i) celle prévoyant la vérification, avant le closing, d’un certain nombre de points comptables (situation nette, Ebitda, niveau de trésorerie, dette nette, etc.), et (ii) une clause d’ajustement de prix fondée sur des critères d’Ebitda, de dette nette ou de résultat (cette clause d’ajustement de prix doit toutefois s’inscrire dans un calendrier et une procédure de mise en œuvre encadrés et précis). 1.2 Les audits de la cible et «vendor due diligence» I l est assez courant que les vendeurs organisent une «vendor due diligence», dont la synthèse est remise aux acquéreurs potentiels, en même temps que l’«information memorandum». Cette «vendor due diligence» ne couvre souvent que les aspects comptables et financiers de la société ou du groupe de sociétés cédé. Il est plus rare qu’une «vendor due diligence» englobant les questions de nature juridique soit établie. En matière juridique, il est plus courant qu’une «data room» soit organisée, mais qu’elle ne soit ouverte, pour chacun des acheteurs intéressés déclarés, que pour une durée assez courte (de deux à cinq jours). Ce raccourcissement des délais laissés à l’acquéreur pour conduire des audits est, bien entendu, préjudiciable à une analyse approfondie de la société cible et, à notre sens, ne peut se concevoir, sans risques, que dans le cadre d’opérations de LBO secondaires ou si l’un des acquéreurs potentiels a déjà, pour quelque raison que ce soit, une connaissance relativement approfondie de la société cible. Pour ce qui concerne l’audit juridique, il faut avoir conscience qu’il est rare que celui-ci révèle les problèmes réels que peut rencontrer une société, principalement parce que, soit lesdits problèmes ne sont pas connus des personnes chargées de la vente au sein de la société, soit ces problèmes n’ont pas de traduction juridique. Les points, qu’une «due diligence» juridique permet toutefois de révéler assez facilement, sont les suivants : – la qualité de l’organisation de la société ou du groupe cible (notamment en matière de droit des sociétés et de contentieux) ; – la nature et l’importance des contentieux en cours (mais, malheureusement, pas celles des contentieux potentiels) ; 1.3 Des term-sheets bancaires de plus en plus complets D ans tout LBO, les banques et les mezzaneurs sont, bien entendu, la clé de voûte, au même titre que les dirigeants, de l’opération. Si, au début des années 1990, ils n’étaient sollicités par les investisseurs en equity qu’une fois la lettre d’intention (voire le contrat d’acquisition) signée, ils sont maintenant 8 saisis très en amont de l’opération. Cette saisine est souvent facilitée par le fait que certains investisseurs travaillent de façon régulière avec les mêmes banques, ce qui leur permet de s’assurer une réactivité très forte de cellesci à la présentation de toute nouvelle opération. L’appréciation des banques et des mezzaneurs, sur une opération envisagée, avant même la signature de la lettre d’intention, est donc un phénomène courant. Ce phénomène est renforcé par le fait que lorsque les appels d’offre sont lancés, chaque investisseur potentiel ou potentiellement intéressé à intérêt à s’attacher l’exclusivité d’une banque. De leur côté, les banques ont développé des term-sheets bancaires relativement standard pour tout ce qui concerne le mécanisme même de l’opération de prêt (conditions suspensives, garanties, mécanisme de mise à disposition des fonds), qui leur permet de réagir rapidement. De ce fait, les term-sheets bancaires sont de plus en plus développés et complets, et contiennent, dès leur première émission, la quasi-totalité des principaux termes du contrat de prêt à venir. Ceci vaut tant pour la dette senior que pour la dette mezzanine. Il faut également remarquer que lesdits contrats contiennent des déclarations qui s’apparentent de très près à celles qui figurent habituellement dans des garanties de passif et sont en l’espèce faites, non pas par les vendeurs de la cible, mais par l’acquéreur/emprunteur. sur l’intégralité des actifs (anciens et nouveaux) du groupe, et ce même si la dette n’a servi qu’à acquérir de nouveaux actifs. La négociation sur la hiérarchisation des dettes et des sûretés, ainsi que l’incidence de cette nouvelle opération sur la structure d’endettement existante, est l’un des points-clés des opérations de build-up. L’autre sujet à aborder très en amont de l’acquisition d’une nouvelle société est la question de l’intégration des «nouveaux» dirigeants dans le «management package» mis en place lors de la nouvelle opération. Les questions de «prix d’entrée» et du volume de leurs participations doivent être abordées, notamment avec les dirigeants déjà en place, très en amont dans le process d’acquisition. Ces questions sont d’autant plus délicates à traiter que ce sont le plus souvent les dirigeants de la première société qui initient et proposent des «build-up», ceci en raison de leur connaissance de leur secteur d’activité et donc des opportunités d’acquisition. 1.5 Rééquilibrage des rapports entre investisseurs et managers 1.4 A près plusieurs années d’une croissance soutenue, le marché du LBO est aujourd’hui mature et se caractérise par un haut degré de professionnalisation, notamment s’agissant des questions liées au management package. Les managers sont désormais tout à fait rompus à ces pratiques et sont conseillés par des avocats spécialisés auxquels sont régulièrement associés des cabinets conseil. Ce contexte a eu pour effet d’accroître significativement les demandes des managers, notamment lors des LBO secondaires et tertiaires. Depuis quelques mois, après une période d’euphorie, la tendance semble s’inverser notamment compte tenu du ralentissement de l’activité économique résultant de la contraction du marché du crédit. Ce rééquilibrage des packages, preuve complémentaire d’un marché réellement mature, se traduit par un retour au principe fondamental des opérations de private equity que constitue la recherche d’un alignement d’intérêts entre le capital et la compétence, sans déséquilibre excessif en faveur de l’une ou l’autre des parties prenantes. Les «build-up» L ’un des objectifs des fonds d’investissement, lors de l’acquisition de sociétés dites de «small cap» ou de «mid cap», est d’agréger, autour de cette société, d’autres sociétés ou des fonds de commerce du même secteur d’activité. Ces opérations successives d’acquisition constituent ce que la pratique qualifie de «build-up». La structure juridique (et fiscale) de ces acquisitions dépendra très largement de l’identité de l’acquéreur : la société opérationnelle objet de l’acquisition initiale ou, directement, la société holding de tête du groupe. De ce choix dépendra, par exemple, l’identité de l’emprunteur de la nouvelle dette, et donc des actifs sur lesquels porteront les sûretés consenties au titre de cette nouvelle dette. Lors d’un build-up, il est courant que les prêteurs demandent à bénéficier d’une sûreté 9 2-La structuration fiscale du LBO L es enjeux fiscaux liés aux opérations de LBO sont importants, tant au regard des risques qu’ils peuvent générer sur l’équilibre financier des structures mises en place, que pour l’optimisation de la gestion des flux générés par l’opération. Ces enjeux s’articulent autour de deux grands sujets : la mise en place d’une structure permettant d’obtenir un effet de levier fiscal sur les coûts liés à l’acquisition (1) et les frottements fiscaux liés à la remontée des flux générés par la société cible vers les investisseurs (2). Compte tenu de l’ampleur du sujet, nous nous efforcerons surtout de dégager les grandes lignes des principes fiscaux mis en jeu, tout en essayant de mettre en lumière les évolutions significatives récentes résultant d’une actualité législative et jurisprudentielle riche en la matière. 2.1 La mise en place d’une structure d’acquisition L es opérations de LBO génèrent des coûts importants qui tiennent essentiellement aux charges de financement (1.2) et aux frais d’acquisition (1.3). Dans la majorité des cas, la mise en place d’une société holding d’acquisition supportant ces coûts sera nécessaire, mais le levier fiscal lié à l’imputation des frais butera, en pratique, sur l’absence de profit taxable réalisé par la société holding, sauf dans les cas d’acquisitions par une société opérationnelle profitable. La mise en place d’un accord d’intégration fiscale entre la société holding et la société cible constitue donc en général un préalable (1.1). 2.1.1 La mise en place d’une intégration fiscale L a société holding, si elle détient directement ou indirectement plus de 95 % du capital de la société cible (nous supposerons qu’elles sont toutes deux soumises à l’IS) et si elle n’est pas ellemême détenue à plus de 95 % par une autre société soumise à l’IS en France, peut opter avec sa filiale pour le régime de l’intégration fiscale. Ce régime permet de 1. Instruction 4 H 2 05 calculer un résultat fiscal d’ensemble et d’imputer les déficits réalisés par la société holding pendant la période d’intégration sur les profits réalisés par la société cible. La mise en place d’une intégration fiscale dès l’exercice au cours duquel la société cible est acquise présente ainsi l’avantage de pouvoir imputer les frais liés à cette acquisition sur les profits réalisés par la société cible. La Loi de finances pour 2004 a introduit différentes mesures visant à assouplir certaines conditions d’application du régime d’intégration fiscale et à en faciliter en conséquence la mise en place. Ces nouvelles dispositions, commentées par l’administration fiscale dans son instruction du 19 juillet 20051, permettent dorénavant d’exercer l’option dans le délai de déclaration de résultat de l’exercice précédent, ce qui permet par exemple à des sociétés clôturant leur exercice au 31 décembre d’exercer l’option pour une intégration en 2006 dans le délai de déclaration de l’exercice 2005. Ce nouveau délai est également applicable lors de la formation d’un nouveau groupe suite à l’absorption ou l’acquisition de plus de 95 % du capital de la société mère d’un autre groupe intégré fiscalement. Par ailleurs, les modalités pour changer les dates de clôture des exercices des sociétés du groupe ont été assouplies. La modification des dates de clôture peut désormais intervenir à tout moment au cours de la période couverte par l’option et peut se traduire par un raccourcissement ou un allongement de la durée de l’exercice. 2.1.2 La déductibilité des coûts de financement Les intérêts liés à la dette d’acquisition supportés par la société holding sont en principe déductibles de son résultat (nota : contrairement aux frais financiers supportés par des personnes physiques dans la même situation, ce qui renforce l’intérêt de la mise en place d’une holding pour les LBO impliquant des personnes physiques et notamment le management). Par exception, cette déduction peut néanmoins être limitée en vertu de plusieurs règles susceptibles de s’appliquer aux LBO et dont certaines viennent d’être modifiées. Les articles 212 nouveau et 39.1.3 du Code général des impôts Les règles de sous-capitalisation ont été modifiées par la Loi de finances pour 2006. Le nouveau dispositif s’applique aux entités liées, telles que définies à l’article 39-12 du Code général des impôts, sans que soit exigée une participation directe du prêteur dans le capital de l’emprunteur. Les «entreprises liées» sont celles dont l’une détient directement ou indirectement la majorité du capital de l’autre, ou y exerce en fait le pouvoir de décision, et les entreprises placées l’une et l’autre, directement ou indirectement, en droit ou en fait, sous le contrôle d’une même entreprise tierce. Désormais contrairement aux règles anciennes, les intérêts versés à une société mère sont susceptibles d’entrer dans le champ des limitations. Le nouveau texte introduit par ailleurs des règles de limitation autonomes s’agissant à la fois du taux d’intérêt et du quantum de la dette : i) la loi maintient la limite existante de l’article 39.1.3 du CGI concernant le taux maximum admis, en l’assouplissant. Comme avant, les intérêts ne sont déductibles que dans la limite du montant des intérêts calculés en retenant le taux moyen annuel de référence des prêts d’une durée initiale supérieure à deux ans, mais la loi assouplit cette règle en autorisant la déduction d’un intérêt à un taux supérieur si l’entreprise prouve que ce taux correspond à celui qu’elle aurait obtenu d’organismes financiers dans des conditions analogues ; ii) les intérêts ne seront intégralement déductibles que si leur montant n’excède pas la plus élevée de ces trois limites: 1) la limite d’endettement global égal à 1,5 fois le montant des capitaux propres et non le montant du capital social comme auparavant. Pour l’appréciation de ce seuil, il convient de retenir la définition comptable des capitaux propres : le capital, les écarts de réévaluation, les réserves, le report à nouveau, les provisions réglementées et le résultat net de l’exercice, 2) la limite de couverture d’intérêts qui ne doivent pas dépasser 25 % du résultat courant avant impôt majoré de certains éléments, 3) la limite correspondant au montant des intérêts reçus des sociétés liées, permettant d’exclure de ce dispositif les sociétés qui jouent le simple rôle d’intermédiaire. Ces règles sont susceptibles d’impacter les LBO dans lesquels une partie du financement serait assurée sous forme de dettes auprès d’un actionnaire, ou plus largement d’une «société liée», ce qui peut rendre non déductible tout ou partie des montants dus à un fonds d’investissement type FCPR (financement sous forme d’OC, par exemple). Si la fraction des intérêts qui excèdent la plus élevée des limites est inférieure à 150 milliers d’euros, ces intérêts pourront néanmoins être déduits. Dans le cas contraire, ces intérêts devront être réintégrés et pourront être déduits au titre d’exercices ultérieurs, après application d’une décote de 5 % à compter de la deuxième année. Des règles spécifiques sont également prévues pour les groupes consolidés fiscalement. Dans les groupes intégrés, le dispositif de réintégration des intérêts s’appliquera pour la détermination du résultat individuel des sociétés membres. En revanche, les intérêts réintégrés aux résultats ne pourront pas être reportés pour être déduits des résultats individuels. Toutefois un mécanisme particulier permet de neutraliser pour la détermination du résultat d’ensemble une fraction des intérêts rapportée aux résultats individuels, ce dispositif conduit en pratique à déterminer le montant des intérêts non déductibles au niveau du groupe concerné comme s’il constituait une seule entité en ne lui appliquant qu’un seul ratio et non les trois susvisés, à savoir le ratio de couverture d’intérêts2. 2.1.2.1 L’acte anormal de gestion L’administration française a, depuis plusieurs années, développé une doctrine en vertu de laquelle une société commettrait un acte anormal de gestion lorsqu’elle s’endette trop fortement, par rapport à sa capacité de financer le paiement des intérêts et le remboursement de la dette. Cette doctrine l’amène à remettre en cause la déduction des intérêts, lorsqu’elle estime que le financement en capital de la société acquéreuse est insuffisant. Sans trop entrer dans le détail de ce débat technique épineux, il convient de souligner que cette position de l’administration est largement contestée, compte tenu de l’absence de texte spécifique autorisant une telle approche et du caractère très subjectif de la notion d’endettement maximum. Par ailleurs, l’approche de l’administration aboutit souvent en pratique à remettre en cause a posteriori l’équilibre financier d’une opération dans les cas où, quelque temps après l’acquisition, la société holding éprouve des difficultés financières liées à des remontées de résultat insuffisantes de la société cible et devient fortement déficitaire. Cette doctrine a été fortement remise en cause par le Conseil d’Etat (Arrêt Andritz, 30 décembre 2003), qui a rappelé que l’administration n’était pas autorisée à apprécier le caractère normal ou anormal du choix entre le financement par l’octroi de prêt ou de fonds propres. 2.1.2.2 Le cas des «fusions rapides» La fusion de la holding d’acquisition et de la société cible a pour effet une imputation directe des coûts supportés par la société holding sur les résultats de la société cible (la 2. Instruction 4/1-8-07 du 31 décembre 2007. 10 11 mise en place d’une intégration fiscale permet un résultat similaire, sous réserve des difficultés liées au «timing» de sa mise en place). L’administration a commenté ces opérations de fusion dans une instruction du 3 août 2000, en indiquant qu’elle se réservait la possibilité de remettre en cause ces opérations, soit sur le fondement de l’acte anormal de gestion (évoqué ci-dessus), soit sur le fondement de l’abus de droit, lorsque l’opération est effectuée dans un but exclusivement fiscal. L’administration a indiqué qu’elle s’appuierait sur un faisceau d’indices, tels que le délai séparant l’acquisition de la fusion, le niveau de capitalisation de la société holding, l’importance des dettes subsistant au moment de la fusion et l’exercice ou non par la société holding d’activités autres que la détention de titres. Il convient toutefois de noter que dans son instruction du 19 juillet 2005 précitée, l’administration semble autoriser la prise de contrôle d’une société mère d’un groupe suivie de son absorption par la société acquéreuse au cours du même exercice. En tout état de cause, au regard du caractère subjectif des critères retenus par l’administration, il convient d’éviter les situations extrêmes dans lesquelles il serait difficile de justifier d’un intérêt autre que fiscal à la réalisation de la fusion et qui seraient susceptibles de générer un contentieux avec des pénalités élevées (80 % si l’abus de droit est démontré). Enfin, dans le cadre d’un rescrit du 23 octobre 2007, l’administration a précisé qu’elle ne remettrait pas en cause les opérations de fusion rapide entre deux structures de financement, ce qui concerne principalement les LBO secondaires (cf. § 9.3) lorsqu’une holding acquiert non la société opérationnelle, mais la holding constituée précédemment pour permettre une première acquisition de la société opérationnelle. notamment lorsque l’acquisition est en fait financée par une recapitalisation du groupe intégré et non par de la dette. La rigueur de ces principes nécessite, dans la majorité des cas, une étude précise, dès lors que le texte peut s’appliquer lors de restructurations post-acquisition de groupes, voire fonctionner comme un véritable «cheval de Troie» lorsque le groupe cible, qui devient membre d’un groupe intégré, est constitué de deux sociétés, non intégrées fiscalement avant l’acquisition, et que l’une d’entre elles a acquis l’autre au cours des 14 années précédentes auprès d’un actionnaire la contrôlant. Ces dispositions constituent un enjeu important dans la mise en place de LBO secondaires et dans l’acquisition de groupes cibles ayant fait l’objet de restructurations internes. La Loi de finances rectificative pour 2005 a toutefois atténué la rigueur de ces règles à deux égards. Tout d’abord, elle restreint la notion de contrôle de fait aux situations de détention du capital social supérieur à 40 %, alors qu’auparavant la doctrine administrative présumait qu’une personne contrôlait une société si elle détenait une fraction des droits de vote supérieure à la minorité de blocage (soit 33 %) et si aucun autre associé n’en détenait une fraction supérieure. En outre, le contrôle de fait résultant du contrôle conjoint par plusieurs personnes ne peut être retenu que si ces personnes agissent de concert. Il apparaît donc désormais nécessaire de prouver l’existence d’un accord entre les vendeurs pour établir le contrôle de fait de la société. Le second aménagement apporté instaure un nouveau cas de sortie du dispositif de l’amendement Charasse. La réintégration des charges financières est ainsi interrompue au titre des exercices au cours desquels la société qui détient les titres de la société rachetée n’est plus contrôlée par les personnes qui contrôlaient la société cessionnaire au moment de l’acquisition de la société cible. 2.1.2.3 L’«amendement Charasse» Ces dispositions extrêmement techniques visent à limiter la possibilité de générer de l’endettement dans un groupe intégré fiscalement, par l’acquisition de titres auprès de parties liées. Ce texte, codifié à l’article 223 B al. 7 du CGI, s’applique lorsqu’une société acquiert à titre onéreux auprès d’une société qui la contrôle (directement ou indirectement, en droit ou en fait), ou auprès d’une société contrôlée par cette dernière, des titres d’une autre société qui devient membre du même groupe intégré que la société acquéreuse. Lorsque ces conditions sont remplies, les intérêts sur la dette présumée créée par l’acquisition des titres ne sont pas déductibles du résultat du groupe intégré, et ce pendant les 15 exercices clos après la date d’acquisition. Ce texte sanction prévoit plusieurs exceptions, 12 2.1.2.4 Le cas de la dette mezzanine Celle-ci peut prendre des formes diverses (obligations convertibles, échangeables, Obsa, etc.) et suscite des enjeux différents pour l’émetteur (la société holding) et le souscripteur (le prêteur). En ce qui concerne l’émetteur, celui-ci devra s’interroger sur la question de la déductibilité des intérêts au regard des règles de sous-capitalisation évoquées ci-dessus. Les valeurs mobilières composées utilisant des mécanismes d’intérêts capitalisés suscitent également des interrogations. En effet, l’article 39.1.1. ter du CGI autorise la déduction sur la durée de l’emprunt, selon la technique des annuités actuarielles, des rémunérations autres que les intérêts, mais exclut notamment les obligations conver- tibles et les emprunts remboursables à l’initiative de l’emprunteur. Par ailleurs, l’administration refuse la déduction des primes correspondant à une capitalisation d’intérêts, lorsque ces primes sont susceptibles d’être capitalisées par des mécanismes de conversion, de remboursement en action ou d’émission de bons de souscription d’actions. L’administration considère en effet dans ces situations que la prime ne constitue pas une véritable charge pour l’émetteur tant que le souscripteur garde la possibilité de la transformer en capital. Du côté du souscripteur (généralement les mezzaneurs), les enjeux sont essentiellement liés au mode d’imposition des produits générés par ces instruments (taxation des intérêts et des primes courus) et à la possibilité de bénéficier d’un sursis de paiement en cas de conversion ou de remboursement en action. Ceux-ci devront également s’interroger à l’avenir sur leur statut en tant que «sociétés liées» au regard des règles de sous-capitalisation évoquées ci-avant. a mise en place des structures LBO suppose une étude précise de la gestion des flux, d’une part, entre la société cible et la société holding et, d’autre part, entre cette dernière et les investisseurs, qui peuvent réaliser leur revenu sous forme de dividende, ou de plus-values. La fiscalité entraîne selon la nature de ces flux des frottements différents qui doivent être pris en compte, notamment au regard des changements récents sur le régime fiscal des distributions. 2.1.3 La déductibilité des coûts d’acquisition non financiers 2.2.1 Les flux entre la société cible et la société holding Ces coûts peuvent représenter des sommes substantielles dans le cadre d’acquisitions. En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés, la prise en compte de ces frais doit faire l’objet d’attentions particulières sur la détermination de l’entité qui doit les supporter (les frais d’acquisition ne doivent pas en principe être supportés par la société cible). Leur prise en compte dans le résultat intégré ou seulement dans le résultat propre de la société holding, selon que l’intégration fiscale est effective ou non au moment où ils sont engagés, devient en conséquence un enjeu accru. Les frais d’acquisition de titres (ce qui n’inclut pas les frais liés au financement, notamment) doivent être incorporés au prix de revient des titres acquis et leur déduction est effectuée sur cinq ans (article 209 IV du CGI3). Le coût réel de ces charges d’acquisition peut être significativement réduit en fonction de leur traitement au regard de la TVA, dès lors que la TVA sur les frais liés uniquement à l’acquisition d’actions par une holding n’ayant pas d’activités autres que la détention d’action (holding «pure» considérée comme non assujettie) n’est en principe pas déductible. La CJCE (Arrêt CIBO Participations4) a néanmoins jugé que la TVA sur les frais d’acquisition par une société holding est déductible, lorsque cette dernière réalise, en sus de son statut de holding, des prestations de services soumises à TVA auprès de ses filiales (holding dite «mixte»). L’administration a commenté et confirmé cette jurisprudence dans une instruction du 15 octobre 2001, La remontée des flux de la société cible vers la société holding est essentielle au financement de cette dernière. La distribution des résultats de la société cible peut être effectuée sans frottement fiscal, dès lors que la société holding bénéficie du régime d’exonération des sociétés mères et que l’intégration fiscale permet d’éviter les coûts liés à l’imposition de la quote-part de frais et charges (sauf pour le premier exercice d’appartenance au groupe de la société distributrice). La structure financière peut nécessiter la remontée de réserves de la société cible vers la société holding, ce qui peut permettre de refinancer cette dernière en augmentant éventuellement l’endettement de la société cible («debt push-down»), par exemple par des opérations de rachat d’actions ou de distributions de réserves. Ce mécanisme n’entraîne pas de levier fiscal supplémentaire de la structure intégrée dans son ensemble, mais peut aboutir à des répartitions différentes du résultat fiscal entre la société cible et la société holding (la réduction du résultat propre de la société cible peut par exemple impacter le calcul de la participation des salariés). Ce mécanisme de «debt push-down» doit toutefois être appliqué désormais, en gardant en mémoire les limitations instaurées par l’article 212 nouveau du Code général des impôts et applicables, selon des modalités particulières, entre une société mère et sa fille intégrée. La mise en place d’une convention d’intégration est néces- 3. Commenté par l’instruction 4/1-1-08 du 4 janvier 2008. n° 3 D-4-01, qui renforce l’intérêt de conserver un rôle actif d’animation et de support des sociétés holding. 