Mi s e a u p o i nt D O S S I E R T H É M A T I Q U E Anxiété et troubles cognitifs Anxiety and cognitive deficit ● C.S. Peretti*, F. Ferreri* R R É É S S U U M M É É C’est P. Janet (1) qui, le premier, a décrit l’existence de troubles cognitifs liés à l’anxiété, notamment des anomalies perceptives (illusions sensorielles, sentiment de déjà-vu ou de jamais-vu), des déficits mnésiques et attentionnels, ainsi que des perturbations émotionnelles et affectives. Les perturbations attentionnelles sont à l’origine d’une partie des troubles de la mémoire observés chez les sujets anxieux. Il y aurait, selon M.W. Eysenck (2), plusieurs effets de l’anxiété sur l’attention. Les sujets anxieux auraient tendance à rechercher les stimuli menaçants se rapportant à leurs symptômes. Ils présenteraient des troubles de l’attention se manifestant par une grande distractibilité. De plus, leur attention serait sélective, c’est-à-dire qu’ils focaliseraient leur attention sur des informations bien spécifiques. Enfin, les ressources attentionnelles concernant leur mémoire de travail seraient limitées. Dans le test de Stroop, les patients présentant une anxiété généralisée sont plus lents à dénommer la couleur lorsque les mots présentés ont une connotation péjorative (par exemple, “infarctus”). Il en est de même chez des patients souffrant de phobie simple lorsque le mot désigne directement le stimulus phobogène lui-même (par exemple, “obscurité”). Dans l’attention visuospatiale, certaines études ont mis en évidence un biais attentionnel en faveur des stimuli menaçants. La nature sémantique des mots présentés interviendrait également. Le patient anxieux effectuerait un traitement sémantique inconscient des mots. Plus le mot est congruent à ses préoccupations et plus l’interférence serait grande. L’anxiété mobiliserait une partie des ressources attentionnelles des patients, ce qui les placerait dans une situation de double tâche (3). En effet, les patients souffrant d’anxiété doivent traiter à la fois l’information pertinente et celle liée à l’anxiété, ce qui entraîne un effort attentionnel plus important. Pour le trouble anxieux généralisé (TAG), aucun biais en mémoire explicite n’a été trouvé. Il en existe cependant un en mémoire implicite pour les mots à connotation menaçante (4). L’existence de déficits mnésiques dans les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) a été mise en évidence à plusieurs reprises. En effet, plusieurs études ont montré que les patients souffrant de TOC présentaient des déficits de la mémoire visuospatiale, mais non de la mémoire verbale. Dans l’état de stress post-traumatique (ESPT), certaines caractéristiques du souvenir traumatique et des réactions aux traumatismes montrent que les émotions du sujet sont essentiellement représentées par les flash-back plutôt que par des formes de souvenirs ordinaires. Ces derniers incorporent des pensées concernant la mort et le fait de mourir, qui sont des prédicteurs importants du développement de l’ESPT (5), ainsi que l’existence de séquences interconnectées et d’images plutôt que de scènes séparées (6). Mots-clés : Mémoire - Attention - Troubles anxieux - État de stress post-traumatique. SUMMARY SUMMARY Janet was the first author to describe cognitive deficits in anxiety (1), namely perceptive anomalies or defects, illusions, déjà-vu or jamais-vu, memory or attentional deficits, emotional and affective dysfunctions. Attentional deficits generate memory impairments observed in anxious patients. In 1982, M.W. Eysenck proposed different anxiety effects on attention: anxious subjects would be likely to seek threatening stimuli derived from their symptoms (2). These subjects are highly distractible, their attention is selective, they tend to focus attention on very specific informations. Attentional resources and working memory are impaired. In the Stroop task, patients suffering from generalized anxiety disorder exhibit slowness in naming the color when presented with words containing pejorative connotations, for example infarctus. In patients suffering from simple phobia, the same observation is reported when the word is linked to the phobogen stimulus, for example darkness. Studies have highlighted an attentional bias in favor of threatening stimuli. The semantic nature of the words is also important. The anxious patient performs an unconscious semantic treatment of the words. The more congruent the word is to anxious patient’s worries, the greater the interference. Anxiety might take part of the attentional resources of the patients, resulting in a dual-task situation for the patients (3). Patients suffering from anxiety have to treat both the relevant information and the information derived from anxiety, leading to increased attentional cost. In generalized anxiety disorder no memory bias has been observed for explicit memory whereas a bias has been reported for implicit memory of threatening words (4). In obsessive compulsive disorder (OCD) different studies have shown memory deficits such as impairment of visuospatial memory but not verbal memory. In post-traumatic stress disorder (PTSD) some characteristics of the traumatic memory and of traumatic reactions show that subjects’ emotions are mainly formed by flashbacks more than by ordinary memories. The flashbacks contain thoughts about death or about dying that are important predictors to develop PTSD (5) as well as interconnected sequences and images rather than separated scenes (6). Keywords: Memory - Attention - Anxiety disorders - Post-traumatic stress disorder. * Hôpital Saint-Antoine, Paris. 