24 février 2014 Où vont le taux de participation et le taux de chômage aux États-Unis? Le taux de chômage a considérablement diminué depuis son sommet de 10 % atteint en octobre 2009. Bien que le marché du travail se soit amélioré, une grande partie de la baisse du taux de chômage provient d’une plus faible participation des Américains à la population active. Cela est un autre symptôme de la reprise atypique de l’économie américaine depuis la Grande Récession. Ce Point de vue économique cherche à comprendre les mouvements du taux de participation et leurs effets sur le taux de chômage. Que veut dire une plus faible participation pour le potentiel de l’économie américaine et quelles sont ses conséquences pour la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine? Hormis la déception causée par la faiblesse des embauches en décembre 2013 et en janvier 2014, le marché du travail se porte mieux aux États‑Unis. Depuis deux ans, la moyen‑ ne mensuelle des emplois créés selon l’enquête auprès des entreprises s’établit à 182 000. Au printemps 2014, le nombre d’emplois pourrait enfin dépasser le sommet de jan‑ vier 2008 (graphique 1). Rappelons qu’entre ce sommet his‑ torique et le creux cyclique de février 2010, il s’était perdu 8 736 000 emplois. Ce recul de 6,3 % représente la pire baisse enregistrée depuis la Grande Dépression. Graphique 1 – L’emploi se situe encore sous son sommet d’avant la récession En millions En millions Emplois selon l’enquête auprès des entreprises 138 138 137 137 136 136 135 135 134 134 133 133 132 132 131 131 130 130 129 129 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques amélioration, et cela se manifeste dans la baisse du taux de chômage depuis le sommet de 10 % atteint en octobre 2009 (graphique 2). Rappelons que l’enquête auprès des ménages est beaucoup plus volatile que celle auprès des entreprises, ce qui se reflète dans de grandes variations mensuelles de l’emploi. Toutefois, sur une plus longue période, la tendance des deux enquêtes se ressemble (graphique 3 à la page 2). Comme les variations de l’emploi selon l’enquête auprès des ménages trouvent souvent écho dans des mouvements simi‑ laires de la population active, le taux de chômage demeure généralement assez stable. Il est donc un indicateur géné‑ ralement apprécié par les marchés, la classe politique, les observateurs de l’économie et les banques centrales. Graphique 2 – Le taux de chômage est en nette diminution En % En % Taux de chômage 10 10 9 9 8 8 7 7 6 6 5 5 4 4 2007 La deuxième enquête sur le marché du travail, celle ef‑ fectuée auprès des ménages, affiche aussi une bonne François Dupuis Vice-président et économiste en chef 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques Yves St-Maurice Directeur principal et économiste en chef adjoint 514-281-2336 ou 1 866 866-7000, poste 2336 Courriel : [email protected] Francis Généreux Économiste principal Note aux lecteurs : Pour respecter l’usage recommandé par l’Office de la langue française, nous employons dans les textes et les tableaux les symboles k, M et G pour désigner respectivement les milliers, les millions et les milliards. Mise en garde : Ce document s’appuie sur des informations publiques, obtenues de sources jugées fiables. Le Mouvement des caisses Desjardins ne garantit d’aucune manière que ces informations sont exactes ou complètes. Ce document est communiqué à titre informatif uniquement et ne constitue pas une offre ou une sollicitation d’achat ou de vente. En aucun cas, il ne peut être considéré comme un engagement du Mouvement des caisses Desjardins et celui-ci n’est pas responsable des conséquences d’une quelconque décision prise à partir des renseignements contenus dans le présent document. Les prix et les taux présentés sont indicatifs seulement parce qu’ils peuvent varier en tout temps, en fonction des conditions de marchés. Les rendements passés ne garantissent pas les performances futures, et les Études économiques du Mouvement des caisses Desjardins n’assument aucune prestation de conseil en matière d’investissement. Les opinions et prévisions figurant dans le document sont, sauf indication contraire, celles des auteurs et ne représentent pas la position officielle du Mouvement des caisses Desjardins. Copyright © 2014, Mouvement des caisses Desjardins. Tous droits réservés. 