2.2 La gestion des flux de résultat L 4. CJCE aff. 16/00 du 27 septembre 2001. 13 saire et peut également participer au refinancement de la holding, lorsque la société cible acquitte auprès de cette dernière l’impôt qu’elle aurait dû acquitter en l’absence d’intégration, notamment si l’impôt dû par le groupe et d’un montant inférieur. 2.2.2 La fiscalité des investisseurs Les investisseurs réalisent leurs revenus sous la forme de distributions de dividendes ou de plus-values et l’imposition de ces revenus obéit à des règles et des taux d’imposition différents, selon qu’il s’agit de personnes morales, de personnes physiques, ou de FCPR. La réforme du régime des distributions avait entraîné la disparition de l’avoir fiscal et la suppression corrélative du précompte avait déjà sensiblement modifié les arbitrages fiscaux entre ces deux modes de réalisation des revenus sur les LBO. La réforme du régime des plus-values à long terme sur titres de participation détenus par les entreprises et du régime des plus-values de cession de titres réalisées par des particuliers sont venues modifier à nouveau le paysage fiscal. 2.2.2.1 Les investisseurs personnes physiques Pour ces investisseurs, les réformes successives du régime des distributions ont abouti à un rééquilibrage de l’imposition entre la réalisation de plus-values et les distributions de résultat (29 %). En effet, les plus-values sont imposées au taux de 18 %, auxquels s’ajoutent les contributions additionnelles, soit un taux effectif de 29 %. Les distributions de résultats (y compris les rachats de titres) sont quant à elles imposées au taux progressif de l’impôt sur le revenu, mais le système d’abattement de 40 % aboutit en pratique à une imposition effective au taux marginal d’environ 34/35 %, étant précisé que depuis le 1er janvier 2008, il est possible d’opter pour une retenue à la source de 29 %. Par ailleurs, ces plus-values bénéficient d’un abattement d’un tiers par année de détention au-delà de la cinquième. La plus-value est donc définitivement exonérée au bout de huit ans de détention (les prélèvements sociaux de 11 % sont en revanche maintenus), la durée de détention étant décomptée à partir du 1er janvier 2006. Ainsi à compter de 2012, l’imposition effective des investisseurs personnes physiques devrait être notoirement plus faible en cas de réalisation des gains sur LBO via des cessions de titres. Enfin, sous certaines conditions, il est possible de placer ces titres dans un PEA, ce qui permet également de limiter l’imposition des plus-values à 11 %. Un arbitrage entre la perception dans l’immédiat de dividendes bénéficiant du système de l’abattement, et la réa- 14 lisation de plus-values, doit donc être opéré par les investisseurs personnes physiques. 2.2.2.2 Les investisseurs personnes morales La remontée des résultats vers les investisseurs personnes morales soumis à l’IS génère aussi des frottements fiscaux très différents, selon que le revenu est réalisé sous forme de dividendes éligibles ou pas au régime mère-fille, ou de plus-values de cession pouvant bénéficier du régime des plus-values à long terme. En ce qui concerne les dividendes versés à des sociétés non éligibles au régime société mère, l’imposition est au taux plein de l’IS (soit 34,43 % contribution sociale incluse), sans élimination de la double imposition qui en résulte (les résultats déjà imposés chez la société holding sont imposés à nouveau lors de la distribution aux investisseurs). Les dividendes versés à des sociétés éligibles au régime société mère sont en revanche exonérés sous réserve de la réintégration d’une quote-part de frais généraux dès lors que l’investisseur, qui doit détenir plus de 5 % du capital de la société distributrice, s’engage à détenir les actions pendant plus deux ans (condition non applicable à des titres souscrits à l’émission). Le bénéfice du régime mèrefille a été étendu par la Loi de finances rectificative pour 2005 aux actions sans droit de vote ou dont le droit de vote est partiel dès lors que l’investisseur détient par ailleurs des actions représentant au moins 5 % du capital et des droits de vote de la société distributrice. La réalisation de plus-values sur des titres de placement ou des titres de participation détenus depuis moins de deux ans demeure taxée au taux de droit commun, soit 34,43 % contribution sociale incluse. En revanche, les plus-values de cession de titres de participation sont exonérées pour les titres de participation tel que définis à l’article 219 I-a quinquies du CGI, à l’exception d’une quote-part de frais et charges égale à 5 % du montant de la plus-value qui demeure imposable. années précédant la souscription ou l’apport, plus de 25 % des droits dans les bénéfices des sociétés dont les titres figurent à l’actif du fonds. Lorsque ces conditions sont réunies, les porteurs personnes physiques sont exonérés d’impôt sur le revenu à raison de l’ensemble des produits répartis par le fonds (même postérieurement à l’expiration du délai d’indisponibilité, depuis 2002), ainsi que des plus-values réalisées lors du rachat ou de la cession des parts du fonds (ces revenus et plus-values demeurent cependant soumis aux prélèvements sociaux de 11 %). Quant aux personnes morales, les parts de FCPR échappent aux règles de valorisation «mark to market» et bénéficient du régime des plus-values à long terme. Les distributions de dividendes sont soumises à une retenue à la source dont le taux est en principe de 25 %, mais les traités permettent en général de réduire ce taux à 15 %, voire à 5 % pour les sociétés qui détiennent une participation substantielle (le seuil est en général de 10 % du capital). La directive européenne sur le régime des sociétés mères permet de réduire ce taux à 0 % pour les sociétés mère de l’Union européenne, lorsqu’elles détiennent pendant plus de deux ans une participation supérieure à 15 %, puis 10 % à compter de 2009. De même, les plus-values sur cessions de valeurs mobilières peuvent être soumises à une retenue à la source de 16 %, mais uniquement lorsque le cédant détient directement ou indirectement une participation substantielle supérieure à 25 % dans le capital de la société holding distributrice. En dehors de quelques exceptions, les traités fiscaux prévoient généralement que les plus-values ne sont imposables que dans l’Etat de la société bénéficiaire et empêchent le prélèvement de la retenue à la source, même sur les transferts de participations substantielles supérieures à 25 %. Les intérêts sur emprunts consentis depuis l’étranger pour financer la société holding sont en principe exonérés de retenue à la source en vertu de l’article 131 quater du CGI, sans avoir recours aux traités qui prévoient également des exonérations. 2.2.2.4 Le cas des non-résidents Les non-résidents ne sont imposables en France que sur leurs revenus de source française. Pour ces investisseurs également, la fiscalité peut créer des arbitrages significatifs selon le mode de remontée des résultats de la société holding, qui peut entraîner l’exigibilité de retenues à la source, selon la nature du revenu. L’effet de ces retenues à la source est le plus souvent réduit par les traités fiscaux et les directives, selon des modalités qui peuvent varier d’un traité à l’autre. 2.2.2.3 Les fonds communs de placement à risques Les FCPR sont les acteurs naturels des opérations de LBO, ce qui s’explique notamment par le fait que leur actif doit être investi à plus de 50 % en titres de sociétés non cotées et qu’ils permettent aux personnes physiques investissant par leur intermédiaire de bénéficier d’un régime d’exonération. Afin de bénéficier de ce régime favorable, les investisseurs personnes physiques dans le fonds doivent s’engager à conserver les parts pour une durée minimum de cinq ans et à réinvestir immédiatement les sommes ou valeurs réparties par le fonds pendant cette période. Par ailleurs, les porteurs ne doivent pas détenir, ou avoir détenu, directement ou indirectement, au cours des cinq 15 3-Financement d’une opération de LBO U ne acquisition par LBO suppose un ou plusieurs financements adaptés à la situation de la holding, de la société cible ainsi que de ses filiales. La pratique a depuis longtemps mis en place des modes de financement efficaces économiquement et sécurisés juridiquement. Nous en ferons un bref rappel (1), avant de décrire les techniques contractuelles et les garanties mises en œuvre dans ces financements (2 et 3). Enfin, nous envisagerons les principaux risques juridiques inhérents à ce type d’opérations (4). Précisons que les questions abordées ont toutes déjà été largement évoquées par les juridictions françaises et par la pratique du marché. Une connaissance approfondie de certains mécanismes et de quelques problématiques récurrentes est toutefois nécessaire à la mise en place du financement d’une acquisition par voie de LBO. 3.1 Les modes de financement proposés D ans le cadre d’un LBO, une partie du financement est tout d’abord apportée à la holding sous forme de capital conférant aux acquéreurs la propriété de la holding et, indirectement, de la cible. Pour une part plus importante (les deux tiers environ), le financement du prix d’acquisition est ensuite constitué par l’endettement de la holding selon différentes modalités. L’endettement de la holding d’acquisition prend traditionnellement la forme d’une dette senior et d’une dette mezzanine, le remboursement de la seconde étant subordonné à celui de la première. La dette senior consiste en un prêt à moyen terme (entre cinq et huit ans environ) et couvre généralement plus de la moitié des besoins de financement du LBO. La dette mezzanine, ou junior, prend quant à elle la forme d’un prêt subordonné, d’un prêt participatif ou plus fréquemment d’une émission obligataire subordonnée généralement assortie de bons de souscription d’actions ou convertible en actions. En marge des techniques classiques d’endettement ont émergé de nouveaux instruments destinés à financer l’acquisition de la société cible. A ce sujet, nous évoquerons 16 les high yield bonds, ou obligations à haut rendement, et le second lien financing qui s’intercale entre l’endettement senior et l’endettement mezzanine. Enfin, nous décrirons brièvement les financements accordés à la cible pour couvrir notamment ses besoins d’exploitation. Outre les prêts classiques et les ouvertures de crédit renouvelable, le refinancement de la société cible peut également passer par la technique du securitisation by-out qui combine LBO et titrisation. 3.1.1 La dette senior A côté de l’apport en fonds propres au sein de la holding, le financement du prix d’acquisition de la cible prend la forme d’une dette bancaire dite senior (car prioritaire sur les autres dettes de l’emprunteur). Lorsque les montants accordés sont très élevés, le financement senior pourra faire l’objet d’une syndication entre plusieurs établissements prêteurs, par voie de cession ou de transfert. Outre la syndication, les banques utilisent également la titrisation des créances de l’établissement prêteur. La titrisation consiste en une cession à une entité créée à cet effet, qui émettra ensuite des titres ayant vocation à être souscrits par des établissements de crédit ou des investisseurs (véhicules de titrisation nommés CDO collaterized debt obligation). Cette pratique a connu un développement important au cours des dernières années car il permet aux établissements prêteurs de se défaire du risque du crédit en le transférant au marché. La dette senior présente les caractéristiques d’un prêt à moyen terme. Ainsi, sa durée se situe généralement entre cinq et sept ans et demi, voire davantage, étant entendu que si l’opération se déroule bien, la dette sera remboursée par anticipation afin de revendre plus rapidement la société libre de tout endettement. Quant au taux d’intérêt de la dette senior, il peut être fixe ou plus fréquemment variable sur la base d’Euribor augmenté d’une marge représentant la marge de la banque. Cette marge pouvant elle-même varier au cours de la vie du crédit notamment sur la base du respect des ratios financiers par l’emprunteur. Pratiquement, la dette senior est composée de plusieurs tranches, classées par ordre croissant de risque, chacune ayant un taux d’intérêt spécifique en fonction de ses caractéristiques. En effet, chaque tranche varie selon la durée de l’emprunt et certaines, subordonnées au paiement de l’emprunt principal, ne sont remboursables qu’in fine (par exemple, la tranche A d’une maturité de sept ans sera amortissable par échéances successives, tandis que la tranche B d’une durée de huit ans sera capitalisée et remboursée in fine). Ce découpage de la dette senior permet de limiter la charge de remboursement supportée par l’entreprise dans les premières années de l’opération, puisqu’une fraction importante du prêt n’est due qu’au débouclage du LBO. Il est cependant à noter que les investisseurs en dette LBO recherchent de plus en plus des tranches de financement non-amortissables en vue d’améliorer leur Ebitda ainsi que leur effet de levier. Les établissements prêteurs gardent ainsi une marge de manœuvre pour les opérations de croissance externe. Pour tenir compte des faibles garanties qui peuvent être accordées au prêteur senior (cf. 3), la dette senior bénéficie, en vertu du mécanisme de subordination, d’un rang supérieur aux autres dettes contractées par la holding. Le contrat de prêt prévoit généralement des engagements spécifiques à la charge de l’emprunteur, notamment en ce qui concerne les informations devant être communiquées au prêteur, plus nombreuses et fréquentes que dans un prêt classique (cf. 2.1). De même, les ratios financiers devant être respectés par la holding sont plus stricts et plus diversifiés que dans le cadre d’un financement classique (cf. 2.1). et n’être remboursés en tout ou partie qu’à l’échéance sous forme de prime (ils peuvent être capitalisés en totalité, comme dans le cas des mezzanines dites PIK (pay in kind), ou dépendre de la situation financière de l’entreprise, comme dans le cas des mezzanines dites pay if you can). Certains produits de dette ne donnant pas accès au capital sont parfois assimilés aux mezzanines : c’est le cas notamment des produits obligataires non cotés ou des prêts à long terme subordonnés à la dette senior. Les produits obligataires sont d’ailleurs souvent mis en place par les investisseurs eux-mêmes ou les prêteurs mezzanine en complément de leur financement initial. Alternative à la dette mezzanine, les high-yields bonds (obligations à haut rendement) sont apparus ces dernières années dans les opérations d’envergure internationale. La dette mezzanine se distingue toutefois des high yield bonds qui sont des obligations cotées ne donnant pas accès au capital. Ces titres offrent la possibilité aux investisseurs de recourir au marché pour financer une partie de l’acquisition et permettent de financer une opération avec une dilution plus faible qu’une mezzanine. Plus généralement, les high yield bonds ont un profil mieux adapté aux LBO que la dette bancaire classique (cf. 1.4). Par ailleurs, le second lien, produit également récent, apparu aux Etats-Unis, représente une part croissante des sources de financement dans les opérations LBO. 3.1.2 La dette mezzanine 3.1.3 La tranche «second lien» La dette mezzanine, consiste le plus souvent en des titres de créances qui permettent à terme d’accéder à une quote-part du capital de la société. Ces produits permettent aux prêteurs (souvent des établissements spécialisés dans ce type de prêts : fonds d’investissement, hedge funds) d’obtenir un complément de rémunération lors du débouclage de l’opération et d’assurer la rentabilité de leur investissement grâce à cet accès au capital. Le complément de rémunération est qualifié par la pratique d’equity kicker et a pour contrepartie les plus grands risques pris par le prêteur mezzanine (encore appelé «mezzaneur») qui accepte un rang inférieur à la dette senior et un décalage de sa rémunération dans le temps. Il existe une grande variété de produits mezzanine. Il est fréquent de rencontrer des obligations remboursables par annuités égales, assorties de bons de souscription d’actions (Obsa) ou des obligations remboursables (Ora) ou convertibles en actions (Oca). Ces obligations peuvent bénéficier (le plus fréquent) ou non de garanties (lorsque c’est le cas, ces garanties seront alors d’un rang inférieur aux garanties de la dette senior). Les échéances de remboursement du capital et des intérêts peuvent également être modulées. Les intérêts peuvent ainsi être capitalisés Jusqu’à une date récente, le financement de LBO combinait une dette senior à deux tranches et une dette mezzanine. C’est encore le cas classique pour les acquisitions dites «small» et «mid-caps». Pour les autres opérations d’un montant plus important, le financement est de plus en plus fréquemment structuré de la manière suivante : une dette senior à quatre tranches (par exemple : tranche A à sept ans remboursable par échéances successives, tranche B à huit ans remboursable in fine, tranche C à neuf ans remboursable in fine, tranche D correspondant au crédit revolving accordé à la cible pour ses besoins en fonds de roulement, remboursable par refinancement), une tranche de second lien, et deux tranches de dette mezzanine, l’une junior, l’autre senior. En réalité, la tranche second lien, représente une des catégories de financements second lien, dont deux sont utilisées dans les opérations de LBO : les second lien term loans (tranche second lien) qui s’interposent entre la dette senior et la dette mezzanine et les second lien bond, qui sont une catégorie de high yield bonds avec sûretés. Le second lien est donc une dette à long terme (neuf à dix ans) qui s’intercale entre la dette senior et la dette mezzanine, et qui est garanti par les mêmes actifs que la dette 17 senior, mais subordonnée au remboursement de celle-ci. Les termes des engagements (covenant package) sont plus souples que ceux de la dette senior, ils présentent notamment plus de flexibilité au niveau des seuils. Par ailleurs, en cas de procédure collective à l’encontre du débiteur, les prêteurs second lien renoncent à leurs droits relatifs à l’exercice des sûretés et à certains de leurs droits, en fonction de l’étendue de cette renonciation, le second lien est dit «silent» (renonciation totale) ou quiet (renonciation temporaire pendant la période de standstill (suspension des droits)). Ce type de dette junior fut créé il y a quelques années aux Etats-Unis afin de permettre le financement de sociétés intervenant sur des marchés en manque de liquidité, tels que le marché des hautes technologies. Elle tend à se substituer à la tranche mezzanine classique dont le coût demeure élevé. La question est de savoir si le pricing du second lien correspond toujours véritablement à son positionnement juridique dans la structure du financement. Il est encore trop tôt pour dégager les standards du second lien européen. Cependant il semble que celui-ci constitue plutôt un produit intermédiaire entre senior et mezzanine qu’un produit autonome sur les traces du second lien européen. 3.1.4 Les obligations «high yield» Egalement inspirés du modèle américain, les high yield bonds sont des obligations cotées à haut rendement, disposant d’une notation inférieure à Baa (Moody’s) ou BBB (S & P) et dont la maturité est comprise entre huit et dix ans. En général, le taux d’intérêt stipulé est fixe et le remboursement du capital intervient à terme. Ces obligations sont assorties de coupons élevés en contrepartie du risque important assumé par les investisseurs. Les high yield bonds offrent un profil adapté aux opérations de grande envergure. Subordonné à l’endettement senior et structuré sous forme de titres obligataires à taux fixe avec un remboursement in fine. Les clauses attachées aux high yield bonds sont également plus souples que celles de la dette senior. De fait, une telle substitution permet à l’émetteur de réaliser une économie substantielle sur ses frais financiers. A cet avantage, s’ajoute l’absence de dilution du capital puisque les porteurs de high yield bonds ne reçoivent pas de bons de souscription donnant accès au capital (warrants). Enfin, les engagements contractuels de l’emprunteur (covenants) attachés à ces titres sont beaucoup plus souples que ceux stipulés dans le financement bancaire. La plupart du temps, les high yield bonds sont émis à la faveur d’un indenture géré par un trustee et sont régis par le droit new-yorkais. De plus en plus souvent, les émet- 18 teurs français optent pour le droit français, les investisseurs étant alors organisés en une masse bénéficiant de la personnalité morale et l’indenture étant remplacé par une notice publiée au Balo. Le contrat d’émission contient souvent une call protection pouvant être exercée dans une période de trois à cinq ans après l’émission. Cette clause permet aux investisseurs, en cas d’introduction en bourse de l’émetteur, de prononcer l’exigibilité anticipée des obligations à hauteur d’un certain pourcentage du montant du principal. Il semble qu’un nouvel instrument ait fait son apparition sur le marché de la dette junior (britannique), les Mezznotes. Les Mezznotes sont un produit hybride qui présente les avantages de la dette Mezzanine et ceux des high yield bonds. nancement plus rapide de sa dette senior ou subordonnée, sans compromettre l’activité opérationnelle de la cible. Pour cette dernière, le securitisation by-out contribue à l’amélioration de son image financière puisque la titrisation permet de réduire ses actifs immobilisés ou son BFR. Enfin, pour les apporteurs de dettes du LBO, le securitisation by-out aboutit à un transfert de risque sur les investisseurs du marché. En effet, la titrisation peut permettre aux créanciers financiers de la holding d’acquisition de transférer le risque du financement du LBO sur le financement du FCC, et donc au marché. 3.2 Les techniques contractuelles utilisées 3.1.5 Le refinancement des dettes de la société cible La cible peut avoir besoin de couvrir ses besoins d’exploitation par emprunt ou de financer le remboursement des avances en compte-courant du vendeur. Dans ce cas, des contrats de prêt et des ouvertures de crédit renouvelables peuvent être conclus avec la cible. Ces prêts sont le plus souvent accordés par le prêteur senior. Ces financements permettent au prêteur d’obtenir des sûretés directement sur les actifs de la cible. Les prêteurs préfèrent cependant parfois concentrer l’endettement dans la holding seule, qui redistribue alors les fonds par l’intermédiaire de prêts intra-groupes. De même, une ligne Capex (capital expenditure) pourra être mise en place, celle-ci s’apparente au crédit revolving et a pour objectif de permettre à la cible de financer certains investissements corporels et incorporels durant l’opération de LBO. Le refinancement de la cible peut également passer par la technique du securitisation by-out qui combine LBO et titrisation. La titrisation organise le transfert d’actifs à une entité ad hoc (en France, le fonds commun de créances ou FCC) qui se refinance par l’émission de titres représentatifs des actifs reçus. Dans le cadre d’un LBO, la cible va donc céder à un FCC certains de ses actifs (immobilisations stables, stocks, créances commerciales) dont l’acquisition sera financée par l’émission de titres négociables. Les liquidités résultant du règlement de ces titres vont donc financer le prix de cession des actifs et ainsi revenir à la société cible. Cette dernière bénéficie alors d’un moyen de financement alternatif, qui, par le biais d’une remontée d’un superdividende vers le holding, doit notamment servir à l’extinction d’une partie sélectionnée de la dette d’acquisition du montage LBO. Un tel montage présente de nombreux intérêts. Pour la holding d’acquisition, l’opération doit permettre un refi- annuel, tout fait significatif susceptible d’affecter sa situation financière, tout changement dans la composition de ses organes sociaux ou concernant ses commissaires aux comptes, etc. ; ■ le respect de ratios financiers : l’emprunteur s’engage à respecter certains ratios financiers définis dans la convention de crédit, faute de quoi la dette devient exigible. Les plus fréquents sont le ratio de structure (dettes financières consolidées/fonds propres) et le ratio d’exploitation (résultat d’exploitation (Ebit) consolidés/frais financiers consolidés. Les seuils à ne pas dépasser au regard de ces ratios sont fonction du plan prévisionnel d’exploitation (business plan) avec une marge généralement située entre 10 et 15%. Le contrat de prêt fait également référence à d’autres ratios tels que : dette nette/Ebitda (earning before interest and taxes depreciation added) ; fonds propres/dette nette ; Ebitda/frais financiers ; cash flow d’exploitation/service de la dette, etc. ; ■ la gestion de la trésorerie excédentaire (excess cash flow) : les prêteurs requièrent classiquement que l’éventuel excess cash flow soit utilisé en tout ou partie (et le plus souvent au-delà d’une franchise dont le montant aura fait l’objet d’une négociation) pour rembourser par anticipation la dette senior ; ■ le maintien de l’actionnariat : en cas de changement significatif dans l’actionnariat de l’emprunteur avant le complet remboursement de la dette et notamment en cas de changement de contrôle (dans l’hypothèse de l’existence d’un actionnaire de référence), celle-ci deviendra exigible par anticipation et les prêteurs pourront ainsi sortir de l’opération ; ■ des limitations relatives aux actifs du groupe : l’emprunteur s’engage à ne pas accorder de sûretés sur ses actifs autres que celles autorisées par le prêteur ou qui lui sont consenties (negative pledges) et à ne pas céder les actifs nécessaires à l’exploitation, à ne pas procéder à de nouvelles acquisitions, cessions ou joint-ventures ou à des investissements significatifs, sans l’accord du prêteur, etc. Le non-respect de l’ensemble de ces clauses entraîne le plus souvent l’exigibilité anticipée du prêt, l’emprunteur bénéficiant parfois d’un délai pour régulariser sa situation en cas de défaillance. Cette sanction est en pratique rarement mise en jeu, mais constitue un moyen de pression sur les emprunteurs et constitue un point de négociation lors de la mise en place de la documentation de financement. L es techniques contractuelles utilisées dans le cadre d’un financement LBO se traduisent notamment par un certain nombre d’engagements spécifiques à la charge de l’emprunteur (covenants). A côté de ces obligations usuelles, le mécanisme de subordination occupe une place prépondérante au sein de la structuration du LBO. Les intervenants peuvent également avoir recours à des techniques de restructuration sophistiquées telles que les mécanismes de «debt push down». 