18 La Lettre du Psychiatre - vol. II - n° 1 - janvier-février 2006 p o i nt L’ANXIÉTÉ : DÉFINITION SELON LE DSM-IV La définition de l’anxiété donnée par l’Encyclopédie est celle de Ribot : “L’anxiété est un sentiment d’insécurité douloureuse devant un danger à venir, mais intérieur, latent, non défini.” Le DSM-IV ne sépare pas les composantes somatiques et psychiques de l’affect pénible et douloureux qui caractérisent respectivement l’angoisse et l’anxiété. Les déficits cognitifs font partie des critères diagnostiques : il s’agit, par exemple, des troubles de la concentration, de l’attention, responsables d’une distractibilité. La nosographie établit l’existence de troubles anxieux dans lesquels le sujet est en proie à un danger imaginaire. C’est le cas du trouble panique, du trouble anxieux généralisé, des troubles phobiques, du trouble obsessionnel compulsif (TOC) et de l’état de stress post-traumatique (ESPT). Les manifestations pathologiques sont très hétérogènes. TROUBLES ATTENTIONNELS Il y aurait selon M.W. Eysenck (2), plusieurs effets de l’anxiété sur l’attention. Les sujets anxieux auraient tendance à rechercher les stimuli menaçants se rapportant à leurs symptômes. Ils présenteraient des troubles de l’attention se manifestant par une grande distractibilité. De plus, leur attention serait sélective, La Lettre du Psychiatre - vol. II - n° 1 - janvier-février 2006 L’effet Stroop Certaines études portant sur les performances au test de Stroop (8) ont montré que les patients anxieux présentaient une sensibilité à l’interférence significativement plus importante que les sujets témoins. Dans l’épreuve classique, une des consignes est de nommer la couleur de l’encre avec laquelle un nom de couleur est écrit (par exemple, le mot “rouge” écrit en bleu devra être lu “bleu”). Afin de réaliser correctement cette tâche, le patient doit inhiber une activité automatique qui est celle de la lecture du mot (“rouge”) en faveur d’une activité davantage contrôlée : celle de la dénomination de la couleur (“bleu”). Dans certaines pathologies anxieuses, il est difficile pour les patients d’inhiber l’automatisme, ce qui entraîne une sensibilité à l’interférence plus importante. C’est le cas chez les patients souffrant de TOC. En revanche, ce phénomène n’est pas observé chez les patients souffrant de trouble panique. S’agirait-il dans ce cas d’une anxiété-état (caractérisant un “moment” pathologique) et non d’une anxiété-trait (caractérisant un profil de personnalité, par exemple) ? Dans la vie courante, cela peut se traduire par des difficultés scolaires ou professionnelles, de concentration et de compréhension d’un texte par exemple, chez un sujet qui ne cesse d’effectuer des actes mentaux comme répéter des mots, compter, prier, etc. D’autres travaux ont utilisé une variante du test de Stroop, le Stroop émotionnel (9). Dans cette épreuve, il s’agit toujours pour les sujets de dénommer la couleur des mots présentés, mais ces mots ont alternativement une connotation neutre ou menaçante (par exemple, les mots “chat”, “obscurité”, “légume” et “infarctus”). Les patients présentant une anxiété généralisée sont plus lents à dénommer la couleur lorsque les mots présentés ont une connotation péjorative (par exemple, “infarctus”). Il en est de même chez des patients souffrant de phobie simple lorsque le mot désigne directement le stimulus phobogène lui-même (par exemple, “obscurité”). Ce ralentissement de la vitesse de réponse pourrait s’expliquer, selon certains auteurs, par la correspondance entre le contenu sémantique du mot stimulus et le thème de l’anxiété. Une attention sélective L’attention visuospatiale Certaines études ont mis en évidence un biais attentionnel en faveur des stimuli menaçants (9-13). Une épreuve de détection dans laquelle les sujets devaient répondre le plus rapidement possible à un signal lumineux apparaissant ponctuellement sur un écran lors de la présentation de couples de mots (mot menaçant/mot neutre) a montré que les patients anxieux détectaient plus rapidement le stimulus lumineux quand celui-ci apparaissait à la place du mot menaçant. Un résultat inverse était observé chez les sujets témoins. 19 a u U c’est-à-dire qu’ils focaliseraient leur attention sur des informations bien spécifiques. Enfin, les ressources attentionnelles concernant leur mémoire de travail seraient limitées. Mi s e n corpus de travaux de psychologie expérimentale a permis de mieux cerner les effets de l’anxiété sur les capacités mnésiques et attentionnelles des patients souffrant de troubles anxieux. La caractérisation de ces troubles cognitifs chez les sujets anxieux reste cependant liée à l’hétérogénéité des pathologies et aux problèmes de définition de l’anxiété. Nous présenterons un panorama des études les plus intéressantes, sans prétention d’exhaustivité. Nous insisterons dans une deuxième partie sur certaines théories actuellement en vue telles que la théorie de la représentation duelle (dual representation theory [DRT]) dans l’ESPT, la théorie des systèmes de mémoire interactive ou encore celle des facteurs GDE (gènesdéveloppement-environnement) qui met en jeu l’amygdale, l’hippocampe, le striatum, le cortex préfrontal, le nucleus accumbens et certains noyaux diencéphaliques. Ces différents éclairages sont particulièrement riches et autorisent des interprétations nouvelles de certains résultats expérimentaux ; c’est la raison pour laquelle nous leur avons fait une place importante dans cette synthèse. Notre conclusion sera inspirée de ces conceptions de l’étiopathogénie cognitive des troubles anxieux. En 1991, J. Guelfi (7) confirmait la fréquence des troubles mnésiques chez les sujets anxieux : plus de la moitié des sujets qu’il a étudiés présentaient