Place de l`IRM avant les biopsies de prostate

publicité
Nouvelles imageries
en urologie
dossier
thématique
Place de l’IRM avant les biopsies
de prostate
Role of MRI before prostate biopsy
r ésum é
R. Renard-Penna*, P. Mozer**
» Les biopsies de la prostate systématiques et échoguidées ont une
faible rentabilité pour la détection du cancer de la prostate. L’IRM
prostatique avant les biopsies permet une meilleure détection des
cancers significatifs en ciblant les prélèvements sur les zones les
plus suspectes.
summary
Mots-clés : IRM − Fusion d’image − Biopsies de la prostate.
By using prostate MRI to identify suspicious lesions within the prostate,
and directing biopsy towards these areas, there is the potential
to ensure the accurate diagnosis of clinically important prostate
cancer.
Keywords: Magnetic resonance imaging − Image fusion − Prostate
biopsies.
Diagnostic du cancer de la prostate :
biopsies prostatiques
*Service de radiologie polyvalente et
oncologique, hôpital de
la Pitié-Salpêtrière, Paris.
**Service d’urologie,
hôpital de la PitiéSalpêtrière, Paris.
96
Le cancer de la prostate est diagnostiqué à un stade de
plus en plus précoce, en partie du fait de la diffusion
du dépistage, proposé en France par un dosage annuel
du taux de PSA sanguin à partir de l’âge de 50 ans. Le
diagnostic du cancer de la prostate est effectué grâce
à l’association du toucher rectal, du dosage du taux de
PSA et des données des biopsies prostatiques échoguidées. La rentabilité de ces biopsies − dites systématiques − est faible, aussi bien pour la détection du cancer
que pour l’estimation du volume et de l’agressivité de
la tumeur. Leur sensibilité varie de 39 à 52 %, et leur
spécificité est approximativement de 80 % (1). Le taux
de détection d’une première série de biopsies varie
de 17 à 21 % (2). La zone transitionnelle, l’apex et la
base sont des régions mal échantillonnées. L’ajout de
biopsies antérieures n’améliore la rentabilité du protocole que de 2 % (3). Même en l’absence d’élément
péjoratif sur les biopsies, le risque de cancer agressif est
supérieur à 30 % (4), et la corrélation entre le score de
Gleason obtenu sur les biopsies systématiques et celui
obtenu sur des pièces opératoires d’une population de
patients éligibles à une surveillance active a montré
une sous-estimation de l’agressivité pour près du quart
des patients ayant eu des biopsies systématiques (5).
Même avec un schéma de biopsies étendues, celles de
prostate échoguidées ne permettent pas d’identifier
correctement la lésion index (6).
Parallèlement, le dépistage du cancer de la prostate a
conduit au diagnostic plus fréquent de cancers localisés
de petit volume et de bas grade, dits “cliniquement
non significatifs”. Ces cancers à faible risque évolutif
représenteraient plus de 30 % des cancers diagnostiqués
par des biopsies systématiques (7). Le diagnostic de ces
cancers dits “non significatifs” entraîne un traitement
plus invasif que le cancer lui-même : on parle alors de
surtraitement.
Les biopsies de prostate sont donc responsables d’un
surdiagnostic des lésions cliniquement non significatives et d’une sous-stadification des cancers dits
“significatifs”. Par ailleurs, ces biopsies ne sont pas
dénuées d’effets indésirables, dont le plus fréquent
reste l’infection (8, 9).
IRM : développement, technique
et performance
Le développement récent de l’IRM prostatique fonctionnelle permet d’établir une cartographie du cancer
de la prostate. En associant aux séquences morphologiques T2 des séquences fonctionnelles de perfusion
et de diffusion, l’IRM permet de détecter et de localiser
les foyers tumoraux et d’en estimer le volume, et de
donner des informations sur l’agressivité tumorale.
En associant ces différentes séquences, la précision de
l’IRM pour la détection tumorale est de 83 à 88 % (10),
sa sensibilité et sa spécificité pour la localisation des
foyers tumoraux sont respectivement de 81 et 91 % ;
l’aire sous la courbe pour différencier les grades de
Gleason 2-3 des grades 4-5 est de 0,90 (11). La perfor-
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 3 - juillet-août-septembre 2013
Place de l’IRM avant les biopsies de prostate
mance de l’IRM est corrélée au volume et à l’agressivité
de la tumeur. Pour des lésions de volume inférieur à
1 cm3, la détection est plus faible pour les tumeurs de
grade 6 ou moins que pour celles de grade supérieur
ou égal à 7. Pour les tumeurs de volume supérieur à
1 cm3, le grade a peu d’impact sur la détection tumorale.