3.2.1 Les clauses usuelles L es prêteurs imposent aux emprunteurs des obligations de nature diverse, parfois qualifiées de negative pledge (interdiction de consentir des sûretés). Si ces obligations peuvent varier entre le prêt senior et le prêt mezzanine, le principe est que les mezzaneurs ne doivent pas avoir plus de droits et d’avantages que les prêteurs senior. Les principaux engagements imposés aux emprunteurs sont, entre autres : ■ des déclarations et garanties : ces déclarations et garanties sont assez proches de celles qui sont fournies dans le cadre d’une garantie de passif. Elles doivent en principe être vérifiées lors de la mise à disposition des fonds et sont renouvelées à chaque période d’intérêt ; ■ des obligations d’information : l’emprunteur peut s’engager à fournir au prêteur ses comptes annuels, accompagnés des rapports de gestion et des rapports des commissaires aux comptes, des situations intermédiaires dont la fréquence peut varier de trois à six mois, un budget 3.2.2 L’organisation de la subordination La subordination s’organise contractuellement par l’intermédiaire de conventions de rang ou de subordination. 19 Cette technique s’analyse juridiquement en une stipulation pour autrui aux termes de laquelle, l’emprunteur (stipulant) obtiendra du prêteur subordonné (promettant) qu’il accepte de n’être remboursé qu’après le prêteur senior (tiers bénéficiaire). Une convention de subordination prévoira que le prêt senior est remboursé en priorité par rapport aux autres dettes. La convention sur le rang aménage les conditions de paiement des différentes dettes en cas de mise en œuvre des sûretés. Ces conventions comportent des clauses de turn-over ou de claw-back aux termes desquelles le mezzaneur s’engage à reverser au banquier senior toutes les sommes perçues tant que ce dernier n’aura pas été remboursé. La dette mezzanine peut également faire l’objet d’une subordination lorsque celle-ci comporte deux tranches, l’une senior, l’autre junior. Dans ce dernier cas, la dette mezzanine senior est une forme classique de dette mezzanine où les intérêts font l’objet d’un paiement selon un échéancier, sous réserve qu’il n’y ait pas de défaut de paiement au titre de la dette senior. La dette mezzanine junior, quant à elle, donne lieu à capitalisation des intérêts dont le versement est subordonné au désintéressement complet des créanciers seniors et des mezzaneurs seniors. En dépit de la subordination, si l’emprunteur est à jour du paiement et remboursement des sommes dues en cours de prêt (intérêts, commissions, amortissement), il peut obtenir du prêteur l’autorisation de disposer des dividendes et de la trésorerie excédentaires, on parlera alors de «subordination filante», dans le cas contraire il s’agira d’une «subordination totale». Le vendeur, lorsqu’il a accepté un paiement différé, peut également exiger les mêmes sûretés que le prêteur senior, en second rang. Il est alors possible de créer des actes de sûretés séparés de second rang (dans lesquels le bénéficiaire de la sûreté s’engage à respecter les conditions de la convention de subordination) ou que le prêteur senior soit désigné agent des sûretés dans la convention de subordination. Dans ce dernier cas, les sûretés sont prises au nom du prêteur senior pour son compte et celui du vendeur : il est alors nécessaire de prendre quelques précautions de rédaction concernant les sûretés, afin de s’assurer que le mandat accordé au prêteur senior est bien valable. A la subordination conventionnelle peut s’ajouter une subordination structurelle qui consiste en l’introduction d’une entité supplémentaire entre le mezzaneur et la holding d’acquisition. Pratiquement, le mezzaneur prête les fonds à cette entité intermédiaire (dite top company) qui détient la totalité du capital de la holding. En cas de 20 défaut, le mezzaneur n’a donc de recours que contre la top company qui ne dispose, quant à elle, que de ses droits d’actionnaire vis-à-vis de la holding. Si cette dernière est liquidée, le top company sera désintéressée après les créanciers de la sociétés, à savoir les prêteurs senior. 3.3.1 Gage de compte d’instruments financiers 3.3 L e nantissement portant sur les titres de la cible constitue la sûreté principale accordée par la holding dans le cadre d’un LBO. Les titres ainsi affectés en garantie étant généralement des instruments financiers inscrits en compte, leur nantissement obéit au régime spécial prévu par les articles L. 431-4 et L. 431-5 du Code monétaire et financier. Ce régime a été réformé par l’ordonnance n° 2005-171 du 24 février 2005 transposant la directive 2002/47/CE du 6 juin 2002 relative aux contrats de garanties financières. Avant la réforme, plusieurs incertitudes entouraient le gage de compte d’instruments financiers, et plus spécialement la détermination de son assiette. La première difficulté concernait la validité des clauses d’arrosage ou d’accroissement obligeant le constituant à verser des titres supplémentaires sur le compte nanti pour permettre l’ajustement de la sûreté aux variations de la créance garantie ou des actifs initialement gagés. La seconde portait sur le sort des fruits et produits générés par les titres nantis lorsque le teneur de compte, généralement l’émetteur dédits titres, n’est pas habilité à recevoir des dépôts. L’article L. 431-4 modifié règle ces deux difficultés. D’une part, il est désormais prévu que les titres complémentaires sont compris dans l’assiette du gage ; ces nouveaux actifs sont considérés comme ayant été remis à la date de déclaration initiale de gage, ce qui permet de faire échapper leur inscription sur le compte gagé aux nullités de la période suspecte. D’autre part, lorsque le teneur de compte est la société émettrice, les fruits et produits en toutes sommes sont désormais versés sur un compte spécial ouvert au nom du constituant dans les livres d’un établissement de crédit ou d’un intermédiaire habilité. Ce compte est réputé faire partie du compte gagé à la date de déclaration de la sûreté. Notons que demeure discutée la possibilité de consentir des nantissements de rangs successifs sur un même compte d’instruments financiers. Toutefois, les obstacles théoriques, liés notamment à l’exercice du droit de rétention, ont une portée de plus en plus limitée. Au vu des améliorations de son régime, le gage de compte d’instruments financiers tend à devenir plus attractif dans le cadre des LBO. Il demeure, cependant, que cette sûreté n’a de valeur que si la situation de la cible est saine. De plus, sa réalisation peut s’avérer longue et coûteuse. Le prêteur peut par ailleurs hésiter à se faire attribuer les titres d’une société en difficulté : outre le fait que la position d’un actionnaire est la plus défavorable en cas de liquidation judiciaire, la responsabilité du prêteur peut être engagée si après sa prise de contrôle, la situation de la société se dégrade encore. Les garanties accordées 3.2.3 Les mécanismes de «debt push down» Les mécanismes de debt push down permettent le transfert de la dette de la holding d’acquisition vers la cible. Ce transfert peut notamment être réalisé (i) au moyen de l’acquisition par la cible d’un actif de la holding, (ii) grâce à la distribution par la cible de dividendes ou (iii) par l’amortissement ou la réduction du capital social de la cible. Dans les opérations de LBO, c’est la seconde hypothèse qui se rencontre le plus fréquemment, la holding étant créée dans la plupart des cas pour les besoins de l’acquisition et ne possédant pas d’autres actifs que les titres de la cible. L’assemblée générale de la cible peut ainsi décider de distribuer le bénéfice distribuable et/ou les réserves dont elle dispose. Il est désormais admis, sous réserve des limitations qui peuvent être imposées par l’administration fiscale, que la cible peut valablement s’endetter pour effectuer cette distribution. Bien entendu, la distribution des bénéfices ne doit pas avoir pour effet de réduire les capitaux propres à un montant inférieur à celui du capital augmenté des réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer. La distribution ne doit pas non plus constituer un abus de majorité, ce qui pourrait être le cas si une telle distribution mettait en péril le développement et les investissements de la cible. Cela suppose toutefois qu’il existe des actionnaires minoritaires, et que la décision soit contraire à l’intérêt général de la cible et dans l’unique dessein de favoriser les actionnaires majoritaires au détriment des minoritaires. Un courant jurisprudentiel développe également la responsabilité des sociétés qui distribuent des dividendes de manière abusive, envers les tiers ou leurs partenaires commerciaux. Ainsi, la Cour de cassation a récemment condamné un concédant envers un concessionnaire en liquidation judiciaire en considérant que le concédant avait abusé de son droit de fixer unilatéralement des conditions de vente alors qu’il avait distribué des dividendes prélevés sur les bénéfices à ses actionnaires (Cass. com. 15 janvier 2002, Droit des sociétés n° 10, octobre 2002, p. 15). En tout état de cause, les distributions de dividende, qu’elles soient réalisées par emprunt ou grâce à la trésorerie de la cible, ne doivent pas obérer de manière excessive sa situation financière, le succès d’une opération de LBO dépendant de la bonne santé de la cible. D ans le cadre des crédits d’exploitation dont peuvent bénéficier la cible et/ou ses filiales, les garanties envisageables sont multiples, qu’il s’agisse de sûretés réelles ou de sûretés personnelles. Sans dresser un catalogue exhaustif de ces garanties, mentionnons simplement que la plupart d’entre elles ont vu leur régime juridique profondément modifié par la réforme du droit des sûretés résultant de l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006. S’agissant des sûretés personnelles, si le droit du cautionnement demeure inchangé, le Code civil (article 2287-1) consacre en revanche la garantie autonome et la lettre d’intention. Le régime de la garantie autonome (article 2321 du Code civil) est calqué sur les principes dégagés par la jurisprudence ; celui de la lettre d’intention n’étant pas détaillé c’est également le régime jurisprudentiel qui a vocation à s’appliquer. C’est en matière de sûretés réelles que les changements sont les plus substantiels. Ainsi, le gage de biens corporels voit ses conditions assouplies par un recul de l’exigence de dépossession, et son efficacité renforcée par la validité des pactes commissoires. Précisons que le gage de choses fongibles et de choses futures est expressément autorisé, et que, par application, un nouveau dispositif est consacré au gage sur stocks dans le Code de commerce. Le nantissement de créance, dont le nantissement de solde de compte, est également rénové. Son opposabilité comme sa réalisation sont désormais simplifiées et ainsi mieux adaptés à la pratique. Enfin, les sûretés réelles immobilières connaissent d’importantes innovations dont principalement l’apparition de l’hypothèque rechargeable. La loi n° 2007-211 du 19 février 2007 a introduit la fiducie en droit français. S’agissant, à présent, des garanties afférentes au financement du prix d’acquisition de la cible leur nombre est beaucoup plus limité en pratique, compte tenu du peu d’actifs que peut généralement offrir à ses créanciers la holding constituée ad hoc. Le régime de ces garanties mérite cependant d’être précisé, qu’il s’agisse du gage de compte d’instruments financiers, récemment réformé, de la délégation imparfaite, ou de la cession de créances professionnelles à titre de garantie, dite cession Dailly. 21 3.3.2 Délégations La holding peut mettre en place au profit des prêteurs, représentés par un agent des sûretés, des délégations imparfaites en application de l’article 1275 du Code civil. Ces délégations sont généralement consenties sur le fondement des créances que détient la holding au titre de ses polices d’assurance, notamment l’assurance «hommesclés», ou de la garantie de passif consentie par le vendeur de la cible. Le mécanisme de la délégation est relativement souple et seul un accord entre les trois parties est nécessaire : la holding (le délégant) donne ainsi ordre à son débiteur (le délégué : la compagnie d’assurance ou le vendeur, selon la nature de la créance «déléguée») de s’engager à payer aux prêteurs (le délégataire) les montants dus au titre de la créance «déléguée». L’intérêt de cette convention est de créer un engagement propre et nouveau du délégué envers le délégataire. Imparfaite, la délégation ainsi opérée permet aux prêteurs de s’adjoindre un débiteur supplémentaire, de sorte que si le délégué ne s’exécute pas, le délégataire pourra poursuivre le délégant en paiement. Notons que la Cour de cassation a récemment jugé qu’est valable l’acte de délégation imparfaite consenti avant la cessation des paiements, peu important que son exécution ait lieu postérieurement, c’est-à-dire lors de la période suspecte (Cass. com., 4 octobre 2005, JCP E 2006, p. 414, note Albrieux). chaque créance, seul le bordereau constitue la sûreté. Le bordereau doit impérativement comporter les mentions de l’article L. 313-23 du Code monétaire et financier à peine de nullité. La cession Dailly est opposable aux tiers dès la signature de ce bordereau et bien qu’elle ne soit consentie qu’à titre de garantie, elle emporte transfert de propriété de la créance. Elle peut être notifiée par le prêteur au débiteur cédé. Si celui-ci l’accepte (article L. 313-29 du Code monétaire et financier), il aura l’obligation de régler sa créance entre les mains du prêteur. Le prêteur peut toutefois donner mandat à l’emprunteur de recouvrer la créance, ce qui doit être précisé dans la notification : le plus souvent la créance est alors réglée sur un compte nanti au bénéfice du prêteur. Il arrive fréquemment, notamment pour des raisons commerciales, que le prêteur accepte de ne procéder à la notification qu’en cas de survenance d’un cas de défaut au titre de la dette senior. Il reste que les cessions Dailly ne peuvent pas toujours être utilisées dans les opérations d’envergure internationale : le garde des sceaux a ainsi considéré (réponse du garde des sceaux publiée au JO du 27 janvier 2003 p. 600), que la cession de créances Dailly est réservée aux établissements de crédit dûment agréés par le CECEI ou habilités à exercer leur activité en France, en application du droit communautaire. Pour des établissements étrangers ne remplissant pas ces conditions, il est donc nécessaire de procéder à des cessions de créances en application de l’article 1690 du Code civil, ou d’utiliser le mécanisme de la délégation. 3.3.3 Cessions de créances professionnelles à titre de garantie 3.3.4 La fiducie La cession de créances professionnelles, définie par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 dite «loi Dailly», peut être utilisée à plusieurs fins dans le cadre des opérations de LBO. Nous citerons, pour illustration, le cas où la holding qui a consenti un prêt intra-groupe à la cible, cède la créance liée à ce prêt en garantie de sa dette senior. Si la holding avait pris des sûretés sur les actifs de la cible en garantie du remboursement du prêt intra-groupe, ces sûretés seront également transférées de plein droit au prêteur à compter de la signature du bordereau de cession, ainsi que l’a consacré la loi du 1er août 2003 sur la sécurité financière (article L. 313-27 du Code monétaire et financier). La cession Dailly ne peut être consentie que pour des créances professionnelles et au profit d’un établissement de crédit. La constitution et l’opposabilité de cession Dailly sont relativement simples et efficaces. Il est conclu une conventioncadre de cession de créances professionnelles au titre de laquelle les parties signent des bordereaux identifiant La loi du 19 février 2007 précitée, comprend essentiellement deux séries de dispositions : des dispositions organisant le régime juridique de la fiducie, codifiées aux articles 2011 à 2031 du Code civil et les dispositions définissant le régime fiscal de la fiducie, insérées dans le Code général des impôts. La fiducie est définie à l’article 2011 du Code civil comme «l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires». Le mécanisme instauré aux articles 2001 à 2031 du Code civil permet ainsi à un constituant de transférer temporairement ses biens (immobiliers ou mobiliers), droits (personnels ou réels) ou sûretés (réelles ou personnelles) dans un patrimoine d’affectation géré par un fiduciaire au profit d’un bénéficiaire. Le nouveau dispositif prévoit que la fiducie pourra être utilisée dans tous types d’opérations quelle que soit sa fina- 22 lité à l’exception toutefois de toute utilisation à des fins de libéralités. On pourra ainsi librement mettre en place des opérations de fiducie-sûretés (organisant par exemple une cession fiduciaire de créances civiles), de fiducie-gestion (par exemple d’actifs). La technique juridique de la fiducie devrait offrir ainsi une grande souplesse dans son usage. Toutefois, cet usage sera réservé à certaines catégories de personnes. Ainsi seules des personnes morales soumises à l’impôt sur les sociétés pourront agir en qualité de constituants tandis que seuls des professionnels réglementés soumis à des normes prudentielles (établissement de crédit, entreprises d’investissement, entreprises d’assurance, Trésor public, Banque de France, La Poste, Caisse des Dépôts, etc.) pourront agir en qualité de fiduciaires. En revanche, s’agissant des bénéficiaires, aucune restriction n’est prévue. Dans le cadre d’une fiducie, les biens transférés par le constituant seront séparés du patrimoine propre de la personne agissant en qualité de fiduciaire. Les créanciers personnels du constituant (autres que ceux concernés par l’opération de fiducie) et les créanciers du fiduciaire n’auront aucun droit de recours sur le patrimoine fiduciaire. Seuls les créanciers dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion du patrimoine fiduciaire pourront saisir ce dernier (étant précisé que, sauf stipulation expresse contraire, en cas d’insuffisance d’actif du patrimoine fiduciaire, ces créanciers n’auront aucun droit de recours sur le patrimoine du constituant). Sur le plan de la forme, le contrat de fiducie devra, à peine de nullité, déterminer : ■ les biens, droits ou sûretés transférés (s’ils sont futurs, ils doivent être déterminables) ; ■ la durée du transfert, qui ne peut excéder 33 ans à compter de la signature du contrat ; ■ l’identité du ou des constituants ; ■ l’identité du ou des fiduciaires ; ■ l’identité du ou des bénéficiaires ou, à défaut, les règles permettant leur désignation ; ■ la mission du ou des fiduciaires et l’étendue de leurs pouvoirs d’administration et de disposition. Enfin, en pratique, la mise en œuvre d’une fiducie donnera lieu à deux séries de formalités : d’une part aux formalités de publicité ayant trait au transfert de propriété du bien, droit ou sûreté considéré (cette publicité devra toutefois être effectuée au nom du fiduciaire ès qualité) ; d’autre part, sous réserve de nullité, à l’enregistrement fiscal du contrat de fiducie (et de chacun de ses avenants) dans un délai d’un mois à compter de sa conclusion. Toute fiducie devra par ailleurs être inscrite sur le registre national des fiducies. 3.4 Les risques juridiques encourus L a mise en place d’un financement LBO peut se heurter à certains obstacles juridiques qui sont autant de risques pour la viabilité du montage. La plupart de ces risques concerne les relations entre la holding et la cible et découle principalement des dispositions relatives à l’assistance financière, à l’abus de biens sociaux et de crédit, ainsi qu’à l’abus de pouvoir. Dans leurs relations avec les emprunteurs, les prêteurs s’exposent également à des risques particuliers dans le cadre d’une opération de LBO. Ainsi, les banques peuvent-elles engager leur responsabilité pour soutien abusif ou être qualifiées d’administrateurs de fait, notamment dans le cas où un emprunteur ferait l’objet d’une procédure collective. 3.4.1 Prohibition de l’assistance financière L ’article L. 225-216 du Code de commerce dispose qu’une société «ne peut avancer des fonds, accorder des prêts ou consentir une sûreté en vue de la souscription ou de l’achat de ses propres actions par un tiers». Ce texte, qui résulte de la transposition de l’article 23 de la deuxième directive européenne du 13 décembre 1976, n’est applicable qu’aux sociétés par actions (sociétés anonymes, sociétés par actions simplifiées ou sociétés en commandite). Ainsi, les autres types de sociétés commerciales, telles que les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés en nom collectif ou les sociétés civiles ne sont pas concernées par cette interdiction. Ce qui ne signifie pas que ce type d’assistance est libre. La Cour de cassation a ainsi déjà jugé que les garanties accordées par le gérant d’une société en nom collectif pour les dettes d’un associé ayant pour finalité le rachat des parts sociales de la société n’entraient pas dans l’objet social de la société et encourraient en conséquence la nullité (Cass. com. 26 janvier 1993 n° 9112.566, Bull. civ. IV n° 34 p. 21, Rev. soc. 1993, p. 396). L’article L. 225-216 ne précise pas si ses dispositions sont également applicables aux filiales de la cible, mais en l’absence de position claire, la prudence commande de considérer qu’elles le sont. Outre les sanctions pénales prévues par l’article L. 242-24 du Code de commerce, la violation de ces dispositions, du fait qu’elles sont impératives, peut entraîner la nullité des prêts ou garanties accordés. 23 La principale question est de savoir si cette prohibition générale est valable pour toutes les opérations qu’elles soient antérieures ou postérieures à l’acquisition. Certains soutiennent que ce texte étant assorti de sanctions pénales, il est d’interprétation stricte et qu’une telle interdiction n’est applicable qu’au moment de l’acquisition et ne s’applique pas aux sûretés ou prêts consentis postérieurement. Toutefois, si ces prêts ou sûretés apparaissent comme une condition de la réalisation de l’opération ou sont accordés en garantie du prêt d’acquisition, il pourrait être démontré qu’ils ont été conclus en violation des dispositions de l’article L. 225-216. Bien entendu, ces dispositions ne s’opposent pas au nantissement des titres de la cible, puisque les biens de la holding ne sont pas concernés par l’interdiction (Cass. com. 19 décembre 2000, RJDA 4/01 n° 455). La jurisprudence a également déjà eu l’occasion de confirmer que cette interdiction ne concerne pas l’affectation des dividendes distribués par la cible à la holding au remboursement du prêt accordé en vue de l’acquisition (Cass. com. 15 novembre 1994, RJDA 2/95 n° 159). 3.4.2 L’abus lié aux conventions de trésorerie Dans le cadre d’un LBO, les conventions de gestion de trésorerie centralisée doivent être mises en place avec précaution. Ainsi, la cible ne doit pas financer une partie de l’acquisition par l’intermédiaire d’avances en trésorerie faites à la holding, au risque pour ses dirigeants de se voir condamnés sur le fondement de l’abus de biens sociaux ou du crédit de la société, en vertu des articles L. 242-6 3° du Code de commerce pour les sociétés par actions ou L. 241-3 du Code de commerce pour les sociétés à responsabilité limitée. Un arrêt déjà ancien (arrêt Rozenblum, Cass. crim. 4 février 1985 n° 84-91.581, Bull. crim. n° 54, p. 145) a fixé les critères dans le cadre desquels des avances en trésorerie ou des garanties intra-groupes ne constituent pas un abus de biens ou du crédit d’une société. L’opération doit être dictée par un intérêt économique, social ou financier commun, apprécié au regard d’une politique élaborée pour l’ensemble du groupe, et ne doit pas être démunie de contrepartie ou rompre l’équilibre entre les engagements respectifs des sociétés concernées, ni excéder les capacités financières de celle qui en supporte la charge. Dans le cadre d’une opération de LBO, les critères posés par la jurisprudence Rozenblum sont difficiles à remplir. La jurisprudence (Cass. crim. 24 juin 1991, JCP E 1992 172 n° 15 et Cass. Crim. 5 mai 1997 n° 96-81.482, Bull. crim. n° 159 p. 525, Bull. Joly 1997, p. 956) a déjà considéré que les avances de trésorerie ne peuvent être justifiées par la notion de groupe, lorsque la holding ne dispose pas des 24 ressources suffisantes pour faire face au remboursement des avances et des prêts dont elle a bénéficié de la part de la cible et que ces avances et prêts ont en outre été accordés sans contrepartie réelle et au seul bénéfice du détenteur du capital de la holding. 3.4.3 La fusion rapide Il a été souligné que la fusion rapide entre la cible et sa holding soulevait des problèmes fiscaux. Une telle fusion est également controversée sur le plan juridique. Les opposants à cette fusion soutiennent qu’elle permet de réaliser précisément ce qu’interdit l’article L. 225-216 du Code de commerce. Les partisans répondent que la fusion ne pouvant être assimilée à une avance, un prêt ou une sûreté, il n’y a pas d’interdiction en l’espèce. La jurisprudence, sans appliquer l’article L. 225-216 du Code de commerce, a déjà considéré qu’une fusion rapide pouvait constituer un abus de pouvoir, sur le fondement de l’article L. 242-6 4° du Code de commerce (Cass. crim. 10 juillet 1995 n° 94-82.665, Bull. crim. n° 253 p. 703, JCP E 1996 II n° 780 ; Bull. Joly 1995 p. 1048). Dans cette espèce, le dirigeant avait toutefois également commis des abus de biens sociaux, et les juges du fond avaient considéré que l’opération, extrêmement déséquilibrée, lésionnaire et dépourvue de toute justification économique pour la cible, avait surtout pour objectif de permettre au second actionnaire et prêteur de la holding de rentrer directement et personnellement en possession du capital de la cible. Concernant plus particulièrement l’assistance financière, si la fusion rapide est une condition de la mise en place de l’opération et du financement, la fraude pourrait être aisément démontrée. Il est nécessaire qu’aucun engagement contractuel ne soit prévu dans la mise en place de l’opération de réaliser la fusion. L’intention frauduleuse pourrait notamment être caractérisée si des garanties sont accordées sur les actifs de l’ancienne filiale ou si des actifs de cette société sont cédés afin d’assurer le remboursement du prêt initialement accordé à la holding. La holding doit être en mesure de rembourser la dette sans que la fusion intervienne nécessairement. En revanche, si la fusion a lieu alors qu’un certain temps s’est écoulé après la réalisation de l’opération de LBO et qu’elle se justifie par ailleurs économiquement, elle ne devrait pas être considérée comme constituant une violation des dispositions de l’article L. 225-216 du Code de commerce ou un abus de pouvoir. En outre, il semble maintenant admis par l’administration fiscale, qu’une fusion rapide soit possible lorsqu’elle ne concerne que les holdings intermédiaires, sans concerner les sociétés opérationnelles. 