4ème trimestre 2010 •133
Régulation et contentieux aux États-Unis
procède aussi bien du législatif (lois) que de l’exécutif (décrets et règles des agences
à pouvoir réglementaire), et en dernier ressort du judiciaire;et ceci tant au plan
fédéral, le plus visible,qu’à celui des États 6.Ceci explique en particulier le rôle pivot
des avocats 7quand en France le pouvoir est encore entre les mains de l’État et de la
haute fonction publique.
Ceci étant dit, nous voulons ici porter un regard différent sur le rôle du pouvoir
judiciaire américain au sens large et des décisions de la Cour suprême,en dépas-
sant les catégories habituelles d’analyse que sont l’acti-
visme (qui peut être conservateur,comme du début du
XXesiècle jusqu’en 1937, ou progressiste,comme pen-
dant les années 1960 et la présidence de Earl Warren)
et la « réserve judiciaire », lorsque les juridictions s’abs-
tiennent d’intervenir et font preuve d’une grande défé-
rence vis-à-vis des actes du législatif et de l’exécutif
et de leurs propres précédents. Car,rappelons-le,les
États-Unis sont un pays de Common law dans lequel
s’applique la règle du précédent 8.
Ces deux rôles de frein ou de moteur,variables selon les
époques, caractérisent le pouvoir judiciaire américain.
Néanmoins,aujourd’hui, des tendances contradictoires apparaissent et il devient
plus difficile de cerner ce que sera la réalité de l’impact du pouvoir judiciaire dans
l’évolution des décisions prises.
Au début de son histoire, la Cour suprême a joué un rôle essentiel dans la natio-
nalisation du pouvoir,c’est-à-dire la montée du pouvoir fédéral, avec les affaires
Marbury v. Madison,McCulloch v. Maryland (1819) et Gibbons v. Ogden (1824) 9;
6. Chaque État à sa Constitution, son gouverneur,son Congrès et son droit (droit des sociétés, droit des contrats,
droit de la famille) et 95 % des procès ont lieu devant les juridictions des États, les juridictions fédérales n’étant com-
pétentes que pour certaines affaires (« question fédérale » et diversité de citoyenneté). Et rappelons que plus de 90 %
des affaires, tant au civil (settlement) qu’au pénal (plaider coupable), se règlent par la négociation entre « avocats ».
7. Il y a plus d’un million et demi d’avocats (lawyers), mais le terme « lawyer » est beaucoup plus large qu’avocat,
puisqu’il fait référence à tous ceux qui ont obtenu leur diplôme de droit (Juris Doctor,JD) et ont passé le barreau
d’un État. En d’autres termes, les lawyers sont aussi les nombreux juristes d’entreprise et tous les juristes que l’on
trouve dans les agences et dans l’administration, sans oublier quelques présidents (Clinton et Obama) et politiques
(Hillary Clinton) ainsi que de nombreux membres du Congrès.
8. A. Levasseur,Le Droit américain, Dalloz, 2004;A. Garapon et Ioannis Papadopoulos, Juger en France et en
Amérique,Odile Jacob,2003.
9. McCulloch v. Maryland:l’État du Maryland, très attaché à ses prérogatives et opposé à la création d’une succursale
Le système
juridique
français,du
fait de la
jurisprudence, de
la multiplication
d’autorités
administratives
indépendantes
et de codesde
bonneconduite
ressemblede plus
en plus au système
américain.