une baisse de leur capacité à se concentrer. Une perturbation de l’attention et de la mémoire a été observée chez les patients souffrant d’anxiété, déficit qui se traduirait par une focalisation de l’attention sur les stimuli menaçants ou un biais attentionnel en leur faveur. Les capacités mnésiques des sujets en seraient diminuées. O S S I E R T H É M A T I Q U E Mi s e a u p o i nt D Une étude de K. Mogg et al. (14) a également montré ce biais de l’attention sélective lors de la présentation de visages menaçants ou souriants. Les sujets anxieux, comparativement aux témoins, étaient beaucoup plus attentifs aux visages menaçants qu’aux visages souriants. La durée de présentation des stimuli ne changeait en rien ces données. Lorsque des sujets non anxieux doivent détecter sur un écran un stimulus visuel central, un stimulus visuel périphérique, ou les deux simultanément, les temps de réponse sont identiques en état de relaxation et en état de tension lorsque les stimuli sont uniques. Pour les stimuli simultanés, l’état de tension induit une préférence pour le stimulus périphérique, tandis qu’un état de relaxation fait préférer le stimulus central. Ces données corroborent l’hypothèse de M.W. Eysenck (2), selon laquelle les patients anxieux présenteraient un déficit du contrôle attentionnel entraînant une plus grande distractibilité. Ces patients qui souffrent d’anxiété effectueraient une recherche sélective des stimuli menaçants présents dans l’environnement, ce qui provoquerait une diminution des ressources attentionnelles et de mémoire de travail ainsi qu’une tendance à focaliser leur attention plus étroitement que des sujets témoins. Cela peut se traduire, par exemple, par des difficultés, chez le sujet claustrophobe qui prend l’ascenseur, à se concentrer sur une conversation. L’écoute dichotique Ce biais de l’attention sélective existerait également pour des stimuli verbaux. Une étude de A. Mathews et C. Mc Leod (9) réalisée chez des patients souffrant de trouble anxieux généralisé (TAG) a montré un temps de détection plus lent lorsque ceux-ci devaient détecter un stimulus lumineux présent pendant l’écoute d’un texte à mémoriser. Les sujets étaient munis d’un casque, et le texte était diffusé dans un écouteur pendant que des mots menaçants étaient émis dans l’autre. Les mots menaçants n’étaient pas identifiés par les sujets, mais leur effet “inconscient” perturbait le traitement de l’information lumineuse, en ralentissant la réaction des patients. Le traitement du contenu sémantique La nature sémantique des mots présentés interviendrait également. Le patient anxieux effectuerait un traitement sémantique inconscient des mots. Plus le mot est congruent aux préoccupations du patient et plus l’interférence serait grande. Cette sélectivité attentionnelle pour des stimuli menaçants a été mise en évidence dans des épreuves de décision lexicale. Les temps de réaction seraient plus courts pour des mots menaçants lorsque ceux-ci sont amorcés par la présentation préalable d’un autre mot, proche au niveau sémantique ; par exemple, le mot “infarctus” précédé du syntagme “crise cardiaque”. Il en est de même lorsque l’amorce est un mot émotionnellement proche, comme par exemple, le mot “malaise” précédant le mot “infarctus”. Ce biais attentionnel pour des stimuli menaçants ou pour des informations à connotation péjorative pourrait selon certains auteurs jouer un rôle dans l’anxiété sociale, où il tendrait à biaiser les jugements sociaux. 20 En effet, une étude de T.M. Mellings et L.E. Alden (15) a montré, lors d’un échange relationnel entre des sujets anxieux et des sujets non anxieux, que les premiers restaient focalisés sur leurs propres symptômes et formulaient des opinions négatives sur les autres et sur eux-mêmes (ce qui est le reflet d’une anxiété plus importante). LES TROUBLES DE LA MÉMOIRE La mémoire de travail L’anxiété-état, forme d’anxiété transitoire, altérerait les performances en mémoire de travail d’une manière plus marquée que l’anxiété-trait, disposition de base de la personnalité. L’anxiété mobiliserait une partie des ressources attentionnelles des patients, ce qui les placerait dans une situation de double tâche (3). En effet, les patients souffrant d’anxiété doivent traiter à la fois l’information pertinente et celle liée à l’anxiété, ce qui entraîne un effort attentionnel plus important. Ainsi, les sujets anxieux ont des performances déficitaires lorsque les épreuves comportent une grande quantité d’informations. C’est, par exemple, le cas chez des étudiants très anxieux confrontés à une situation d’examen. Les patients à fort niveau d’anxiété ont de plus faibles résultats dans les épreuves d’empan mnésique que les sujets témoins. Leur capacité en mémoire de travail est réduite, ce qui entraîne une augmentation du temps de réaction et des erreurs quand on leur demande d’effectuer une autre tâche. Par exemple, si on leur demande d’effectuer une addition mentale alors qu’ils réalisent une épreuve de mémoire, leurs performances sont déficitaires. La mémoire à long terme Les sujets anxieux seraient davantage sensibles aux stimuli menaçants qu’aux stimuli neutres. Lors d’une épreuve de rappel d’une liste de mots composée pour moitié de mots neutres et pour moitié de mots menaçants, les patients souffrant de phobie restitueront davantage de mots à connotation menaçante. Il en est de même chez des patients souffrant de trouble panique. En revanche, on observe un résultat inverse chez les patients souffrant d’agoraphobie. S’agit-il, dans ces conditions, d’un effet dépendant de l’état et qui disparaîtrait en dehors de la présence du stimulus ? Une revue de M.E. Coles