L’IRM permet d’éliminer une lésion agressive de haut
grade (> 5 cm3 et score de Gleason ≥ 7) avec une valeur
prédictive négative (VPN) de 98 % et une sensibilité de
93 % (12). La probabilité de non-diagnostic d’un cancer
significatif si l’IRM est normale est très faible. Dans une
série de 599 patients (13), seuls 13 (2,3 %) avaient une
lésion significative.
L’IRM de prostate est donc un outil très performant
pour la détection et la localisation du cancer, ainsi
que pour l’estimation du volume et de l’agressivité
de la tumeur.
A
B
Intérêt de l’IRM de prostate
avant les biopsies
Le défi de l’IRM est de permettre un diagnostic
précoce du cancer de la prostate en prenant pour
objectif la détection de lésions “significatives” (volume
> 0,2-0,5 cc, score de Gleason ≥ 6) pour diriger les
biopsies sur les sites considérés comme suspects (14).
Dans cette indication, on demande à l’IRM une bonne
sensibilité, pour ne pas méconnaître un cancer
agressif, et une bonne VPN. À l’inverse, un défaut de
spécificité est moins préoccupant : il peut conduire
à augmenter le nombre de prélèvements, ce qui ne
semble pas accroître la morbidité de la procédure.
L’imagerie pourrait être utilisée pour guider les biopsies vers les foyers suspects plutôt que de multiplier
les prélèvements “à l’aveugle”. Il a été montré que
cette stratégie permettait d’augmenter la détection
du cancer de la prostate dans les zones mal échantillonnées par les biopsies systématisées et de cibler les
prélèvements sur les zones les plus suspectes (figure
et tableau, p. 98). Elle permet d’avoir une meilleure
estimation de la longueur tumorale et du grade
de Gleason, sous-estimés sur les biopsies systématiques (15, 16). Plusieurs études ont montré que les
données de l’IRM étaient corrélées à celles des biopsies ciblées dans une population de patients éligibles
pour une surveillance active. L’absence de lésions
clairement identifiables en IRM est en faveur d’un bas
risque. À l’inverse, la présence d’une lésion clairement
identifiable en IRM est corrélée à une augmentation
du score de Gleason sur les biopsies de confirmation
dans cette population (17).
C
Figure. IRM prostatique. Séquence axiale T2 (A) , de perfusion (B) , de diffusion (C) . Lésion typique (hyposignal T2 lenticulaire, hypervasculaire et restrictive) développée aux dépens
de la zone transitionnelle antérieure droite.
IRM avant biopsie :
les différentes approches
Reconstruction mentale
Plusieurs travaux ont décrit les résultats des biopsies
ciblées, sensibilisées par l’IRM au moyen d’une reconstruction mentale aidée par des repères anatomiques
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 3 - juillet-août-septembre 2013
97
Nouvelles imageries
en urologie
dossier
thématique
Tableau. Résultats des biopsies prostatiques : seules les biopsies ciblées
sur la cible antérieure sont positives.
Biopsie
Longueur
Taille
de la tumeur
Score
de Gleason
1
0,0
–
–
2
0,0
–
–
3
0,0
–
–
4
0,0
–
–
5
0,0
–
–
6
0,0
–
–
7
0,0
–
–
8
0,0
–
–
9
0,0
–
–
10
0,0
–
–
11
0,0
–
–
12
0,0
–
–
13
12,0
6,0
3+3
14
18,0
10,0
3+3
15
14,0
5,0
3+3
IRM et échographie : les systèmes
de coregistration
(base, apex, calcifications, kystes, etc.). La rentabilité
de ces biopsies sensibilisées par l’IRM avec une reconstruction mentale est supérieure à celle des biopsies
systématiques. Elle était équivalente, dans une étude
récente, à celle des biopsies effectuées avec un système
de fusion d’image avec un recalage rigide. Dans cette
étude, le taux de détection des biopsies ciblées était
de 69 %, et de 67 % pour les cancers significatifs (18).
Cependant, le problème se pose de la reproductibilité
de cette approche, qui nécessite une grande expertise.
Biopsies sous IRM
Les biopsies guidées en temps réel dans une IRM fermée
à 1,5 puis 3 teslas présentent de nombreux avantages.
Le principal est la précision du ciblage, offrant la possibilité de réaliser des images IRM à aiguille déployée
pour en vérifier la position au niveau des cibles. Dans
une récente série (19), le taux de détection tumorale au
sein d’une population de patients ayant eu au moins
un antécédent de biopsies négatives était de 55,5 %.
