22 | La Lettre du Gynécologue • n° 343 - juin 2009
Les temps forts des JTA 2009
DOSSIER
études épidémiologiques trouvent des résultats à peu
près constants d’une augmentation de découverte
de phlébite chez les femmes sous contraceptifs de
troisième génération comparées à celles utilisant
des contraceptifs de deuxième génération, rien ne
dit qu’il s’agisse d’une différence entre les contra-
ceptions. Peut-être s’agit-il tout simplement d’une
différence entre les femmes prenant tel ou tel type de
contraception. La métaanalyse de Kemmeren trouve
un RR de 1,7 pour les phlébites chez les femmes
sous contraceptifs de troisième génération versus
celles sous contraceptifs de deuxième génération. La
plausibilité biologique a été rapportée par certains
à une augmentation acquise de la résistance à la
protéine C activée sous contraceptifs de troisième
génération, mais rappelons que si la biologie explique
les évidences cliniques ou épidémiologiques, elle ne
suffit pas en elle-même à démontrer quoi que ce
soit. Insistons sur le fait que modifier la voie d’ad-
ministration de l’éthynilestradiol ne change rien au
problème : les femmes prenant soit des patchs soit
des anneaux vaginaux ont le même risque que celles
qui prennent les mêmes doses d’éthynilestradiol
par voie orale.
Quel bilan de coagulation
effectuer avant de prescrire
une contraception hormonale ?
Le risque veineux survient majoritairement la
première année d’utilisation avec un RR à 11 par
rapport à la population non traitée, puis il diminue
ensuite relativement brutalement pour atteindre 2
en début de troisième année (15).
Ce risque veineux révèle, dans la majorité des cas,
une thrombophilie sous-jacente, qui peut être
acquise ou congénitale. Les thrombophilies acquises
entrent dans le cadre de maladies du système, le plus
souvent parlantes cliniquement, avant la prescrip-
tion de la contraception orale. Un bilan biologique
prédictif est inutile, en effet, l’existence même d’une
maladie comme le lupus contre-indique l’utilisation
des estroprogestatifs. Parfois, la phlébite sous pilule
est l’épisode inaugural d’une maladie du système,
comme la maladie de Behçet, et là tout bilan avant
prescription est aussi inutile. Il s’agira toujours d’une
mauvaise surprise.
Dans la population générale, il a été montré qu’il
n’était pas nécessaire de faire un bilan systématique
de la coagulation chez une femme saine clinique-
ment avant la prescription d’un contraceptif oral à
la recherche d’une thrombophilie congénitale. Il a
été évalué (16) que si l’on fait cette recherche afin
de détecter une anomalie de coagulation (n = 525),
le coût pour trouver un cas de déficit en protéine S
(0,4 % de la population testée) serait d’environ
8 000 euros, 3 700 euros pour un cas de déficit en
antithrombine (< 1 %), 1 400 euros pour un déficit
en protéine C (1,5 %) et 400 euros pour dépister un
cas de résistance congénitale à la protéine C activée
(4 %). Le seul dépistage qui pourrait donc se conce-
voir serait celui de la recherche de résistance à la
protéine C activée, mais on a pu calculer aussi qu’il
faudrait faire 10 000 dosages pour trouver 400 défi-
cits en résistance à la protéine C activée et éviter un
seul accident thrombotique, soit un coût de 160 000
euros pour prédire une thrombose.
Nombreux sont les auteurs qui recommandent de
faire une recherche de thrombophilie uniquement
chez des femmes qui ont un antécédent personnel
ou familial de thrombose veineuse. Cela a même été
inclus dans les recommandations de l’Anaes (17).
Ainsi, pour ce qui est des thrombophilies hérédi-
taires, l’interrogatoire avant toute prescription de
pilule doit rechercher l’existence d’accidents throm-
boemboliques chez les femmes apparentées. Malgré
cette recommandation officielle, cette attitude n’est
pas validée à ce jour par une évaluation “fondée sur
les preuves”. Il faut de plus préciser que lorsque l’on
décide de lancer un bilan de thrombophilie celui-ci
est extrêmement lourd et qu’il ne faut pas se limiter
à quelques dosages, car on risque de passer à côté
d’un nombre considérable de cas. Le bilan recher-
chera un anticoagulant circulant, des anticorps anti-
cardiolipine et antibêta 2 GPI, une thrombocytémie,
un déficit en protéine C, protéine S, antithrombine,
ainsi qu’une augmentation du facteur VIII, une muta-
tion G 20210A du facteur II, et principalement une
résistance à la protéine C activée (RCPA) par la
mutation Leyden du facteur V qui touche près de
5 % de la population française en moyenne. Ainsi,
si l’on pratique ce bilan très exhaustif, on trouvera
des facteurs de thrombophilie chez 5 à 10 % de la
population, chiffre qui peut même monter jusqu’à
25 % dans certaines régions d’Europe du Nord.
Par ailleurs, nombre de femmes prendront la pilule
en étant porteuses d’une thrombophilie sans jamais
avoir de thrombose ou que très tardivement. Cela
met en évidence la nécessité d’un troisième facteur
associé à la prise de pilule et à la thrombophilie, à
savoir un facteur déclenchant comme le port d’un
plâtre ou une intervention chirurgicale par exemple.
De plus, peut-on interdire l’utilisation d’une contra-
ception orale estroprogestative chez près de 10 %
des femmes sous prétexte qu’elles sont porteuses
Références
bibliographiques
1. Elkik F, Gompel A, Mercier-
Bodard C. Effects of percutaneous
estradiol and conjugated estrogens
on the level of plasma proteins and
triglycerides in postmenopausal
women. Am J Obstet Gynecol 1981;
143:888-90.
2. Caine YG, Bauer KA, Barzegar S et
al. Coagulation activation following
estrogen administration to post-
menopausal women. Thrombosis
Haemostas 1992;68:392-5.
3. Oger E, Alhenc-Gelas M, Lacut K
et al. Differential effects of oral and
transdermal estrogen/progestagen
regimens on sensitivity to activated
protein c among postmenopausal
women. Arterioscler Thromb Vasc
Biol 2003;23:1671-6.
4. Stanczyk FZ, Grimes DA. Sex
hormone-binding globulin: not a
surrogate marker for venous throm-
boembolism in women using oral
contraceptives. Contraception
2008;78:201-3.
5. Herkert O, Kuhl H, Sandow J et al.
Sex steroids used in hormonal treat-
ment increase vascular procoagu-
lant activity by inducing thrombine
receptor expression. Circulation
2001;104:2826-31.
6. Devor M, Barret-Connor E,
Renvall et al. Estrogen replace-
ment therapy and the risk of venous
thrombosis. Am J Med 1992;92:
275-82.
7. Daly E, Vessey MP, Hawkins MM
et al. Risk of venous thromboem-
bolism ,in users of hormone repla-
cement therapy. Lancet 1996;
348:977-80.
8. Cushman M, Kuller LH, Prentice R
et al. Estrogen plus progestin and
risk of venous thrombosis. JAMA
2004;292:1573-80.
9. Grady D, Wenger NK,
Herrington D et al. Postmenopausal
hormone therapy increases risk for
venous thromboembolic disease.
The HERS study. Ann Intern Med
2000;132: 689-96.
10. Scarabin PY, Oger E, Plu-
Bureau G et al. Differential asso-
ciation of oral and transdermal
oestrogen replacement therapy
with venous thromboembolism risk.
Lancet, 2003;362:428-32.