le revers, aujourd'hui bien déchiffrée, de « ΦΙΛΟΚΑΙCΑΡ » c’est-à-dire « amis de César » ne laisse aucun doute
qu'il s'agit d'un roi qui a dû composer avec Rome.
La lettre A en exergue peut signifier aussi bien le lieu de frappe de la monnaie la capitale d’Artaxata, que l'année
de sa frappe, c’est-à-dire la première année du règne du souverain en question.
Cette monnaie se distingue par la représentation des deux montagnes hautement symboliques pour les
Arméniens que sont le petit et le grand Ararat. Cette iconographie unique, est en complète rupture avec les
autres monnaies connues de cette époque. En effet, le reste du monnayage arménien de l’époque hellénistique ne
représente jamais un lieu symbolique mais plutôt des allégories de dieux ou de déesses. Ainsi, cette monnaie
comporte le seul revers incontestablement lié à la civilisation arménienne.
Mais qui sont ces souverains volontaires, représentés sur la monnaie, qui ont pu se payer le luxe de sortir de
l’influence iconographie grecque de l’époque?
Depuis la découverte du premier exemplaire en 1978 et du fait du mauvais état de conservation des pièces
connues, les numismates ont avancés plusieurs noms allant de Tigrane II le Grand (95-55 av. J.-C.) à Sohème
(144 env.-161 / 164-168 env. apr. J.-C.), mémorablement incarné en 1964 par Omar Shérif dans le film « The
Fall of the Roman Empire ». La découverte plus récente de pièces avec des légendes légèrement plus lisibles a
permis d’orienter la réflexion vers d’autres rois comme Tigrane III (20-8 av. J.-C.), Tigrane IV (environ de 8 av.
J.-C. à 1 apr. J.-C.), ou encore Tigrane V (vers 12 apr. J.-C.) et à la reine Erato, dernier membre régnant de la
dynastie Artaxiades et seul souverain Arménien à monter sur le trône à trois reprises.
Aucun souverain arménien n’a associé à son buste celui de son épouse ou de ses fils. On peut donc en déduire
que les deux souverains régnaient à égalité de droit et dignité ou que l’un voulait s’attirer la légitimité de l’autre.
Le seul cas connu correspondant à cette hypothèse semble être Tigrane IV et Erato qui étaient tout à la fois frère
et sœur et époux. Les numismates ont par conséquent déduit que cette pièce a été frappée lors de leur second
règne, où ils étaient alliés de Rome et « ami de césar ». Toutefois, les séries monétaires attribuées par les
numismates à ce second règne, d’une durée de près de deux ans seulement, sont tellement différentes qu’elles
nous posent un problème de cohérence. Le même roi ne pouvait, en effet, émettre en si peu de temps des séries si
différentes. Nous en sommes arrivés à supposer que le roi représenté sur cette monnaie était plutôt Tigrane V qui
associa, au moins symboliquement, Erato à son pouvoir pour conforter son pouvoir. Ce roi imposé par Rome,
connaissant mal son peuple, a probablement utilisé cette association comme moyen de sa légitimation. De plus sa
tiare à cinq pointes, ne comporte plus les motifs (étoile et aigles) qu’on peut observer sur les tiares des souverains
arméniens allant de Tigrane II le Grand à Tigrane IV, ce qui confirme la romanisation des derniers souverains
artaxiades.
En conclusion, cette monnaie est exceptionnelle du fait de la représentation de l’Ararat sur son revers et la
symbolique qu’elle engendre. Elle est également intéressante du fait de sa qualité de conservation qui nous
permet d’apporter des éclairages sur l’ordre des dernières séries monétaires artaxiades ; l’on peut se réjouir de
savoir qu’elle a pu être acquise par un collectionneur parisien d’origine arménienne.
R. Arakelian M. Yevadian