Cependant, cette technique est peu accessible en
pratique courante en raison d’une faible accessibilité
à l’IRM et de son coût (durée de la procédure allant
de 45 à 120 mn, nécessité de matériaux compatibles
98
avec l’IRM). De plus, la réalisation en pratique reste
fastidieuse en raison de l’étroitesse du tunnel. Pour se
développer, cette technique nécessiterait la commercialisation d’IRM ouvertes et la possibilité de systèmes
de guidage robotisé.
Le développement de logiciels de fusion entre l’échographie endorectale en temps réel et les images
acquises en IRM permet de biopsier une lésion IRM sur
une image échographique, ce qui donne la possibilité
de garder les avantages des 2 techniques. Le développement des technologies de fusion échographie-IRM
permettant de cibler les zones suspectes prédéfinies à
l’aide d’une IRM multiparamétrique a abouti à la commercialisation de plusieurs systèmes de coregistration.
Leurs principaux avantages sont leur accessibilité, une
quasi-absence de modification du protocole classique
de biopsie, et une durée de procédure à peine augmentée (20). Enfin, ces dispositifs proposent d’autres
fonctionnalités intéressantes, comme la possibilité de
visualiser la répartition des biopsies dans le volume
prostatique 3D, ou la fusion de 2 séries de biopsies
pour rebiopsier une zone spécifique ou, au contraire,
atteindre les zones non ciblées par la première série.
Les résultats de ces 2 techniques en termes de taux de
détection des cancers sont tout à fait prometteurs, ces
taux dépassant les 50 % chez des patients ayant déjà
eu au moins 1 à 2 séries de biopsies négatives, alors
que celui d’une deuxième série de biopsies classiques
échoguidées ne dépasse pas 20 % (15).
Conclusion
Les biopsies de prostate sont indispensables au diagnostic et à la prise en charge des patients atteints
d’un cancer de la prostate. Cependant, leur rentabilité
faible conduit à la multiplication des séries de biopsies, avec une augmentation de l’anxiété du patient,
de la morbidité et du coût. Elles ne permettent pas
une caractérisation correcte des cancers agressifs et
sont responsables d’un surdiagnostic des cancers dits
“cliniquement non significatifs”. L’IRM de prostate est
une technique non invasive qui permet d’obtenir des
informations précises sur le cancer de la prostate, telles
que la localisation, le volume, le nombre de foyers
suspects, tout en donnant des informations sur l’agressivité tumorale. L’utilisation de ces informations pour
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 3 - juillet-août-septembre 2013
Place de l’IRM avant les biopsies de prostate
cibler les prélèvements biopsiques permet une meilleure caractérisation du cancer, et ainsi une meilleure
prise en charge du patient. Les modalités de détection
du cancer de la prostate vont donc probablement
évoluer vers une modification radicale des stratégies
de biopsie, pour privilégier le ciblage des prélèvements
sur les zones suspectes en IRM dans le but de détecter
exclusivement des foyers tumoraux significatifs. ■
Les auteurs n’ont pas précisé
leurs éventuels liens d’intérêts.
Références
1. Pondman KM, Fütterer JJ, ten Haken B et al. MR-guided
biopsy of the prostate: an overview of techniques and a systematic review. Eur Urol 2008;54(3):517-27.
2. Mian BM, Naya Y, Okihara K et al. Predictors of cancer in
repeat extended multisite prostate biopsy in men with previous
negative extended multisite biopsy. Urology 2002;60(5):836-40.
3. Villers A, Mouton D, Rébillard X et al. Biopsy technique and
biopsy schemes for a first series of prostatic biopsies. Prog Urol
2004;14(2):144-53.
4. Boccon-Gibod LM, de Longchamps NB, Toublanc M et al.
prostate biopsies: time to reassess antimicrobial prophylaxis?
Eur Urol 2012;62(3):453-9.
9. Loeb S, van den Heuvel S, Zhu X et al. Infectious complications and hospital admissions after prostate biopsy in a
European randomized trial. Eur Urol 2012;61(6):1110-4.
10. Turkbey B, Pinto PA, Choyke PL et al. Prostate cancer: value
of multiparametric MR imaging at 3 T for detection–histopathologic correlation. Radiology 2010;255(1):89-99.
11. Hambrock T, Somford DM, Huisman HJ et al. Relationship
Prostate saturation biopsy in the reevaluation of microfocal
prostate cancer. J Urol 2006;176(3):961-3.
between apparent diffusion coefficients at 3.0-T MR imaging and Gleason grade in peripheral zone prostate cancer.