3.4.4 La responsabilité des prêteurs rain du droit commun sa responsabilité civile pour soutien abusif ou rupture abusive de crédit en application de l’article 1382 du Code civil. En outre, la sanction pénale pour fourniture de moyens ruineux est également envisageable. Dans le cadre de LBO, compte tenu des nombreuses obligations mises à la charge des emprunteurs par les prêteurs, l’immixtion dans la gestion du débiteur pourrait être retenue pour mettre en cause la responsabilité des banques. Cette immixtion pourrait, de surcroît, traduire une gestion de fait qui exposerait l’établissement de crédit aux sanctions encourues par les dirigeants d’entreprises en difficulté. Dans cette hypothèse, le prêteur pourra notamment engager sa responsabilité pour insuffisance d’actifs, ou, dans certains cas énumérés par la loi, être débiteur de l’obligation aux dettes sociales nouvellement instituée par la loi de sauvegarde des entreprises. Le risque que l’établissement prêteur soit qualifié de dirigeant de fait est d’autant moins négligeable qu’une récente jurisprudence est venue affirmer qu’une banque pouvait être administrateur de fait par personne interposée (CA Versailles, 29 avril 2004, RDBF, juill.-août 2004, o. 271, obs. F.-X. Lucas). Les fournisseurs de crédit sont fréquemment mis en cause dans le cadre de procédures collectives ouvertes à l’encontre des entreprises auxquelles ils ont prêté des fonds. La loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 relative à la sauvegarde des entreprises est cependant venue limiter cette responsabilité fondée sur le soutien abusif. En effet, le nouvel article L. 650-1 du Code de commerce prévoit désormais que les créanciers de l’entreprise faillie ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis. A cette irresponsabilité de principe, la disposition précitée pose trois exceptions : la fraude, l’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur et l’existence de garanties disproportionnées au regard du concours accordé. Pour chacune de ces dérogations, le pouvoir d’appréciation des juges du fond est considérable ce qui augure une difficile prévisibilité des solutions applicables. Lorsque l’une des exceptions est caractérisée, la sanction du prêteur de deniers est double. D’une part, les garanties prises en contrepartie du concours octroyé sont nulles. D’autre part, le fournisseur de crédit peut engager sur le ter- 25 4-Le management package U n LBO est avant tout un projet d’entreprise. Les montages financiers les plus «tendus» ne sont envisageables et viables que si la cible est une société bien gérée, bien positionnée sur un marché en croissance et qui conserve d’importantes marges de progression. C’est cet équilibre entre analyse des réussites passées et détermination des perspectives d’avenir qui est au centre de la réflexion des intervenants à un LBO et qui nécessite, pour que l’opération soit une réussite, la mise en place d’incentives adaptés au profit de l’encadrement. Les managers ne sont plus alors considérés comme de simples dirigeants ou salariés du groupe cible mais comme de véritables co-investisseurs devant assumer une prise de risque «capitalistique» au même titre que les investisseurs financiers. La raison d’être de ces mécanismes est d’assurer un alignement d’intérêts entre le capital (les fonds d’investissement) et la compétence (les managers) permettant ainsi le meilleur développement de la société et donc la réussite de l’opération au profit de toutes les parties prenantes. 4.1 Evolutions, critères et contraintes 4.1.1 Le management package, une question devenue centrale dans les négociations L es mécanismes d’intéressement et de co-investissement des dirigeants, garantissant leur motivation, sont devenus au fil du temps un élément central de la structuration des opérations de LBO. Autrefois considérée comme accessoire et traitée au dernier moment, cette question est aujourd’hui au centre des préoccupations des fonds d’investissement et abordée dès le début des négociations. Certains investisseurs financiers n’hésitent plus à considérer qu’ils se concentrent autant sur le management package que sur le prix d’acquisition. Cette évolution s’explique essentiellement par deux facteurs : ■ d’une part, le secteur du LBO en France est devenu, depuis plusieurs années déjà, un secteur mature. Les structures et mécanismes mis en place sont pour la plu- 26 part éprouvés et connus des intervenants et notamment des dirigeants candidats à une reprise de leur société en LBO. Ceux-ci n’hésitent plus à formuler leurs souhaits en matière de partage de la création de valeur. La diminution du nombre de cibles sur le marché et une concurrence accrue entre les investisseurs ont renforcé leur position ; ■ d’autre part, dans un marché des fusions-acquisitions relativement atone ces dernières années, les opportunités de sorties industrielles ou boursières ont été peu attractives. Dans ce contexte, les fonds d’investissement ont souvent privilégié la cession à d’autres fonds comme moyen de réaliser leurs investissements. Dans ces LBO secondaires (voire tertiaires), les dirigeants sont chaque fois consultés, interviennent très largement dans le choix de l’investisseur et disposent, le plus souvent, d’une capacité financière certaine en raison du «cash-out» réalisé lors du LBO primaire. On a donc assisté à une augmentation significative des demandes des managers avec (i) des seuils de déclenchement, en cas de réussite du LBO, revus à la baisse (d’un TRI de 25 à 35 %, la fourchette s’est réduite à 20-30 % voire, dans certains cas, 18-28 %), (ii) une quote-part de la surplus-value appréhendée par les managers de plus en plus élevée et (iii) davantage de droits négociés et obtenus (conditions de vesting plus favorables, droit de premier refus ou droit de préemption de premier rang entre les managers par exemple). D’un point de vue plus conjoncturel, le contexte de la crise des subprimes et la raréfaction du crédit qui en a découlé, a pour effet de souligner le fait que le succès des opérations de LBO repose essentiellement sur une croissance forte de la cible, justifiant ainsi la mise en place, la plus large possible, de mécanismes assurant la plus grande motivation des équipes concourant au développement de son activité. Toutefois, cette crise semble également être l’occasion d’un retour à plus de mesure dans ce que les fonds d’investissements sont prêts à consentir aux équipes de management, un bon management package étant un package «équilibré» assurant, sans distorsion excessive au profit de l’un ou l’autre des acteurs, l’alignement d’intérêts évoqué plus haut. 4.1.2 Structure de l’investissement des managers Une prise de participation dans la holding d’acquisition peut permettre aux investisseurs dirigeants de réaliser une plus-value de cession lors du débouclage de l’opération, plus-value dont le montant sera fonction du pourcentage du capital détenu et de la survaleur créée. Toutefois, l’acquisition d’une telle participation n’est envisageable que pour les dirigeants disposant déjà de moyens personnels suffisants (les conditions financières de leur prise de participation étant en principe les mêmes que pour les actionnaires financiers ou très faiblement décotées). Or, même dans le cadre de LBO secondaires, les dirigeants ne disposent pas, le plus souvent, de moyens leur permettant d’acquérir une participation d’un montant tel qu’ils pourraient réaliser une plus-value significative à la sortie. Le manque de liquidité des dirigeants, comme la disproportion évidente entre les capacités des fonds d’investissement et celle de l’équipe dirigeante, peuvent être corrigées : ■ d’une part, par un recours à l’emprunt de la part des dirigeants aux fins de financer le montant de leur investissement (cette solution pose ensuite la question de la nature et du traitement, dans le pacte d’actionnaires, des sûretés consenties par les dirigeants sur les titres de la holding ainsi financés) ; et ■ d’autre part, par le recours à la sweet equity. L’equity partner n’investit qu’une partie de ses fonds en capital et le solde, généralement, en obligations convertibles, permettant ainsi aux sommes investies en capital par l’équipe dirigeante de représenter une quote-part du capital plus importante que ce qu’elle aurait été si la totalité des sommes investies par les fonds l’avaient été en capital. Cette pratique d’origine anglo-saxonne a eu tendance ces dernières années à être remplacée par le principe d’un investissement pari passu entre dirigeants et fonds, associés à des outils dits ratchets au profit des managers. Dans ce type de structure, toutes les parties investissent dans les mêmes proportions en capital et en prêt (généralement des obligations convertibles, compte tenu des règles s’imposant aux fonds d’investissement), les managers disposant par ailleurs de mécanismes qui introduisent, en leur faveur, un effet multiplicateur permettant, lorsque les objectifs de rentabilité du LBO sont atteints ou dépassés, de déconnecter la part du prix de cession leur revenant de leur participation d’origine. En effet, pour être efficaces, les mécanismes de co-investissement doivent induire un effet de cliquet et de seuil en cas de réussite. C’est en effet ce système du «tout ou rien» qui est le garant de la motivation des dirigeants à atteindre les objectifs fixés en commun. Il n’est toutefois pas rare aujourd’hui, dans des montages un peu complexes, mis en place dans le cadre d’opérations de taille significative, que les packages du management soit un panachage de sweet equity et de ratchet. Ces structures plus complexes permettent notamment de «lisser» les effets des packages dans des situations de perfor- mances extrêmes (TRI très bas ou très élevés) et d’affiner la courbe de répartition de valeur en faveur du management. 4.1.3 Eléments de mesure de la performance d’un LBO 4.1.3.1 Le TRI : l’unité de mesure classique de la rentabilité d’un investissement Pour les fonds d’investissement, l’objectif de toute opération de LBO est bien entendu la maximisation de la plusvalue réalisée lors de la sortie. C’est en effet la plus-value de cession qui constitue l’élément principal de la rentabilité de l’investissement, les intérêts perçus en rémunération des obligations éventuellement souscrites n’intervenant, en général, que pour une part marginale (il convient toutefois de noter que les intérêts des obligations ou les dividendes prioritaires au titre d’actions de préférence éventuellement souscrites par les fonds d’investissement sont la plupart du temps capitalisés et payés in fine et peuvent ainsi, dans certains montages, constituer une part non-négligeable des revenus perçus par les fonds). La rentabilité de l’investissement correspond schématiquement au rapport entre ce que l’investissement a coûté et ce qu’il a rapporté. Ce rapport, appelé taux de rendement interne (TRI), est la variable-clé à l’aune de laquelle sera jugée la réussite ou non de l’investissement réalisé. La rentabilité moyenne souhaitée par les fonds oscille en général, en France, autour de 15 à 20% par an. Au-delà, les dirigeants peuvent obtenir d’appréhender une quote-part de la plus-value marginale qui permet aux fonds de réaliser un TRI supérieur à l’objectif. Le TRI désigne le taux de rendement interne qui permet d’égaliser la valeur actualisée des sommes perçues dans le cadre de l’investissement (revenus générés par l’investissement) et la valeur actualisée des sommes investies. Le TRI est donc égal au réel «t» tel que : avec : «Di» : désigne le montant total décaissé par les fonds d’investissement le i-ième jour suivant l’acquisition de la société cible (quelle que soit la forme du décaissement : capital, obligations de toute nature, bons de souscription autonomes, compte-courant…). «Ej» :Désigne le montant encaissé par les fonds d’investissement le j-ième jour suivant l’acquisition de la société cible (quelle que soit la forme de l’encaissement : produit de cession d’actions et/ou de bons de souscription autonomes, remboursement, intérêts, dividendes…). «N» : Désigne le nombre de jours entre la date d’acquisition et la date de changement de contrôle de la holding de rachat. 27 Il convient d’ajouter que, dans le cadre des négociations, une attention particulière doit être portée à la définition du TRI et notamment à ce qui est pris en compte dans les décaissements et les encaissements. Par exemple, les frais liées à l’acquisition et à la cession peuvent représenter des montants significatifs et avoir une incidence non négligeable sur le TRI selon qu’ils sont ou non pris en compte dans le calcul. 4.1.3.2 Les multiples de sortie : élément de correction Toutefois, dans certaines hypothèses, le TRI peut s’avérer être un outil inadapté de la mesure de la rentabilité d’un investissement. C’est essentiellement le cas lors d’opérations de cession intervenant dans un délai «très» court après l’acquisition initiale. En effet, réaliser un TRI même très élevé (30-40 %) sur une année seulement est moins intéressant pour l’investisseur que de réaliser un TRI annuel certes plus faible (20-25 %) mais sur une période plus longue (quatre à cinq ans par exemple). En effet, une cession rapide permettant de dégager un fort TRI ne permet pas, dans certains cas, de réaliser une plus-value suffisante compte tenu des frais liés au montage de l’opération, au temps et à l’investissement qu’elle a nécessités. En conséquence, il est de plus en plus fréquent que les accords fassent référence à un multiple de l’investissement d’origine comme objectif de rentabilité en cas de cession rapide. A l’inverse, le temps peut avoir un effet négatif sur le TRI. Maintenir un objectif constant de TRI sur une période longue peut donc pénaliser le management qui, en cas de non-réalisation du TRI, peut se voir priver de la surplusvalue négociée à l’origine. La référence à un multiple de l’investissement d’origine comme objectif de rentabilité de l’investissement s’avère être également un bon correctif de l’incidence négative du temps sur le TRI. La négociation du management package porte dès lors d’une part, (i) sur la quote-part de la survaleur qui reviendra aux dirigeants en fonction des différentes hypothèses de sortie et (ii) sur le choix des outils permettant d’opérer ce co-investissement. 4.2 Les supports des management packages O utre des montages de type sweet equity évoqués plus haut, ces mécanismes peuvent être schématiquement mis en œuvre de trois façons : 28 ■ soit par recours à des engagements contractuels (§ 2.1 ci-dessous) ; ■ soit par recours aux mécanismes légaux d’intéressement des salariés et mandataires sociaux (§ 2.2 ci-dessous) ; ■ soit par l’émission de valeurs mobilières au profit des dirigeants (§ 2.3 ci-dessous). Le choix du type de mécanisme résulte le plus souvent d’un arbitrage entre les exigences de souplesse et de sécurité juridique avec en toile de fond le traitement fiscal des sommes ainsi perçues. A cet égard, il convient de noter qu’il n’existe pas de package standard, la solution retenue résultant toujours d’une négociation au cas par cas. 4.2.1 Les accords contractuels 4.2.1.1 Accords de rétrocession La méthode qui, à l’origine, est apparue la plus simple et la plus souple consistait simplement à ce que les actionnaires financiers s’engagent au profit des dirigeants à leur rétrocéder une partie du prix de cession perçu lors du débouclage de l’opération, si les objectifs de rentabilité étaient atteints. Ce mécanisme contractuel de partage de plus-value est en général le mécanisme couramment utilisé en droit anglais et américain. C’est ainsi qu’une multitude d’accords sui generis a vu le jour, justifiant, sur la base d’éléments variants d’une opération à l’autre, le versement d’une partie du prix complémentaire aux dirigeants. Cette solution a le mérite de la simplicité. Elle pose néanmoins trois problèmes rédhibitoires : ■ les montants en jeu sont en général très inférieurs à ce que les dirigeants peuvent espérer retirer de la vente d’une participation, même minime, en capital, lors du dénouement du LBO ; ■ si l’administration fiscale considère que ces sommes sont versées aux dirigeants en contrepartie de leur participation à l’activité de la société, elles peuvent être requalifiées en rémunération et par conséquent soumises à un régime fiscal et, le cas échéant, social dissuasif ; et ■ ces mécanismes peuvent donner lieu à des contentieux longs et délicats lorsque les parties ne sont plus d’accord au moment de les mettre en œuvre. Ce type d’accord contractuel, peu fréquent aujourd’hui, doit, selon nous, être réitéré peu de temps (voire un instant de raison) avant la cession, notamment afin de s’assurer que cet accord de répartition du prix qui ne concerne a priori que les vendeurs n’implique pas, outre mesure, l’acquéreur. 4.2.1.2 Les promesses de cession d’actions Dans un LBO, les dirigeants ont vocation à avoir un double statut de dirigeant et d’actionnaire. Dès lors, se sont développés des mécanismes aux termes desquels l’avantage consenti aux dirigeants n’est pas constitué par le versement de sommes d’argent, susceptibles d’être assimilées à un complément de rémunération et taxées comme tel, mais par l’opportunité d’accroître à terme leur participation dans le capital de la holding, donc plus lié au statut d’actionnaire qu’à celui de dirigeant. Sur cette base, les actionnaires financiers peuvent consentir des promesses de cession d’actions au profit des dirigeants, permettant à ces derniers, lors du débouclage de l’opération, d’acquérir un nombre d’actions complémentaires. Le nombre et le prix des actions «promises» peuvent être fixés dès l’origine, ou être simplement déterminables par application d’une formule mathématique, fonction le plus souvent du TRI réalisé par les actionnaires financiers, ou du prix proposé par l’acquéreur pour 100% du capital de la holding. Ces mécanismes permettent aux dirigeants d’accroître à terme leur participation et donc d’augmenter leur plusvalue de cession en cas d’atteinte de certains objectifs de rentabilité. Les sommes ainsi perçues constituant des plusvalues de cession de titres sont, en principe, soumises à un régime fiscal et social plus attractif que celles perçues dans le cadre de simples accords de rétrocession de TRI. Le recours à des promesses de cession d’actions présente toutefois trois inconvénients majeurs. naires financiers de céder ces actions à ce prix avait été pris à une date où il était en principe impossible de prévoir que le prix stipulé dans la promesse serait significativement inférieur à la valeur réelle des actions au jour de l’exercice de la promesse. A cet égard, il semble opportun d’enregistrer les promesses auprès de la recette des impôts ou de les déposer au rang des minutes d’un notaire pour leur donner date certaine et justifier de l’antériorité, donc de l’existence réelle d’un aléa ; (iii) un risque de requalification fiscale des gains réalisés par les dirigeants : si l’administration fiscale considère que la promesse a été consentie à des conditions préférentielles et en considération du fait que le bénéficiaire est dirigeant de la société, elle peut tenter d’établir que l’avantage retiré par le dirigeant constitue en réalité une rémunération complémentaire. 4.2.1.3 Les schémas impliquant un risque d’investisseur : les options Le risque visé au (iii) ci-dessus (requalification fiscale de la nature des gains) semble moindre lorsque le dirigeant encourt un véritable risque de perte et donc lorsque les mécanismes mis en place s’apparentent plus à un coinvestissement qu’à un intéressement. C’est le cas des schémas dans lesquels les dirigeants payent à l’origine le droit d’acquérir dans le futur, à un prix déterminé ou déterminable, un certain nombre d’actions complémentaires. Si les objectifs de rentabilité ne sont pas atteints, l’option ne peut être exercée. Les dirigeants subissent alors une perte égale au prix de l’option versé initialement aux actionnaires financiers. Du fait de l’existence d’un tel aléa, le dirigeant intervient en qualité d’investisseur qui accepte de prendre un risque financier en contrepartie d’une espérance de gain. L’aléa doit être réel et significatif. A cet égard, le pricing de l’option est déterminant. Il convient en effet de veiller à ce que le prix payé par les dirigeants en contrepartie de l’option soit fixé sur des bases objectives et à des conditions de marché. Dès lors que les conditions et le prix d’exercice de l’option (la contrepartie payée par les dirigeants lors de la signature) font courir aux dirigeants un véritable risque de perte dans l’hypothèse où la valeur de la société ne s’apprécie pas au-delà d’un certain seuil, il semble possible de soutenir valablement que les gains perçus de l’exercice de l’option constituent bien une plus-value de cession devant être imposée comme telle. Une question complémentaire se pose quant à la possibilité, pour les dirigeants, d’acquérir les titres complémen- (i) une sécurité juridique incertaine pour les dirigeants : d’une part, la promesse de cession constituant un engagement unilatéral de celui qui s’oblige à céder (en l’espèce les actionnaires financiers) n’accorde qu’une sécurité juridique limitée au bénéficiaire. En effet, si le promettant se rétracte (c’est-à-dire revient sur son engagement de céder) avant que le bénéficiaire n’ait levé l’option, ce dernier ne pourra pas obtenir le transfert des actions à son profit. Dans une telle hypothèse, le bénéficiaire ne pourra obtenir que des dommages-intérêts pour inexécution contractuelle (Cass. civ. 3e, 15/12/1995). On peut toutefois présumer que la relation entre l’investisseur financier et les dirigeants conservera une qualité suffisante pour que ne soit pas envisagée une quelconque rupture d’engagement ; (ii) justification de l’antériorité : il est important que de telles promesses soient conclues dès l’origine de l’investissement et qu’il soit possible d’en apporter la preuve en cas de contentieux. En effet, dans la mesure où elles permettent aux dirigeants d’acquérir, dans le futur (lors de la sortie du LBO), des actions complémentaires à un prix fixé à l’avance (et donc plus attractif que le prix auquel les actions doivent être cédées le jour même), il est nécessaire de pouvoir justifier que l’engagement pris par les action- 29 taires qui leur reviennent par exercice de l’option, via un PEA, de telle façon que la plus-value dégagée par leur revente immédiate puisse être exonérée de l’impôt sur les plus-values. Rien ne l’interdit en théorie dès lors que les règles de fonctionnement propres au PEA sont respectées. 4.2.2 Mécanismes légaux d’intéressements des salariés et mandataires sociaux : outils d’intéressement du deuxième cercle de managers 4.2.2.1 Les stock-options Le premier outil auquel on pense lorsqu’on aborde la question de l’intéressement au sein d’une société est celui des stock-options. Ces options permettent aux dirigeants de bénéficier du droit d’acquérir ou de souscrire, dans le futur, des actions d’une société à des conditions arrêtées par l’assemblée générale ayant décidé l’attribution de telles options ou, en cas de délégation, par le conseil d’administration (ou le directoire). Depuis la loi NRE du 15 mai 2001, les sociétés non cotées ont perdu une grande partie de la liberté dont elles jouissaient dans la détermination du prix de souscription des actions. En effet, la loi précise désormais que le prix de souscription des actions émises par une société non cotée, au moment de la levée de l’option, «est déterminé conformément aux méthodes objectives retenues en matière d’évaluation d’actions, en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la situation nette comptable, de la rentabilité et des perspectives d’activité de l’entreprise […] A défaut, le prix de souscription est déterminé en divisant par le nombre de titres existants le montant de l’actif net réévalué, calculé d’après le bilan le plus récent» (art. L. 225-177 du Code de commerce). En outre, le prix fixé pour la souscription ou l’achat des actions ne peut pas être modifié pendant la durée de l’option à moins que, pendant cette période, il ne soit procédé à certaines opérations financières susceptibles d’influer sur la valeur du titre et nécessitant un ajustement du prix convenu à l’origine (article L. 225-181 du Code de commerce modifié par l’ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004). La loi NRE de 2001 a également modifié le délai dit «d’indisponibilité» durant lequel l’attributaire de stock-options doit les conserver s’il veut bénéficier du régime fiscal et social le plus favorable pour l’imposition de la plus-value réalisée. Initialement de quatre ans, ce délai a été réduit à quatre ans, mais assorti de la contrainte supplémentaire d’un délai de portage de deux ans pour bénéficier d’un taux d’imposition réduit sur l’avantage tiré de la levée de l’option (différence entre le prix de souscription et la valeur de l’action à la date de la levée de l’option). 