et R.G. Heimberg (4) consacrée aux biais de mémoire observés chez des sujets anxieux rappelle que les performances obtenues en mémoire explicite (épreuve de rappel libre de mots) ainsi qu’en mémoire implicite (épreuve de complémentation de début de mots) n’étaient pas significativement différentes chez les sujets anxieux et chez les sujets témoins. En revanche, en mémoire implicite, les sujets anxieux présentent des performances d’amorçage significativement supérieures pour les mots menaçants. Ce résultat peut être expliqué par une utilisation plus fréquente de ce genre de mots chez les sujets anxieux que chez les témoins. La Lettre du Psychiatre - vol. II - n° 1 - janvier-février 2006 Trouble panique avec et sans agoraphobie Plusieurs études ont relevé un biais de mémoire significatif chez ces patients (4), notamment en ce qui concerne les mots menaçants. Ce biais serait présent en mémoire explicite et en mémoire implicite. Des déficits en mémoire à court terme apparaîtraient lors des épreuves de rappel libre. Phobie sociale Plusieurs études ont été menées qui ne trouvaient pas de biais mnésique (17, 18). Cela concerne aussi bien la mémoire explicite que la mémoire implicite et se vérifie pour des épreuves de rappel ou de reconnaissance de mots à connotation positive, neutre ou négative. Phobie spécifique Un grand nombre d’études menées sur des patients présentant une phobie des serpents ont montré des biais et des déficits mnésiques (19-21). En effet, ces patients retiendraient mieux les descriptions de sensations abstraites que les descriptions de sensations concrètes comparativement aux témoins. De même, ils présenteraient un déficit dans le rappel de mots relatifs à la réponse anxieuse et non dans celui des mots relatifs aux caractéristiques des serpents. Trouble anxieux généralisé Aucun biais en mémoire explicite n’a été trouvé. Il existe cependant un biais en mémoire implicite pour les mots à connotation menaçante (4). État de stress post-traumatique Ces patients présenteraient une mémoire explicite accentuée pour le matériel relatif au traumatisme dans les tests de mémoire explicite et implicite. Ils ont aussi des troubles en mémoire autobiographique. Nous aborderons dans la deuxième partie de cet article les principaux troubles cognitifs observés dans l’ESPT, et ferons une place importante à la théorie DRT inspirée des travaux de P. Janet. Trouble obsessionnel compulsif Une étude de S. Dirson et al. (23) a évalué les effets émotionnels de certains mots sur la mémoire. Ils ont utilisé pour cela une La Lettre du Psychiatre - vol. II - n° 1 - janvier-février 2006 QUE PEUT-ON DIRE DE CES DONNÉES ? Les troubles anxieux sont responsables de troubles cognitifs et de déficits mnésiques bien décrits dans la littérature. Le phénomène du biais attentionnel avec sélection préférentielle de stimuli perceptifs à forte congruence avec les thèmes anxieux des patients permet d’expliquer la lenteur apparente du traitement de l’information des patients souffrant de troubles anxieux, qui se retrouvent très souvent en situation de double tâche, c’est-à-dire qu’ils doivent traiter en parallèle l’information rencontrée et le contenu anxiogène d’une partie de celle-ci. L’anxiété-trait doit être séparée de l’anxiété-état, car le profil des effets cognitifs est bien différent (voir supra). Enfin, il faut rappeler les effets mnésiques délétères des benzodiazépines (25), qui vont handicaper davantage des patients déjà déficitaires au plan cognitif du fait de leur pathologie, en insistant sur le fait que les bénéfices de la disparition de tout ou partie de la symptomatologie anxieuse ne sauraient faire disparaître les troubles mnésiques massifs générés par ces médicaments en mémoire explicite. 21 a u p o i nt Biais de mémoire où déficit mnésique ? tâche de mémoire explicite (rappel libre) et une tâche de mémoire implicite (complètement de radicaux mots). Aucune différence entre les sujets anxieux et les témoins n’a été mise en évidence. Cela suggérerait que la charge émotionnelle des mots ne modifierait pas la mémoire explicite ou implicite. L’existence de déficits mnésiques dans les TOC a été mise en évidence à plusieurs reprises. En effet, plusieurs études ont montré que les patients souffrant de TOC présentaient des déficits de la mémoire visuospatiale, mais pas de la mémoire verbale. En outre, ces patients connaîtraient des difficultés à retrouver une information spécifique et auraient des temps de latence plus longs que les témoins. Une étude utilisant la figure de Rey a confirmé le déficit de ces patients en mémoire visuospatiale. L’un des aspects importants de cette épreuve est la façon dont le sujet organise l’information durant l’encodage de la figure : organiser la figure en différentes unités perceptives significatives permet un meilleur rappel libre de cette figure. Les patients souffrant de TOC auraient des difficultés à utiliser une stratégie d’organisation de la figure lors de son recopiage, ce qui rendrait leur rappel d’information beaucoup moins efficient. De plus, ils auraient des déficits mnésiques dans le California Verbal Learning Test (CVLT). La réussite de ce test de mémoire met en jeu l’utilisation de stratégies durant l’encodage, ce qui expliquerait cette constatation expérimentale. Les faibles performances des patients dans ces épreuves démontreraient que les déficits en mémoire verbale et non verbale seraient corrélés à des déficits de mise en place d’une stratégie. Cette dernière serait liée sur le plan fonctionnel aux fonctions exécutives, validant les modèles neurobiologiques qui présupposent un dysfonctionnement fronto-striatal chez les patients souffrant de