Radiology 2011;259(2):453-61.
5. Louie-Johnsun M, Neill M, Treurnicht K et al. Final outcomes
12. Moore CM, Robertson NL, Arsanious N et al. Image-guided
of patients with low-risk prostate cancer suitable for active
surveillance but treated surgically. BJU Int 2009;104(10):1501-4.
prostate biopsy using magnetic resonance imaging derived
targets: a systematic review. Eur Urol 2013;63(1):125-40.
6. Washington SL, Bonham M, Whitson JM et al. Transrectal
13. Park BK, Park JW, Park SY et al. Prospective evaluation
7. Haas GP, de Longchamps NB, Jones RF et al. Needle biopsies
of 3-T MRI performed before initial transrectal ultrasoundguided prostate biopsy in patients with high prostate-specific
antigen and no previous biopsy. AJR Am J Roentgenol
2011;197(5):W876-81.
ultrasonography-guided biopsy does not reliably identify dominant cancer location in men with low-risk prostate cancer.
BJU Int 2012;110(1):50-5.
on autopsy prostates: sensitivity of cancer detection based
on true prevalence. J Natl Cancer Inst 2007;99(19):1484-9.
8. Carignan A, Roussy JF, Lapointe V et al. Increasing risk of
infectious complications after transrectal ultrasound-guided
15. Portalez D, Mozer P, Cornud F et al. Validation of the
European Society of Urogenital Radiology scoring system
for prostate cancer diagnosis on multiparametric magnetic
resonance imaging in a cohort of repeat biopsy patients. Eur
Urol 2012;62(6):986-96.
16. Siddiqui MM, Rais-Bahrami S, Truong H et al. Magnetic
resonance imaging/ultrasound-fusion biopsy significantly
upgrades prostate cancer versus systematic 12-core transrectal ultrasound biopsy. Eur Urol 2013 (Epub ahead of print).
17. Fradet V, Kurhanewicz J, Cowan JE et al. Prostate cancer
managed with active surveillance: role of anatomic MR
imaging and MR spectroscopic imaging. Radiology 2010;
256(1):176-83.
18. Puech P, Rouvière O, Renard-Penna R et al. Prostate cancer
diagnosis: multiparametric MR-targeted biopsy with cognitive
and transrectal US-MR fusion guidance versus systematic
biopsy. Prospective multicenter study. Radiology 2013 (Epub
ahead of print).
19. Anastasiadis AG, Lichy MP, Nagele U et al. MRI-guided
14. Puech P, Potiron E, Lemaitre L et al. Dynamic contrast-
biopsy of the prostate increases diagnostic performance in men
with elevated or increasing PSA levels after previous negative
TRUS biopsies. Eur Urol 2006;50(4):738-48.
enhanced magnetic resonance imaging evaluation of
intraprostatic prostate cancer: correlation with radical prostatectomy specimens. Urology 2009;74(5):1094-9.
tracking with deformation estimation. Med Image Anal 2012;
16(3):562-76.
20. Baumann M, Mozer P, Daanen V et al. Prostate biopsy
Abonnez-vous
sur
www.edimark.fr
Au sommaire du prochain numéro
Dossier thématique :
Cancer du testicule
Histoire
Henry T. Lynch,
un autre regard
sur le cancer
Coordonné par Philippe Beuzeboc
Revues de presse
DOSSIER
DIAPOSITIVES
COMMENTÉES EN LIGNE
Voies excrétrices
urinaires supérieures
Coordonné par Philippe
SAS
Société éditrice : EDIMARK
– ISSN : 2110-087X
rk.fr
www.edima
CPPAP : 0617 T 90442
Trimestriel
Prix du numéro : 39
€
Vol. IV - n° 2
Avril- Mai-Juin 2013
Camparo
DOSSIER
a iioon
at
rrmat
orm
form
ffo
de formation
quuee de
ique
érriioddiiq
Périodiqu
PPé
Nouvelles imageries
en urologie
Coordonné par Stéphane Oudard
» Parution en décembre
Société éditrice : EDIMARK SAS
CPPAP : 0617 T 90442 – ISSN : 2110-087X
Trimestriel
Prix du numéro : 39 €
Vol. IV - n° 3
Juillet-Août-Septembre 2013
www.edimark.fr
Péri
PPé
Périodique
érririo
riod
iooddi
diiq
ique
quee de
de formation
form
ffo
orm
rrma
maat
ma
atio
ttion
ion
iio
on
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 3 - juillet-août-septembre 2013
99
Téléchargement