30 Notons également que l’attrait des stock-options a été significativement réduit, tant pour la société qui les attribue que pour les bénéficiaires des stock-options, depuis la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) n° 20071786 du 19 décembre 2007 qui a institué deux taxes sociales complémentaires : une contribution patronale et une contribution salariale sur les stock-options. En effet, l’article L. 137-13 I du Code de la Sécurité sociale ajoute une contribution patronale à la charge de la société qui attribue des stock-options alors que jusque-là, l’entreprise ne supportait aucune charge. Cette contribution est égale à 10 % de 25 % de la valeur des actions sur lesquelles portent ces options à la date de l’octroi, et ce quel que soit le prix de souscription. Précisons que pour les sociétés tenues d’appliquer les normes comptables internationales (en pratique les sociétés cotées), cette contribution peut, au choix de la société, être assise sur la juste valeur des options telle qu’elle est appréciée pour l’établissement des comptes consolidés. Cette contribution est exigible dans le mois suivant la date de la décision d’attribution des stock-options et applicable quelles que soit les suites de cette attribution, c’est-à-dire que les options soient levées ou non. Par ailleurs, l’article L. 137-14 du Code de la Sécurité sociale institue, pour les attributions de stock-options consenties à compter du 16 octobre 2007, une nouvelle contribution salariale égale à 2,5 % de la plus-value d’acquisition (c’est-àdire, la différence entre la valeur de l’action à la date où le salarié exerce l’option et le prix d’exercice initialement fixé). En outre, les stock-options présentent l’inconvénient d’être incessibles et de ne pouvoir donner droit à la souscription ou au rachat que d’un pourcentage limité du capital de la société émettrice. Cette caractéristique peut poser des difficultés pratiques importantes lors de la sortie, à l’occasion de laquelle (i) l’acquéreur ne peut acquérir l’intégralité des droits représentants, immédiatement ou à terme, une quotité du capital de la cible et (ii) les stocks optionnaires ne peuvent remonter à l’étage de la holding. Les stock-options demeurent certes un instrument «naturel» d’intéressement des dirigeants, mais les contraintes juridiques et fiscales liées à leur utilisation, et à la détermination du prix de souscription des actions auxquelles elles donnent droit, limitent considérablement leur attrait pour les dirigeants candidats à un LBO. En revanche, elles peuvent constituer un instrument très adapté (car clair et transparent) pour intéresser un nombre important de cadres des sociétés faisant l’objet de LBO (société cible ou filiales de celle-ci), requérant toutefois une ingénierie particulière pour rendre ce régime compatible avec les contraintes spécifiques d’un LBO (comme par exemple, organiser les modalités de la revente des actions issues de l’exercice des options, prévoir l’adhésion des bénéficiaires à un pacte d’actionnaires en cas d’exercice des options, etc.). Or, l’application du régime fiscal de faveur relatif à la plusvalue d’acquisition et à la plus-value de cession qui seraient réalisées par le dirigeant est subordonnée au respect des délais d’acquisition et de conservation d’au moins 2 ans. En effet, la réglementation fiscale n’a pas suivi l’évolution du Code de commerce, qui permet de supprimer la période de conservation dès lors que la période d’acquisition est de 4 ans au moins. Ainsi, même avec une période d’acquisition de 4 ans, les titres attribués gratuitement semblent devoir être conservés au moins 2 ans par leurs bénéficiaires pour bénéficier du régime de faveur ; ■ enfin, certaines incertitudes fiscales demeurent, notamment quant au régime applicable en cas d’apport à une holding d’actions attribuées gratuitement pendant leur période de conservation (seule l’hypothèse d’une fusionabsorption de la cible – dont les actions ont été attribuées gratuitement – par la nouvelle holding semble dans un tel cas permettre le maintien du régime de faveur), ce qui rend assez complexe le débouclage des opérations de LBO notamment dans la perspective d’un LBO secondaire. Notons par ailleurs que, comme pour les stock-options, ce régime a perdu de son intérêt depuis la loi LFSS visée plus haut. En effet, de la même manière que pour les stockoptions, la société qui attribue gratuitement des actions doit désormais verser une contribution patronale égale à 10 % de 100 % de la valeur des actions à la date de la décision d’attribution, étant précisé que, pour les sociétés cotées, cette contribution peut être assise sur la juste valeur des actions telle qu’elle est appréciée pour l’établissement des comptes consolidés. Le bénéficiaire des actions attribuées gratuitement est également redevable d’une contribution salariale égale à 2,5 % de la valeur des actions au jour de l’acquisition. Par conséquent, les actions gratuites constituent un mécanisme plus adapté à un second voire troisième cercle de managers, qu’il convient, à l’instar des stock-options, d’adapter aux contraintes particulières des LBO tout en conservant à l’esprit certaines rigidités qui le rendent peu compatibles avec certains objectifs ou contraintes de ce type d’opération. 4.2.2.2 Les attributions gratuites d’actions Ce dispositif a été instauré à l’occasion de la Loi de finances pour 2005 et codifié sous les articles L. 225-197-1 à L. 225-197-5 du Code de commerce et a été plus récemment assoupli par la loi du 30 décembre 2006. Il constitue un élément d’intéressement des dirigeants non négligeable et devient donc un élément de négociation significatif pour les acteurs du LBO. L’avantage de ce système pour les dirigeants attributaires réside essentiellement dans le fait qu’il n’entraîne aucune prise de risque puisqu’ils n’ont aucun versement à effectuer. Parallèlement, pour la société émettrice, le risque est maîtrisé : la société peut librement déterminer les modalités qui conditionneront l’attribution définitive des actions (et notamment la réalisation de certains objectifs globaux et/ou individuels) pour éviter d’être tenue à cette attribution alors qu’elle ne serait plus en mesure de le faire. Les avantages et inconvénients de ce régime sont globalement identiques à ceux du mécanisme des stock-options même si dans les faits il offre un peu plus de souplesse. Une différence entre ces deux outils tient au fait que les actions gratuites ne nécessitent aucun investissement du bénéficiaire et constituent un avantage dès le premier euro alors qu’à l’inverse, les stock-options supposent le paiement d’un prix et l’existence d’un avantage que si, au jour de l’exercice, la valeur réelle de l’action est supérieure au prix d’exercice. Il faut donc moins d’actions gratuites que de stock-options pour réaliser le même gain. Par conséquent, la mise en place de plan d’attribution gratuite d’actions est moins dilutive en principe pour les autres actionnaires qu’un plan de stock-options. Ce système est néanmoins assorti d’un certain nombre de contraintes et de rigidité pour les dirigeants : ■ ainsi, comme pour les stock-options, un dirigeant ne pourra pas se voir attribuer des actions gratuites s’il détient ou s’il vient à détenir après l’attribution des actions gratuites, plus de 10 % du capital social ; ■ en outre, le système impose (i) un délai d’acquisition dont la durée ne peut être inférieure à 2 ans et pendant lequel les dirigeants attributaires ne sont pas propriétaires des actions consenties et n’ont aucun droit d’actionnaire, et (ii) un délai de conservation, au minimum égal à 2 ans (sauf si le délai d’acquisition est supérieur à 4 ans, auquel cas aucun délai de conservation n’est requis) pendant lequel les actions sont indisponibles et ne peuvent pas faire l’objet d’une transmission (article L. 225-197-1 du Code de commerce) avec, en outre, des restrictions légales pour les sociétés cotées liées à la prévention des délits d’initiés. 4.2.3 Emission de valeurs mobilières En parallèle des schémas évoqués plus haut, le recours à l’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital est très souvent utilisé comme support des management packages, dans la mesure où elles allient souplesse, sécurité juridique et relèvent d’un régime juridique désormais modernisé et uniformisé depuis l’ordonnance du 24 juin 2004. 4.2.3.1 Les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) Créés par le législateur à l’occasion de la Loi de finances pour 1998, le régime a été pérennisé et assoupli par la loi 31 NRE. Cet outil a été créé afin de permettre aux jeunes entreprises de retenir des collaborateurs de haut niveau. Les BSPCE peuvent théoriquement être utilisés dans le cadre des LBO. Cependant, les conditions d’émission et de détention de 25 % du capital de la société émettrice par des personnes physiques, et le délai de 5 ans dans lequel est enfermé leur exercice, rendent les BSPCE rarement utilisables pour les dirigeants candidats à un LBO, qui se tourneront alors vers des valeurs mobilières dont le cadre législatif et fiscal est moins contraignant. D’après le Code général des impôts, seules les sociétés exerçant une activité nouvelle peuvent émettre des BSPCE à l’exclusion des sociétés créées «dans le cadre d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activité préexistante». La loi NRE a étendu le champ d’application des BSPCE aux sociétés ayant une activité financière comme la détention de titres, visant ainsi les holdings pures, permettant l’émission de BSPCE dans le cadre d’opérations de LBO (sous réserve bien entendu que les autres conditions soient remplies). 4.2.3.2 Les bons de souscription d’actions Compte tenu de la liberté qu’autorise leur mise en œuvre, les bons de souscription d’actions, qu’ils soient autonomes ou attachés à d’autres valeurs mobilières (par exemple ABSA, dont le régime est régi par les articles L. 228-91 et suivants du Code de commerce), se sont très largement imposés comme support des mécanismes de co-investissement des dirigeants dans les LBO. Toutefois, il convient de conserver à l’esprit que leur utilisation s’est généralisée à défaut d’instruments spécifiques adaptés aux caractéristiques et exigences particulières de ce type d’opérations. Créés à l’origine comme un outil de financement à terme des entreprises, leur utilisation à d’autres fins impose de respecter certaines contraintes et de prendre certaines précautions. Il est important de préciser que ce mécanisme s’inscrit dans une logique de co-investissement des dirigeants et non pas dans celle d’un simple intéressement. L’ordonnance 2004-604 du 24 juin 2004 a soumis les valeurs mobilières donnant accès au capital à un régime juridique unifié et simplifié et a par ailleurs supprimé la disposition qui imposait que les actions sous-jacentes à l’émission de bons de souscription autonomes émises en cas d’exercice des bons le soient dans un délai de 5 ans à compter de la date de l’assemblée générale ayant supprimé le droit préférentiel de souscription des actionnaires. Il n’y a donc plus à distinguer entre les bons de souscription autonomes et les BSA attachés à d’autres valeurs mobilières, les deux catégories de valeurs mobilières étant désormais soumises au même régime. 32 Si le nouveau dispositif est générateur d’une plus grande sécurité juridique, il est cependant alourdi par le mécanisme de préservation des droits réaffirmé et complété par l’ordonnance du 24 juin 2004 en cas d’émissions ultérieures de valeurs mobilières. L’objectif est d’assurer, aux porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital, que l’appréciation qu’ils ont faite, au jour de la souscription, de la valeur des titres escomptés ne serait pas dévaluée par des opérations décidées ultérieurement par la société, qui seraient, à défaut d’ajustements, susceptibles de modifier les avantages sur lesquels ils ont fondé leur décision. L’outil de la liberté, mais une liberté sous contrainte Les bons autonomes, comme les BSA attachés à des actions ou obligations, sont des valeurs mobilières et doivent à ce titre respecter les caractéristiques propres à toute valeur mobilière que sont la négociabilité, la fongibilité et l’indivisibilité. Sous cette réserve, ils permettent de jouir d’une assez grande liberté dans la fixation des conditions d’émission et de souscription des titres sous-jacents. Ils permettent à leurs attributaires la souscription d’actions, dont le nombre et le prix de souscription peuvent être fixés librement, dans la limite du montant maximal d’augmentation du capital décidé par l’assemblée générale. Le nombre d’actions auquel chaque bon donne droit de souscrire et le prix de souscription peuvent être fixés dès l’émission, ou être simplement déterminables au jour d’exercice, par application de formules mathématiques (le prix d’exercice devant au minimum être égal au nominal de l’action sous-jacente). Ces dernières peuvent être fonction d’une multitude de critères tels que le TRI réalisé par les fonds d’investissement, le prix de cession de la holding ou l’actif net retraité de certaines variables. A cet égard, il convient de veiller à ce que les formules mathématiques : ■ soient fonction de variables objectives, déterminables et qui ne dépendent pas des seules titulaires des bons (nonpotestativité) ; ■ prévoient un plafond, de telle façon que jamais les calculs n’aboutissent à un nombre d’actions supérieur au plafond de l’augmentation de capital autorisé par l’assemblée générale ; ■ prévoient le recours à un expert pour l’application de la formule en cas de contestation ; ■ prévoient des mécanismes d’arrondis et de traitement des rompus pour que chaque titulaire se voit attribuer un nombre entier d’actions. Les limites de l’exercice D’un point de vue fiscal, la plus-value réalisée par le dirigeant lors de la cession de ses bons ou, en cas d’exercice des bons, des actions sous-jacentes, est en principe taxable au taux global de 29 % (soit 18 % plus prélèvements sociaux, CSG et RDS). Cependant, le traitement fiscal de tels gains demeure incertain. En effet, l’administration fiscale se réserve le droit de requalifier la plus-value réalisée en toute autre catégorie de revenu (notamment complément de salaire), s’il ressort que l’avantage ainsi consenti est en réalité la contrepartie d’un travail effectué comme dirigeant dans la société. La COB (et aujourd’hui l’AMF) a de nombreuses fois insisté sur ce risque en indiquant notamment dans son bulletin mensuel de mars 2002 que «l’émission de BSA réservée aux salariés et aux dirigeants porte un très fort risque de requalification fiscale et sociale». Il faut donc qu’existe un aléa réel concernant le gain ou la perte susceptible d’être réalisé par les titulaires. Les bons doivent être souscrits par les dirigeants agissant en qualité de co-investisseurs et non au titre de leur fonction salariés ou de dirigeants et être payés à leur vrai prix (voir à cet égard § 4.3 ci-dessous). Ils doivent également être souscrits au début de l’opération (closing) c’est-à-dire à une date où il n’était pas possible de présager de la réussite ou non de l’investissement. A cet égard, conditionner l’exercice des bons à la présence effective du titulaire dans la société comme salarié ou mandataire social est à éviter soigneusement. En effet, le lien exprès ainsi établi entre la qualité de dirigeant et la possibilité de bénéficier de l’avantage expose à un risque fort de requalification par l’administration fiscale. Pourtant, il est de la logique des LBO, que seules les personnes ayant «joué le jeu» jusqu’au bout retirent effectivement les fruits générés par l’opération (vesting). Il est donc légitime que les dirigeants ayant quitté la société en cours de vie du LBO ne puissent bénéficier de la totalité des gains susceptibles d’être retirés de l’exercice des bons (ces questions s’organisent en général dans le pacte d’actionnaires auquel les dirigeants sont nécessairement parties ou dans des promesses de cessions séparées). Reste que les mécanismes utilisés pour mettre en œuvre ces principes peuvent comporter certains risques. Comme toute émission de valeurs mobilières donnant accès à terme au capital, l’émission de bons autonomes ou de BSA nécessite, à l’occasion de chaque opération ultérieure sur le capital, de préserver les droits des porteurs de titres émis antérieurement. Cette obligation alourdit significativement la gestion du capital différé et nécessite de procéder à des calculs complexes. Utilisés avec précaution, les BSA sont aujourd’hui l’un des outils les plus efficaces pour permettre à terme le coinvestissement des dirigeants, d’autant plus que les BSA, et les actions auxquelles leur exercice donne droit, peuvent être souscrits dans le cadre d’un plan d’épargne en actions (PEA), dont le régime fiscal est particulièrement attractif. Il convient toutefois de noter qu’un nombre important de contentieux porte sur l’utilisation des PEA dans le cadre du débouclage de management package. Par conséquent, un élément complémentaire de prudence peut consister à ce que les BSA et les actions acquises par exercice des BSA ne soient pas inscrites puis cédées dans le cadre d’un PEA. 4.2.3.3 Les actions de préférence Les actions de préférence, instituées par l’ordonnance du 24 juin 2004, avec ou sans droits de vote, peuvent être assorties de droits particuliers (pécuniaires ou non) déterminés lors de leur émission. A l’origine, ce mécanisme avait pour objectif de remplacer la multitude de titres de capital assortis de droits particuliers et d’apporter un élément de simplification et de flexibilité. Elles constituent un outil de gestion des relations entre les dirigeants et les investisseurs financiers dans la mesure où elles permettent d’attacher à leurs titres des droits et des pouvoirs spécifiques et notamment un droit d’information privilégié, un droit de consultation préalable voire un droit de veto pour la prise de certaines décisions significatives. En complément, les actions de préférence sans droit de vote facilitent les possibilités de transmission de richesses sans transfert immédiat de pouvoir, élément important pour la gestion des relations entre les intervenants au LBO. Dans cet esprit, il peut être envisagé de prévoir que si certains critères de performance sont atteints, les actions de préférence permettront à leurs titulaires d’appréhender une quote-part fixée à l’origine du prix de cession de 100% de la société. Toutefois, la complexité et la lourdeur de la procédure d’émission (leur création donnant lieu notamment à la mise en œuvre de la procédure dite de contrôle des avantages particuliers dans l’hypothèse où elles sont émises au profit d’un ou plusieurs actionnaires nommément désignés) et de la gestion dans le temps de ces titres de capital n’ont en réalité par permis d’instaurer la flexibilité prévue à l’origine, faisant de ces titres un mécanisme en réalité assez peu utilisé dans les opérations de LBO, sauf lorsque la complexité des montages et l’inadaptation des autres outils, font de ses actions la seule solution pratique envisageable. 33 4.3 Eléments de précaution E n dehors des attributions gratuites d’actions ou des stock-options, dont le régime est très encadré et par conséquent très sécurisé, la mise en place d’un management package requiert certaines précautions. 4.3.1 Des mécanismes devant impliquer un risque d’investisseur P our ne pas apparaître comme un mécanisme d’intéressement, assimilable à un bonus, venant rémunérer une activité professionnelle, il est impératif que les management packages (sauf lorsqu’il s’agit d’attribution gratuite d’actions ou de stock-options) satisfassent les deux conditions cumulatives suivantes : ■ d’une part, ils doivent être mis en place au profit de dirigeants qui par ailleurs sont également actionnaires de la holding dès l’origine ; ■ d’autre part, ils doivent comporter un véritable aléa et constituer un risque financier pour la personne concernée. Ces deux éléments combinés constituent en effet la clé de voûte des management packages. Les sommes perçues par les dirigeants de LBO au titre de leur package doivent constituer la contrepartie d’un risque d’investisseur. En conséquence, les outils, supports du management package, doivent être payés par leur bénéficiaire à leur juste prix (voir § 4.4 ci-dessous relatif aux évolutions récentes) et représenter pour le bénéficiaire un investissement non négligeable au regard notamment de ses capacités financières. C’est le risque de perdre une somme non négligeable en cas de non-réalisation des objectifs de TRI qui justifie en contrepartie l’appréhension par les managers de sommes significatives en cas de réussite du LBO. 4.3.2 Des mécanismes devant être anticipatifs Une autre dimension d’importance, pourtant souvent négligée, consiste à prévoir les modalités d’adaptation et d’ajustement des management packages mis en place à l’origine de l’opération aux évènements susceptibles d’intervenir en cours du LBO. Les conditions dans lesquelles tout ou partie du package est perdu en cas de départ du groupe du bénéficiaire concerné, variables selon la date et la nature du départ (vesting), sont bien entendu toujours prévues mais, la plu- 34 part du temps, rien n’est dit sur ce qu’il advient en cas d’entrée de nouveaux managers et/ou d’opérations de croissance externe nécessitant un investissement en fonds propres complémentaire. Dans de telles circonstances se posent en général les questions suivantes : ■ la part des managers d’origine doit-elle ou non être réduite pour permettre l’entrée de nouveaux managers ? Et dans l’affirmative, dans quelles proportions ? ■ comment compenser ou au moins atténuer l’effet dilutif d’un investissement complémentaire en fonds propres auquel un dirigeant n’a pas les moyens de participer pari passu avec les fonds d’investissements ou les autres dirigeants ? ■ comment retraiter, le cas échéant, l’incidence négative sur le TRI (critère de déclenchement des packages) de nouveaux investissements en fonds propres ? Il est très difficile de prévoir dès l’origine, de façon précise et détaillée, l’ensemble des situations particulières susceptibles de survenir et des règles applicables dans chaque circonstance. Toutefois, il est impératif d’arrêter a minima certains grands principes auxquels les parties pourront se référer le moment venu. 4.4 Principales évolutions récentes 4.4.1 Une évaluation des packages L ’évolution la plus notable réside dans le recours, de plus en plus fréquent, à des cabinets spécialisés dans l’évaluation des outils mis en place au profit des dirigeants dans le cadre du management package. Cette tendance résulte du développement des contrôles et de l’existence de certains redressements de l’administration sur les gains significatifs réalisés par des dirigeants de société sous LBO lors de la cession de leur participation. Comme indiqué plus haut, l’un des critères déterminant, permettant de limiter le risque fiscal est l’existence d’un véritable aléa. En conséquence, en cas de contrôle, disposer d’une évaluation d’un tiers expert se prononçant sur le fait que les outils de ratchet ont été payés par le dirigeant à leur vrai prix, déterminé sur la base des modèles classiques de valorisation d’options adaptés aux spécificités des LBO, peut constituer un argument fort. Il convient toutefois de relever que cette pratique a ses limites. D’une part elle renchérit, parfois de façon non négligeable, le coût d’une opération (honoraires de l’expert). D’autre part, certaines valorisations très élevées d’un management package aboutissent à ce qu’en réalité il soit plus intéressant pour le dirigeant, compte tenu de l’effet de levier espéré, d’investir directement en capital les sommes initialement destinées à être investies dans des outils de ratchet. ment dans la limite de 2/3 (limite habituelle mise en place aux fins d’assurer la liquidité d’une partie de l’actif). Il convient toutefois de noter que la mise en place, par l’investisseur financier par exemple, d’un mécanisme de liquidité sur les titres détenus par le FCPE permet de s’affranchir de cette limite du 1/3 liquide. Toutefois, malgré ces assouplissements, un certain nombre de difficultés demeure : ■ les dispositions du pacte d’actionnaires auquel le FCPE est partie doivent être compatibles avec les contraintes imposées aux fonds (notamment leurs contraintes de liquidité) ; ■ le nouveau FCPE dit de «reprise» vise très spécifiquement les cas de reprise de l’entreprise par les salariés (RES). Ainsi, ce dispositif doit être adossé à un plan d’épargne entreprise, établi non pas unilatéralement mais en vertu d’un accord négocié avec les salariés et qui doit notamment définir le contrôle final de la société, c’est-àdire les conditions dans lesquelles l’entreprise qui les emploie sera contrôlée (le but étant évidemment une implication significative des salariés dans la gestion de leur société). En outre, la mise en place de ce type de FCPE est subordonnée à l’implication dans l’opération de rachat d’au moins 15 salariés, ou au moins 30 % des salariés si les effectifs de l’entreprise n’excèdent pas 50 salariés ; ■ la constitution et la gestion d’un FCPE, classique ou de reprise, génère des surcoûts (honoraires des commissaires aux comptes, des experts et de la société de gestion) et des contraintes administratives non négligeables, liées notamment à l’agrément du règlement par l’AMF ; ■ rappelons enfin qu’outre la possibilité d’un abondement, il existe un régime fiscal très attractif pour inciter les salariés à investir dans leur société. En effet, la plus-value qu’ils réalisent bénéficie, à l’exception de certaines contributions mineures, d’une exonération sociale et fiscale. Cet avantage est toutefois soumis à l’obligation pour les salariés, sauf exceptions, de conserver les titres au moins cinq ans alors qu’un nombre important de LBO se dénouent dans un délai plus court. Que ce soit par vertu ou par obligation, force est de constater une tendance lourde à la diffusion des management packages au sein des entreprises sous LBO. Toutefois, il convient de conserver à l’esprit que, face à une population désormais moins uniforme, les montages doivent être adaptés sinon à la situation de chacun au moins à chaque catégorie de bénéficiaires. En effet, le niveau de risque (et donc l’espérance de gain) doit être fonction du degré d’implication du bénéficiaire dans le développement, le management et la stratégie du groupe et prendre en compte les capacités financières de chacun. Ainsi, les investisseurs, avec l’équipe dirigeante, distinguent de plus 4.4.2 Vers un package pour tous les salariés ? Le marché du LBO est depuis quelques années un marché mature, dont la structure, les exigences, les outils et les plus-values qui peuvent en résulter sont désormais largement diffusés et connus au-delà du microcosme du capital investissement. Cette acculturation du monde de l’entreprise aux spécificités et opportunités des opérations de LBO génère une double conséquence. Du côté des collaborateurs des sociétés cibles, elle augmente de façon significative leurs demandes d’être associés à l’opération. Du côté des investisseurs, elle permet d’étendre le cercle des partenaires en capital à une population plus large et mieux informée des «règles du jeu» de ce type de montage. Cette généralisation des packages au sein des entreprises résulte également pour partie du succès de plusieurs opérations de LBO réalisées sur des groupes de taille très significative au sein desquelles la culture de l’actionnariat salarié, par le biais de plans d’épargne groupe, était déjà très présente. Conscient de cette tendance et soucieux de la nécessité de créer des outils adaptés pour faciliter le développement d’un véritable actionnariat salarié au sein des groupes sous LBO, le législateur est récemment intervenu pour assouplir les règles régissant le fonctionnement des FCPE, véritables mécanismes de participation des salariés permettant d’appréhender les intérêts de tous les salariés au travers d’un support unique. Les deux principales avancées instituées par la loi du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié consistent à : ■ permettre aux FCPE – investis en titres non cotés – d’être partie à un pacte d’actionnaires. Les titres de la holding détenus via un FCPE peuvent donc, à l’instar des titres détenus par les autres investisseurs, être soumis aux restrictions habituelles existantes dans les LBO, telles que les clauses d’inaliénabilité, de préemption ou de sortie. Cette nouvelle modalité constitue une réelle avancée et une adaptation significative du mécanisme aux contraintes des opérations de LBO ; ■ créer un nouveau type de FCPE dit «de reprise», dont l’actif peut être investi jusqu’à 95 % en titres non cotées (donc en actions d’une holding de LBO) et non plus seule- 35 en plus souvent, au sein du groupe, un cercle 2 voire un cercle 3, bénéficiant chacun de packages spécifiques basés sur des outils différents (voir à ce sujet § 4.2.2 ci-dessus). A cet égard, dans le contexte d’un marché très en croissance, dans lequel les perspectives de gain pouvaient sembler (à tort) assurées jusqu’à la récente crise des subprimes et aux tensions générées sur le marché du crédit, les équipes dirigeantes ont dû jouer un rôle modérateur dans les montants investis par les collaborateurs au capital de la société afin de leur faire prendre conscience de ce que de tels investissements comportent par définition une part de risque non négligeable, requérant ainsi de ne pas y investir la totalité de son patrimoine. inverse la logique habituelle des mécanismes d’intéressement, dans la mesure où la participation des managers ne s’accroît pas lors de la sortie, mais est au contraire ramenée à la participation devant effectivement leur revenir compte tenu du TRI effectivement réalisé. L’utilité de ce type de mécanisme au regard des enjeux fiscaux liés au management packages n’est pas certaine. Par ailleurs, elle pose deux difficultés pratiques, qui sont : la gestion des sorties intermédiaires, et la gestion de la surreprésentation des managers au capital en cours de vie du LBO, ce qui nécessite l’insertion dans le pacte de clauses spécifiques ou bien une plus grande complexité dans la structuration des valeurs mobilières émises par la holding. 