TOC (24). Mi s e Selon une étude menée par A. Mathews et al. (16), les scores en mémoire explicite (rappel libre) seraient similaires pour les anxieux présentant une anxiété-état et les témoins. Ils seraient différents pour les anxieux présentant une anxiété-trait. En mémoire implicite, les anxieux produiraient davantage de compléments pour les mots menaçants. Les représentations internes de ces mots seraient plus rapidement activées dans l’anxiété-état, bien qu’elles ne soient pas nécessairement mieux élaborées. O S S I E R T H É M A T I Q U E Mi s e a u p o i nt D MÉMOIRE ET ESPT Les patients qui souffrent d’ESPT présentent des épisodes de reviviscence de la scène traumatique, qualifiés de flash-back, qui sont considérés par certains auteurs comme une forme spécifique de mémoire (26, 27). D’autres auteurs comme M.A. Conway (28) considèrent qu’il s’agit de la fragmentation et de la désorganisation de la mémoire autobiographique. Les patients qui présentent un ESPT souffrent également de cognitions intrusives qui sont communément rencontrées dans l’ESPT, la dépression, l’anxiété, le TOC, mais également chez des sujets sains et chez certaines personnes qui à un moment de leur existence peuvent manifester de tels phénomènes, à un degré plus ou moins important (29, 30). Les rappels intrusifs, ou souvenirs intrusifs, et l’oubli partiel des événements traumatiques sont des phénomènes caractéristiques de l’ESPT (31), mais les patients présentant un ESPT souffrent également de plaintes subjectives associant des chutes de la concentration et un déficit de mémoire (32-35) ; leurs capacités attentionnelles sont détournées et l’allocation de ressources attentionnelles se fait préférentiellement en faveur des stimuli effrayants (36-38). L’ESPT est associé à un déficit de mémoire et d’attention et à une chute des capacités intellectuelles (39-40). Le déficit cognitif dans l’ESPT est considéré par certains auteurs comme un déficit de la mémoire déclarative (41, 42) et par d’autres comme un déficit de la mémoire de travail et de l’attention (33). Les expériences de J.D. Bremner et al. (41) ont mis en évidence une diminution des performances de la mémoire verbale en rappel différé ou immédiat chez des vétérans du Vietnam souffrant d’ESPT, comparés à des témoins sains. Cette même équipe, deux années plus tard, montrait une mémoire verbale différée ou immédiate diminuée dans les performances de 21 personnes victimes d’abus sexuels dans l’enfance et présentant des symptômes d’ESPT, comparées à 20 témoins appariés. Une corrélation significative entre la performance en mémoire verbale et la sévérité du traumatisme était retrouvée dans ces deux études. Des preuves expérimentales ont été apportées par S.J. Hellawell et C.R. Brewin (43) qui ont montré que certains passages de discours décrivant le traumatisme et énumérés par les patients souffrant d’ESPT correspondaient à des flash-back, et que ces éléments pouvaient être totalement distincts du reste du discours, en plusieurs points. Ces flash-back étaient considérés comme des phénomènes mnésiques associés à une chute sélective de la performance dans des tâches visuospatiales ainsi qu’à une augmentation du comportement moteur et du degré de stimulation du système nerveux autonome. Ces mêmes auteurs considèrent que les flash-back diffèrent totalement de la mémoire ordinaire en ce qu’ils utilisent un contenu et une forme grammaticale spécifiques. Certains chercheurs soutiennent que les situations traumatiques sont susceptibles de provoquer des souvenirs très prolongés, mais, curieusement, un petit nombre d’études a tenté de caractériser précisément les souvenirs des événements traumatiques vécus par les patients souffrant de telles pathologies. B.A.Van der Kolk et R.E. Fisler (44) ont étudié les patients souffrant d’ESPT en leur demandant de décrire les souvenirs qu’ils avaient des évé22 nements traumatiques, mais aussi d’événements non traumatiques d’intensité élevée. En comparant les contenus de ces souvenirs, ces auteurs ont remarqué qu’ils différaient de manière nette. Les événements traumatiques étaient rappelés sous forme d’expérience somato-sensorielle fragmentaire, d’intensité élevée, par flash-back. Le discours des patients concernant ce type d’expériences n’apparaissait que secondairement, après le traumatisme. Les événements non traumatiques, quant à eux, étaient rappelés assez constamment, sous une forme narrative, et aucun flash-back n’était décrit. Un certain nombre d’études ont tenté de mettre en évidence des pensées intrusives, notamment celle de D.A. Clark (45), qui a comparé des patients psychiatriques et des témoins dans une analyse factorielle. Cet auteur identifie trois dimensions de pensées négatives : les cognitions dépressives (comme “je n’ai pas d’avenir” ou “mon avenir est bouché”) ; les images ou pensées d’humiliations ou d’expériences douloureuses (“je n’en peux plus”, “je suis épuisé”) ou les pensées à contenu anxieux (“j’ai des images ou des pensées qui me persuadent que je suis en mauvaise santé ou que je suis tombé malade”) ; les pensées intrusives comme des pensées ou images “de devoir dire des choses inacceptables à quelqu’un”. Pour P.M. Salkovkis (30, 46), les pensées intrusives et les cognitions répétitives négatives sont fondées sur l’imagination et sont irrationnelles et égodystoniques. Les déficits cognitifs dans l’ESPT sont rapportés au fonctionnement de régions cérébrales spécifiques. Le déficit en mémoire déclarative peut être la conséquence d’un dysfonctionnement hippocampique qui viendrait révéler des lésions de stress chronique sur les cellules hippocampiques (47, 42). Les capacités attentionnelles et