La Lettre du Cardiologue - n° 393 - mars 2006
34
•La phase aiguë peut se compliquer de myocardite, de péricar-
dite ou de cardiopathie valvulaire aiguë. Les lésions sont attri-
buées à un mécanisme immunitaire avec une réponse humorale
et/ou d’immunité cellulaire.
•La phase intermédiaire peut s’accompagner de troubles du
rythme ou de la conduction et d’une cardiomégalie radiologique.
Une élévation du brain natriuretic peptide (BNP) pourrait pré-
dire une dysfonction ventriculaire asymptomatique et permettre
un dépistage des sujets à risque (
4
).
•La phase chronique est associée à une cardiomyopathie prédo-
minant sur les cavités droites, avec souvent un profil restrictif
évoluant ultérieurement vers une dysfonction systolique sévère
et une dilatation cavitaire majeure. Il est fréquent d’observer des
anévrysmes ventriculaires, en particulier apicaux. Les compli-
cations thromboemboliques et rythmiques sont fréquentes et le
risque de mort subite par fibrillation ventriculaire est élevé
(40 %). Les atteintes dysautonomiques sont également fré-
quentes. Dans la majorité des cas, les biopsies endomyocardiques
faites à ce stade révèlent des lésions non spécifiques, séquelles
de la phase aiguë ou conséquences d’une fibrose progressive. La
mise en évidence du parasite sur les biopsies n’est pas courante.
Pourtant, l’hypothèse pathogénique actuellement privilégiée est
la persistance du parasite (
5
). D’autres travaux suggèrent égale-
ment un rôle de l’auto-immunité (6). Enfin, une susceptibilité
génétique particulière explique probablement que seuls certains
individus développent une maladie chronique.
Diagnostic
•À la phase aiguë, le diagnostic repose sur les sérologies (hémag-
glutination indirecte, fluorescence indirecte, ELISA), la polymerase
chain reaction (PCR), recherche de parasitémie. Le xéno-diagnostic
est encore pratiqué dans les pays d’Amérique latine et centrale.
•À la phase chronique : le diagnostic de certitude est difficile,
car la parasitémie est en général absente. Il n’existe pas de lien
entre le degré de parasitémie et la sévérité de l’atteinte cardiaque.
On peut recourir à la sérologie ou à la PCR. Les biopsies myo-
cardiques aident peu.
Traitement
•
Antiparasitaire
:les deux molécules principalement utilisées
sont le nifurtimox (nitrofurane) et le benznidazole (nitro-imida-
zolé). Leurs effets indésirables comportent anorexie, nausées,
vomissements, polyneuropathie, hypersensibilité, cytopénie cen-
trale. À la phase aiguë, le traitement est indiqué dans les formes
symptomatiques, avec une bonne efficacité (80 %). À la phase
chronique précoce, son efficacité reste appréciable (60 %), y com-
pris chez les patients asymptomatiques. Il semble particulière-
ment intéressant pour les enfants, chez qui il est bien toléré (7).
En revanche, l’efficacité en est plus faible à la phase chronique
tardive et les effets indésirables y sont plus fréquents. Néanmoins,
l’éradication du parasite pourrait aider à la prévention des com-
plications cardiaques (8). Le consensus actuel est donc de trai-
ter, y compris à la phase chronique.
•
Transplantation cardiaque et risque de réactivation
:
l’atteinte cardiaque chronique au stade d’insuffisance cardiaque
évoluée est une indication de transplantation cardiaque (9),
malgré le risque de réactivation du parasite lors des traitements
immunosuppresseurs, et celui de récidive sur le greffon (10). Le
diagnostic de la réactivation se fait par PCR, sur biopsies
cardiaques ou sur sang périphérique (11).
CONCLUSION
La maladie de Chagas est une parasitose encore fréquente en
Amérique latine malgré les campagnes de prévention menées par
les pouvoirs publics. Comme le rhumatisme articulaire aigu, elle
touche surtout les couches les plus pauvres de la population, et
ses complications cardiaques dominent le pronostic. Les traite-
ments actuels sont peu actifs à la phase chronique et les cardio-
pathies évoluées relèvent de la transplantation cardiaque. Cela
nécessite la poursuite des programmes de recherche et de déve-
loppement de molécules plus actives, conditionnée par une
meilleure compréhension de sa physiopathologie. ■
Bibliographie
1. Barrett MP, Burchmore RJ, Stich A et al. The trypanosomiases. Lancet 2003;
36:1469-80.
2. Prata A. Clinical and epidemiological aspects of Chagas’ disease. Lancet
Infect Dis 2001;1:92-100.
3. Umezawa ES, Stolf AM, Corbett CE et al. Chagas’ disease. Lancet 2001;
357:797-9.
4. Ribeiro AL, dos Reis AM, Barros MV et al. Brain natriuretic peptide and left
ventricular dysfunction in Chagas' disease. Lancet 2002;360:461-2.
5. Baig MK, Salomone O, Caforio AL et al. Human chagasic disease is not asso-
ciated with an antiheart humoral response. Am J Cardiol 1997;79:1135-7.
6. Girones N, Fresno M. Etiology of Chagas’ disease myocarditis: autoimmunity,
parasite persistence, or both? Trends Parasitol 2003;19:19-22.
7. De Andrade AL, Zicker F, de Oliveira RM et al. Randomized trial of efficacy
of benznidazole in treatment of early Trypanosoma cruzi infection. Lancet 1996;
348:1407-13.
8. Viotti R, Vigliano C, Armenti H, Segura E. Treatment of chronic Chagas' disease
with benznidazole: clinical and serologic evolution of patients with long-term fol-
low-up. Am Heart J 1994;127:151-62.
9. Bocchi EA, Bellotti G,Mocelin AO et al. Heart transplantation for chronic
Chagas’ heart disease. Ann Thorac Surg 1996;61:1727-33.
10. De Carvalho VB, Sousa EF, Vila JH et al. Heart transplantation in Chagas'
disease. Ten years after the initial experience. Circulation1996;94:1815-7.
11. Maldonado C, Albano S,Vettorazzi L et al. Using polymerase chain reaction
in early diagnosis of re-activated Trypanosoma cruzi infection after heart trans-
plantation. J Heart Lung Transplant 2004;23:1345-8.
CAS CLINIQUE
Les articles publiés dans “La Lettre du Cardiologue” le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction par tous procédés réservés pour tous pays.
EDIMARK SAS © mai 1983
Imprimé en France - Differdange SAS - 95110 Sannois - Dépôt légal : à parution
✓ Un encart (4 pages) “Étude CARDS” (Pfizer) est inséré entre les pages 18 et 19 de ce numéro.