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Mon histoire est dirigée vers la jeunesse, à vous, les dirigeants de demain.
Mais je ne parle pas que des juifs, car les nazis ont également éliminé et tué : 500 000 tziganes et 1million d'homosexuels,
d'handicapés physiques et mentaux, des communistes, des syndicalistes, des franc-maçons, des politiciens, des témoins de Jého-
vah…..
La mémoire m'est revenue, il y a quelques années, c'était comme une ombre dans ma vie.
L'histoire des nazis, du NSDAP, la 2ème Guerre Mondiale c'est le domaine de vos professeurs d'histoire.
En 1936, mes parents et mon frère nous étions obligés de fuir l'Allemagne, car la persécution contre les juifs devenait
chaque jour de plus en plus intolérable.
Les Pays-Bas étaient notre terre d'accueil. Nous étions des juifs sans nationalité et sans papier, simplement parce que mes
parents avaient la responsabilité et le désir de sauver leurs enfants.
Vous connaissez tous l'histoire ou au moins le nom d'Anne FRANK. Son histoire est pour une grande partie la même que
la mienne.
Nos pères étaient des officiers dans l'armée d'Allemagne pendant la 1ère Guerre Mondiale. La grande différence entre nous
se trouve en mars 1945, quand Anne est morte à Bergen-Belsen et moi j'ai survécu à l'Holocauste.
Depuis 1936, nous avions vécu aux Pays-Bas jusqu'en janvier 1943, quand nous étions arrêtés par les nazis pour être in-
ternés dans le camp de concentration de Westerbork. A partir de là, 107 000 juifs qui se trouvaient à l'époque en Hollande étaient
déportés par les nazis vers les camps d'extermination. Chaque semaine, 1000 personnes partaient dans les trains vers l'Est.
Seulement 10 000 juifs hollandais étaient encore vivants à la fin de la guerre.
En 1942, les lois "anti-juifs" étaient proclamées. Mais, en plus, les juifs étaient obligés de porter" l'étoile jaune de David"
sur le cœur, le symbole juif, sur chaque vêtement et à tout moment. Enfants et Adultes. Beaucoup de juifs étaient trahis par des
"Giehlemänchen", les sympathisants des nazis, même parfois pour de l'argent.
Le 31 janvier 1944, nous étions mis dans des wagons d'un train, destination Bergen-Belsen à 60 km au nord de Hanovre.
C'est pendant ce voyage vers l'enfer que les hommes, femmes et enfants ont perdu leur dignité humaine et leur résistance.
Car, pendant ce voyage, tous n'avaient qu'un tonneau pour faire leurs besoins devant tous les autres.
A Bergen-Belsen, les femmes avec les filles et les petits enfants, étaient séparés des hommes et des garçons. Pour ma part,
à l'âge de 11 ans, je suis resté avec mon père. La vie au camp était bestiale. C'était la survie du plus fort, et chacun pour soi.
Chaque jour, à l'appel, la SS comptait les vivants et les morts, car le total des vivants d'aujourd'hui plus les morts de la
nuit était égal aux vivants de la veille.
Chaque jour il y avait du travail dans le camp : Les Latrines, les cuisines, le crématoire, sélectionner les vêtements des
morts, les chaussures de ceux qui n'en avaient plus besoin.
L'hiver 1944-1945 était l'un des plus rudes du XXème siècle.
D ès qu'un être humain était décédé, il n'avait plus besoin des couvertures, des vêtements ou des chaussures
.
Nous existions dans des baraques investies de puces, de maladies, de la saleté, et nous dormions sur des lits à quatre éta-
ges, sans séparation, des corps contre des corps pour se tenir un peu chaud. C'est comme cela que j'ai découvert que mon père
était froid. Il est mort pendant la nuit.
Tout seul, je me trouve maintenant à l'âge de presque 13 ans dans ce camp où la mortalité était de 600 par jour. Et lors de
la libération le 15 avril 1945, 60 000 personnes étaient encore en vie, mais 40 000 sont morts pendant les prochains trois mois à
cause des maladies. Le camp de Bergen-Belsen a été libéré par les forces anglaises. Avant cela, les nazis avaient l'intention d'éli-
miner les témoins, et le 7 avril 1945 je me trouvais avec environ 2000 prisonniers encore une fois dans un train, destination in-
connue.
Après un voyage qui a duré 6 jours, enfermé dans ce train, nous étions finalement libérés par les américains le 13 avril
1945 près de Magdebourg.
Le retour juillet/août 1945 vers les Pays-Bas était la fin de mes
souffrances d'autant plus que j'étais à nouveau réuni avec ma mère et
mon frère. Cela remonte à plus de 60 ans.
Mais pourquoi raconter cette histoire ? Ne faut-il pas se poser la
question : Qu'avons-nous appris de l'Histoire ? Dans de nombreuses ré-
gions du monde, comme en Europe (en Russie), en Afrique, au Moyen-
Orient, en Amérique du Sud etc…, la xénophobie, le racisme, la persé-
cution et le nettoyage ethnique existent encore, sans que l'Histoire n'ait
eu beaucoup d'influence.
Il existe une convention et une déclaration des Droits de
l'Homme, mais à quoi sert-elle, si chaque jour elle est ignorée ?
Témoignage de M. Gerd KLESTADT
Saint-Hubert le samedi 22 novembre 2008
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