4.4.3 Des managers prêteurs Conclusion Plusieurs années de croissance soutenue et de développement des opérations de LBO ont abouti à une grande maturité du marché et à un haut degré de professionnalisation de ses pratiques. Cette tendance est notamment très marquée s’agissant de la place des managers au stade des négociations. Ils sont désormais rompus à ce type d’opérations et à leurs mécanismes juridiques et financiers, chaque fois conseillés par des avocats spécialisés et régulièrement adossés à la compétence et l’expérience de cabinets conseil. Dans ce contexte, la tendance a été à un accroissement significatif des demandes des managers, notamment lors des LBO secondaires et tertiaires, et quelquefois à une surenchère des fonds d’investissements eux-mêmes, prêts à accorder des conditions de plus en plus favorables au management pour emporter un dossier. Dans ce contexte se sont développées des pratiques de marché «standards» souvent très en faveur des managers. Depuis quelques mois, force est de constater une forme d’«atterrissage», qui devrait être confirmée et accentuée par le ralentissement de l’activité économique et la contraction du marché du crédit. Des demandes trop nombreuses, parfois déconnectées de toutes mesures, ont eu pour conséquence un rééquilibrage des packages, preuve probablement d’un marché réellement mature, de retour à ses fondamentaux que constitue la recherche d’un alignement d’intérêts entre le capital et la compétence sans distorsion excessive au profit de l’un ou l’autre des acteurs. Compte tenu du développement des LBO secondaires permettant aux managers de faire du «cash out» lors de la première opération, et du développement des OBO (Owner Buy Out) dans lesquelles les managers ont une vraie capacité financière, certains managers ont les moyens, et n’hésitent plus à souscrire à une «mini-mezzanine» en obligations convertibles. Ce mécanisme leur permet de leur assurer un mécanisme d’acquisition d’une plus-value complémentaire par conversion d’un certain nombre d’obligations convertibles en fonction d’un TRI réalisé lors de la sortie et en cours de vie du LBO. Les intérêts payés sur les obligations peuvent constituer un complément de rémunération. A cet égard, il convient de noter que des apports de titres de la cible à la holding de rachat peuvent être rémunérés pour partie en obligations convertibles, permettant ainsi aux managers d’accroître le levier de son investissement. 4.4.4 Des managers surreprésentés au capital (mécanisme dit de «reverse ratchet») Dans certaines opérations, un autre mécanisme d’intéressement des managers peut être mis en place, qui consiste à ce que les managers détiennent dès l’origine une participation très élevée dans le capital de la holding (correspondant aux meilleures hypothèses de TRI), qui sera réduite par l’effet dilutif d’OC ou des BSA détenus par les investisseurs au niveau correspondant au TRI effectivement réalisé lors de la sortie. Ce schéma dit de «reverse ratchet» 36 5-Les pactes d’actionnaires L es relations entre managers et investisseurs, dont les destins sont intimement liés, sont régies principalement par le pacte d’actionnaires, et accessoirement par les statuts de la société. Le pacte régit leurs rapports dans trois grands domaines : l’organisation de la gestion, les mouvements sur le capital et les clauses de séparation. Au même titre que les grandes lignes du «management package», les principes fondateurs et les mécanismes opérationnels de ce partenariat doivent être définis très en amont de la réalisation effective du LBO. Dans le contexte d’une acquisition par LBO, le pacte d’actionnaires doit établir un équilibre entre : la nécessaire extension des droits d’actionnaires détenus par les actionnaires financiers au cours de la vie du LBO (1), l’obligation d’assurer l’organisation efficiente du contrôle du capital (2), et la valorisation du statut particulier des dirigeants à l’issue d’un LBO réussi (3). tement des conflits potentiels entre dirigeants et actionnaires financiers. De plus, certaines orientations ou engagements stratégiques doivent faire l’objet de décisions conjointes entre les financiers et les dirigeants. Il en est ainsi par exemple de la réalisation d’opérations significatives de croissance externe, opérations nécessaires et fondamentales dans le modèle de création de valeur des LBO dits «build-up», dans lesquels l’entreprise cible du LBO initial va chercher à racheter d’autres entreprises de son secteur, afin de devenir un des leaders d’un marché jusque-là plus atomisé. 5.1.2 La participation directe des actionnaires financiers à la gestion n’est pas une option La participation directe des actionnaires financiers à la gestion de l’entreprise cible d’un LBO serait en premier lieu contraire à l’esprit même du LBO, qui repose pour une bonne part sur la confiance accordée par les actionnaires financiers aux capacités de gestionnaires des dirigeants. De plus, la gestion n’est ni dans la culture, ni dans le métier des actionnaires financiers de LBO : en cela leurs objectifs et leurs méthodes sont quelque peu différents de ceux des «capital-risqueurs». Surtout, en droit français, la responsabilité encourue par les actionnaires qui s’immiscent dans la gestion des sociétés est particulièrement forte, et la jurisprudence des tribunaux français n’a pas cessé de se durcir depuis une quinzaine d’années, utilisant des critères de fait, dans une analyse au cas par cas. 5.1 Protection des actionnaires financiers : une liberté «encadrée» des dirigeants 5.1.1 Pour les actionnaires financiers, le statut classique de l’actionnaire est insuffisant 5.1.3 La tentative de création d’un statut d’actionnaire «impliqué», sans être «substitué» au management E n droit français, le statut de l’actionnaire est en grande partie celui d’un propriétaire et non celui d’un acteur impliqué dans la vie de la société dont il possède une part du capital. Les droits qui lui sont reconnus sont donc limités en conséquence. Son contrôle sur les décisions et les événements qui ponctuent la vie de la société s’exerce principalement a posteriori, lors de l’assemblée générale annuelle statuant sur les comptes sociaux. Les voies d’investigations de la gestion que lui ouvre le droit français sont principalement judiciaires (expertise de gestion, mandataire ad hoc…), ou drastiques comme l’utilisation du pouvoir de révocation ad nutum des mandataires sociaux. On comprend aisément que ces mécanismes sont insuffisants et inadaptés à la logique d’un LBO, qui requiert des modes à la fois plus précoces et plus consensuels de trai- (i) Clauses d’information privilégiée L’actionnaire financier cherche à être à la fois un guide pour l’équipe dirigeante, car il possède plus de recul qu’elle sur l’entreprise cible du LBO, et un garde-fou face aux tentations centrifuges qui constitueraient une menace pour la réussite du business plan. Pour ce faire, il est primordial qu’il dispose, dans des délais de production très courts, d’une information aussi fiable que possible sur l’entreprise. Les clauses d’information privilégiée des pactes de LBO prévoient donc, avec précision, les informations de nature comptable, financière, commerciale, parfois technique ou autre que les dirigeants doivent fournir chaque mois, trimestre et année écoulés aux actionnaires financiers. Des 37 indicateurs significatifs de la performance de l’entreprise seront sélectionnés en fonction de la nature de son activité. Les modalités de communication et de discussion de ce reporting seront définies dans le pacte. Il convient toutefois de ne pas entraver l’action des dirigeants par des obligations de reporting excessives. Il faut notamment tenir compte, en la matière, des exigences des banques qui assurent le financement de l’acquisition et des actionnaires financiers. L’expérience montre que la négociation de ces clauses du pacte est l’occasion d’échanges financiers approfondis sur l’efficacité et la pertinence des systèmes d’information existant au sein de l’entreprise cible et, le cas échéant, d’une véritable mise à niveau de ces derniers. Outre la transmission d’une information de qualité sur l’entreprise, le pacte doit organiser et cadencer des «points de rencontre» entre les dirigeants et les actionnaires financiers. A ce titre, le pacte pourra intégrer l’instauration d’un comité de suivi et d’un comité des rémunérations, véritables espaces de réflexion distincts des autres organes sociaux. Il faudra également tenir compte des desiderata des banques, faire participer les managers des filiales et intégrer, le cas échéant, des personnalités extérieures. (ii) Instauration d’un comité de suivi Le comité de suivi, dont les réunions sont moins formelles que celles d’un conseil d’administration ou d’un conseil de surveillance, aura pour objet de créer un lien régulier d’échange et de réflexion entre dirigeants et actionnaires financiers sur la réalisation du business plan et sur les orientations stratégiques qui s’offrent à l’entreprise. Peuvent y être débattus les budgets prévisionnels, les réorientations éventuelles de la politique commerciale de l’entreprise, ou les opportunités de croissance externe identifiées. Il ne doit pas s’agir d’un organe collégial décisionnaire (au risque pour les actionnaires financiers d’une gestion de fait), mais plutôt d’une forme de «brain trust» à l’anglo-saxonne. Pour ce qui concerne le calendrier de ces rencontres, il est naturel qu’elles prennent place de façon très régulière (mensuellement), juste après la réalisation de l’acquisition, pour s’espacer une fois que les parties au LBO ont pris des habitudes de communication. (iii) Instauration d’un comité des rémunérations L’existence d’un comité des rémunérations repose sur l’idée qu’au-delà du levier financier et du levier fiscal classiquement évoqués dans les LBO, il existe aussi un fort levier social : exercice «tendu» financièrement par construction, le LBO doit permettre d’insuffler une forte 38 motivation et de décupler l’esprit d’entreprise, pour atteindre les buts de création de valeur qu’il se fixe. Ce comité est donc en charge du suivi et de l’harmonisation des rémunérations des cadres et dirigeants et pourra être le lieu d’échanges sur les plans de carrière et les divers mécanismes d’intéressement le cas échéant en vigueur, pour toutes les catégories de personnel au sein de l’entreprise. (iv) Système des autorisations préalables Cette clause du pacte soumet à autorisation préalable du conseil d’administration ou de surveillance statuant à la majorité qualifiée (donc avec l’assentiment des actionnaires financiers) la mise en œuvre par les dirigeants de certaines décisions de gestion d’une particulière importance, ou qui seraient susceptibles de constituer des «cas de défaut» au sens des accords de financement du LBO. Fréquemment, le champ des décisions visées par ces clauses couvrira (i) les engagements dont l’impact financier potentiel est significatif (comme le fait par exemple de consentir des sûretés), (ii) les orientations stratégiques non consignées dans le business plan, (iii) les décisions structurelles affectant l’équilibre ou les accords du LBO. La tentation de soumettre en pratique toutes décisions importantes au contrôle préalable des actionnaires financiers est souvent forte lors de la rédaction des pactes d’actionnaires de LBO. Il convient d’être très prudent dans la rédaction de ces clauses, afin d’éviter l’écueil jurisprudentiel de la gestion de fait. La rédaction doit être précise et motivée, dégager les «facteurs discriminants» de l’entreprise cible et de son activité, et ne pas impliquer des actionnaires financiers trop prudents dans la gestion quotidienne de l’entreprise au détriment de l’expérience des dirigeants. Une évolution du régime de ces autorisations préalables peut être prévue au cours du temps afin de permettre aux actionnaires financiers d’alléger leur contrôle, notamment sur les filiales opérationnelles du groupe cible du LBO, une fois qu’un «rythme de croisière» s’est installé avec l’équipe dirigeante. Les quelques clauses évoquées ci-dessus ont donc pour objet d’instaurer les bases d’une relation suivie, cadencée mais fluide, entre les actionnaires financiers et les dirigeants dans le contexte particulier d’un LBO, tout en respectant les règles prudentielles posées par le droit des sociétés français en matière de gouvernement d’entreprise. Toutes ces clauses peuvent paraître comme étant «standard» et donc presque superfétatoires, mais l’expérience montre qu’elles ne doivent pas être négligées. Leur existence et leur mise en œuvre dans les pactes ont aussi pour but de désamorcer en amont tout conflit ou blocage potentiel entre actionnariat et management. Il convient néanmoins de rédiger ces clauses avec précaution. Ainsi, la procédure d’exclusion doit-elle être prévue notamment au regard du droit d’être entendu de l’actionnaire exclu. De même, les modalités d’indemnisation doivent être prévues dès l’origine. On soulignera l’avantage de la SAS, dont le régime assure une grande liberté pour l’instauration de ces clauses. (v) Les clauses de majorité renforcée Ce type de clause permet de soumettre les décisions d’une importance particulière ou touchant à la structure du LBO à l’autorisation préalable des organes décisionnels statuant à une majorité renforcée. Cette procédure doit rester exceptionnelle afin d’éviter les effets pervers d’un renforcement trop important tendant à bloquer toute décision. 5.2.3 Restrictions aux transferts de valeurs mobilières Dans un LBO, l’étendue des restrictions posées aux transferts de valeurs mobilières diffère selon (i) la nature des transferts envisagés (sortie au profit d’un tiers acquéreur, reclassement de titres entre dirigeants, dévolution successorale…), (ii) la qualité de l’actionnaire concerné (actionnaire financier, dirigeant…), (iii) la structure de l’opération (plusieurs actionnaires financiers, existence d’un financement mezzanine, poids relatif des dirigeants dans le capital…), et (iv) la période de la cession envisagée. (vi) Le droit de veto L’instauration d’un tel droit au sein du pacte d’actionnaires ou attaché aux actions de préférence va donner la possibilité aux actionnaires financiers de s’opposer et de sanctionner toute gestion non conforme à la lettre ou aux objectifs du business plan et aux choix stratégiques des managers qui représenteraient un danger pour la société cible. (i) Transferts interdits : clauses d’inaliénabilité Souvent appliquées pour les deux ou trois premières années suivant l’acquisition, ces clauses interdisent en pratique tout mouvement sur le capital détenu par l’intégralité, ou seulement certaines catégories d’actionnaires, et visent en particulier les dirigeants dont on veut assurer la fidélité au projet de LBO. Ces clauses peuvent aider à maintenir la cohésion d’une pluralité d’actionnaires financiers. Pour être juridiquement valables, ces clauses doivent prévoir une limite d’applicabilité dans le temps. 5.2 L’organisation du contrôle du capital 5.2.1 Clauses de confidentialité et de nonconcurrence L a réussite d’une opération de LBO va également dépendre de la maîtrise des comportements des dirigeants dont on veut s’assurer la fidélité dans l’opération entreprise. L’insertion de clauses de confidentialité et de clauses de non-concurrence dans le pacte (les rédacteurs pouvant donner effet à ces dernières à la vente ou au départ du dirigeant concerné) va permettre aux actionnaires financiers de se prémunir contre d’éventuels comportements opportunistes des dirigeants et ce, non seulement pendant la durée de l’opération de LBO, mais également, pour une durée déterminée, après l’opération de LBO. (ii) Transferts encadrés : clauses d’agrément et de préemption L’ordonnance du 24 juin 2004 a retouché le régime juridique des clauses d’agrément statutaires dans les sociétés anonymes non cotées, en validant la possibilité de soumettre toute cession d’actions (même entre actionnaires) à l’agrément préalable de la société. Dès lors, de telles clauses pourront être insérées dans les statuts de la société (et non plus seulement dans les pactes d’actionnaires) dont la force contraignante est plus forte que celle des pactes d’actionnaires (nullité de la cession conclue en violation des dispositions statutaires mais réparation en dommages et intérêts pour des cessions conclues en violation des dispositions d’un pacte statutaire) favorisant ainsi la réalisation des opérations de LBO. En effet, ces clauses ont pour objectif de maintenir la cohésion du capital social (maintien de l’intuitu personae initial) et donc l’équilibre fondateur du LBO. Dans la plupart des cas, les dirigeants minoritaires y seront soumis sans 5.2.2 Clauses d’exclusion L’insertion dans le pacte d’actionnaires de clauses d’exclusion va permettre aux actionnaires financiers d’obliger la sortie d’un actionnaire par suite de l’arrivée de certains événements jugés déterminants pour la cohésion du projet «managerial» Ainsi la qualité d’actionnaire des dirigeants pourra dépendre du maintien de leur contrat de travail ou mandat social au sein de la société. 39 en être pleinement bénéficiaires. Les actionnaires financiers veulent en effet pouvoir organiser le plus librement possible leurs options de sortie du LBO. La clause d’agrément a classiquement pour objectif d’empêcher l’entrée de tiers indésirables dans le capital de la société, et permet donc aux actionnaires financiers de maîtriser complètement les transferts envisagés par les dirigeants. Lorsque l’agrément est refusé, les actionnaires financiers pourront à leur choix racheter les actions offertes à la vente, ou bien les faire racheter par un tiers qu’ils agréent, ou encore les faire racheter par la société en vue de leur annulation (avec effet relutif) ou d’un portage temporaire. Il est possible également de prévoir un droit de repentir qui confère à l’actionnaire cédant la possibilité de renoncer à son projet de transfert en cas de refus d’agrément. Toutefois, l’inconvénient de l’agrément réside dans le fait qu’il s’agit d’un droit collectif, exercé par l’ensemble des associés. Or, dans la plupart des LBO, il n’est envisageable de consentir un tel droit ni aux dirigeants à l’égard des transferts opérés par les actionnaires financiers ni, en cas de pluralité d’actionnaires financiers, à l’un d’entre eux, à l’égard des transferts envisagés par les autres. Dans ces situations, il convient de privilégier le droit de préemption, qui a pour fonction essentielle d’assurer au préempteur la possibilité d’augmenter sa participation au capital de la société, si un actionnaire souhaite en sortir. Le droit de préemption est un droit qui peut être exercé seul, donc convenir au souci d’indépendance des actionnaires financiers. Cependant, il s’agit d’un droit «couperet», la notification de transfert envoyée par l’actionnaire sortant étant assimilée à une offre ferme de vente des titres concernés par le transfert. De plus, à défaut de préemption, le transfert des titres est totalement libre. Compte tenu des contraintes imposées par les clauses d’agrément et de préemption traditionnelles, la pratique des pactes liés aux opérations de LBO a développé des clauses spécifiques, intégrant au plus près les spécificités de la situation des actionnaires financiers, et combinant les principes de base de l’agrément et de la préemption tout en évitant les pièges du cumul de ces deux mécanismes de nature très différente. En particulier, lorsque les actionnaires financiers souhaitent dénouer une opération de LBO, il leur est nécessaire de purger le droit de préemption qui aura été consenti aux dirigeants, notamment afin de pouvoir conférer un mandat de vente à une banque d’affaires. Le pacte peut alors prévoir un droit de premier refus aux dirigeants, sur la base d’une valeur d’entreprise déterminée par les actionnaires financiers. En cas de non-exercice de ce droit, le droit de préemption des dirigeants est réputé purgé. 40 5.2.4 Clauses de sortie (i) Obligation de sortie conjointe ou «drag along» Soucieux de ne pas entraver la sortie du LBO, les actionnaires financiers prennent généralement soin de faire promettre aux dirigeants actionnaires, parmi les dispositions du pacte, de vendre la totalité de leur participation au capital de la société, aux mêmes conditions que celles offertes à l’actionnaire financier, en cas d’offre par un tiers sur 100 % du capital de la société (ce sont les clauses dites de «sortie forcée» ou d’«obligation de sortie conjointe» des dirigeants). Dans le cadre du mécanisme d’obligation de sortie conjointe, les dirigeants ne peuvent contester le prix de sortie négocié par les actionnaires financiers avec le tiers acquéreur, et pourront, le cas échéant, être amenés à accepter : (i) d’être tenus à hauteur de leur participation au titre de la garantie de passif, et (ii) d’être payés en actions de l’acquéreur pour tout ou partie du prix, et non exclusivement en numéraire le cas échéant. (ii) Droit de sortie conjointe ou «tag along» En contrepartie, les dirigeants demandent un droit «miroir» de l’obligation de sortie conjointe, par lequel ils pourront obliger le tiers acquéreur à acquérir la totalité de leur participation au capital de la société, aux mêmes conditions que celles offertes aux actionnaires financiers («droit de sortie conjointe»). Ce droit peut également être proportionnel, c’est-à-dire qu’il s’exercera pour les dirigeants à concurrence du pourcentage de leur participation cédé par les actionnaires financiers, de manière que tous puissent bénéficier équitablement de toute opportunité de liquidité. (iii) Clauses de première offre en cas de cession d’actifs ou «first refusal» De même, en cas de projet de cession d’actifs significatifs ou de filiales de la société cible, il convient de tenir compte de la disparité des stratégies et des moyens financiers qui peut exister entre les différents actionnaires. Les actionnaires financiers pourront notamment organiser entre eux un droit de première offre sur ces cessions, et confier aux organes sociaux le soin de les départager pour identifier le «mieux-disant», qui se verra proposer d’acquérir l’actif concerné par préférence à un tiers. Ces clauses sont à manier avec précaution, s’agissant de conventions dites «réglementées» d’une part, et susceptibles, d’autre part, de lancer les actionnaires dans une surenchère nuisible à leur cohésion. Il convient en pratique de fixer les délais de la première offre de façon suffisamment serrée pour que la cession au tiers acquéreur pressenti puisse se faire en un délai rai- sonnable, dans le cas où les actionnaires n’auraient pu s’accorder sur l’exercice de leur droit de première offre. la valorisation minimale de la société qui sera cotée, et au-dessous de laquelle les actionnaires ne procéderont pas à l’introduction ; ■ le pourcentage du capital qui sera introduit et la répartition entre actionnaires de cette possibilité de liquidité ; ■ l’acquisition et la répartition des clauses de «lock-up» imposées par les autorités boursières ; ■ la participation aux futurs organes sociaux de l’entreprise cotée ; ■ le périmètre des clauses de préemption qui pourraient être maintenues après l’introduction ; ■ le dénouement des clauses d’intéressement et de coinvestissement des dirigeants et des salariés ; ■ l’organisation des travaux préalables à l’introduction ; ■ la prise en charge des coûts (élevés) de l’introduction. ■ 5.3 La sortie du LBO : un exercice délicat D ans le cadre de la sortie d’un LBO, les actionnaires financiers et les dirigeants peuvent ne pas avoir les mêmes intérêts. Pour l’actionnaire financier, l’objectif est généralement le désengagement total, assorti d’une plus-value de cession la plus importante possible. Pour les dirigeants, la situation varie fortement suivant le mécanisme de cession. 