24 février 2014 Point de vue économique Graphique 3 – Les variations de l’emploi selon les deux enquêtes sont similaires sur une grande période Var. ann. en % Var. ann. en % Croissance de l’emploi 4 4 3 3 2 2 1 1 0 www.desjardins.com/economie Graphique 4 – Le nombre de participants à la population active est pratiquement stagnant En millions En millions 157 157 155 155 153 153 151 151 149 149 0 (1) Shutdown du gouvernement fédéral en octobre 2013 (2) (1) (2) (3) (3) (4) (4) (5) (5) (6) 2000 (6) 2002 2004 2006 2008 Enquête auprès des ménages 2010 2012 2014 147 Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques 147 2005 Enquête auprès des entreprises 2007 2008 2009 2010 2011 La présente situation de l’économie américaine n’est évi‑ demment pas si sombre, mais une bonne partie de la baisse du taux de chômage au cours des dernières années provient d’un mouvement de la population active. Malgré l’amélio‑ ration notable des conditions économiques, la population active est pratiquement stagnante (graphique 4). En fait, si l’on compare cette population avec celle de 16 ans et plus, le taux de participation continue de diminuer (graphique 5). L’encadré à la page 3 affiche les différences entre la popula‑ tion totale, la population civile et la population active. Cette baisse du taux de participation masque la vraie situa‑ tion de l’emploi. Si l’on compare directement le niveau de l’emploi à la population civile totale pour calculer un taux d’emploi, on remarque qu’il n’a pratiquement pas bougé depuis la fin de la récession (graphique 6). La situation du marché du travail paraît ainsi bien plus sombre que ce que nous indique le taux de chômage, qui lui est en baisse quasi constante. 2 2013 2014 Graphique 5 – Le taux de participation est en baisse En % de la population civile En % de la population civile 66,5 66,5 66,0 66,0 65,5 65,5 65,0 65,0 64,5 64,5 64,0 64,0 63,5 63,5 63,0 63,0 62,5 62,5 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques Graphique 6 – Le taux d’emploi est stable En % de la population civile Baisse du taux de participation 2012 Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques Les lacunes actuelles du taux de chômage Le taux de chômage est un des indicateurs les plus véhicu‑ lés et utilisés. Pourtant, il comporte certaines lacunes qui se font ces temps-ci de plus en plus importantes. Rappelons que le taux de chômage est le ratio en pourcentage du nombre de chômeurs sur la population active. Il subit donc les variations de ces deux composantes. La grande volatilité mensuelle de l’emploi selon cette enquête a déjà été souli‑ gnée. L’autre lacune importante vient des mouvements de la population active qui peuvent fausser l’image que donne le taux de chômage de la vraie situation de l’emploi. Dans un cas extrême où il n’y aurait aucune nouvelle embauche, mais un nombre grandissant de chômeurs découragés qui abandonneraient leur recherche d’emploi, le taux de chô‑ mage diminuerait, et ce, même si la situation globale s’est plutôt détériorée. 2006 En % de la population civile 64 64 63 63 62 62 61 61 60 60 59 59 58 58 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques Une autre manière de voir l’influence des mouvements récents de la population active sur le taux de chômage est en combinant l’évolution réalisée de l’emploi tout en gar‑ dant constant le taux de participation. Si l’on fait l’exercice depuis le sommet du taux de chômage en octobre 2009 en conservant le taux de participation d’alors, soit 65,0 %, le taux de chômage est resté bien plus élevé pendant toute la 24 février 2014 Point de vue économique www.desjardins.com/economie Estimation de la population américaine en janvier 2014 Population totale 317 612 000 •Militaires •Population en institution Population civile 312 098 000 A. Population civile de 16 ans et plus 246 915 000 •15 ans et moins •Étudiants •Retraités •Personnes au foyer •Chômeurs découragés B. Population active 155 460 000 91 455 000 C. Chômeurs (cherchent activement de l’emploi) 10 236 000 D. Travailleurs 145 224 000 Taux de chômage = C/B*100 = 10 236 000/155 460 000 = 6,6 % Taux de participation = B/A*100 = 155 460 000/246 915 000 = 63,0 % Taux d’emploi = D/A*100 = 145 224 000/246 915 000 = 58,8 % Sources : Bureau of Labor Statistics, U.S. Census Bureau et Desjardins, Études économiques reprise et n’est tombé qu’à 9,5 % en janvier 2014. Ainsi, de ce niveau jusqu’au 6,6 % réalisé, la presque totalité de la diminution du taux