la mémoire de travail déficitaires pourraient révéler une atteinte préfrontale (48). Cependant, les déficits cognitifs pourraient précéder l’apparition de l’ESPT chez ces patients, et on ne peut exclure qu’ils se développent tout au long de l’évolution de cette pathologie. La première hypothèse serait confortée par des études mettant en évidence un quotient intellectuel plus faible chez les vétérans du Vietnam qui développent plus tard un ESPT (49). Le déficit en mémoire déclarative qui apparaît très précocement après un événement traumatique pourrait résulter d’une inhibition hormonale induite par le stress et ses conséquences sur les fonctions hippocampiques (47). Il est donc très important de comprendre et d’évaluer les liens qui peuvent exister entre les symptômes de l’ESPT et le déficit cognitif de cette maladie. Les patients qui présenteraient très précocement des symptômes d’ESPT particulièrement intenses seraient susceptibles de développer des formes plus sévères ou d’avoir un risque plus élevé d’ESPT que les autres (50). Les déficits cognitifs sont susceptibles d’interférer avec la capacité du patient de récupérer à la suite d’un traumatisme, processus qui demande un réapprentissage et une réadaptation (51). Les déficits cognitifs précoces pourraient conduire à un déficit d’acquisition des souvenirs traumatiques et expliquer partiellement l’amnésie de certaines scènes. L’absence de dysfonctionnement cognitif précoce chez les survivants qui présentent des symptômes suggère qu’un déficit cognitif pourrait survenir et se développer tout au long de l’ESPT. Il est donc important d’évaluer les La Lettre du Psychiatre - vol. II - n° 1 - janvier-février 2006 Certains auteurs considèrent que les souvenirs d’un événement traumatique vécu peuvent être décrits et classés en deux catégories, sous des représentations différentes. Le premier type de format de représentation est celui de la mémoire accessible verbalement, représentée par les souvenirs autobiographiques ordinaires qui peuvent être rappelés soit de manière automatique, soit en utilisant des stratégies ou des processus stratégiques. Les souvenirs autobiographiques ordinaires peuvent être produits et interagir avec le reste des connaissances autobiographiques de base, de telle sorte que le traumatisme est représenté au sein d’un contexte personnel complet comprenant le passé, le présent et le futur. Le deuxième type de format est considéré comme un souvenir accessible situationnel ; il est représenté par des rêves liés aux traumatismes spécifiques et les fameux flash-back, qui caractérisent de manière spécifique l’ESPT. Les flash-back ne peuvent être retrouvés que de manière automatique et non de manière stratégique, et ils ne peuvent interagir avec le reste du système de mémoire autobiographique de l’individu. Ils sont formés typiquement de morceaux d’histoire de grande intensité et de certains fragments de la reviviscence de l’événement traumatique, bien que certains éléments additionnels puissent – mais moins communément – être inclus dans les souvenirs (53, 54). Les sujets La Lettre du Psychiatre - vol. II - n° 1 - janvier-février 2006 LE TRAITEMENT DE L’INFORMATION Le mouvement, particulièrement intéressant à étudier, permet d’expliquer certaines imageries mentales qui, dans l’anxiété et les peurs, sont focalisées dans ce que J.H. Riskind (55) appelle la théorie de la vulnérabilité qui aurait reçu des arguments corroborant celle-ci issue d’observations faites dans d’autre troubles anxieux. Les patients souffrant d’ESPT manifestent des souvenirs intrusifs qui comportent des séquences d’images ou de vidéo-clips aussi bien que des images fixes (6). L’approche d’une personne impressionnante ou terrorisante ou d’un objet susceptible d’être particulièrement pertinent dans l’ESPT est importante à considérer, mais la présence de mouvements n’a pas été suffisamment étudiée. C.R. Brewin et al. (27) suggèrent que les souvenirs ordinaires sont accompagnés d’émotions, comme la culpabilité ou la colère, produites par des conséquences de l’événement. L’appréhension de l’événement survient normalement naturellement après le traumatisme et jouerait un rôle dans ce phénomène. En revanche, les flash-back sont accompagnés d’émotions primaires, telles que la peur, le sentiment d’abandon et d’horreur, qui sont vécues au moment du traumatisme luimême. Les propositions faites par D.B. Pillemer (56) sont intéressantes : cet auteur a observé que les personnes décrites comme ordinaires sont susceptibles de manière abrupte et spontanée de basculer de l’utilisation de la tension du présent à un certain moment en parlant ou en produisant le discours autobiographique narratif qui se nourrit de la tension du passé ou qui la décrit. Il suggère que les switches non intentionnels du “présent tendu” surviennent à l’occasion d’émotions particulièrement fortes et que ces switches communiquent l’intensité et le sentiment au discours. Des exemples de shifts particulièrement brutaux du “passé tendu” au “présent tendu” surviennent au point où le discours explique que la vie de celui qui parle ou la vie de quelqu’un d’autre est en dan23 a u p o i nt LA THÉORIE DE LA REPRÉSENTATION DUELLE DE L’ESPT (DRT [DUAL REPRESENTATION THEORY]) sont susceptibles de décrire, par des mots, les flash-back et de les intégrer au système de mémoire, au système des souvenirs accessibles verbalement dans la mesure où ils le font de manière délibérée. Les observations de P. Janet (1), au début du XXe siècle, sont corroborées par la DRT, qui propose trois aspects des flashback et les distingue des souvenirs autobiographiques ordinaires : leur mode exclusivement automatique