5.3.2 La cession industrielle de la société Dans une situation de marché «normal», cette cession est la plus «naturelle» puisqu’elle se fait au profit d’un acteur économique qui maîtrise le métier de l’entreprise et sait valoriser le chemin parcouru lors du LBO et, potentiellement, la plus rémunératrice puisqu’elle peut amener un «pricing» par le repreneur qui prend en compte non seulement la valeur intrinsèque de l’entreprise cédée, mais aussi la valeur d’opportunité, ou de synergie industrielle, que représente pour lui cette acquisition. Encore faut-il être certain que l’acquéreur industriel potentiel, souvent désireux d’obtenir le contrôle intégral de sa cible, pourra bien appréhender la totalité du capital détenu par les actionnaires financiers et les dirigeants. Dans ce cadre, les actionnaires financiers pourront, si nécessaire, faire jouer l’obligation de sortie conjointe imposée aux dirigeants ou aux «mezzaneurs» éventuels, tandis que les dirigeants seront, de leur côté, assurés de participer à la sortie, sur les mêmes bases économiques que les actionnaires financiers, grâce à leur droit de sortie conjointe intégral ou proportionnel. En réalité, la meilleure protection des dirigeants réside dans le fait que, le plus souvent, ils sont à l’origine même d’une sortie industrielle. Ce sont, en effet, eux qui connaissent leurs concurrents ou partenaires industriels susceptibles d’être intéressés par une acquisition. Malheureusement, cette solution ne peut souvent être mise en œuvre pour une question de prix ou pour une question de moyens dont ne disposent pas les candidats industriels éventuels. Au-delà de ces droits symétriques de sortie, les dirigeants peuvent chercher à «monétiser» leur risque, et à négocier avec les actionnaires financiers le reversement à leur profit d’une partie de la plus-value que ces derniers ont réalisé à l’occasion de la cession industrielle : il s’agit du mécanisme dit de la «rétrocession de TRI». 5.3.1 L’introduction de la société en bourse M ême si ce type de sortie n’est pas le plus commun, il faut que le pacte y fasse référence. L’expérience montre toutefois que peu de pactes prévoient tous les dispositifs entiers d’une sortie en bourse et qu’il faut donc, une fois l’introduction en bourse décidée, établir un nouvel accord entre les parties au pacte. L’une des raisons pour créer ce nouveau pacte est que les introductions en bourse portent généralement sur une part minoritaire du capital de la société cible, et n’offrent donc qu’une hypothèse de liquidité partielle aux actionnaires financiers. Il faut donc organiser leur sortie progressive afin qu’elle ne vienne pas perturber, de façon intempestive, le cours de bourse de la société. L’introduction d’une clause de liquidité dans le pacte va permettre aux actionnaires financiers et aux dirigeants d’organiser leurs relations dans l’optique d’une telle sortie, et aux actionnaires financiers d’organiser entre eux les conditions de leur liquidité individuelle. Cependant, si l’insertion d’une telle clause présente l’avantage de réaffirmer le principe de liquidité et de fédérer les dirigeants et les actionnaires financiers dans l’objectif principal de l’introduction en bourse, elle est un «couperet financier» qui ne fonctionne équitablement qu’entre actionnaires de taille et de capacité financière comparables. On notera la possibilité pour les rédacteurs de combiner cette clause avec un mandat à une banque d’affaires pour 100 % des titres, ou même d’améliorer la situation des dirigeants en cas de sortie en bourse. Les questions devant être tranchées soit dans le pacte initial, soit dans le nouveau pacte, nous paraissent être les suivantes : 41 5.3.3 Le LBO secondaire La cession du capital de la société cible du LBO à une nouvelle holding créée pour l’occasion, qui recourra à l’endettement pour financer une partie de cette acquisition dans le cadre d’un nouveau LBO, est une sortie de plus en plus fréquemment utilisée lorsque la société cible possède encore un fort potentiel de croissance. Il arrive même que les actionnaires financiers et les établissements bancaires qui ont participé au LBO primaire composent la majeure partie de ceux du LBO secondaire, tout simplement parce que la société cible a totalement remboursé le prêt «senior» issu de l’acquisition initiale, et qu’il convient donc, par le nouveau LBO, de réinitialiser le levier financier de l’opération. Les pactes anticipent de plus en plus fréquemment ce type de sortie et prévoient leur gestion de telle manière que les accords et équilibres initiaux atteints entre actionnaires financiers et dirigeants ne soient pas entièrement renégociés, même si le LBO secondaire est généralement l’occasion d’un accroissement de la part de capital dévolue aux dirigeants, et d’un intéressement plus large des cadres et salariés du groupe cible du LBO. Si, au contraire, le nouvel acquéreur est un autre investisseur financier que celui qui avait réalisé le LBO primaire, les dirigeants se trouvent dans une position privilégiée dans la négociation des contours de la nouvelle opération. En effet, ils détiennent le savoir sur l’entreprise, et ils représentent l’élément de continuité au sein même de celle-ci. La question de leur fidélité aux actionnaires financiers d’origine peut donc légitimement se poser, notamment pour ce qui concerne la rédaction et la mise en œuvre de la garantie de passif. Le tiers acquéreur demandera généralement aux actionnaires sortants, chacun en fonction du niveau de leur participation (ce qui peut inclure les dirigeants actionnaires), une garantie de passif (ou d’actif et de passif), de manière à se voir indemniser de tout préjudice qu’il pourrait découvrir ou subir postérieurement à l’acquisition, mais dont les causes seraient antérieures à celle-ci. La négociation réussie de ce type de contrat repose en grande partie sur la connaissance approfondie que chaque partie peut avoir de l’entreprise cédée, et des éventuels passifs ou «pièges» que ses comptes peuvent receler. Les dirigeants, qui ont naturellement la meilleure connaissance de l’entreprise, ont un rôle fondamental à jouer à ce stade, mais peuvent se trouver dans une situation de conflit d’intérêts, compte tenu du fait que le repreneur, dès la cession réalisée, peut être leur nouvel employeur ou actionnaire. La pratique montre que le fait pour les dirigeants d’avoir été significativement intéressés au capital de l’entreprise, et donc de se trouver ainsi dans le camp des garants lors de la négociation de la garantie de passif face au nouvel acquéreur, est une véritable source de confort pour les actionnaires financiers. Le pacte d’actionnaires initial qui lie les sortants peut même, dans ce cas, prévoir les conditions dans lesquelles : (i) le poids de l’obligation d’indemnisation au titre de la garantie de passif sera répartie entre eux, (ii) sera organisée leur défense commune vis-à-vis de l’acquéreur et vis-à-vis de la société, en cas de mise en jeu de la garantie. Le pacte d’actionnaires qui noue la relation entre les dirigeants et les actionnaires financiers au sein du LBO, est donc un contrat très différent des pactes mis en place dans les acquisitions classiques. D’une durée éphémère à l’échelle de la vie d’un groupe, il est le temps d’un LBO la pièce maîtresse de l’équilibre des droits, des devoirs et des pouvoirs respectifs des dirigeants et des actionnaires financiers. 6-La soumission des acquisitions par LBO au contrôle des concentrations en France D epuis l’entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques, le système français de contrôle des concentrations présente un caractère «automatique» qui fait peser certaines contraintes sur les opérations de capital-investissement. Une acquisition est soumise à l’obligation de notification et autorisation préalables par le ministre de l’Economie dès lors qu’elle atteint une certaine dimension exprimée en chiffre d’affaires, et ce indépendamment de l’analyse concurrentielle de cette opération. Ainsi, les investisseurs se voient contraints de notifier un nombre important d’opérations alors que celles-ci ne constituent souvent que leur premier investissement dans un secteur donné d’activité, et sont donc peu susceptibles de restreindre la concurrence. Les gestionnaires des fonds d’investissement s’étaient donc initialement interrogés sur la pertinence d’un tel contrôle. Ils avaient également manifesté des inquiétudes liées notamment aux délais induits par ce contrôle. La pratique décisionnelle a permis de lever ces inquiétudes. En effet, les services du ministère de l’Economie, en particulier la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, la consommation et la répression des fraudes), ont adapté leurs pratiques afin de prendre en compte les problématiques spécifiques aux fonds d’investissement et aux opérations de LBO. Il reste que les opérations de capital investissement sont pleinement soumises aux règles communes de contrôle des concentrations. le chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble de l’acquéreur et de la cible est supérieur à 150 millions d’euros ; ■ le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé en France par au moins deux des parties à l’opération (l’acquéreur et la cible, ou deux acquéreurs ou deux cibles) est supérieur à 50 millions d’euros ; étant entendu que les deux parties doivent réaliser chacune 50 millions d’euros ; ■ l’opération n’atteint pas les seuils de chiffre d’affaires du droit communautaire. Antérieurement fixé à 15 millions d’euros, le second seuil a été relevé à 50 millions d’euros en 2004, en vue de cibler le contrôle sur les opérations les plus significatives. En pratique, cette modification a permis d’écarter du contrôle un nombre significatif d’opérations de capital investissement, notamment des opérations de type «mid-cap». Ainsi, il convient de vérifier, à un stade préliminaire de la négociation, si l’opération envisagée atteint ces seuils. A cet égard, la DGCCRF a défini des règles spécifiques de calcul du chiffre d’affaires pour les fonds d’investissement : ■ lorsque l’acquisition est réalisée par un fonds d’investissement, il convient de prendre en compte toutes les participations gérées par la société de gestion de ce fonds, même celles détenues par le biais d’autres fonds ; ■ si une participation octroie à la société de gestion le contrôle exclusif de la société acquise, il faut comptabiliser la totalité du chiffre d’affaires de cette dernière. Si la société de gestion détient un contrôle conjoint, le chiffre d’affaires de la société acquise est imputé, à parts égales, à chacune des entreprises détenant le contrôle en commun, indépendamment de leur pourcentage de participation ; ■ si la société de gestion du fonds acquéreur est détenue par une autre société ou par un groupe, il faut prendre en compte le chiffre d’affaires de tout le groupe, ce qui a une incidence particulière pour les sociétés de gestion détenues par des groupes de banque ou d’assurances. En revanche, ne sont pas pris en compte les chiffres d’affaires des investisseurs ou porteurs de parts du fonds (sauf dans les cas très rares où ces investisseurs participent à la gestion du fonds, ou lorsque la société mère de la société de gestion détient la totalité des parts du fonds). ■ 6.1 Des règles spécifiques de calcul des seuils de chiffre d’affaires entraînant une notification Les règles de contrôle des concentrations seront applicables si les trois conditions suivantes sont réunies : 42 43 6.2 Toutes les acquisitions ne sont pas soumises au contrôle des concentrations S eules les opérations qui entraînent une prise de contrôle de la société cible sont considérées comme des concentrations et soumises aux règles de contrôle. Au sens du droit des concentrations, le contrôle existe lorsqu’un ou plusieurs acquéreurs ont la faculté de bloquer, individuellement, les décisions stratégiques de la société acquise. Ce contrôle peut être conjoint ou exclusif. Ainsi, une prise de participation minoritaire par un fonds d’investissement ne constitue une concentration que si le fonds se voit accorder des droits de veto sur les décisions stratégiques de la cible (telles que, par exemple, l’adoption du business plan et du budget ou la nomination ou la révocation des dirigeants). De même, ne constitue pas une concentration l’acquisition qui aboutit à une situation de «majorités fluctuantes». Un exemple en a été donné lors de l’acquisition de la société GIC par plusieurs investisseurs, par le biais d’une holding de reprise (Lettre du ministre du 20 août 2002 – Financière Argassi) : la DGCCRF a considéré qu’aucun des actionnaires de la holding de reprise n’était en mesure de bloquer, individuellement, les décisions stratégiques de cette dernière, et par conséquent de la cible. L’opération ne constituait donc pas une concentration et échappait aux règles de contrôle. 6.3 Des allégements de procédure sont possibles 6.3.1 Analyse concurrentielle U ne évaluation rapide des marchés concernés par l’acquisition projetée et des parts de marché des parties permet en général de déterminer, à un stade initial de la négociation, s’il existe des «marchés affectés» par cette opération. La DGCCRF considère qu’un marché est «affecté» (i) lorsque la part combinée des par- 44 ties sur ce marché excède 25%, ou (ii) lorsque l’une des parties à l’opération (acquéreur ou cible) détient une part de marché supérieure à 25% sur un marché, et qu’une autre des parties exerce une activité sur un marché en aval, en amont ou connexe à ce marché. Cette analyse des marchés a pour but d’apprécier si l’acquéreur est déjà présent sur le marché de la cible, ou sur les marchés en amont, en aval ou connexes de celui de la cible et si, par conséquent, l’opération entraînera des additions de parts de marché, ou des effets verticaux ou congloméraux entre différents marchés. L’approche de la DGCCRF en ce qui concerne la détermination du périmètre concurrentiel d’activités a évolué. Elle a d’abord pris en compte l’autonomie de la société de gestion du fonds d’investissement, particulièrement en matière d’investissement et désinvestissement, et analysé si les actionnaires de cette société de gestion étaient ou non en mesure d’exercer sur elle une influence déterminante. Ce faisant, la DGCCRF considérait que si la société de gestion était autonome, seules devaient être prises en compte les activités des sociétés détenues par les fonds gérés par cette société de gestion ; en revanche, si la société n’était pas autonome, l’examen portait sur les activités de tout le groupe auquel elle appartient. La DGCCRF adopte toutefois aujourd’hui une approche identique à celle qui prévaut pour le calcul des seuils de chiffre d’affaires. Le périmètre pris en compte pour l’analyse concurrentielle inclut donc non seulement l’ensemble des activités des sociétés détenues par les fonds gérés par la société de gestion mais également les activités du ou des groupes auxquels la société de gestion appartient. La question de l’autonomie de la société de gestion est désormais indifférente. ■ procédure accélérée : en principe, le ministre a un délai maximum de cinq semaines, à compter de la notification (complète) pour autoriser l’acquisition, ou alors pour saisir le Conseil de la concurrence s’il considère qu’il existe des risques pour la concurrence et qu’une analyse plus approfondie est nécessaire. Toutefois, concernant les opérations réalisées par les fonds d’investissement, l’autorisation peut être délivrée en trois semaines, dès lors qu’il n’y a pas de marché affecté par l’acquisition projetée ; ■ établissement d’un tronc commun de notification : à tout moment, il est possible de déposer auprès de la DGCCRF un tronc commun de notification, éventuellement sous forme électronique, présentant le fonds d’investissement acquéreur, sa société de gestion et les fonds gérés par elle et, le cas échéant, le groupe auquel elle appartient. Ainsi, pour chaque acquisition réalisée par ce fonds, il ne restera plus qu’à présenter la ou les sociétés acquises et les marchés concernés par l’opération, ce qui allège le délai de préparation matérielle de chaque dossier de notification. ment le cas de certaines opérations de «build-up» (acquisitions réalisées par la cible) dans lesquelles l’addition de parts de marché est importante. Dans ces cas, il est toutefois possible d’obtenir une autorisation dans le délai initial de cinq semaines, si les parties sont en mesure de proposer à la DGCCRF des remèdes appropriés, permettant de combler les restrictions de concurrence résultant de l’opération. Les remèdes peuvent consister par exemple, en la cession d’une ligne de production, ou l’octroi d’une licence de droits de propriété intellectuelle. Dans ces cas, il est essentiel d’identifier les éventuels problèmes de concurrence soulevés par l’opération le plus en amont possible, afin de pouvoir traiter rapidement ces problèmes avec la DGCCRF. Eventuellement, l’opération peut faire l’objet d’une prénotification, qui permet de traiter les difficultés avant même la conclusion d’un accord irrévocable entre les parties. Il sera alors possible d’obtenir une décision dans les meilleurs délais à compter du dépôt de la notification formelle. Il en résulte que, si un investissement est réalisé dans la perspective d’un «build-up» postérieur, il est important d’identifier les éventuels problèmes de concurrence dès la première acquisition. De même, si l’investissement est réalisé sur un marché déjà très concentré, et qu’il est prévu de réaliser une cession ultérieure à l’un des opérateurs présents sur ce marché, il convient, dès l’acquisition, de déterminer si cette sortie pourrait poser des problèmes de concurrence. 6.4 Anticiper les problèmes de concurrence Certaines opérations de capital-investissement soulèvent de réels problèmes de concurrence. C’est notam- 6.3.2 Instruction du dossier de notification Depuis la fin de l’année 2004, il n’est plus nécessaire d’attendre la signature d’un accord irrévocable entre les parties pour notifier l’opération. Il est possible de le faire sur la base d’un projet «suffisamment abouti», notamment d’une lettre d’intention et/ou d’un projet de contrat de cession d’actions. Cette faculté ouverte à tous les types de concentrations peut être utilisée par les investisseurs pour leur permettre d’obtenir l’autorisation du ministre de l’Economie avant même la signature de l’accord irrévocable, pour autant que la publicité liée à la notification (publication sur le site internet de la DGCCRF ; envoi de questionnaires de marché) ne suscite pas de difficultés au stade de la négociation. Si cette faculté n’a pas été utilisée, il est possible de demander à la DGCCRF le bénéfice d’autres assouplissements de procédure : 45 7-Traitement du LBO en difficultés A u risque d’énoncer une évidence, on peut estimer que le LBO est «en difficultés» lorsque le cash vient à manquer. Plusieurs causes de cette insuffisance sont concevables et les situations sont multiples. Il peut s’agir des prévisions qui ont présidé au montage financier qui se révèlent à l’usage trop optimistes (insuffisance structurelle de cash flow). Une ou plusieurs filiales opérationnelles peuvent voir leur activité se trouver en situation délicate (insuffisance ponctuelle de cash flow). Les difficultés peuvent survenir au cours de la «vie» du LBO ou au moment du remboursement in fine de la dette d’acquisition. Autant de situations très différentes qui appellent des solutions variées. Dans le cadre d’un LBO il convient d’abord de déterminer à quel niveau se situent les difficultés : s’agit-il uniquement de reconsolider la dette de la holding, ou plutôt de mener une restructuration financière, voire économique, sociale ou industrielle de la (ou des) cible(s) ? Parfois, il faudra mener les deux de front. Dans tous les cas, il conviendra de déterminer le mode de traitement adapté aux difficultés des filiales opérationnelles et celui adapté à la holding d’acquisition. La complexité particulière de ces dossiers, au-delà des divergences d’intérêts, consiste à veiller à l’articulation cohérente de ces modes de traitement entre eux afin d’éviter que l’un ne compromette l’autre Le droit du traitement des difficultés des entreprises a été profondément remanié par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, dite «loi de sauvegarde des entreprises», dont les dispositions sont pour l’essentiel entrées en vigueur le 1er janvier 2006. La philosophie de cette loi est essentiellement de favoriser la prévention des difficultés par un traitement le plus en amont possible de l’état de cessation des paiements. Pour ce qui est de la prévention, le législateur a ainsi consacré le mandat ad hoc, remanié les dispositions applicables à la conciliation et institué la nouvelle procédure dite de sauvegarde. Pour ce qui est du traitement judiciaire, il a également adapté les procédures de redressement et de liquidation judiciaire. Suivant l’état de gravité des difficultés rencontrées, on distingue classiquement les modes de traitement qui sont amiables de ceux qui sont judiciaires. Jusqu’en 2005, la frontière entre l’amiable (mandat ad hoc, conciliation) et le judiciaire (redressement judiciaire et liquidation judiciaire) était marquée par l’état de cessation des paiements de l’entreprise. La loi de 2005 a rompu avec ce critère puisque désormais : 46 ■ la voie amiable de la «conciliation» peut être utilisée par une entreprise alors même qu’elle est déjà en état de cessation des paiements, et ce depuis moins de 45 jours ; ■ le traitement judiciaire des difficultés est possible alors que l’entreprise n’est pas encore en état de cessation des paiements : c’est la procédure de sauvegarde. La palette des méthodes possibles pour traiter les difficultés est aujourd’hui plus large, et les éléments de souplesse introduits permettent de trouver des solutions variées et adaptées. Dans le cadre des groupes, et plus spécifiquement dans le cadre des LBO, les praticiens disposent donc de moyens efficaces pour mener à bien le retournement escompté. Ces moyens sont cependant souvent méconnus et il convient d’en rappeler les principes. Cette connaissance est d’autant plus importante que des contraintes spécifiques aux LBO ne sont cependant pas prises en compte et il convient d’être attentif à certaines sources de problèmes qu’il faut identifier. 7.1 Les contraintes spécifiques aux opérations de LBO S chématiquement, le retournement du LBO nécessite le plus souvent concomitamment de : renégocier la dette LBO, rechercher de nouveaux partenaires et traiter les difficultés des filiales opérationnelles. Il est impératif que le traitement des difficultés de ces dernières s’opère dans un cadre cohérent avec celui de la renégociation de la dette LBO. Ceci s’inscrit dans des contraintes spécifiques. L’anticipation des difficultés est essentielle pour en analyser rapidement les causes, envisager au plus vite leur impact sur les remontées de cash, élaborer un plan de retournement qui prenne en compte les impératifs à la fois de la dette de LBO et de l’activité des filiales. Seule cette anticipation permet de conserver la maîtrise et le choix des armes. A défaut, seules les procédures judiciaires contraignantes s’imposent et le nécessaire arbitrage entre les différents modes de traitement des difficultés ne pourra plus s’opérer. Cette anticipation passe également par une évaluation précise des risques, notamment en termes de contagion des incidences des modes de traitement rete- nus pour la société opérationnelle à l’égard de la holding. Mener à bien le retournement nécessite d’instaurer un dialogue de qualité entre les différents intervenants. C’est là une des complexités des LBO. Un manager confronté aux difficultés de son entreprise se trouve contraint de devoir, dans le même temps, négocier avec ses actionnaires, ses banquiers, ses fournisseurs, ses sous-traitants, les créanciers publics sociaux et fiscaux, et éventuellement ses salariés. Dans le cadre d’un LBO, les intervenants sont encore plus nombreux. A ceux listés ci-dessus s’ajoutent les banquiers seniors de la holding de reprise, les mezzaneurs et autres financiers. Certains de ces créanciers ne sont même pas nécessairement connus du débiteur lorsque la banque senior a syndiqué ses créances sur le marché de la dette (mouvement qui devrait s’accentuer avec les contraintes imposées par Bâle II). A l’inverse, ces créanciers ne connaissent pas nécessairement l’entreprise et n’ont, contrairement à la banque, aucun lien commercial avec l’entreprise. En outre, l’identité de ces créanciers peut constamment changer, les cessions pouvant continuer à intervenir pendant les discussions. De nouveaux intervenants peuvent également apparaître quand il est question de faire entrer de nouveaux investisseurs comme les fonds spécialisés dans le retournement. Enfin, les intérêts de ces différents intervenants sont divergents. La discussion dans un contexte de difficultés entraîne le plus souvent une certaine crispation des positions des uns et des autres, chacun privilégiant son intérêt propre. Classiquement, les banques envisagent difficilement de consentir de nouveaux crédits sans effort supplémentaire des actionnaires. Ces derniers sont réticents faute de visibilité. Le manager peut, quant à lui, être tenté de déposer rapidement son bilan pour pouvoir imposer des délais dans la discussion et pour préserver sa propre responsabilité. Les créanciers de la société opérationnelle ont également des intérêts divergents de ceux de la holding. Pourtant le retournement d’un LBO passe nécessairement par un équilibre de tous ces différents intérêts. Cet équilibre nécessite de ne pas se focaliser totalement sur la dette de LBO pour laisser respirer les filiales opérationnelles afin qu’elles continuent à créer de la valeur, et également de veiller à ne pas surajouter de l’endettement qui pourrait menacer tout remboursement. Instaurer un dialogue de qualité et en amont des difficultés nécessite une information financière particulièrement fiable et transparente. De la fiabilité de cette information, tant pour l’existant que pour les prévisionnels, dépendra la possibilité de prendre des décisions éclairées mais aussi le sentiment de sécurité qu’il convient impérativement de donner aux intervenants pour qu’ils consentent à négocier. Dernière contrainte et non des moindres : la rapidité. Tout en devant intervenir sur tous ces fronts dans le même temps, les intervenants doivent veiller à ce que l’existence des difficultés et leur traitement demeure confidentiel (ce qui n’est jamais possible très longtemps). L’excellente connaissance des différents modes de traitement, de leurs contraintes spécifiques, de leur portée variée est nécessaire pour pouvoir adopter au plus vite la stratégie efficace et cohérente. La rapidité exige également que les intervenants, qu’il s’agisse des conseils avocats et hommes du chiffre, ou encore de l’administrateur judiciaire (éventuellement désigné en qualité de mandataire ad hoc ou de conciliateur) travaillent en étroite collaboration selon des standards partagés et éprouvés. De l’efficacité de cette collaboration dépend également la nécessaire confiance qui doit présider dans les rapports entre les intervenants. L’administrateur doit avoir la confiance du tribunal, les conseils doivent avoir la confiance du manager et des actionnaires mais également de l’administrateur. La qualité des documents financiers à produire, la transparence des négociations à mener sont également des éléments indispensables à la confiance des différents créanciers et donc à la rapidité de leurs réactions. C’est cet équilibre délicat à trouver entre ces différents paramètres qui conditionne largement le succès du retournement du LBO. L’ensemble de ces contraintes étant posé, il convient ensuite de déterminer le mode de traitement des difficultés adapté. Il faut d’abord déterminer à quel niveau se situent les difficultés. Il peut s’agir uniquement de reconsolider la dette de la holding, modifier le rythme de remboursement de la dette d’acquisition, aménager les covenants, modifier les garanties. Dans cette hypothèse, un simple mandat ad hoc pourra suffire. Eventuellement, il sera transformé en conciliation afin d’obtenir une homologation. Il peut s’agir également de restructurer en profondeur la (ou les) cible(s). Cette restructuration peut être de nature économique, sociale ou industrielle. Il peut être nécessaire alors d’envisager la fermeture ou la cession d’une branche d’activité, un plan de licenciement, une délocalisation, etc. Le mode de traitement pourra alors être celui de la sauvegarde si les difficultés ont été suffisamment anticipées, voire éventuellement un redressement judiciaire. Dans cette hypothèse cependant, il conviendra de ne pas rester inactif quant au traitement de la dette d’acquisition dont le remboursement risque d’être affecté. C’est alors que va se poser le problème délicat de l’articulation nécessaire entre le mode de traitement adapté aux difficultés de la cible et celui adapté aux difficultés de la holding tête de groupe. Les situations peuvent ici être très variées et le choix des modes de traitement est déterminant. 