de chômage provient de la baisse du taux de participation. Il faut toutefois souligner qu’au cours des derniers mois de 2013, la baisse de la participation a été amplifiée par le shutdown des activités du gouvernement fédéral en octobre et par des conditions météorologiques difficiles en décembre. Comment évoluera le taux de participation? On peut se demander si la participation des Américains à la population active demeure atypique ou si elle prendra tôt ou tard le chemin normalement parcouru lors des reprises économiques et des cycles de croissance. Il est normal que le taux de participation tombe en période de récession alors que l’absence d’opportunité de travail décourage la recher‑ che d’emploi. À cause des grands mouvements démogra‑ phiques ou liés aux habitudes changeantes (changement de cohorte des baby-boomers, entrée massive des femmes sur le marché du travail durant les années 1970 et 1980), l’effet de ce découragement n’est pas toujours très apparent (gra‑ phique 7 à la page 4), mais il se manifeste davantage lorsque l’on compare le taux de participation à sa propre tendance (graphique 8 à la page 4). Une fois la reprise bien entamée, la participation progresse plus rapidement, ce qui tend à ralentir la baisse du taux de chômage puisque les chômeurs découragés reviennent s’ajouter aux chercheurs d’emploi actifs. Par la suite, le taux de participation (toujours par rapport à sa tendance) augmente tout au long du cycle de croissance. 3 24 février 2014 Point de vue économique Graphique 7 – Le taux de participation diminue en récession En % de la population civile En % de la population civile 68 68 66 66 64 64 62 62 60 60 58 58 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 Récessions Taux de participation Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques Graphique 8 – Le taux de participation est grandement influencé par les cycles économiques En % de la population civile En % de la population civile 1,5 1,5 1,0 1,0 0,5 0,5 0,0 0,0 (0,5) (0,5) (1,0) (1,0) (1,5) (1,5) (2,0) (2,0) 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 Récessions www.desjardins.com/economie En dehors du premier point et des deux derniers qui de‑ vraient peu à peu s’écarter à mesure que la croissance éco‑ nomique s’améliore et que les capacités excédentaires de production se réduisent, les autres facteurs devraient conti‑ nuer à limiter la croissance de la population active au cours des prochaines années. Le principal effet proviendra du vieillissement de la popu‑ lation. Le graphique 9 présente le changement dans la ré‑ partition de la population civile de 16 ans et plus en 1992, en 2002, en 2012 ainsi que la prévision du Bureau of Labor Statistics (BLS) pour 2022. En trente années, la proportion des 55 et plus sera passée de 26,3 % à 37,9 %. Une impor‑ tante augmentation du taux d’activité à l’intérieur de cette cohorte est déjà observable depuis plusieurs années, et ce, même pendant la récession (graphique 10), mais ce n’est pas assez pour contrebalancer le fait que, même en 2022, le taux de participation y restera bien plus faible que celui de la cohorte la plus active, soit les 25 à 54 ans. Le graphique 11 à la page 5 présente le taux de participation par âge en 1992, en 2012 et en 2022. Graphique 9 – La population plus âgée prend déjà une plus grande place En % En % Proportion de chaque catégorie d’âge à la population civile 25 25 20 20 15 15 10 10 Écart à la tendance Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques Quatre ans et demi après la fin officielle de la récession et avec plus de 7,8 millions d’emplois créés depuis le creux du cycle, le taux de participation est encore sur un parcours baissier. Plusieurs facteurs expliquent ce mouvement : • La faiblesse de la reprise économique qui alimente un certain scepticisme des chômeurs découragés. • Le vieillissement de la population alors que de plus en plus de travailleurs et de chômeurs ne désirent plus participer activement au marché du travail. • Une baisse dans la participation des jeunes au marché du travail, notamment pour poursuivre des études plus longtemps. • Les changements technologiques qui provoquent une divergence entre le type d’employés demandés et les compétences des chômeurs. • Les problèmes du marché immobilier qui ont pu limiter la mobilité des travailleurs. 5 5 16 à 24 ans 25 à 34 ans 35 à 44 ans 2022* 45 à 54 ans 1992 2002 65 à 74 ans 75 et plus 2012 * Prévisions du Bureau of Labor Statistics. Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques Graphique 10 – Le taux de participation a augmenté depuis dix ans chez les 55 ans et plus En % de la population civile En % de la population civile 41 41 40 40 39 39 38 38 37 37 36 36 35 35 34 34 33 33 32 2000 2002 2004 2006 2008 Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques 4 55 à 64 ans 2010 2012 32 2014 24 février 2014 Point de vue économique www.desjardins.com/economie Graphique 11 – Même si elle augmente, la participation des personnes plus âgées demeure faible En % de la population civile Graphique 13 – Le taux de participation devrait continuer à reculer En % de la population civile En % de la population civile En % de la population civile 100 67,5 90 67,0 80 80 66,5 66,5 70 70 66,0 66,0 60 60 65,5 65,5 50 50 65,0 65,0 40 40 64,5 64,5 30 30 64,0 64,0 20 20 63,5 63,5 10 10 63,0 63,0 0 62,5 62,5 100 Taux de participation par catégories d’âge 90 0 16 à 24 ans 25 à 34 ans 35 à 44 ans 45 à 54 ans 1992 2012 55 à 64 ans 65 à 74 ans 75 et plus 2022* Graphique 12 – Les prévisions de croissance de la population active américaine ont été revues à la baisse En millions Population active 165 165 160 160 155 155 Réalisé Prévision du BLS* de novembre 2009 Prévision du BLS* de février 2012 Prévision du BLS* de décembre 2013 145 2005 2007 2009 2011 2013 2015 67,0 Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques Il faut donc s’attendre à ce que la population active aug‑ mente très modestement au cours du reste de la décennie. Il faut toutefois noter que les prévisions à ce sujet ont été plutôt instables (graphique 12); outre les mauvaises prévi‑ sions quant à l’évolution démographique de la population américaine, ces « erreurs » proviennent aussi des effets conjoncturels et structurels engendrés par la récession. Comme la population active progressera moins rapidement que la population civile, il faudra tabler sur une réduction graduelle du taux de participation. Continuant ainsi la ten‑ dance entamée depuis déjà plus de dix ans (graphique 13). 150 67,5 62,0 62,0 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 2021 * Prévisions du Bureau of Labor Statistics. Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques En millions Prévisions de Desjardins 2017 2019 2021 150 145 2023 * Bureau of Labor Statistics. Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques Le Congressional Budget Office (CBO) a récemment prédit que la mise en place de la réforme de la santé du prési‑ dent Obama aura des répercussions de long terme sur le taux de participation. Dans leurs prévisions budgétaires, les analystes du CBO ont estimé que le fait que les travailleurs vont pouvoir disposer d’une assurance maladie abordable d’une autre façon que celle fournie par les employeurs va permettre à certains Américains de travailler moins, selon leur préférence. Les subventions permettant aux moins fortunés d’acheter une assurance maladie, dont la valeur décroît selon les revenus des ménages, constituent égale‑ ment un incitatif à offrir moins d’heures de travail. Les effets sur le taux de chômage La diminution du taux de participation a évidemment des implications sur le taux de chômage. Une hausse plus modeste du nombre de personnes actives implique aussi, à terme, une progression plus faible du nombre de travailleurs. Le taux de chômage variera selon la vitesse qu’évolueront ces deux taux de croissance. À court terme, la progression de l’économie devrait favoriser une assez bonne croissance de l’emploi. Avec une hausse annuali‑ sée du PIB réel de seulement 1,9 % en 2013, l’économie américaine a réussi à créer 2 322 000 emplois. Un taux de croissance plus rapide du PIB alors que l’économie améri‑ caine sera beaucoup moins freinée par la politique budgé‑ taire fédérale ( fiscal cliff, sequester, shutdown et risque de défaut causé par le plafond de la dette) devrait amener de bons gains du côté de l’emploi. Malgré les faiblesses récen‑ tes de décembre 2013 et de janvier 2014, le rythme d’envi‑ ron 200 000 embauches par mois devrait vite reprendre le dessus. Si les fluctuations de l’enquête auprès des ménages ne divergent pas trop de celles auprès des entreprises, on peut s’attendre à une hausse continue du nombre d’emplois. Comme, en moyenne, la population active devrait augmen‑ ter d’un peu moins de 100 000 personnes par mois en 2014 et en 2015, la proportion représentée par les détenteurs d’emploi sera de plus en plus grande. Inversement, celle du nombre de chômeurs s’amenuisera puisqu’ils seront de plus en plus nombreux à se trouver des postes. Ainsi, le taux de chômage devrait continuer à diminuer (graphique 14 à la page 6). La croissance plus rapide de la population civile que de la population active devrait par contre faire en sorte que le taux d’emploi augmentera plus modestement (graphi‑ que 15 à la page 6). 