Groupe de réflexion éthique au Centre de lutte contre le cancer

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Bulletin Infirmier du Cancer Vol.9-n°3-juillet-août-septembre 2009
Depuis quelques années on voit émerger une
multitude de comités d’éthique médicale à visée
décisionnelle.
Au Centre Alexis-Vautrin, nous avons fait le choix de
réfléchir à la dimension éthique à partir de cas cliniques
élaborés a posteriori.
Dans les secteurs de soins, le flux croissant des
patients, les actes de soins de plus en plus performants
et techniques, l’application des protocoles thérapeu-
tiques laissent peu de temps à la réflexion et au ques-
tionnement. Beaucoup de situations sont difficiles à
vivre, en particulier l’accompagnement en fin de vie des
patients. Les décisions prises par les médecins ne sont
pas toujours comprises par tous les soignants, ce qui
amène des incompréhensions, des difficultés de prise
en charge des patients.
C’est peut-être ce qui invite à la réflexion éthique :
penser sa pratique professionnelle, maintenir une
faculté de doute, interroger la relation entre soignant
et soigné.
Depuis 2005, un groupe de réflexion éthique s’est
constitué au CAV. Ce groupe comprend des médecins,
une psychologue, des infirmières, des cadres de santé,
des internes… et s’est volontairement élargi à d’autres
personnes non soignantes, notamment des juristes, une
philosophe, et une sociologue. Chacun y apporte ses
connaissances, et sa façon d’aborder les questions. Cette
diversité d’apports partagés avec l’ensemble du groupe
rend la réflexion très enrichissante. Il constitue ainsi un
lieu en dehors de l’agitation des secteurs de soins où
l’on peut se poser pour parler et échanger sur sa pra-
tique professionnelle.
À partir de cas cliniques (le groupe ne travaille pas
sur des situations d’urgence), plusieurs thèmes ont été
abordés :
- la transfusion sanguine chez un patient témoin de Jeho-
vah ;
- les droits du patient ;
- les droits du soignant ;
- l’accompagnement du patient en fin de vie ;
- le patient sous tutelle,
- la personne de confiance,
- les directives anticipées,
- les proches,
- la pudeur,
- …
Ainsi, à propos du cas d’un patient en fin de vie,
l’équipe médicale ayant été bouleversée et les enjeux
de la relation entre le patient, son épouse, et l’équipe
ayant été complexes, le groupe a essayé d’explorer
toutes les pistes ; chaque membre du groupe a apporté
son point de vue et ses réflexions personnelles (point
de vue du médecin, du juriste, du psychologue, du socio-
logue, des infirmières). À travers les échanges, certaines
difficultés de la relation à l’autre ont émergé : comment
prendre soin de l’autre, comment s’approcher au plus
près de la personne malade et de ses proches dans ce
contexte de fin de vie ? Ce travail en commun a duré une
année et a donné lieu à la rédaction d’un article, qui doit
paraître dans la revue Médecine palliative (2etrimestre
2009).
La plupart des dictionnaires donnent comme défini-
tion de l’éthique la science de la morale et des mœurs,
une discipline philosophique qui réfléchit sur les fina-
Dossier Éthique
Groupe de réflexion éthique
au Centre de lutte contre
le cancer Alexis-Vautrin, Nancy
Marlène Dionisos,
infirmière du Dispositif d'annonce
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Bulletin Infirmier du Cancer Vol.9-n°3-juillet-août-septembre 2009
lités, les valeurs de l’existence, la notion de bien et de
mal. Étymologiquement, le mot éthique vient d’une
racine grecque qui signifie « morale ». L’éthique s’attache
aux valeurs et se détermine de manière relative dans le
temps et dans l’espace en fonction de la communauté
humaine à laquelle elle s’intéresse. Ricœur, philosophe
contemporain, donne de l’éthique la définition suivante,
à laquelle nombre de professionnels se rallient aujour-
d’hui : « La visée de la vie bonne avec et pour les autres
dans des institutions justes. » L’éthique, selon Paul
Ricœur, n’est pas de choisir entre le bien et le mal, c’est
la recherche de la notion du bon, du juste pour soi-même
et pour l’autre, au sein du fonctionnement de la société
dans laquelle on évolue.
Suite aux avancées de la science, notamment dans
le domaine de la recherche médicale, le Comité natio-
nal d’éthique a été créé en 1983 sous la présidence de
François Mitterrand. Il fonctionne toujours et rend des
avis consultatifs. Il a permis en 1988 de voter la Loi Huriet
relative à la protection des personnes qui se prêtent à
des recherches médicales. Dans le cadre de la recherche
médicale, la dimension de l’éthique est au cœur des
débats : comment bien faire pour avancer avec les pro-
grès de la science ? Que penser des essais thérapeutiques
sur des êtres humains (malades, vieillards, handi-
capés…) ? Quelle part donner aux enjeux financiers
des laboratoires ? La recherche aboutit-elle toujours à
des bienfaits qui justifient tout ?
La rencontre soignant-soigné n’est jamais banale,
entre l’engagement du professionnel lié à ses missions
et au patient, et la relation qui se crée entre les deux.
C’est dans cette singularité, qui se construit pas à pas
avec l’autre, que s’exprime l’humanité professionnelle.
Autrement dit, comment faire pour bien faire ? Qu’est-
ce que bien faire ? Bien faire pour qui ?
Telles sont les questions fondamentales auxquelles
travaille le groupe de réflexion. Il y en a bien sûr d’autres.
C’est un lieu d’échange, où chacun occupe une place
identique, sans hiérarchie, sans décision à prendre, où
chacun vient de sa propre initiative pour partager, ques-
tionner avec d’autres sa pratique professionnelle. Car
l’éthique ne s’enseigne pas, elle se réfléchit à plusieurs,
dans des échanges et approches pluridisciplinaires croi-
sées.
Dossier Éthique
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