
été montré, qu’en plus de l’amplification des progéniteurs dans
l’épithélium ventriculaire, discutée précédemment, il y avait
une amplification de certains neuroblastes. Ainsi, à la suite
d’une division asymétrique, le progéniteur cortical peut pro-
duire un progéniteur détaché du neuroépithélium avec des
propriétés limitées de prolifération. Typiquement, ces progéni-
teurs détachés ne peuvent se diviser qu’une fois (figure 2B, C).
Ces progéniteurs basaux existent chez la souris comme chez
l’homme où ils peuvent être suivis par des marqueurs spécifi-
ques (tbr2) (Haubensak et al., 2004 ; Carpenter et al., 2001), mais
dans des proportions différentes. Il semble que ce soit par la
modulation de cette étape d’amplification que le cortex cérébral
humain acquière une telle expansion de sa surface au cours de
l’évolution, sans commune mesure avec l’augmentation de
taille des autres régions du système nerveux central (Finlay et
Darlington, 1995).
Formation de la plaque corticale, les neurones principaux
des couches du cortex cérébral
Les neurones excitateurs, glutamatergiques, du cortex céré-
bral sont produits localement dans la zone ventriculaire corti-
cale (Mione et al., 1997). Ils sont à la base de la communication
rapide à courte et longue distance dans le cortex cérébral. Ces
neurones migrent radialement à partir de la zone ventriculaire,
impliquant des interactions étroites avec la glie radiaire (Nada-
rajah et al., 2001). Les neurones des couches profondes sont les
premiers produits, tandis que les neurones les plus superficiels
sont les plus jeunes. Dans les couches intermédiaires, les neuro-
nes suivent globalement la règle selon laquelle plus ils sont
générés tard, plus ils sont localisés superficiellement, avec un
patron « inside-out » (figure 2C ; Angevine et Sidman, 1961 ;
McConnell, 1988). Les neurones produits dans la région ventri-
culaire migrent vers la surface piale, guidés par le prolongement
de leur cellule mère, une cellule de glie radiaire (Malatesta et al.,
2000 ; Noctor et al., 2001). Les cellules de la glie radiaire sont en
fait à la fois des précurseurs et des guides, elles génèrent les
neuroblastes tout en leur servant de guide pour se positionner
en colonnes dans l’épaisseur corticale. Ce rôle prend tout son
sens chez l’homme, où la déformation de la surface corticale par
la formation de sillons et de circonvolutions complique la
trajectoire de migration des neurones (Rakic, 1974). Des expé-
riences de greffes hétérochroniques de progéniteurs corticaux
dissociés chez la souris ont montré que l’identité de couche
corticale est acquise à un moment précis du cycle cellulaire,
mais aussi qu’il existe une horloge cellulaire interdisant la
génération du type de neurones déjà produits. Ceci permet de
restreindre progressivement la multipotence des progéniteurs
corticaux (McConnell et Kaznowski, 1991 ; Desai et McConnell,
2000 ; Frantz et McConnell, 1996). Récemment des études faites
à partir de cellules souches embryonnaires, ont montré, qu’in
vitro il était possible de reproduire cette séquence d’émergence
de différentes catégories de neurones corticaux (Gaspard et al.,
2008).
La migration radiaire, conduit les jeunes neuroblastes à se
positionner à la surface de la plaque corticale, formant une
structure dense, composée de neuroblastes récemment pro-
duits, et encore peu différenciés. Ce n’est que dans un second
temps, après un délai nécessaire pour « sortir » de la plaque
corticale, que les neurones corticaux prennent leur place défi-
nitive dans l’épaisseur corticale (Boulder Committee, 1970 ;
Bayer et Altman, 1991). Chez l’homme, ces migrations radiaires
connaissent un pic entre les troisième et sixième mois de gros-
sesse, et se terminent au cours du troisième trimestre de la
grossesse (Sidman et Rakic, 1973 ; Rakic et al., 1994 ; Gressens,
2000). Ce n’est qu’à partir du septième mois de grossesse que
l’on peut observer clairement sur le plan structural l’organisa-
tion caractéristique en six couches du neocortex (Chenn et al.,
1997 ; Chan et al., 2002).
Les interneurones du cortex cérébral
Les interneurones constituent environ 20 % des neurones
du cortex, ils ont une fonction inhibitrice essentielle dans la
mise en place de circuits neuronaux fonctionnels. Les interneu-
rones corticaux constituent une population très hétérogène :
des catégories d’interneurones se distinguent par leur morpho-
logie, leur localisation, ou encore sur la base de leur profil
d’expression protéique, et de leurs propriétés physiologiques
(DeFelipe, 1997). De fait nombre d’interneurones sont capables
de produire et de libérer des neuropeptides en plus du GABA,
permettant une modulation de l’activité des circuits. Contraire-
ment aux neurones excitateurs, les interneurones ont une ori-
gine extrinsèque chez les rongeurs. Ils sont principalement
générés au niveau des éminences ganglionnaires, dans le sub-
pallium, et ils colonisent l’ébauche corticale par migration
tangentielle à longue distance depuis cette région (figure 1D
gauche, Anderson et al., 1997). Cette migration dépend de
nombreux facteurs intrinsèques (motilité des neurones) et ex-
trinsèques (molécules de guidage), et elle est perturbée dans
différentes mutations responsables de syndromes épileptiques.
Par exemple la perte de fonction de la protéine double cortine
(cause de retard mental avec épilepsie chez l’homme) provoque
des anomalies caractéristiques de la migration des interneuro-
nes corticaux (Leger et al., 2008).
Il existe cependant une particularité de la production des
interneurones chez les primates. Chez le singe, les interneuro-
nes d’origine extrinsèque ne représentent que 30 % des inter-
neurones corticaux (Letinic et al., 2002). Les autres sont générés
localement par le neuroépithélium cortical (figure 1D, droite).
De manière intéressante c’est une possibilité qui existe aussi
chez la souris dans certaines conditions expérimentales (Gulacsi
et Lillien, 2003, Anderson et al., 1999 ; Bellion et al., 2003), mais
qui est vraisemblablement inhibée in vivo chez les rongeurs. La
singularité de l’origine des interneurones pourrait avoir été
sélectionnée par l’évolution pour s’adapter à la gigantesque
augmentation de la surface palliale qui est beaucoup plus im-
portante proportionnellement que l’augmentation de la taille
des zones sous-palliales (source habituelle des interneurones
dans les autres espèces).
N. Narboux-Nême, P. Gaspar
224
E
´pilepsies, vol. 20, n° 4, octobre, novembre, décembre 2008
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