5 24 février 2014 Point de vue économique Graphique 14 – Le taux de chômage devrait continuer à reculer à court terme En % En % Prévisions de Desjardins 10 9 www.desjardins.com/economie Graphique 16 – À plus long terme, le taux de chômage se stabilisera probablement autour de 5 % En % En % 11 10 Prévisions de Desjardins 10 11 10 9 9 9 8 8 8 8 7 7 7 7 6 6 5 5 4 4 6 6 5 5 4 4 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques Graphique 15 – Le taux d’emploi augmentera très modestement En % de la population civile En % de la population civile 64 Prévisions de Desjardins 63 64 63 62 62 61 61 60 60 59 59 58 58 57 57 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques À plus long terme, la croissance de l’emploi devrait être de plus en plus ralentie par la faiblesse de la participation. Ainsi, à la manière de ce que prévoit le BLS, la moyenne des embauches mensuelles devrait être moins grande que ce qu’elle nous a habitué récemment. De 2016 à la fin de la décennie, ces gains devraient se rapprocher davantage des 100 000 nouveaux travailleurs par mois. Cela devrait stabiliser le taux de chômage tendanciel vers les 5 % (gra‑ phique 16). Évidemment, la conjoncture économique qui prévaudra alors aura le pouvoir de faire diverger le taux de chômage de cette tendance issue des mouvements démographiques. Vers un potentiel de croissance plus faible pour l’économie américaine? Le potentiel d’une économie repose surtout sur deux fac‑ teurs : les heures travaillées par la main-d’œuvre et la productivité de celle-ci. La productivité des travailleurs a fait des bonds énormes au cours des dernières décennies grâce aux avancées technologiques. La haute productivité a même eu un certain effet pervers au début de la reprise : l’économie a pu s’accélérer sans que l’emploi ne progresse 6 3 3 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 2021 vraiment. Par exemple. Le PIB réel a rejoint son sommet d’avant la crise au printemps de 2011 alors que l’emploi n’a même pas encore regagné tout le terrain perdu. Il y a plusieurs façons d’estimer le niveau potentiel de l’éco‑ nomie américaine. Une des plus utilisées est celle calculée par le CBO. Selon celui-ci, le PIB réel américain se trouvait au dernier trimestre de 2013, 3,8 % sous le PIB potentiel réel. Il reste donc encore beaucoup de capacités inutilisées de production aux États‑Unis, et ce, même si la croissance du potentiel est beaucoup plus lente maintenant qu’elle ne l’était avant la récession. Le CBO estime que cette crois‑ sance était de 3,2 % entre 1982 et 2001, aidée par une forte progression de la population active dans les années 1980 et par une bonne productivité dans les années 1990. Ces deux facteurs ont toutefois ralenti depuis, et le CBO estime que la croissance du potentiel sera de 2,0 % entre 2014 et 2017 et de 2,2 % par la suite (graphique 17). C’est surtout la faibles‑ se de la croissance de la population active qui expliquera la faiblesse future du potentiel (graphique 18 à la page 7). Graphique 17 – La croissance du PIB réel potentiel a ralenti Var. ann. en % Var. ann. en % Prévisions du CBO* 4,5 4,5 4,0 4,0 3,5 3,5 3,0 3,0 2,5 2,5 2,0 2,0 1,5 1,5 1,0 1960 1,0 1970 1980 1990 * Congressional Budget Office. Sources : Congressional Budget Office et Desjardins, Études économiques 2000 2010 2020 24 février 2014 Point de vue économique www.desjardins.com/economie Graphique 18 – La faiblesse de la population active amène une croissance plus faible du PIB potentiel En points de % 3,5 Contributions à la croissance annuelle moyenne du PIB réel potentiel En points de % 3,0 3,0 2,5 2,5 2,0 2,0 1,5 1,5 1,0 1,0 0,5 0,5 0,0 0,0 1991-2001 2002-2013 Population active 2014-2017* 2018-2024* Productivité * Prévisions du Congressional Budget Office. Sources : Congressional Budget Office et Desjardins, Études économiques Un taux plus faible de croissance du potentiel