II – Mais des taux d'intérêt faibles ne suffisent pas à assurer la croissance, car d'autres
facteurs interviennent
Des taux d'intérêt bas n'ont pas toujours d'effet significatif sur l'investissement des entreprises (A), et la croissance dépend
d'autres facteurs plus déterminants (B). Enfin, il faut prendre en compte le fait que des taux d'intérêt faibles sont porteurs de
risques pour une économie (C).
A. L'impact des taux d'intérêt dépend des structures de financement de l'économie
Le passage d'une économie d'endettement à une économie de marché financiers diminue le
poids des taux d'intérêt dans la conjoncture économique. Depuis les années 1980, les entreprises
ont de plus en plus recours à l'autofinancement et au financement externe direct. L'investissement
est alors peu sensible aux variations du taux d'intérêt (document 3). Les profits deviennent une
variable plus importante (capacité d'autofinancement).
Illustration : On voit ainsi qu'au Royaume-Uni, pays dans lequel l'endettement des ménages et des
entreprises est fort, une hausse des taux d'intérêt a un effet fortement récessif, et donc qu'une baisse
des taux peut permettre de soutenir la croissance. A l'inverse, en Allemagne, où les structures de
financement passent moins par l'endettement, l'impact de la hausse des taux est beaucoup plus
modéré, et on peut donc penser qu'une baisse des taux aura un effet plus faible sur la croissance
(document 1).
B. La croissance peut-être forte du fait d'autres déterminants plus importants que les taux
d'intérêt
L'importance de la demande comme moteur de la croissance . Lorsque la demande est soutenue,
les taux d'intérêt ont un impact plus réduit sur l'investissement des entreprises et donc sur la
croissance (document 3) Inversement, en période de marasme économique, et de demande faible,
une baisse des taux d'intérêt ne suffit pas à relancer l'investissement des entreprises qui ne sont pas
assurées d'écouler leur production. Document 6 : 1985-1993 : malgré la baisse des taux d'intérêt
réels aux États-Unis, le taux d'investissement diminue fortement. Inversement, entre 1993 et 1999,
les taux d'intérêt réels augmentent fortement, et le taux d'investissement également, ce qui stimule
la croissance économique. Cela s'explique par le dynamisme de la demande. Si la demande
anticipée est forte, les entreprises investissent quelque soit le niveau des taux d'intérêt, car la
rentabilité de l'investissement est bonne et qu'il faut augmenter les capacités de production pour
satisfaire la totalité de la demande.
La demande dépend également de l'optimisme des agents économiques . Quelque soit le niveau
des taux d'intérêt, si les ménages manquent de confiance en l'avenir, ils consomment peu (épargne
de précaution) et les chefs d'entreprises n'investissent pas. La baisse des taux d'intérêt ne permet
dans ce cas pas de relancer la croissance. Exemple : 2001-2002 en France (documents 2 et 5).
C. Des taux d'intérêt faibles peuvent engendrer de l'inflation néfaste à la croissance
économique
Une baisse durable et importante des taux d'intérêt se traduit par une accélération de l'inflation.
En effet, augmenter les liquidités dans l'économie revient à augmenter la demande (voir I). Mais
l'offre est rigide à court terme : la hausse de la demande se traduit donc par des tensions sur les prix
(théorie quantitative de la monnaie). Cette hausse des prix pénalise la compétitivité de l'économie,
et freine la croissance.
De plus, du fait de taux d'intérêt bas, le taux de change tend à se déprécier (la monnaie est moins
désirée par les investisseurs car les placements sont moins rémunérateurs, elle est moins demandée
sur le marché des changes, donc sa valeur diminue). Cette baisse de la valeur de la monnaie se
traduit donc par une inflation importée puisque les produits importés coûtent plus chers en
monnaie nationale.
Conclusion : Les taux d'intérêt faibles créent un environnement favorable à la consommation et à l'investissement, et
permettent de soutenir la demande en période de ralentissement économique. En cela, ils sont une condition de la croissance.
Mais leur poids tend à se réduire avec les transformations du financement de l'économie, et le passage à une économie de
marchés financiers. De plus, ils ne sont pas le seul déterminant de la croissance, et ne peuvent assurer à eux seuls un niveau de
croissance élevé : la demande, les profits passés des entreprises, ou encore la confiance en l'avenir sont tout aussi essentiels.
Enfin, une baisse des taux d'intérêt fait peser le risque d'un retour de l'inflation, préjudiciable à la croissance économique.
On comprend donc pourquoi les autorités monétaires, en particulier européennes, hésitent à adopter une politique monétaire
très souple.