TOPIC juin 2006 Pourquoi les entreprises chinoises s’expatrient Cette année encore, le gouvernement chinois a émis le vœu pieux de Le bouillonnement limiter à 16% la croissance des investissements en capital fixe. Mais les de l’économie acteurs privés ou publics n’en font qu’à leur tête avec +26% au premier chinoise… trimestre. L’immobilier, l’automobile et l’acier, toujours fidèles à eux-mêmes, jouent de nouveau les mauvais élèves. Les maires et autres gouverneurs de provinces ne sont pas en reste qui lancent des zones de développement à qui mieux-mieux pour attirer les investisseurs. … s’accompagne d’une concurrence croissante entre les acteurs économiques chinois,… Cette euphorie ne va pas sans frictions. Les usines flirtent dangereusement avec la surchauffe dans bien des cas - et ne parviennent qu’avec difficulté à écouler leurs marchandises auprès des consommateurs chinois même si le marché est très dynamique (consommation des citadins + 15% en 2005 par rapport à 2004). Il en résulte une intense pression sur les prix des produits manufacturés, qui baissent en moyenne nationale de 2 à 3% chaque année depuis cinq ans - dans le secteur automobile par exemple les surcapacités évaluées à 3 millions de véhicules fin 2004 ont conduit à une baisse des prix allant jusqu’à 9% sur certains segments. Dans le même temps, l'adhésion de la Chine à l'OMC en 2001 a aussi contribué à une accentuation de l'ouverture de ses frontières aux produits étrangers. … qui pèse sur les marges. Réussir à s’imposer ou survivre dans cet environnement hyper concurrentiel est une préoccupation de tous les instants. D’où une appétence modérée de beaucoup d’entreprises chinoises pour l’international. Leur développement passe d'abord par la réussite sur leur propre marché et leurs principaux concurrents restent avant tout les autres firmes chinoises. Ceci n’a rien d’étonnant compte tenu du nombre trop important d’acteurs présents dans l’ensemble de l’industrie chinoise - résultat de l'économie planifiée qui a privilégié le développement d’activités industrielles identiques dans chaque province. Dans l’impossibilité d’atteindre une taille critique suffisante, ils ne parviennent ni à réaliser d’économies d'échelle significatives ni à réunir les ressources financières suffisantes pour développer leurs infrastructures de production et de commercialisation ou leur politique marketing et R&D. Seul un nombre restreint d’industries parvient à tirer son épingle du jeu Quelques secteurs, et à émerger de la marmite chinoise pour aller à la conquête du monde. en pleine L’électronique grand public, les composants informatiques, les équipements consolidation, voient émerger des leaders pour qui le marché local devient trop étriqué. télécoms, l’automobile ou bien encore la pétrochimie comptent parmi les heureux élus. La consolidation est parvenue dans ces secteurs à un stade avancé et a donné naissance à des leaders qui dominent leur segment de marché. Visiblement le marché local ne leur suffit plus. Besoin de nouveaux relais de croissance pour certains, besoin de sécuriser l’approvisionnement en matières premières pour d’autres, de contourner les barrières douanières, d’acquérir de nouvelles technologies ou bien encore d’améliorer leurs structures de management, les motivations sont très diverses. Et puis il y a Pékin. Bien que le Plan ne soit plus qu’indicatif depuis Pékin soutient l’an dernier, il est on s’en doute de bon ton de respecter le slogan « Soyez pleinement leur global » que Pékin a lancé depuis trois ans. Les autorités chinoises incitent volonté de s’internationaliser depuis quelques années leurs « champions nationaux » à conquérir des marchés nouveaux que ce soit dans les pays émergents ou développés. Le soutien à cette politique d’internationalisation ouvre des lignes de … leur accorde bien volontiers des crédit très avantageuses et des prêts à faibles taux d’intérêts. Huawei - équipementier télécom concurrent notoire de tous les grands noms du secteur prêts plus qu’avantageux,… sur les marchés émergents - a ainsi bénéficié d’un crédit de 10 mds $ pour couvrir ses premiers frais à l’international dont la première échéance ne devrait intervenir que dans… dix ans. De quoi envisager l’avenir sereinement. Cette évolution du discours officiel vient de se traduire par un … les pousse relâchement des contrôles financiers que Pékin imposait jusque-là sur les fortement à capitaux sortants et qui limitaient à 5 mds $ le montant annuel total investir à d’investissements chinois à l’étranger. Le changement de cap est même radical l’étranger… puisque le Ministère du Commerce veut voir les entreprises chinoises investir 60 mds $ à l’extérieur du territoire en 2010 ! La volonté politique des dirigeants de créer des géants capables de … et paye même rivaliser avec les multinationales occidentales et japonaises se matérialise de sa personne aussi dans l’implication directe des officiels chinois dans les appels d’offre ou pour les aider à les opérations d’acquisitions sur les marchés émergents en particulier. L’Etat s’implanter hors VRP n’est donc pas qu’une spécialité française. De son côté, le BTP profite à des frontières plein des aides indirectes que le gouvernement accorde dans le cadre de l’aide chinoises. au développement. Même des groupes comme Galanz (produits blancs), Geely Son bras armé ? (automobile), Midea (électroménager), ou Lifan (motos), bien La SASAC qu’officiellement privés - l’Etat central détenant moins de 50% du capital n’en restent pas moins d’une façon ou d’une autre dans le giron de l’Etat et sont encouragés à ce titre à suivre la stratégie du « Soyez global ». La plupart appartiennent de près ou de loin à des organismes publics, para-publics ou locaux. De son côté, Pékin reste actionnaire des principales sociétés du pays notamment au travers de la SASAC (Commission d'Administration et de Supervision des Actifs de l'Etat), créée en 2003 pour appuyer la politique du Parti de réformes et d’internationalisation des grandes entreprises. La Banque de Chine, et la Banque chinoise de Développement ont été priées au passage de proposer des solutions de financement et d’assurance aux « champions nationaux ». Les entreprises du pétrole/gaz qui rachètent des actifs ou sont La plupart des impliquées tous azimuts dans des opérations de fusions acquisitions firmes chinoises manquent encore bénéficient ainsi des moyens financiers d’Etat. En 2005, la CNOOC était prête à mettre sur la table 18,5 mds $ pour s’offrir le 4ème pétrolier américain Unocal de ressources - l’affaire ne s’est jamais conclue en raison de l’opposition du Congrès. financières,… Mais dans les autres secteurs, les opérations sont beaucoup plus modestes, de même que l’internationalisation des firmes chinoises est encore faible pour l’instant. La majorité des groupes chinois ne dispose pas de l’assise financière suffisante pour constituer une réelle concurrence pour les multinationales établies. … se heurtent à la mauvaise réputation du « Made in China »,… … ou n’ont pas encore de structures de management adaptées. Mais beaucoup poussent déjà leurs pions. ZTE et Huawei - équipementiers télécoms - sont l’exception qui confirme cette règle. Ils ont réalisé respectivement 36% et 58% de leur chiffre d’affaires à l’étranger en 2005. Mais pour beaucoup d’industriels le chemin est encore long. C’est un investissement lourd que de se faire connaître à l’étranger, d’investir dans des campagnes marketing et dans la publicité. La plupart manquent d’expérience hors de leurs frontières et préfèrent donc se cantonner aux pays limitrophes lorsqu’ils décident d’investir à l’étranger pour ne pas trop s’éloigner de leurs bases arrières. Pour ceux qui tentent l’aventure dans les pays industrialisés, ils se heurtent souvent à la méfiance et à la méconnaissance des consommateurs occidentaux vis-à-vis des marques chinoises. Leur apprentissage des règles du jeu est plus lent que prévu. Leur faible notoriété à l’étranger - seul Haier parvient à accéder au top 100 des marques les plus connues dans le monde -, leur stratégie trop opportuniste et leur manque d’innovation y sont pour beaucoup. Enfin, leur capacité à créer des synergies entre les structures de management chinoises et étrangères atteint vite ses limites comme en témoigne l’expérience de TCL après son rachat du pôle télévision de Thomson en 2004. L’ascension chinoise a favorisé la montée en puissance d’entreprises qui font actuellement leurs armes dans les pays émergents et industrialisés. Elles sont encore peu nombreuses. Mais d’autres sont déjà dans les starting blocks et représentent autant d’opportunités que de menaces potentielles pour nos sociétés. Les Chinois, on le sait, apprennent vite et bien. L’ouverture accélérée de leur marché depuis l’entrée à l’OMC et l’arrivée massive de concurrents étrangers sur le sol chinois leur permet d’appréhender des concepts de management aux normes internationales et d’accéder aux technologies modernes via les multiples joint-ventures en cours. Il y a fort à parier qu’ils sauront avec adresse en tirer le meilleur parti pour se développer à l’international dans les années qui viennent. L.Bougier A noter : Cette newsletter est une introduction à la prochaine étude de HEC Eurasia Institute à paraître en septembre 2006 et qui portera sur les entreprises chinoises en passe de devenir des multinationales. Nous nous sommes intéressés dans cette étude aux stratégies menées par les « champions nationaux » et à l’action de l’Etat chinois. Nous nous sommes arrêtés en particulier sur les opérations des majors chinois dans les matières premières et le pétrole. Ces « champions » sont-ils des partenaires, des concurrents ou les deux à la fois pour nos entreprises ? Telle est la question à laquelle HEC Eurasia Institute tentera de répondre. Des chiffres à prendre avec précaution Il est difficile de se faire une idée claire des investissements chinois par les sources statistiques dont nous disposons. L’analyse de la balance des paiements chinoise indique des variations très contrastées d’année en année, qui ne permettent d’indiquer aucune tendance de moyen terme. Le seul élément certain est une forte augmentation des flux financiers sortants de Chine en 2005, qu’ils soient destinés à des IDE au sens strict, à des investissements de portefeuille, ou à des prêts au commerce extérieur. Les sommes cumulées sur 5 ans (2001-2005) sont en valeur nette de : - investissements directs chinois : 22,4 Md.$ - investissements de portefeuille : 40,9 Md.$ - prêts de soutien au commerce extérieur : 47,1 Md.$ Ces sommes sont encore en moyenne, modestes pour un pays de la taille de la Chine. Les investissements extérieurs chinois mesurés par les flux financiers montants nets (Md.$) Investissements de portefeuille Investissements directs 11,31 12 30 25 10 20 8 6,88 15 6 10 5 4 2,52 1,8 2 0 -5 -0,15 0 2001 2002 2003 2004 2005 -10 -15 -2 Source : Balance des paiements chinois Les investissements extérieurs chinois mesurés par les processus officiels de déclarations montants approuvés (Md.$) Investissements directs en flux annuels Investissements cumulés 60 8 6,9 7 50 5,5 6 40 5 4 30 2,7 3 2,85 20 2 1 0,55 10 0,785 0 0 2000 2001 2002 2003 2004 Source : MOFCOM, Ministère du Commerce chinois 2005