47 traitement des difficultés efficace et surtout qui demeure totalement maîtrisé par le chef d’entreprise, notamment quant à son périmètre. Ainsi, par exemple, s’il ne s’agit que de renégocier les conditions de la dette d’acquisition sans perturber les conditions de fonctionnement de la société opérationnelle. La conciliation fait l’objet de règles plus précises et peut présenter des avantages particuliers, notamment quant aux effets d’une homologation de l’accord. 7.2 Les critères de choix entre des solutions variées L es différentes solutions concevables doivent être combinées et graduées en fonction du niveau de contrainte que l’entreprise subit mais également qu’elle recherche à imposer à ses créanciers. 7.2.1 Mandat ad hoc et conciliation 7.2.1.1 L’assistance d’un professionnel Dans le cadre d’un LBO, compte tenu des contraintes précitées, il est difficilement concevable que le dirigeant et les actionnaires mènent seuls la restructuration. Cette démarche est aléatoire et présente peu de sécurité juridique. Ils peuvent solliciter, dans un cadre totalement amiable, l’assistance du président du tribunal pour qu’il désigne un professionnel spécialisé dans le traitement des difficultés, et ce pour les aider à parvenir à un accord de restructuration. Si l’entreprise n’est pas dans une situation trop délicate, cette intervention du président du tribunal peut se faire discrètement et de manière adaptée. Deux pratiques sont ici concevables : la demande de désignation d’un mandataire ad hoc ou celle d’un conciliateur. La pratique démontre que mandat ad hoc et conciliation sont en réalité complémentaires. Souvent, les négociations débuteront avec un mandataire ad hoc qui, lorsque les négociations seront sur le point d’aboutir, transformera la mission en conciliation afin de pouvoir bénéficier des avantages conférés par l’homologation de l’accord. Le mandat ad hoc ne fait pas l’objet d’un encadrement législatif. Son utilisation demeure confidentielle. C’est un mode de résolution des difficultés particulièrement adapté dans la mesure où la mission du mandataire tout comme la durée de sa mission sont déterminées au cas par cas et résultent d’une discussion entre le manager et le président du tribunal. Le mandataire ad hoc, comme le conciliateur, peuvent être choisis sur suggestion du débiteur. Le mandataire ad hoc, comme le conciliateur, ne se substituent pas au dirigeant et n’ont pas le pouvoir de s’immiscer dans la gestion de l’entreprise. Ils n’ont aucun pouvoir de contrainte à l’égard des partenaires de l’entreprise ; c’est une procédure amiable. Ils n’ont qu’un rôle de médiateurs amenant les intervenants à consentir des efforts réciproques dans l’intérêt de la poursuite de l’activité de l’entreprise. Les avantages du mandat ad hoc sont donc évidents dans le cadre d’un LBO. C’est un mode de 48 7.2.1.2 Conciliation Pour bénéficier d’une procédure de conciliation, l’entreprise doit rencontrer des difficultés juridiques, économiques ou financières, avérées ou prévisibles, et ne doit pas être en état de cessation des paiements, ou alors depuis moins de 45 jours. La durée de la mission du conciliateur est de quatre mois maximum et peut être prorogée, à la demande du conciliateur lui-même, pour un nouveau délai maximum d’un mois. La conciliation ne peut entraîner de suspension provisoire des poursuites. Toutefois, si le débiteur fait l’objet de poursuites en cours de procédure de conciliation, le Président du tribunal peut reporter ou échelonner le paiement des dettes en cause ou suspendre les procédures d’exécution engagées par le créancier et ce, sur le fondement des articles 1244-1 et suivants du Code civil. L’accord amiable, négocié avec certains créanciers et partenaires de l’entreprise, est destiné à mettre fin aux difficultés de cette dernière. Dans le cadre de la conciliation, les créanciers publics, sociaux et fiscaux peuvent désormais, au même titre que les autres créanciers, non seulement accorder des délais de paiement mais surtout, et c’est une innovation intéressante, accorder des remises de dettes. L’accord de conciliation est essentiellement un accord de restructuration de dettes, assorti éventuellement de dispositions sur la restructuration économique et sociale de l’entreprise. Dans un souci de discrétion, l’accord peut être simplement constaté par le Président du tribunal (ce qui a pour effet de lui donner force exécutoire). Il demeure alors confidentiel. La décision n’est pas publiée et n’est pas susceptible de recours. L’accord peut également faire l’objet d’une homologation par le tribunal, il acquiert alors une force particulière. Pour bénéficier d’une homologation, il est nécessaire : ■ que le débiteur ne soit pas en état de cessation des paiements ou que l’accord y mette fin ; ■ que les termes de l’accord soient de nature à assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise ; ■ que l’accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non signataires. Dans cette hypothèse, le jugement d’homologation est publié (mais pas le contenu de l’accord lui-même). 7.2.2 Sauvegarde L’homologation de l’accord présente plusieurs avantages. Il suspend les actions et poursuites individuelles pour les créances dont il est l’objet. Les cautions et garants autonomes personnes physiques ou morales peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord homologué. Le jugement d’homologation a également pour effet de fixer, avec autorité de chose jugée, la date de cessation des paiements. En effet, le législateur a prévu qu’il n’est pas possible, en cas de redressement ou liquidation judiciaire ultérieure, de faire remonter la date de cessation des paiements avant la date à laquelle le jugement d’homologation est devenu définitif (sauf en cas de fraude). Il s’agit là d’un élément renforçant substantiellement la sécurité juridique attachée à la conclusion d’un tel accord. Combinée avec l’abandon du soutien abusif (sauf fraude, immixtion ou octroi de garanties disproportionnées) cette disposition permet, notamment dans le cadre des LBO, d’éviter les crispations et favorise la restructuration de la dette. Les personnes qui, en vue d’assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise et sa pérennité, ont consenti dans l’accord homologué un nouvel apport en trésorerie, ou ont fourni un nouveau bien ou service à l’entreprise, bénéficient d’un nouveau privilège sur leurs créances ou sur le prix du bien ou de la prestation de services, privilège de la «new money». Encore faut-il que ces créances soient mentionnées dans l’accord homologué. En l’absence d’homologation, il n’y aura donc pas de privilège. Cette disposition est destinée à favoriser l’intervention à ce stade des fonds de retournement et des banques d’investissement spécialisées. Ce privilège intéressant est amené à jouer si survient par la suite une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire : les créanciers détenteurs du privilège de la «new money» ne seront primés que par le superprivilège des salariés et le privilège des frais de justice ; ils seront donc désintéressés avant les créanciers sociaux et fiscaux et les créanciers «méritants» postérieurs à l’ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire. Ce nouveau privilège ne pourra bénéficier aux apports des associés dans le cadre d’une augmentation du capital. En revanche, il bénéficiera à leurs apports en compte-courant. Ce privilège est dès lors adapté à l’émission d’obligations qui seront, si tout se passe bien par la suite, converties en capital. Le succès de cette méthode est démontré. Plus de 70 % des dossiers ouverts évitent ainsi les procédures judiciaires de traitement des difficultés. S’agissant d’une procédure amiable, elle est totalement maîtrisée par le chef d’entreprise, ce qui en LBO évite notamment les effets de contagion entre le traitement des difficultés de la holding et celui de la cible. Il s’agit en quelque sorte d’une procédure de «redressement judiciaire anticipé» : l’idée est de permettre à une entreprise de bénéficier de l’ensemble des règles de protection attachées au redressement judiciaire, notamment la suspension des poursuites et le gel du passif corrélatif, avant même qu’elle ne soit en état de cessation des paiements. 7.2.2.1 Ouverture de la procédure La procédure de sauvegarde n’est ouverte qu’aux entreprises qui ne sont pas encore en état de cessation des paiements. Elle ne peut être ouverte qu’à la demande du débiteur lorsqu’il rencontre des difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter et qui sont susceptibles de le conduire à la cessation des paiements. L’objectif de cette procédure est, après une période d’observation, l’adoption d’un «plan de sauvegarde» visant à empêcher la cessation des paiements et à résoudre les difficultés de l’entreprise. L’un des intérêts de cette procédure est qu’elle n’a pas été assortie des règles du redressement judiciaire pouvant apparaître comme des mesures de «défiance» à leur encontre. Ainsi, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde n’implique ni l’incessibilité des titres sociaux des dirigeants, ni leur mise à l’écart de l’administration de l’entreprise, ni l’instauration d’une «période suspecte», ni la possibilité de reprise globale de l’entreprise par un tiers. L’administrateur judiciaire n’a qu’une simple mission de surveillance et d’assistance : la gestion de l’entreprise est toujours assurée par le dirigeant. La période d’observation entraîne les effets classiques déjà connus : suspension des poursuites, continuation des contrats en cours, administration de l’entreprise sous la surveillance de l’administrateur, arrêt du cours des intérêts, interdiction de paiement des créances antérieures, réservation du patrimoine de l’entreprise, reconstitution du patrimoine de l’entreprise, etc. Dans le cadre d’un LBO, la sauvegarde peut présenter des avantages certains dans la mesure où elle entraîne automatiquement la suspension du paiement des échéances. Elle constitue donc un moyen de protection de l’entreprise et de contrainte de ses créanciers. A tout moment de la période d’observation, le tribunal peut ordonner la cession partielle de l’activité ou, si l’état de cessation des paiements survient, convertir la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible. A noter : contrairement au redressement judiciaire, le régime des licenciements demeure celui du droit commun. 7.2.2.2 Adoption et exécution d’un plan de sauvegarde Le plan ne peut être d’une durée supérieure à 10 ans (sauf si le plan est adopté par les comités de créanciers selon les 49 modalités décrites ci-après). Dans le cadre de l’élaboration du plan de sauvegarde, les créanciers interviennent par le biais de deux comités de créanciers qui doivent être constitués par l’administrateur judiciaire dans un délai de 30 jours à compter du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde. Le premier comité est composé des établissements de crédit ; le second comité est composé des principaux fournisseurs de biens ou services. Les deux comités doivent être consultés en vue de l’adoption du plan de sauvegarde. Les créanciers qui ne sont pas membres de comités seront consultés selon la procédure de droit commun, c’est-à-dire la consultation par le mandataire judiciaire avec possibilité pour le tribunal d’imposer des délais uniformes de paiement. Les comités ont alors 30 jours pour se prononcer sur ce projet et adopter un plan. Le plan est adopté si chacun des comités vote pour (selon des conditions de majorité précisées par la loi). Dans le cadre d’un LBO, ces dispositions sont difficiles à manier notamment parce que les banques ou mezzaneurs ayant participé à la syndication, s’ils disposent bien de créances de nature originellement bancaire, ne sont pas membres des comités. Par ailleurs, dans la mesure où il n’y a pas de gel des cessions pendant la durée de la négociation du plan, le périmètre constitué par l’ensemble des créanciers peut changer, ce qui ne rend pas les discussions aisées. Enfin, les obligataires sont regroupés séparément en autant de comités que de catégorie d’émissions, ce qui là encore ne facilite pas les discussions. Le tribunal, après s’être assuré que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment protégés, arrête alors le plan conformément au projet adopté par les comités de créanciers. Le plan ainsi arrêté s’impose à tous les membres des comités. À défaut d’adoption d’un plan par les comités, c’est la procédure de droit commun d’élaboration du plan qui s’applique. Le plan est opposable à tous. Les personnes physiques co-obligées, cautions ou ayant souscrit une garantie autonome peuvent également s’en prévaloir. En cas d’inexécution par le débiteur de ses engagements, le tribunal peut ordonner la résolution du plan. Si la cessation des paiements intervient en cours d’exécution de ce plan, il est non seulement résolu après avis du ministère public, mais une procédure de liquidation judiciaire doit également être ouverte. Dans le cadre des LBO, l’utilisation de la sauvegarde peut être utile. On relèvera cependant que le mécanisme légal retenu ne favorise pas la rapidité souhaitée, l’élaboration d’un plan n’intervenant souvent que dans un délai de plus de six mois. Là encore, il est souvent utile de combiner sauvegarde et mandat ad hoc, ce dernier permettant avant l’ouverture de la seconde de parvenir à une sorte de pré- 50 accord, sorte de projet de plan permettant une adoption plus rapide. 7.2.3 Redressement judiciaire Dans le cadre du LBO, l’utilisation du redressement judiciaire est concevable notamment lorsque la restructuration des sociétés cibles nécessite des mesures plus radicales. Ainsi, elle s’avère utile lorsque des plans sociaux doivent intervenir, puisque des règles dérogatoires au droit commun sont alors applicables aux licenciements. La procédure de redressement judiciaire est ouverte par le tribunal lorsque l’entreprise est en état de cessation des paiements. Le chef d’entreprise doit désormais procéder à la déclaration de cessation des paiements au plus tard dans les 45 jours de la survenance de celle-ci s’il n’a pas opté pour une conciliation. Le tribunal désigne les organes de la procédure (administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, juge-commissaire) et ouvre une période d’observation dont les règles sont les mêmes que pour la période ouverte au cours de la sauvegarde. L’administrateur peut avoir une mission de représentation, contrairement à ce qui prévaut en procédure de sauvegarde. Pendant cette période d’observation, l’activité de l’entreprise est continuée en vue de l’élaboration d’un projet de plan à laquelle participeront les comités de créanciers, le cas échéant, selon les mêmes modalités qu’en cours de sauvegarde. L’objectif de la procédure de redressement judiciaire est uniquement l’élaboration d’un plan de continuation. Le plan de cession, totale ou partielle, est envisagé à présent uniquement comme une modalité de la liquidation judiciaire de l’entreprise, dans l’hypothèse où le débiteur est dans l’impossibilité d’assurer lui-même le redressement de l’entreprise. La loi institue ainsi une hiérarchie entre plan de continuation et plan de cession, qui n’existait pas antérieurement. Si, dans le cadre d’un redressement judiciaire, la période d’observation ne permet d’aboutir qu’à l’élaboration d’un plan de cession, l’entreprise n’est pas contrainte pour autant de faire l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, mais ce sont les règles propres à cette procédure qui s’appliqueront au plan de cession. sauf disposition contraire des statuts ou décision de l’assemblée générale. Le maintien de l’activité de l’entreprise est possible si la cession totale ou partielle de l’entreprise est envisageable, à condition que l’intérêt public ou celui des créanciers l’exige ; la liquidation judiciaire n’entraînera pas alors de déchéance du terme des créances : l’exigibilité des créances non échues sera reportée à l’arrêté du plan de cession. Dans le cadre d’un LBO, sauf à ce qu’un plan de cession soit rapidement envisageable ou s’il s’agit de fermer une des filiales opérationnelles sans grande conséquence sur l’ensemble du groupe, la liquidation sera souvent révélatrice d’un échec tant elle est destructrice de valeur. Notamment, elles ne sont pas bien adaptées aux dispositifs de conversion de la dette en capital. Les risques de contagion doivent également être soigneusement analysés. Ainsi, si pour des raisons fiscales, la holding d’acquisition s’est vu attribuer un «rôle actif», il y aura un risque de la voir qualifiée de dirigeante de fait de la cible, ce qui peut entraîner une responsabilité spécifique à ce titre, notamment en termes de comblement d’insuffisance d’actifs. Pire encore, il convient d’évaluer le risque d’une véritable extension de procédure si une confusion des patrimoines est intervenue entre la cible et la holding. Il convient également de se méfier des «apprentis sorciers» qui pourraient souhaiter une telle extension pour contraindre encore plus les créanciers de la holding dans le cadre de la restructuration de la cible. Le recours aux procédures judiciaires dans le cadre des LBO doit être envisagé avec la plus grande précaution. 7.2.4 Liquidation judiciaire La liquidation doit intervenir lorsque la cessation des paiements de l’entreprise est avérée et que le redressement de celle-ci est manifestement impossible. L’objet de la liquidation est de mettre fin à l’activité et de réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses biens. Le chef d’entreprise est dessaisi. Toutefois, si le débiteur est une personne morale, les dirigeants sociaux en fonction sont maintenus à leur poste, 51 Actualité Crises financières et obsolescence réglementaire U du 1er août 2003 qui a créé un comité purement consultatif. Ensuite, il conviendrait de s’intéresser à l’opacité des instruments par lesquels les opérateurs transfèrent leurs risques de crédit, opacité qui résulte de l’absence de qualification légale de certains instruments et du phénomène de «window dressing» ou habillage juridique. L’absence de qualification concerne tous les instruments financiers. La loi française, née des directives européennes, se contente de lister une série d’instruments dont il est dit qu’ils sont des instruments financiers à terme, sans que cette qualification procède de critères objectifs d’application générale et pérenne. Par exemple, un swap, dont il est communément admis qu’il est un instrument financier à terme, doit-il conserver cette qualification lorsqu’il présente un caractère indemnitaire ? L’habillage juridique consiste, comme l’ont relevé la FSA et la Commission bancaire, à «habiller», par exemple, un produit d’assurance en instrument financier. Cette pratique de l’habillage juridique a également fait l’objet de vigoureux échanges entre la NAIC, l’association fédérale des régulateurs d’assurance américains, et l’ISDA, l’association internationale regroupant les professionnels des produits dérivés, au sujet des dérivés climatiques. Cet habillage juridique répond à des préoccupations qui ne sont pas toujours avouées. Premièrement, comme l’a observé la Commission européenne, les professionnels du risque procèdent à des «arbitrages réglementaires» en localisant géographiquement et en structurant leurs contrats de telle sorte qu’ils échappent le plus possible aux contraintes réglementaires. Deuxièmement, il est plus facile de «vendre du risque» à des investisseurs, en particulier à des OPCVM, par le biais d’instruments financiers qu’au moyen de contrats d’assurances. En définitive, il serait utile de mettre en exergue l’exacte explication de cette crise : une architecture légale et réglementaire obsolète ne reflétant pas l’organisation et le fonctionnement du monde de la finance qui ignore toute frontière géopolitique ou réglementaire et s’attache à atteindre un objectif économiquement sain – diffuser le risque pour mieux en absorber le choc et, par là même, accroître la sécurité des financements. ■ Par Alain Gauvin, docteur en droit, avocat, Lefèvre Pelletier & associés ne tribune publiée par «The Wall Street Journal» a clairement exposé l’un des facteurs déclencheurs de la récente secousse subie par les marchés financiers : le transfert par les banques de leurs risques de crédit à des opérateurs non bancaires, tenant lieu d’investisseurs, au moyen d’instruments opaques1. Cette analyse jette une lumière crue sur une problématique d’une dimension politique : celle de la pertinence de la réglementation actuelle de la finance à l’aune de la manière dont elle se pratique en réalité. En effet, force est de constater que les trois grands métiers financiers que sont la banque, l’assurance et les services d’investissement se sont, au cours des dernières années, rapprochés autour du concept de la «marchéisation» du risque, au point d’ignorer toute frontière géopolitique ou sectorielle. En 2002, par exemple, les banques américaines ont transféré massivement leurs risques de crédit à des investisseurs européens. Or, sur le terrain juridique, on observe que ces trois métiers financiers sont cloisonnés par la loi en trois monopoles d’exercice distincts. En outre, la finance s’affranchit des catégories juridiques. Par exemple, alors que, traditionnellement, les titres de créance ont pour objet de financer l’entreprise qui les émet, ils sont, depuis quelques années, également utilisés afin de permettre aux émetteurs de se couvrir contre un risque. Enfin, les conditions de commercialisation de produits financiers de plus en plus sophistiqués traditionnellement réservés aux institutionnels se sont assouplies, au point d’assimiler dans certains cas l’épargnant particulier à un investisseur dit qualifié. A cet égard, en France, le décret du 16 mai 2006 est remarquable. Que faire alors pour que le risque que se reproduise une crise financière telle que celle de l’été dernier soit limité ? Sans doute, la réglementation financière devrait être réformée en tenant compte des deux éléments de réflexion suivants. Un premier pas consisterait à créer une autorité unique réglementant et contrôlant assureurs, banques, prestataires de services d’investissement et fonds d’investissement, dès lors qu’ils se livrent à l’activité de gestion et de transfert de risques. Notons que nos voisins anglais, avec la FSA (Financial Services Authority), et belges, avec la CBFA (Commission bancaire financière et des assurances), ont exprimé une vision plus audacieuse que celle de la loi 1. G. Ip et J.-E. Hilsenrath, «How easy credit turned risky – Low interest rates and new financial architecture planted seeds of excess», «The Wall Street Journal», 7 août 2007, p. 1 et 32. 52 53 Cette brochure a été préparée, sous la responsabilité de Jean-Luc Bédos (associé), par les avocats suivants : Groupe pôle Private Equity : Jean-Luc Bédos (associé) [email protected] Jérôme Patenotte (associé) [email protected] Dimitri Pubellier (Counsel) [email protected] Pierre-Emmanuel Chevallier (Counsel) [email protected] Concurrence : Muriel Perrier (Counsel) [email protected] Fiscal : Sous la responsabilité de Pierre Appremont (associé) [email protected] Recovery et procédures collectives : Laurent Jourdan (associé) [email protected] Financement : Mise à jour par Emmanuelle Bismuth [email protected] Hors-série n°H26 du 9 juin 2008 Option Finance - 91 bis, rue du Cherche-Midi 75006 Paris - Tél. 01 53 63 55 55 SA au capital de 2 043 312 € RCB Paris 343256327 Directeur de la publication : François Fahys Service abonnements : B 310 - 60732 Ste-Geneviève Cedex. 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