de recouvrement, le haut niveau de détails perceptifs et la distorsion subjective du temps, qui fait que l’événement est vécu comme s’il survenait dans le présent. Le modèle DRT suggère que les flash-back contiennent l’information qui est issue des scènes traumatiques et du traitement de l’information perceptive de bas niveau provenant de celle-ci. Les flash-back ont, en outre, davantage de détails dans leur contenu et sont davantage fondés sur des événements perceptifs que les souvenirs ordinaires en raison du fait qu’ils sont produits à partir d’une information le plus souvent non consciente et associés à une transmission automatique rapide à l’intérieur du système de traitement de l’information cérébrale. Mi s e liens entre symptômes d’ESPT et fonctionnement cognitif comme l’ont fait Brandes et son équipe en 2002, dix jours après la survenue d’un événement traumatique. Il est impossible de faire un diagnostic d’ESPT si précocement ; on ne peut qu’évoquer l’état de stress aigu. Cependant, certains survivants expriment de hauts niveaux de symptômes d’ESPT tandis que d’autres ne manifestent pas de tels symptômes. Cet auteur montre que les patients qui ont de hauts niveaux de symptômes précoces d’ESPT manifestent un déficit attentionnel et une chute du quotient intellectuel. D. Brandes et al. n’ont pas trouvé de lien entre les symptômes précoces d’ESPT et les performances en apprentissage ou en mémoire verbale. Ils suggèrent que les déficits attentionnels peuvent affecter la récupération des événements traumatiques. Ces résultats sont corroborés par ceux de M.W. Gilbertson et al. (52), ceux de J.J. Vasterling et al. (48) et ceux de M.L. Macklin et al. (49), qui montrent que les vétérans du Vietnam qui possédaient un quotient intellectuel plutôt faible avant la guerre étaient davantage susceptibles de présenter un ESPT. On ne peut considérer que la performance des patients de l’étude de D. Brandes et al., dix jours après un événement traumatique, est susceptible de différer de celle obtenue dans des circonstances normales, et le niveau de quotient intellectuel pourrait ne pas être représentatif d’une mesure des caractéristiques dispositionnelles ou de type prétraumatique. L’association entre des symptômes précoces d’ESPT et les performances cognitives ne peut s’expliquer par des différences d’anxiété ou de symptômes dissociatifs. Le déficit des performances cognitives n’est pas lié au niveau anxieux. O S S I E R T H É M A T I Q U E Mi s e a u p o i nt D ger (56). D.B. Pillemer soutient que l’utilisation du “présent tendu” suggère que le narrateur n’est pas simplement en train de raconter un épisode, mais qu’il le revit ou en revit certains aspects particulièrement saillants, et que le fait de revivre le phénomène est le signe externe d’un switch interne à partir d’une représentation s’appuyant sur la narration vers une représentation fondée sur une image dans les souvenirs. Selon ce modèle, les switches entre des représentations comportent des mouvements de bascule de l’attention flottante vers des images perceptives et des sentiments. Le résultat est que des sensations actives apparaissent. Contrairement au modèle DRT, D.B. Pillemer met l’accent sur l’émotion forte, plutôt que sur les émotions spécifiques de peur, d’abandon ou d’horreur survenant dans l’ESPT. Cet auteur considère que le haut degré d’élévation de l’affect n’est pas suffisant pour produire systématiquement le “verbe tendu” et les shifts. Les études de A.G. Harvey et R.A. Bryant (57) ont montré que les souvenirs des patients souffrant d’ESPT et racontant leur traumatisme étaient désorganisés et fragmentés. Le recouvrement du traumatisme était soit naturel, soit facilité par la psychothérapie et il comportait la réalisation de ces souvenirs (58, 59). Le système des souvenirs composites ou à multiples niveaux permet de faire la prédiction de différences au sein du discours narratif à un point précis dans le temps. Selon le modèle DRT ainsi que les descriptions de D.B. Pillemer (56) et celles de A. Ehlers et R. Steil (6), ces auteurs ont prédit que les flash-back comparés aux souvenirs ordinaires chez les patients seraient : ❯ plus détaillés, particulièrement riches en détails perceptifs comme le mouvement ou la sensorialité ; ❯ descriptifs de scènes particulièrement interactives ou interconnectées les unes aux autres ; ❯ les véhicules de davantage de peurs, d’abandon et d’horreur ; ❯ plus susceptibles de parler de mort ou du sentiment de mourir, et démontrant davantage l’utilisation du “présent tendu”. Les auteurs prédisaient également que les souvenirs ordinaires, comparés aux flash-back, contiendraient davantage d’émotions secondaires comme la culpabilité ou la colère. Les flash-back se sont révélés associés à plus d’émotions primaires de peur, d’abandon et d’horreur, tandis que les émotions secondaires, culpabilité et colère, survenaient davantage au sein des souvenirs ordinaires. Ce type d’observation souligne que les flash-back sont caractérisés non pas par l’intensité émotionnelle en elle-même, mais davantage par la nature spécifique et le moment de l’émotion. La peur, l’abandon et l’horreur peuvent avoir des conséquences psychologiques différentes de celles observées avec les autres émotions. Des associations spécifiques entre peur et reviviscence et entre perte d’espoir ou sentiment d’abandon et dissociation ont été déjà rapportées (60, 61). Le souvenir de peur associé à un événement traumatique reste stable dans le temps, alors que le souvenir pour l’intensité émotionnelle générale fluctue (62). La peur, l’abandon et l’horreur ne sont pas exclusivement associés aux flash-back. D’autres auteurs comme N. Grey et al. (63) ont donné des exemples soulignant la manière dont les émotions comme la colère, l’humiliation et la culpabilité pouvaient être contenues dans les flash-back, et montrant que ces émotions étaient vécues au moment du traumatisme. 