implique qu’il faudra s’habituer à voir les indicateurs économiques progresser moins rapidement, une offre globale plus lente impliquant également une demande globale moins rapide. Tant que l’équilibre entre les deux est relativement respecté, il ne devrait toutefois pas y avoir trop de pression sur les prix et les salaires. En fait, on ne s’attend pas à ce que l’écart entre le PIB réel et son potentiel ne se referme avant 2019. Ainsi, un potentiel plus faible n’implique donc pas néces‑ sairement plus d’inflation, comme le cas extrême du Japon le démontre. Les conséquences pour la politique monétaire Depuis décembre 2012, la Réserve fédérale américaine (Fed) identifie trois facteurs qui l’incitent à garder les taux directeurs inchangés à un taux très bas. Deux de ces fac‑ teurs touchent l’inflation, l’autre le taux de chômage. La Fed juge que les taux doivent rester au niveau actuel (entre 0,00 % et 0,25 %) tant que le taux de chômage demeure au-dessus de 6,5 %. La baisse du taux de chômage au cours des derniers trimestres a beaucoup rapproché cette « cible » et elle pourrait même être atteinte dans les prochains mois. Ce développement s’est fait beaucoup plus rapidement que ce que prévoyait la Fed lorsqu’elle a dicté ses conditions : à la réunion du 12 décembre 2012, les membres du comité de politique monétaire de la Fed estimaient que la moyenne du taux de chômage au quatrième trimestre de 2013 se situerait entre 7,4 % et 7,7 %. Il s’est plutôt situé à 7,0 %. Comme nous l’avons vu, une grande partie du recul plus important que prévu du taux de chômage au cours de la dernière année provient de la baisse du taux de participation et du fait que celui-ci n’a pas évolué comme à l’habitude en période de reprise. La baisse rapide du taux de chômage complique donc la tâche de la Fed qui n’est évidemment pas prête à entamer une hausse des taux directeurs alors qu’elle vient à peine de commencer à réduire ses achats de titres obligataires. Pour le moment, elle peut argumenter que les autres composantes de son indication prospective continuent de militer pour la patience : l’inflation reste sous le seuil de 2,0 % et les antici‑ pations inflationnistes sont toujours bien ancrées. À court terme, la Fed pourrait aussi décider de réviser à la baisse le seuil de 6,5 % identifié pour le taux de chômage. Elle gagnerait ainsi du temps. On sent toutefois que Janet Yellen et ses collègues cherchent plutôt à élargir officieusement ce qui constitue le tableau du marché du travail américain. Dorénavant, l’accent sera probablement de moins en moins sur le taux de chômage, mais davantage sur d’autres indicateurs. Dans un récent discours, Janet Yellen en a mentionné certains, comme le chômage de longue durée (graphique 19) et le nombre de personnes travaillant involontairement à temps partiel (graphique 20). Le taux d’emploi dans la principale catégorie d’âge des Graphique 19 – Le chômage de longue durée demeure très problématique En % Proportion des chômeurs depuis plus de 27 semaines 50 En % 50 45 45 40 40 35 35 30 30 25 25 20 20 15 15 10 10 5 5 0 1990 0 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques Graphique 20 – Beaucoup de travailleurs occupent un travail à temps partiel alors qu’ils préféreraient un emploi à temps plein En millions 10 Nombre de travailleurs involontairement à temps partiel En millions 10 9 9 8 8 7 7 6 6 5 5 4 4 3 1990 3 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques 7 2006 2008 2010 2012 2014 24 février 2014 Point de vue économique travailleurs (graphique 21) ou les statistiques concernant le nombre de nouveaux postes disponibles ou les cessations involontaires d’emploi sont aussi des indicateurs permettant de juger de la santé du marché du travail. Ainsi, même si le taux de chômage est presque rendu au seuil identifié par la Fed, celle-ci dispose d’assez d’arguments pour attendre longtemps avant de commencer un début de normalisation des taux directeurs. On n’attend pas de hausse avant septembre 2015. Graphique 21 – Malgré la récente amélioration, le taux d’emploi demeure faible chez les 25 à 54 ans En % de la population civile En % de la population civile 82 82 81 81 80 80 79 79 78 78 77 77 76 76 75 75 74 1990 74 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 Sources : Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques Francis Généreux Économiste principal 8 www.desjardins.com/economie