24 Certaines caractéristiques du souvenir traumatique et des réactions aux traumatismes montrent que ces émotions sont essentiellement représentées par les flash-back plutôt que par des formes de souvenirs ordinaires. Ces derniers incorporent des pensées concernant la mort et le fait de mourir qui sont des prédicteurs importants du développement de l’ESPT (5) et l’existence de séquences interconnectées et d’images plutôt que de scènes séparées (6). Comparativement aux approches habituelles des souvenirs traumatiques, le modèle DRT génère des prédictions qui semblent corroborées par certaines données (43). C.R. Brewin (24, 53), avance que la distinction et le type de souvenirs reflèteraient des circuits anatomiques différents : le système des souvenirs ordinaires, verbalement accessibles, dépendrait du processeur hippocampique, qui faciliterait l’intégration au reste des souvenirs autobiographiques, et les flash-back ou les souvenirs accessibles situationnels dépendraient de voies neuronales alternatives qui résulteraient de l’isolement de la base de données autobiographiques. L’étude des souvenirs traumatiques est capable de mener à une véritable compréhension de la nature de l’ESPT et de son traitement. Ces voies de recherche passionnantes sont actuellement en plein essor et débouchent sur une plus grande compréhension des mécanismes de survenue de l’ESPT et des modes de traitement de l’information traumatique, péritraumatique et post-traumatique. Les futurs traitements seront issus de ces explorations. CONCLUSION Les troubles anxieux sont associés à des niveaux de peur et à des attributs physiologiques et comportementaux générés par un contexte ou un événement. Certains auteurs supposent que des dérèglements du système de neurotransmetteur GABAergique expliquent l’étiologie des troubles anxieux ainsi que le large succès du traitement par les benzodiazépines (64). Un certain nombre de systèmes comportementaux et de mémoire, en particulier l’hippocampe et l’amygdale, permettraient à des individus de développer une capacité à contraindre et limiter les réponses de peur secondaires à l’événement initial. Les troubles anxieux résulteraient d’un affaiblissement de ces systèmes, ce qui engendrerait une généralisation de la peur liée à des situations ou des indices non pertinents. Ainsi, un patient souffrant d’un trouble anxieux serait dans l’incapacité de différencier les indices, les contextes environnementaux ou les épisodes associés à la peur et ceux qui ne le sont pas. De nombreux chercheurs considèrent que les troubles anxieux doivent être liés à des modifications hippocampiques et/ou de l’amygdale (65-69). Il est possible que ces modifications soient secondaires à des interactions entre les composantes du système GDE. Chez le sujet anxieux, les changements intervenus au niveau de l’hippocampe et de l’amygdale et/ou leurs liens respectifs ainsi qu’avec d’autres régions cérébrales telles que le diencéphale ou l’hypothalamus seraient à l’origine d’une anxiété généralisée. Une perte du contrôle de l’amygdale et de l’hippocampe sur le diencéphale et les régions hypothalamiques qui opèrent la médiation des La Lettre du Psychiatre - vol. II - n° 1 - janvier-février 2006 p o i nt Mogg K, Mathews A, Weinman J. Selective processing of threat cues in anxiety states: a replication. Behav Res Ther 1989;27:317-23. 12. Mathews A. Why worry? The cognitive function of anxiety. Behav Res Ther 1990;28(6):455-68. 13. Mathews A, Mogg K, Kentish J, Eysenck M. 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Les compulsions sont des profils de réponses répétitives qui surviennent en réponse à certaines obsessions. La moindre velléité du sujet souffrant de TOC de résister à ces comportements compulsifs se traduira par une anxiété importante. Selon la théorie des systèmes de mémoire interactive (70), le TOC serait dû à une altération de la relation entre le striatum dorsolatéral, le cortex préfrontal et l’axe amygdalo-hippocampique. Ces changements d’organisation au sein de ces différents systèmes de mémoire et de comportement seraient dus à des interactions avec les facteurs GDE. Un dysfonctionnement amygdalien ou hippocampique entraînerait une élévation des niveaux d’anxiété. Une disparition de la fonction du cortex préfrontal conduirait à une réduction du contrôle inhibiteur exercé sur les pensées et sur le comportement. Une autre conséquence du dysfonctionnement de cette région serait une augmentation de la domination du système des “habitudes” S-R (stimulus-réponse) du striatum dorsolatéral, qui entraînerait des compulsions, c’est-à-dire des profils de réponses répétitives inappropriées. Un certain nombre d’arguments expérimentaux sont récemment venus étayer cette hypothèse sur le fonctionnement complexe de ces systèmes dans le TOC, qui impliquent des modifications au sein du striatum dorsal, du cortex préfrontal et ■ de l’axe amygdalo-hippocampique (71-77). O S S I E R T H É M A T I Q U E Mi s e a u p o i nt D 36. McNally RJ, Kaspi SP, Riemann BC, Zeitlin SB. Selective processing of threat cues in posttraumatic stress disorder. J Abnorm Psychol 1990;99:396-402. 58. Foa EB, Molnar C, Cashman L. Change in rape narratives during exposure to therapy for posttraumatic stress disorder. J Trauma Stress 1995;8:675-90. 37. Vrana SR, Roodman A, Beckham JC. Elective processing of trauma-relevant 59. 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